Tribunal administratif de Nîmes, 1ère chambre, 30 décembre 2022, n° 2203317

  • Vie privée·
  • Justice administrative·
  • Territoire français·
  • Pays·
  • Titre·
  • Liberté fondamentale·
  • Stipulation·
  • Enfant·
  • Convention européenne·
  • Sauvegarde

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Nîmes, 1re ch., 30 déc. 2022, n° 2203317
Juridiction : Tribunal administratif de Nîmes
Numéro : 2203317
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2022, M. A D, représenté par Me Ezzaïtab, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 1er août 2022 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d’être reconduit d’office ;

2°) d’enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dès la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et, dans l’attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d’un mois suivant la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard  ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision portant refus de titre de séjour est entachée d’incompétence ;

— elle est entachée d’une insuffisance de motivation révélant un défaut d’examen particulier de sa situation ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 décembre 2022, la clôture de l’instruction a été reportée et fixée au 15 décembre 2022.

Des pièces enregistrées le 16 décembre 2022, non communiquées, ont été produites pour M. D.

M. D a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus, au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme B,

— et les observations de Me Ezzaïtab, représentant M. D.

Considérant ce qui suit :

1. M. D, ressortissant arménien né le 22 décembre 1975, déclare être entré en France le 2 octobre 2014 de manière irrégulière. Le 18 mai 2020, il a sollicité la délivrance d’un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » auprès de la préfecture du Gard. La préfète du Gard a rejeté cette demande par un premier arrêté du 13 décembre 2021, lequel a été annulé par un jugement du tribunal du 28 juin 2022 au motif qu’il était entaché d’un défaut d’examen. Suite à une nouvelle instruction de la demande de M. D, la préfète du Gard, par un arrêté du 1er août 2022, a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D demande au tribunal l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Pour l’application de ces stipulations, l’étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d’apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu’il a conservés dans son pays d’origine.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D déclare être entré en France en octobre 2014 et qu’il y a épousé Mme C le 24 décembre 2016. M. D a reconnu l’enfant de cette dernière qui est né en 2011, et de leur union est né un deuxième enfant en 2015. L’épouse du requérant bénéficie d’un droit au séjour régulier sur le territoire français depuis 2011, d’abord en raison de son état de santé jusqu’en 2017, puis depuis cette date au titre de sa vie privée et familiale. Cette dernière a donc vocation à rester de manière durable en France, ainsi que les enfants du couple qui sont tous les deux nés en France et semblent ne jamais s’être rendus en Arménie. La cellule familiale de M. D est donc ancrée sur le sol français et il doit être regardé comme y ayant déplacé le centre de sa vie privée et familiale. Le requérant est donc fondé à soutenir que la préfète du Gard a méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

4. Il en résulte que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la décision portant refus de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

5. Eu égard aux motifs du présent jugement et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que la situation de M. D se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l’intervention de l’arrêté attaqué, l’exécution de ce jugement implique nécessairement la délivrance d’un titre de séjour « vie privée et familiale » à l’intéressé. Il y a lieu, en conséquence, d’enjoindre à la préfète du Gard de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu, en revanche, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais de l’instance :

6. M. D a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et

37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Wafae Ezzaïtab, avocat de M. D, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l’Etat le versement à cet avocat la somme de 1 000 euros. La présente instance n’ayant pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l’article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées à ce titre par le requérant doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 er : L’arrêté du 1er août 2022 par lequel la préfète du Gard a refusé de délivrer un titre de séjour à M. D, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé.

Article 2  : Il est enjoint à la préfète du Gard de délivrer à M. D un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3  : L’Etat versera à Me Ezzaïtab la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ezzaïtab renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 4  : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5  : Le présent jugement sera notifié à M. A D et à la préfète du Gard.

Délibéré après l’audience du 20 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Antolini, président,

M. Lagarde, premier conseiller,

Mme Lahmar, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

L. B

Le président,

J. ANTOLINI

La greffière,

N. LASNIER

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Nîmes, 1ère chambre, 30 décembre 2022, n° 2203317