Tribunal administratif de Paris, 30 décembre 2020, n° 1712047/2-1

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 30 déc. 2020, n° 1712047/2-1
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1712047/2-1

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

N°1712047/2-1 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

SOCIÉTÉ AIR HORIZONT LTD

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Mme E.

Président-rapporteur

___________ Le tribunal administratif de Paris
M. Y. (2e Section – 1re Chambre) Rapporteur public

___________

Audience du 15 décembre 2020 Décision du 30 décembre 2020 ___________

[…]

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 juillet 2017, le 31 juillet 2017, le 15 décembre 2017, le 14 mars 2018, le 8 juin 2020 et le 1er septembre 2020, la société Air Horizont Ltd, représentée par Me C., demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision n°17/134-1606TLS016 du 4 avril 2017 par laquelle l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé une amende administrative d’un montant de 20 000 euros;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance du principe d’impartialité garanti par l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article L.6361-14 du code des transports et l’article R. 227-2 du code de l’aviation civile étant contraires à ces stipulations ;

- la décision attaquée méconnaît l’article L. 6361-12 du code des transports ;

- le rapporteur permanent n’a pas fait preuve d’impartialité en méconnaissance de l’article 3 de la délibération du 28 avril 2010 portant règlement intérieur de l’ACNUSA ; la procédure a ainsi été menée en méconnaissance de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.



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- le montant de l’amende est excessif et emporte des conséquences néfastes pour les compagnies aériennes dont l’activité est touchée par l’épidémie Covid 19.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 août 2017, le 5 janvier 2018 et le 29 mars 2018, le 20 novembre 2018, le 29 juillet 2019, le 31 août 2020 et le 21 septembre 2020, le président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, représentée par la SCP Lyon- Caen, Thiriez, conclut au rejet de la requête et demande, dans le dernier état de ses écritures, que la société Air Horizont Ltd soit condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 31 juillet 2020, la société Air Horizont Ltd, représentée par Me C., a demandé la réouverture des débats.

Par ordonnance du 22 septembre 2020, la clôture d’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 octobre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-675 QPC du 24 novembre 2017,

- la décision du Conseil d’Etat n° 432969 du 29 juillet 2020,

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

- l’ordonnance 2010-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre administratif,

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif,

- l’arrêté ministériel du 28 mars 2011 portant restriction d’exploitation de l’aérodrome Toulouse-Blagnac,

- le code des transports,

- le code de l’aviation civile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique, tenue en présence de Mme L., greffière:

- le rapport de Mme E.,

- les conclusions de M. Y., rapporteur public,

- et les observations de Me C., représentant la société Air Horizont Ltd et de Me Sarrazin, représentant l’ACNUSA.



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Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n°17/134-1606TLS016 du 4 avril 2017, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a infligé à la société Air Horizont Ltd une amende administrative d’un montant de 20 000 euros au titre d’un manquement à l’article 1er de l’arrêté ministériel du 28 mars 2011 portant restriction d’exploitation de l’aérodrome Toulouse-Blagnac. Par la présente requête, la société Air Horizont Ltd demande l’annulation de cette décision.

Sur la décision du 4 avril 2017 par laquelle l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires a infligé à la société Air Horizont Ltd une amende administrative :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 4 avril 2017 :

2. Aux termes de l’article L. 6361-14 du code des transports, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 30 juin 2018 : « Les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 6142-1 constatent les manquements aux mesures définies par l’article L. 6361-12. Ces manquements font l’objet de procès-verbaux qui, ainsi que le montant de l’amende encourue, sont notifiés à la personne concernée et communiqués à l’autorité. / A l’issue de l’instruction, le président de l’autorité peut classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières à la commission des faits le justifient ou que ceux-ci ne sont pas constitutifs d’un manquement pouvant donner lieu à sanction. / (…) / (…) / Un rapporteur permanent et son suppléant sont placés auprès de l’autorité. / Au terme de l’instruction, le rapporteur notifie le dossier complet d’instruction à la personne concernée. Celle-ci peut présenter ses observations au rapporteur. / L’autorité met la personne concernée en mesure de se présenter devant elle ou de se faire représenter. Elle délibère valablement au cas où la personne concernée néglige de comparaître ou de se faire représenter. / Après avoir entendu le rapporteur et, le cas échéant, la personne concernée ou son représentant, l’autorité délibère hors de leur présence. / Les membres associés participent à la séance. Ils ne participent pas aux délibérations et ne prennent pas part au vote. ».

3. L’article R. 227-2 du code de l’aviation civile dispose : « Le rapporteur permanent clôt l’instruction menée par les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article R. 227-1. Il communique le dossier d’instruction à la personne concernée en lui précisant les faits reprochés, leur qualification, les textes applicables à ces faits et l’amende encourue et en l’invitant à présenter ses observations dans un délai d’un mois. / A réception de ces observations ou, à défaut, à l’issue de ce délai, le rapporteur permanent communique le dossier au président de l’autorité. Ce dernier fait convoquer la personne concernée au minimum un mois avant la séance au cours de laquelle l’affaire doit être examinée en lui communiquant le dossier complet de l’instruction qui comporte une notification des griefs retenus, les textes qui les fondent et le montant de l’amende encourue et en lui indiquant qu’elle peut se présenter ou se faire représenter à la séance. / Dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 227-4, le président de l’autorité peut prononcer le classement sans suite de la procédure. Le rapporteur permanent notifie cette décision à la personne concernée. ».

4. L’article 3 de la délibération du 28 avril 2010 portant règlement intérieur de l’ACNUSA dispose : « Déclaration sur l’honneur de certains agents de l’Autorité. Le rapporteur permanent et son suppléant signent une déclaration sur l’honneur dans laquelle ils prennent



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l’engagement solennel d’exercer leurs fonctions en pleine indépendance, en toute impartialité et en conscience. ».

5. Enfin, aux termes de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. ».

6. Si la société Air Horizont Ltd soutient que le rapporteur permanent de l’ACNUSA n’est ni impartial ni indépendant dès lors qu’il cumule ses fonctions avec celles de responsable de la direction juridique de l’Autorité et intervient à ce titre devant les juridictions administratives dans le cadre de contentieux opposant des compagnies aériennes à l’ACNUSA, rédige les mémoires en défense et les courriers aux sociétés concernées, cette circonstance ne remet pas en cause son indépendance lorsqu’il exerce les fonctions de rapporteur permanent garantie par l’article 3 de la délibération précitée du 28 avril 2010 qui prévoit qu’il exerce ses compétences « en pleine indépendance , en toute impartialité et en conscience» et ne révèle pas, en elle-même, un manquement au principe d’impartialité. La société requérante ne fait d’ailleurs état d’aucun manquement précis de nature à caractériser, en l’espèce, un manque d’indépendance ou d’impartialité du rapporteur permanent et il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu’au cours de la procédure d’instruction ou au cours de la séance à laquelle elle a été convoquée, celui-ci a fait preuve de partialité à son égard alors que la société requérante ne conteste pas avoir bénéficié de la procédure contradictoire prévue par les article L. 6361-14 du code des transports et R. 227-2 du code de l’aviation civile qui imposent la notification du dossier complet d’instruction, la possibilité de présenter des observations au rapporteur et d’être convoqué à la séance qui examine l’affaire. Enfin, il est constant que le rapporteur permanent n’a pas participé au délibéré lors de cette séance. Dès lors, les moyens tirés du défaut d’impartialité et d’indépendance du rapporteur permanent doivent être écartés.

7. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l’article L. 6361-14 du code des transports, dans leur version applicable au présent litige, qu’à l’issue de l’instruction, le président de l’ACNUSA a le pouvoir de classer sans suite une procédure de sanction engagée à l’encontre d’une personne ayant fait l’objet d’un constat de manquement aux mesures définies par l’article L. 6361-12 du même code s’il estime que les faits ne sont pas constitutifs d’un manquement pouvant donner lieu à sanction ou que les circonstances particulières à la commission des faits justifient un tel classement. Il résulte de l’instruction que dans les procédures concernant la société requérante, il a fait usage de son pouvoir de poursuite des manquements constatés. Dans ces conditions, la participation du président de l’ACNUSA aux débats et au vote à l’issue desquels a été infligée une sanction à cette société alors qu’il devait être regardé comme ayant refusé de procéder au classement sans suite du dossier, a méconnu les exigences attachées au principe d’impartialité rappelées par l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de ce qui précède que la décision de sanction attaquée en date du 4 avril 2017 a été adoptée par une formation composée en méconnaissance du principe d’impartialité et doit, en conséquence, être annulée.



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En ce qui concerne l’office du juge :

9. La méconnaissance du principe d’impartialité n’entache pas d’irrégularité l’ensemble de la procédure suivie devant l’ACNUSA et n’affecte ni l’engagement de cette procédure, ni l’instruction et les poursuites. Dans les circonstances de l’espèce, et alors que les moyens invoqués par la société requérante sur la régularité de la procédure ayant précédé le prononcé des sanctions doivent être écartés ainsi qu’il vient d’être dit, il y a lieu pour le juge administratif, eu égard à son office de plein contentieux, de statuer sur les poursuites en prenant une décision qui se substitue à celle qui avait été prise.

10. En premier lieu, l’article L. 6361-12 du Code des transports dispose que: « L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l’encontre :/ 1° De la personne exerçant une activité de transport aérien public au sens de l’article L. 6412-1 ; / 2° De la personne au profit de laquelle est exercée une activité de transport aérien au sens de l’article L. 6400-1 ;/ 3° De la personne exerçant une activité aérienne, rémunérée ou non, autre que celles mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;/ 4° Du fréteur dans le cas défini par l’article L. 6400-2,/ ne respectant pas les mesures prises par l’autorité administrative sur un aérodrome fixant:/ a) Des restrictions permanentes ou temporaires d’usage de certains types d’aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes, de la classification acoustique, de leur capacité en sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage ; / b) Des restrictions permanentes ou temporaires apportées à l’exercice de certaines activités en raison des nuisances environnementales qu’elles occasionnent ;/ c) Des procédures particulières de décollage ou d’atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol ;/ d) Des règles relatives aux essais moteurs ;/ e) Des valeurs maximales de bruit ou d’émissions atmosphériques polluantes à ne pas dépasser ». Aux termes de l’article L. 6400-2 du même code : « L’affrètement d’un aéronef est l’opération par laquelle un fréteur met à la disposition d’un affréteur un aéronef avec équipage (…) ».

11. Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les amendes administratives encourues en cas de manquement aux mesures énoncées au titre de la prévention des nuisances aéroportuaires peuvent être infligées par l’ACNUSA à l’une ou l’autre des personnes visées aux 1° à 4° de l’article L. 6361-12, dont l’affréteur en cas de manquement imputable à un aéronef faisant l’objet d’un affrètement. Ce moyen doit donc être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 6361-13 du code des transports, dans sa version alors en vigueur : « Les amendes administratives mentionnées à l’article L. 6361-12 ne peuvent excéder, par manquement constaté, un montant de 1 500 € pour une personne physique et de 20 000 € pour une personne morale. S’agissant des personnes morales, ce montant maximal est porté à 40 000 € lorsque le manquement concerne :/ 1° Les restrictions permanentes ou temporaires d’usage de certains types d’aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes ou de la classification acoustique ;/ 2° Les mesures de restriction des vols de nuit (…) ».

13. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 28 mars 2011 portant restriction d’exploitation de l’aérodrome de Toulouse-Blagnac (Haute-Garonne) : « En vue de réduire les nuisances sonores autour de l’aérodrome de Toulouse-Blagnac (Haute-Garonne), les



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restrictions d’exploitation suivantes sont décidées sur cette plate-forme : V. – 1° Sous les mêmes réserves, aucun aéronef équipé de turboréacteurs dont la certification acoustique répond aux normes du chapitre 3 avec une marge cumulée inférieure à 13 EPNdB ne peut : ― atterrir entre 0 heure et 6 heures, heures locales ; ― quitter le point de stationnement en vue d’un décollage entre 0 heure et 6 heures, heures locales (…) ».

14. Il résulte de l’instruction, notamment du procès-verbal de constat de manquement dressé le 27 juin 2016 par des agents de la direction générale de l’aviation civile, et n’est pas contesté, qu’un l’appareil B737-400, relevant des aéronefs certifiés chapitre 3 avec une marge cumulée inférieure à 13 EPNdB, de la compagnie Air Horizont assurant le vol HAT522 a atterri le 13 juin 2016 à 02h46, heure locale, sur l’aérodrome Toulouse-Blagnac en méconnaissance de l’article 1er de l’arrêté ministériel du 28 mars 2011 précité. Dans ces conditions, il y a lieu de prononcer une amende administrative à l’encontre de la société requérante.

15. Eu égard aux nuisances occasionnées aux riverains pour un atterrissage intervenu en pleine nuit à 2h46 avec un écart de 166 minutes par rapport à l’horaire requis, et en tenant compte de la circonstance qu’il s’agit de premier manquement, il y a lieu de prononcer à l’encontre de cette société une amende de 20 000 euros. Si la société requérante soutient que l’épidémie de Covid-19 a entrainé une baisse importante de son chiffre d’affaires, elle n’apporte aucune justification en particulier comptable ou financière à l’appui de ses allégations se bornant à produire un courrier faisant état d’une baisse importante d’activité entre mars et août 2020.

Sur les frais liés au litige :

16. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la société requérante une somme à verser à l’ACNUSA en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par l’ACNUSA doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 4 avril 2017 du président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires est annulée.

Article 2 : Une amende administrative d’un montant de 20 000 euros est prononcée à l’encontre de la société Air Horizont Ltd.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l’ACNUSA présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.



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Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Me C., mandataire de la société Air Horizont Ltd et

à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, mandataire de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.

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