Tribunal administratif de Nîmes, 3ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2003221

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nîmes, 3e ch., 30 déc. 2022, n° 2003221
Juridiction : Tribunal administratif de Nîmes
Numéro : 2003221
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2020 et des mémoires enregistrés les 10 octobre, 7 novembre et 25 novembre 2022, Mme E B, représentée par Me Anav-Arlaud, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier d’Orange à lui verser la somme de 2 000 euros toutes causes de préjudices confondus résultant de sa prise en charge au sein de cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier d’Orange aux dépens  ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d’Orange la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— blessée à l’épaule gauche par une chute à son domicile, elle n’a pas été correctement prise en charge par le service des urgences du centre hospitalier d’Orange, qui a pratiqué des manipulations inadéquates sur son articulation, ce qui constitue une faute médicale de nature à engager la responsabilité de cet établissement ;

— elle a souffert d’une fracture de la tête humérale déplacée secondairement qui l’a privée de la possibilité de bénéficier d’une réduction de la fracture et d’une ostéosynthèse, compte tenu d’un risque majeur de nécrose ; elle a dû se voir poser une prothèse.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 novembre 2020, 5 octobre et 7 décembre 2022, le centre hospitalier d’Orange, représenté par Me Zandotti, conclut à l’indemnisation des souffrances endurées par la requérante à hauteur de 2 000 euros.

Il soutient que Mme B n’a jamais donné suite à sa proposition d’indemnisation amiable en ce sens.

Par des mémoires enregistrés les 19 novembre 2020, 13 octobre et 25 novembre 2022, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Vaucluse, représentée par Me Kostova, demande au tribunal de condamner le centre hospitalier d’Orange à lui verser la somme de 6 614,58 euros en remboursement de ses débours avec intérêts à compter du jour de sa demande, outre une indemnité forfaitaire de gestion de 1 091 euros et à ce qu’il soit mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

— l’ordonnance n°2003201 du 1er mars 2021 par laquelle le juge des référés a ordonné une expertise médicale ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la santé publique ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus, au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme A,

— les conclusions de Mme Lellig, rapporteure publique,

— les observations de Me Ly Tong Pao, représentant le centre hospitalier d’Orange.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 novembre 2018, Mme B, alors âgée de 66 ans, a été transportée au service des urgences du centre hospitalier d’Orange après une blessure à l’épaule gauche occasionnée par une chute à son domicile. Suite au rejet tacite de sa demande préalable indemnitaire reçue par le centre hospitalier d’Orange le 28 juin 2020, Mme B a saisi le juge des référés qui a ordonné le 1er mars 2021 une expertise médicale, dont le rapport a été déposé le 2 novembre 2021, et a saisi le tribunal aux fins d’indemnisation de ses préjudices. La caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse fait également valoir sa créance.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute () ».

3. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue.

4. Il résulte de l’instruction, principalement de l’expertise médicale du Dr C, chirurgien, dont le rapport a été déposé le 2 novembre 2021, qu’au cours de sa prise en charge par le service des urgences du centre hospitalier d’Orange le 24 novembre 2018 pour une fracture-luxation de l’épaule gauche, Mme B n’a pas été examinée par le chirurgien orthopédiste d’astreinte, qui a préconisé, par téléphone, qu’il soit procédé à une réduction de cette luxation. L’expert déplore d’abord que ce spécialiste n’ait pas consulté les examens complémentaires de la patiente avant de rendre son avis, ce qui résulte des déclarations de l’intéressée mais n’est pas contesté par le centre hospitalier d’Orange. Il relève surtout que l’urgentiste n’a pas diagnostiqué l’échec de cette manipulation et a laissé sortir sa patiente le jour même avec un traitement antalgique et une attèle. Présentant des douleurs persistantes à l’épaule, Mme B a consulté en urgence, le 27 novembre 2018, le chirurgien-orthopédiste d’un établissement privé de soins, qui a constaté que la tête humérale avait été secondairement déplacée au cours de la tentative de réduction. Le lendemain 28 novembre 2018, le praticien a posé une prothèse inversée de l’épaule gauche à la patiente, ce qui a consisté en une prise en charge adaptée de sa pathologie. Dès lors, en laissant Mme B regagner son domicile sans avoir identifié l’échec de la manipulation réalisée sur son épaule gauche, le centre hospitalier d’Orange a commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité.

5. Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise judiciaire, que Mme B, qui a consulté le service des urgences du centre hospitalier d’Orange le 24 novembre 2018 suite à sa blessure à l’épaule mais n’a bénéficié de l’intervention chirurgicale dont elle avait besoin que le 28 novembre 2018, a subi un retard fautif de prise en charge de quatre jours. Toutefois, sa blessure nécessitait de toutes façons la mise en place d’une prothèse totale de l’épaule gauche de sorte que ce retard n’a pas entrainé de dégradation de son état de santé ni compromis ses chances de le voir s’améliorer. Mme B aurait ainsi eu en tout état de cause besoin d’une chirurgie, d’une attèle et d’antalgiques.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les frais hospitaliers, pharmaceutiques, d’appareillage et de transport engagés par la CPAM de Vaucluse au bénéfice de Mme B, ne résultent pas de la faute médicale commise par le centre hospitalier d’Orange mais de l’état de santé antérieur de la patiente, en l’espèce, sa blessure accidentelle à l’épaule gauche. Les conclusions présentées par la CPAM de Vaucluse, subrogée dans les droits de Mme B, ne peuvent donc qu’être rejetées.

En ce qui concerne les souffrances endurées :

7. Mme B a subi, du fait du retard fautif de prise en charge de sa pathologie pendant quatre jours, des souffrances évaluées par l’expert à 2 sur une échelle de 7 pendant cette période. Ce préjudice sera justement évalué à la somme de 1 800 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d’Orange doit être condamné à verser à la requérante, qui ne fait pas état d’autres préjudices, la somme de 1 800 euros.

Sur l’indemnité forfaitaire de gestion :

9. Le présent jugement rejette les conclusions indemnitaires de la CPAM Vaucluse, Elle n’est donc pas fondée à demander que lui soit allouée une somme au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les frais d’expertise :

10. En application des dispositions de l’article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires de l’expertise du Dr D C, prescrite par ordonnance n°2003201 du 1er mars 2021, liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros TTC par l’ordonnance du 8 novembre 2021, incluant le montant de l’allocation provisionnelle accordée par l’ordonnance du 17 mars 2021, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier d’Orange.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier d’Orange une somme de 1 500 euros à verser à Mme B au même titre.

D E C I D E :

Article 1 er : Le centre hospitalier d’Orange versera à Mme B la somme de 1 800 euros.

Article 2  : Les frais et honoraires de l’expertise du Dr D C, prescrite par ordonnance n°2003201 du 1er mars 2021, liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros TTC par l’ordonnance du 8 novembre 2021, incluant le montant de l’allocation provisionnelle accordée par l’ordonnance du 17 mars 2021, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier d’Orange.

Article 3  : Le centre hospitalier d’Orange versera à Mme B une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4  : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme E B, au centre hospitalier d’Orange et à la caisse commune de sécurité sociale de Vaucluse.

Copie pour information en sera transmise au Dr D C, expert.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Peretti, président,

M. Parisien, premier conseiller,

Mme Bertrand, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

B. A

Le président,

P. PERETTILe greffier,

D. BERTHOD

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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