Tribunal administratif de Nantes, - asile - 15 jours, 29 décembre 2023, n° 2318689

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, - asile - 15 jours, 29 déc. 2023, n° 2318689
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2318689
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 30 décembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 et 28 décembre 2023, Mme B, représentée par Me Neraudau, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 27 novembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l’examen de sa demande d’asile;

2°) d’enjoindre au préfet de Maine-et-Loire à titre principal de lui délivrer une attestation de demandeuse d’asile en procédure normale, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans les meilleurs délais ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 800 euros hors taxes à verser à Me Neraudau, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

— la décision de remise aux autorités italiennes est entachée d’incompétence ;

— elle n’est pas suffisamment motivée et méconnaît donc l’article L. 572-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 car il n’est pas établi qu’elle a été informée dès le début de la procédure et qu’elle a reçu une information complète dans une langue qu’elle comprend ;

— elle méconnaît l’article 5 du même règlement car il n’est pas établi que l’entretien a été mené par une personne qualifiée identifiée ;

— elle n’a pas été précédée d’un examen complet de sa situation personnelle et de sa vulnérabilité ;

— elle méconnaît le paragraphe 2 de l’article 3 du même règlement en raison des défaillances systémiques dans l’accueil et le traitement des demandeurs d’asile en Italie ;

— elle est entachée d’une erreur de droit, d’une erreur de fait et d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article 17 du même règlement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.

Mme B a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2023.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

— le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

— le règlement d’exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Rimeu pour exercer les pouvoirs que lui confère l’article L. 572-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 28 décembre 2023 à 14h30 :

— le rapport de Mme Rimeu,

— et les observations de Me Neraudau, représentant Mme B, en présence de celle-ci assistée d’un interprète.

Le préfet de Maine-et-Loire, régulièrement convoqué à l’audience, n’était ni présent ni représenté.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C, ressortissante guinéenne née le 25 mars 2002, déclare être entrée en France le 29 septembre 2023. Le 23 octobre 2023, sa demande d’asile a été enregistrée au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales de l’intéressée a révélé qu’elle avait préalablement présenté une demande de protection internationale en Italie, où Mme B avait été identifiée en ce sens le 25 septembre 2023. Saisies par les autorités françaises le 31 octobre 2023, les autorités italiennes ont accepté de la reprendre en charge le 10 novembre 2023. Par un arrêté du 27 novembre 2023, dont Mme B demande l’annulation, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer aux autorités italiennes pour l’examen de sa demande d’asile.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : « 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux (). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable () 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen. / Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable. ».

3. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et notamment son article 4, et par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 3.

4. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l’Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l’absence de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l’intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu’à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l’intéressé serait susceptible de faire l’objet d’une mesure d’éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

5. Mme B soutient que le préfet a méconnu les dispositions précitées du 2. de l’article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Dans son arrêté attaqué du 27 novembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire a relevé que les autorités italiennes, saisies le 31 octobre 2023 d’une demande de reprise en charge de Mme B en application du règlement précité, l’avaient acceptée le 10 novembre 2023, qu’elles devaient être regardées comme étant responsables de l’examen de sa demande d’asile et que l’intéressée n’établissait pas « de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d’asile en cas de remise aux autorités responsables de l’examen de sa demande d’asile ».

6. Toutefois, indépendamment des considérations liées à la situation sanitaire du pays, la requérante produit une lettre circulaire du 5 décembre 2022, adressée à l’ensemble des services des autres Etats chargés de l’application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, par laquelle le ministère de l’intérieur italien a indiqué à ces Etats qu’ils étaient priés de suspendre temporairement les transferts vers l’Italie, à l’exception de ceux liés à la réunification familiale des mineurs non accompagnés, à compter du 6 décembre 2022, pour des raisons liées à l’indisponibilité des installations d’accueil.

7. En application des dispositions précitées de l’article 3-2 du règlement n° 604/2013, il appartient à l’autorité préfectorale, lorsqu’elle détermine l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale, d’apprécier s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile ou dans les conditions d’accueil des demandeurs.

8. Le préfet de Maine-et-Loire fait valoir d’une part que l’intéressée n’apporte pas d’éléments circonstanciés établissant que sa demande ne sera pas traitée conformément aux règles en vigueur dès lors qu’elles ont expressément donné leur accord à sa reprise en charge et d’autre part que la circulaire du 5 décembre 2022 emportait pour seul objet de reprogrammer les activités d’accueil pour les ressortissants des pays tiers ainsi que les autorités italiennes l’ont précisé dans une circulaire du 7 décembre 2022.

9. Toutefois, cette dernière circulaire, qui confirme le motif énoncé dans la circulaire du 5 décembre 2022 ayant justifié la suspension temporaire des transferts vers l’Italie, précise qu’outre la prise en considération du manque de places d’accueil disponibles, la reprogrammation des activités d’accueil est justifiée par le nombre important d’arrivées en Italie de demandeurs d’asile en provenance de pays tiers à l’issue de traversées des frontières maritimes et terrestres. Aucune précision ne ressort de cette circulaire sur la date de reprise éventuelle des activités d’accueil en conditions normales, ni de la levée de la suspension temporaire des transferts vers l’Italie. Ainsi, en produisant la lettre circulaire du 5 décembre 2022 par laquelle l’Etat italien, par une information officielle diffusée à tous les Etats membres, a fait état de l’indisponibilité des installations d’accueil sur son territoire à compter du 6 décembre 2022, la requérante apporte la preuve que ses craintes relatives au défaut de protection en Italie sont fondées, nonobstant la circonstance que l’Italie a donné un accord explicite à sa reprise en charge le 10 novembre 2023 et alors que le préfet de Maine-et-Loire n’établit pas que l’indisponibilité des installations d’accueil invoquée par l’Italie avait cessé à la date du 27 novembre 2023 à laquelle il a décidé le transfert de Mme B vers ce pays. Il s’ensuit que doit être accueilli le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions précitées du 2. de l’article 3 du règlement n° 604/2013 en retenant qu’il n’y avait pas de sérieuses raisons de croire qu’il existait sur tout le territoire de la république italienne des défaillances systémiques dans la procédure d’asile ou dans les conditions d’accueil des demandeurs d’asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 27 novembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer vers l’Italie.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

11. Eu égard au motif d’annulation retenu, l’exécution de la présente décision implique nécessairement que le préfet de Maine-et-Loire délivre à Mme B, ainsi qu’elle le demande, une attestation de demande d’asile en procédure normale, dans un délai de quinze jours.

Sur les frais liés à l’instance :

12. Mme B a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Neraudau, avocate du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge de celui-ci la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 27 novembre 2023 du préfet de Maine-et-Loire est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à Mme B une attestation de demande d’asile en procédure normale, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L’Etat versera à Me Emmanuelle Neraudau, la somme de 1 000 (mille) euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Neraudau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État.

Article 4  : Le présent jugement sera notifié à Mme C B, au préfet de Maine-et-Loire et à Me Emmanuelle Neraudau.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La magistrate désignée,

S. RIMEULa greffière,

M. A

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun

contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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