Tribunal administratif d'Orléans, 3ème chambre, 20 décembre 2023, n° 2103416

  • Amortissement·
  • Pharmacie·
  • Actif·
  • Plan comptable·
  • Impôt·
  • Fonds de commerce·
  • Utilisation·
  • Fond·
  • Désertification·
  • Pharmaceutique

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Orléans, 3e ch., 20 déc. 2023, n° 2103416
Juridiction : Tribunal administratif d'Orléans
Numéro : 2103416
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 23 décembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 septembre 2021 et le 21 juillet 2022, M. C et Mme A B, représentés par Me Dalbepierre, avocat, demandent au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2017 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de leur maintenir le bénéfice du sursis de paiement.

Ils soutiennent que :

— le départ en retraite de M. B en 2026, médecin généraliste à Savigny-en-Sancerre, et dont l’activité compose 25 % du chiffre d’affaires de l’officine conduira à sa fermeture en l’absence notamment de successeur ;

— l’exercice de cette profession connaît des difficultés inhérentes au phénomène de désertification médicale ;

— les mesures ponctuelles prises par le gouvernement ne permettent pas de redynamiser leur officine ;

— la tendance est à la fermeture des pharmacies alentour au profit de l’installation d’une maison médicale à Sancerre ainsi qu’à Cosne-sur-Loire ;

— est constatée une baisse continue de la valeur du fonds commercial des pharmacies dans les communes voisines.

Par des mémoires enregistrés le 10 mars 2022 et le 27 février 2023, le directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire et du département du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens invoqués par la société requérante n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de commerce ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le plan comptable général modifié ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Dicko-Dogan,

— et les conclusions de Mme Doisneau-Herry, rapporteure publique.

Les parties n’étaient ni présentes ni représentées.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A B, qui est gérante et associée unique de la SELARL Pharmacie de la Place dont le siège est situé à Savigny-en-Sancerre, a été imposée à l’impôt sur le revenu 2017, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à raison de sa quote-part des bénéfices sociaux de la pharmacie, dans les conditions prévues à l’article 8 du code général des impôts, après que la SELARL Pharmacie de la Place a fait l’objet d’une vérification de comptabilité sur la période du 1er juillet 2016 au 30 juin 2018, à l’issue de laquelle l’administration fiscale, par une proposition de rectification du 26 septembre 2019, lui a notifié les rehaussements de l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2017. Par un courrier du 21 octobre 2019, M. et Mme B ont présenté des observations. L’imposition supplémentaire à l’impôt sur les revenus de 2017 a été mise en recouvrement le 31 décembre 2020 pour un montant de 33 563 €. Leur réclamation contentieuse, déposée le 12 février 2021, a été rejetée le 4 août 2021. Par leur requête, les époux B demandent, d’une part, la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2017 ainsi que des pénalités correspondantes, et, d’autre part, le maintien du bénéfice du sursis de paiement qui leur a été accordé.

2. Aux termes du 1 de l’article 39 du code général des impôts : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant () notamment : () / 2° () les amortissements réellement effectués par l’entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d’après les usages de chaque nature d’industrie, de commerce ou d’exploitation () / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice () ». L’article 38 sexies de l’annexe III à ce même code, dans sa rédaction applicable en l’espèce, dispose que : « La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment () les fonds de commerce () donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts ». Aux termes de l’article 38 quater de l’annexe III au code général des impôts « les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt ».

3. Il résulte de ces dispositions qu’un élément d’actif incorporel identifiable, y compris un fonds de commerce, ne peut donner lieu à une dotation à un compte d’amortissement que s’il est normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l’entreprise, que ses effets bénéfiques sur l’exploitation prendront fin à une date déterminée. En outre, cet élément d’actif incorporel, lorsqu’il fait partie des éléments constitutifs d’un fonds de commerce et qu’il est représentatif d’une certaine clientèle attachée à ce fonds, ne peut donner lieu à une dotation spécifique d’amortissement que si, en raison de ses caractéristiques, il est dissociable à la clôture de l’exercice des autres éléments représentatifs de la clientèle attachée au fonds. Ainsi, la réalisation d’un amortissement déductible est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives.

4. Le fonds de commerce afférent à la SELARL Pharmacie de la Place géré par Mme B, a été inscrit à l’actif de l’entreprise pour le montant de 720 170 euros à la date de sa création en 2002. Elle soutient que la dépréciation constatée par son officine de pharmacie à la suite, d’une part, de son propre départ à la retraite ainsi que de celui de son époux en 2026, et d’autre part, les difficultés de cession d’une officine pharmaceutique justifient qu’en 2017 Mme B ait procédé à l’amortissement de son fonds de commerce à hauteur de 10 % de sa valeur inscrite. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction, et la requérante n’en justifie pas en se bornant à invoquer la situation économique et une crise sans précédent du secteur pharmaceutique se traduisant par un nombre important de fermetures de pharmacies en seize ans, qu’il était normalement prévisible, lors de la création en 2002 du fonds commercial attaché à la pharmacie de Mme B que ses effets bénéfiques sur l’exploitation prendraient fin à une date déterminée. Par suite, Mme B ne pouvait légalement réaliser en 2017 l’amortissement litigieux.

5. Aux termes de l’article 214-1 du plan comptable général susvisé, dans sa rédaction issue de la modification datée du 23 novembre 2015 et homologuée le 8 décembre suivant : « Un actif immobilisé dont la durée d’utilisation est limitée fait l’objet d’un amortissement () / Le caractère limité de la durée d’utilisation d’un actif est déterminé, soit à l’origine, soit en cours d’utilisation, au regard des critères, généralement physiques, techniques, juridiques, ou économiques, inhérents à l’utilisation par l’entité de l’actif considéré () ». L’article 214-12 du même plan comptable général prévoit que : « L’amortissement d’un actif commence à la date de début de consommation des avantages économiques qui lui sont attachés. Cette date correspond généralement à la mise en service de l’actif ». L’article 214-13 de ce plan comptable général précise en outre que : « L’amortissement d’un actif est la répartition systématique de son montant amortissable en fonction de son utilisation. / L’amortissement est déterminé par le plan d’amortissement établi en fonction de la durée et du mode d’amortissement propres à chaque actif amortissable ». Enfin, l’article 214-14 du plan comptable général ajoute que « Le plan d’amortissement est défini à la date d’entrée du bien à l’actif. Toute modification significative de l’utilisation prévue, par exemple durée ou rythme de consommation des avantages économiques attendus, entraîne la révision prospective du plan d’amortissement ».

6. Un amortissement exceptionnel peut être pratiqué à partir de l’exercice à la clôture duquel est constatée une dépréciation effective et définitive de l’élément d’actif correspondant, entraînée par des circonstances exceptionnelles ayant pour effet de ramener la valeur réelle de cet élément d’actif à un montant inférieur à sa valeur nette comptable.

7. Mme B, qui a procédé pour la première fois en 2017 à l’amortissement du fonds de commerce de son officine à hauteur de 10 % de sa valeur, comme il est exposé au point 4, fait valoir en vue de justifier l’amortissement en litige que la population de sa zone de chalandise a connu une baisse significative du fait de la désertification médicale et de la création de deux pôles médicaux dans les communes de Sancerre et de Cosne-sur-Loire, que le départ en retraite en 2026 de son mari, M. B, dont l’activité représente près de 25 % du chiffre d’affaires de l’officine, et celui probable d’autres médecins de la commune auront une incidence significative sur les résultats de la pharmacie et que la crise du secteur pharmaceutique est sans précédent et se traduit par un nombre important de fermetures de pharmacies entre 2003 et 2019. Toutefois, ces circonstances ne revêtent pas un caractère exceptionnel de nature à fonder, en cours d’utilisation du fonds de commerce, un amortissement exceptionnel au sens des dispositions mentionnées au point 5 et précisées au point 6. Par suite, Mme B n’était pas fondée à mettre en place pour la première fois en 2017 un amortissement du fonds de commerce de la Pharmacie de la Place.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin de décharge présentées par les époux B doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis de paiement :

9. Le présent jugement statuant sur le fond de l’affaire, les conclusions présentées par M. et Mme B, sur le fondement de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales, à fin de maintenir le sursis de paiement qui leur ont été accordé, ont perdu leur objet. Par suite, il n’y a pas lieu d’y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions relatives au sursis de paiement présentées par M. et Mme B.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C et Mme A B et à la directrice régionale des finances publiques du Centre-Val de Loire et du département du Loiret.

Délibéré après l’audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Guével, président,

M. Lardennois, premier conseiller,

Mme Dicko-Dogan, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2023.

La rapporteure,

Fatoumata DICKO-DOGAN

Le président,

Benoist GUÉVEL

Le greffier,

Alexandre HELLOT

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif d'Orléans, 3ème chambre, 20 décembre 2023, n° 2103416