Tribunal administratif de Paris, 1re section - 1re chambre - oqtf 6 sem., 3 octobre 2022, n° 2214304

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 1re sect. - 1re ch. - oqtf 6 sem., 3 oct. 2022, n° 2214304
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2214304
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 7 octobre 2022

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 1er juillet et le 9 septembre 2022 M. E B, représenté par Me Ouelhadj, demande au tribunal :

1°) de l’admettre à l’aide juridictionnelle provisoire :

2°) d’annuler l’arrêté du 20 juin 2022 par lequel le préfet de police l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l’issue de ce délai ;

3°) d’enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation en vue d’une admission exceptionnelle au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que :

S’agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— elle a été signée par une autorité incompétente

— elle est insuffisamment motivée ;

— elle a été prise au terme d’une procédure irrégulière dès lors que son droit à être entendu, garanti par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a été méconnu ;

— il dispose d’un droit au maintien sur le territoire national dès lors que la décision de rejet de la Cour nationale du droit d’asile ne lui a jamais été notifiée.

S’agissant de la décision fixant le pays de destination :

— elle est insuffisamment motivée ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2022, le préfet de police, représenté par Me Termeau, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme A en application de l’article R. 776-13-3 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique en présence de Mme Ramphort, greffière d’audience :

— le rapport de Mme A,

— les observations de Me Ouelhadj, représentant M. B.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant bangladais né le 10 août 1987 est entré en France, le 3 septembre 2020 selon ses déclarations. Il a présenté une demande d’asile le 24 septembre 2020. Par une décision du 22 juillet 2021 notifiée le 28 juillet 2021, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. Cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d’asile le 7 mars 2022. Par un arrêté du 20 juin 2022, le préfet de police l’a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité. M. B, demande au tribunal d’annuler ces décisions.

Sur l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

2. Aux termes du premier alinéa de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence () l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée () par la juridiction compétente ou son président. ». Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer, en application de ces dispositions, l’admission provisoire de M. B au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, la décision attaquée mentionne les considérations de fait et de droit sur lesquels elle se fonde. Elle vise notamment l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et fait état d’éléments relatifs à la situation personnelle du requérant. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de police n’était pas tenu de faire état de tous les éléments relatifs à sa situation personnelle dont il avait connaissance mais seulement des faits qu’il jugeait pertinents pour justifier le sens de sa décision. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, par un arrêté n° 2021-00991 du 27 septembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2021-505 du 27 septembre 2021, le préfet de police, a donné à M. D C, chef du 12éme bureau, délégation à l’effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d’absence ou d’empêchement d’autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elles n’ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l’acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

5. En troisième lieu, si les dispositions de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement telle qu’une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement invoquer le principe général du droit de l’Union, relatif au respect des droits de la défense, et qui implique que l’autorité préfectorale, avant de prendre à l’encontre d’un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l’intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu’il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu’elle n’intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l’autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d’entendre l’intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. A cet égard, lorsqu’il présente une demande d’asile, l’étranger, en raison même de l’accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu’en cas de rejet de sa demande d’asile, il pourra faire l’objet d’un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d’une mesure d’éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d’asile, d’apporter à l’administration toutes les précisions qu’il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l’administration d’apprécier son droit au séjour au regard d’autres fondements que celui de l’asile. Il lui est loisible, tant au cours de l’instruction de sa demande, qu’après que l’office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d’asile eurent statué sur sa demande d’asile, de faire valoir auprès de l’administration toute information complémentaire utile.

6. M. B, dont la demande d’asile avait fait l’objet d’une décision de rejet par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 juillet 2021 et par la Cour nationale du droit d’asile, le 12 mai 2022 ne pouvait ignorer qu’il était susceptible de faire l’objet d’une mesure d’éloignement par les autorités compétentes. De plus, il n’établit pas qu’il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu’il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la mesure d’éloignement attaquée. Enfin, il n’est pas établi, ni même allégué, qu’il aurait disposé d’autres informations tenant à sa situation personnelle qu’il aurait été empêché de porter à la connaissance de l’administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d’éloignement contestée et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l’édiction d’une telle mesure. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe fondamental du droit d’être entendu, tel qu’énoncé au 2 de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu’il se trouve dans les cas suivants : () 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l’étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu’il ne soit titulaire de l’un des documents mentionnés au 3° (). » Aux termes de l’article L. 542-1 du même code : « En l’absence de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l’article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu’un recours contre la décision de rejet de l’office a été formé dans le délai prévu à l’article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d’asile ou, s’il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ».

8. M. B fait valoir qu’il disposait d’un droit à se maintenir sur le territoire français dès lors que la décision de la CNDA ne lui a pas été notifiée. Il ressort de la fiche TelemOfpra qui fait foi jusqu’à preuve du contraire que la décision de rejet de sa demande par la CNDA a été lue en audience publique le 15 mai 2022, soit antérieurement à la décision attaquée. Par suite, en application des dispositions précitées, M. B ne disposait plus du droit à se maintenir sur le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, l’arrêté attaqué vise en particulier l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions applicables du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il est également fait état de sa situation au regard de cet article. Par suite, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée.

10. En second lieu, aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. ».

11. Si M. B dont la demande d’asile a été rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d’asile, soutient que sa vie serait en danger en cas de retour dans son pays d’origine, il n’apporte toutefois aucun élément de nature à établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions d’annulation présentées par M. B doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction doivent également être rejetées.

D É C I D E:

Article 1er : M. B est admis au bénéfice à l’aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. M. E B , à Me Orhant et au préfet de police.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2022 .

La magistrate désignée,

S. ALa greffière,

A. Ramphort

La République mande et ordonne au préfet de police en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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