Tribunal administratif d'Orléans, 3ème chambre, 26 avril 2024, n° 2303963

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Orléans, 3e ch., 26 avr. 2024, n° 2303963
Juridiction : Tribunal administratif d'Orléans
Numéro : 2303963
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 avril 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2023, M. B A, représenté par Me Cariou, avocate, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d’éloignement ;

2°) d’enjoindre au préfet de Loir-et-Cher, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale », et dans cette attente de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travail ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— l’arrêté attaqué est entaché d’incompétence dès lors que la délégation de signature du 25 janvier 2021 ne permet pas à M. E de signer les décisions et obligations complémentaires résultant des dispositions des articles L. 721-7 et L. 721-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, entrées en vigueur le 1er mai 2021 ;

— il est insuffisamment motivé ;

— son droit à être entendu et l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ont été méconnus ;

— le défaut de consultation préalable de la commission du titre de séjour entache d’illégalité la décision attaquée ;

— la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l’article 6 (5) de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2023, le préfet de Loir-et-Cher conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun moyen de la requête n’est fondé.

M. A a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 1er septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. Lardennois a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B A, ressortissant algérien né le 20 février 1981, est, selon ses déclarations, entré de manière irrégulière sur le territoire français en février 2011. Se maintenant irrégulièrement sur le territoire français, il a été interpellé par les forces de l’ordre et a fait l’objet, le 8 avril 2016, d’une mesure d’éloignement à laquelle il n’a pas déféré. Le 22 juillet 2022, il a sollicité des services de la préfecture de Loir-et-Cher son admission au séjour au titre des stipulations des articles 6 (1) et 6 (5) de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou, à défaut son admission exceptionnelle au titre de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par l’arrêté attaqué du 7 juillet 2023, le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

2. En premier lieu, l’arrêté attaqué du 7 juillet 2023 a été signé par M. Nicolas Hauptmann, secrétaire général de la préfecture, qui disposait d’une délégation de signature aux termes d’un arrêté du 25 janvier 2021 signé de M. D C, préfet de Loir-et-Cher, publié le jour même au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Loir-et-Cher, à l’effet de signer « tous arrêtés, décisions () relevant des attributions de l’Etat dans le département () / A ce titre cette délégation comprend donc, notamment, la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers () ». Par ailleurs, les dispositions relatives aux décisions portant obligation de présentation aux services de police ou unités de gendarmerie et de remise de passeport ont été introduites dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile antérieurement au 25 janvier 2021 et ont fait l’objet d’une nouvelle codification entrée en vigueur le 1er mai 2021. La circonstance que la délégation de signature serait intervenue avant une modification du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est, en tout état de cause, sans incidence sur la compétence du secrétaire général de la préfecture de Loir-et-Cher. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué, qui vise le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, notamment ses articles L. 611-1 (3°), L. 612-1, L. 721-7 et L. 721-8, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, rappelle les conditions d’entrée et de séjour du requérant en France, sa situation personnelle et familiale et comporte, de manière non stéréotypée, les motifs pour lesquels le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par ailleurs, en application des dispositions du second alinéa de l’article L. 613-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la motivation de l’obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n’implique pas, dès lors que, comme en l’espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d’assortir le refus de séjour d’une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation des actes administratifs. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

4. En troisième lieu, si aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union. / Ce droit comporte notamment : / – le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre () », il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que cet article s’adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l’Union. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance par une autorité d’un Etat membre est inopérant. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice que le droit d’être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l’Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l’autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d’entendre l’intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Par ailleurs, une atteinte au droit d’être entendu n’est susceptible d’affecter la régularité de la procédure à l’issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu avoir une influence sur le contenu de la décision. En l’espèce, M. A, qui a déposé une demande de titre de séjour, ne précise pas en quoi il disposait d’informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu’il a été empêché de porter à la connaissance de l’administration avant que ne fussent prise les décisions contestées et qui, si elles avaient pu être communiquées en temps utile, auraient été de nature à y faire obstacle. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du droit du requérant à être entendu doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : « () Le certificat de résidence d’un an portant la mention » vie privée et familiale « est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou de plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d’étudiant () ».

6. M. A soutient qu’il réside sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Toutefois, les seules attestations qu’il produit au soutien de cette allégation, dont certaines datent de 2016, sont insuffisamment probantes pour établir la réalité et la continuité d’une résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans. Par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour attaquée méconnaît les stipulations précitées de l’article 6 (1) de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. En cinquième lieu, le 5 de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prévoit la délivrance de plein droit d’un certificat de résidence d’un an portant la mention « vie privée et familiale » au « ressortissant algérien, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus () ».

8. M. A se prévaut du fait qu’une « bonne partie » de sa famille réside sur le territoire français et qu’il a développé depuis plus de dix ans de présence un important réseau amical. Toutefois, d’une part, il ne justifie par aucun élément entretenir la moindre relation avec les membres de sa famille dont il prétend qu’ils résident en France. D’autre part, par la seule production de dix-huit attestations, au demeurant peu circonstanciées et dont six datent de 2016, il ne justifie pas d’une intégration sociale particulière. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour contestée ne porte pas au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 6 (5) de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

9. En sixième lieu, aux termes de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » salarié « , » travailleur temporaire « ou » vie privée et familiale « , sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1 () ». Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l’article L. 435-1 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d’une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l’appui d’une demande d’admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l’accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d’admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n’interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l’ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressé, l’opportunité d’une mesure de régularisation.

10. Il ressort des pièces du dossier qu’à la date de décision attaquée, M. A, célibataire et sans charge de famille, ne peut se prévaloir d’une particulière intégration dans la société française par la production de quelques attestations amicales et le fait qu’il dispose d’une promesse d’embauche pour un emploi de boucher au titre duquel son employeur a déposé une demande d’autorisation de travail et a obtenu l’avis favorable du service de la main d’œuvre étrangère, alors qu’il n’établit pas être dépourvu d’attaches dans son pays d’origine où il a vécu jusqu’à l’âge de près de trente ans. Par suite, il n’est pas fondé à soutenir que le préfet, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, a porté une appréciation manifestement erronée sur sa situation.

11. En septième lieu, aux termes de l’article L. 432-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l’autorité administrative : / 1° Lorsqu’elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance () / 4° Dans le cas prévu à l’article L. 435-1 ».

12. D’une part, dès lors que les dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens et qu’il n’y a pas s’agissant de son point 4 de stipulations d’effet équivalent dans l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, M. A ne saurait utilement soutenir que le préfet, en ne saisissant pas la commission du titre de séjour en application de ces dispositions, a commis un vice de procédure.

13. D’autre part, il résulte des dispositions citées au point 8 que le préfet n’est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues pour l’obtention d’un titre de séjour de plein droit en application des dispositions de ce code, ou des stipulations équivalentes de l’accord franco-algérien, auxquels il envisage de refuser la délivrance d’un titre de séjour. Dès lors que, ainsi qu’il résulte de ce qui a été dit précédemment aux points 6 et 8, M. A ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d’un titre de séjour, le préfet n’était pas tenu de soumettre sa demande à la commission du titre de séjour.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. A doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction et celles présentées au titre des frais de l’instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au préfet de Loir-et-Cher.

Délibéré après l’audience du 12 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Dorlencourt, président,

Mme Le Toullec, première conseillère,

M. Lardennois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

Le rapporteur,

Stéphane LARDENNOIS

Le président,

Frédéric DORLENCOURT

Le greffier,

Alexandre HELLOT

La République mande et ordonne au préfet de Loir-et-Cher en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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