Tribunal administratif de Paris, 5e section - 2e chambre, 1er décembre 2022, n° 2220509

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 5e sect. - 2e ch., 1er déc. 2022, n° 2220509
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2220509
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Autorisation
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 octobre et 3 novembre 2022,

M. A B, représenté par Me Lelou, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 9 mai 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une mesure d’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

2°) d’enjoindre au préfet de police, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S’agissant des moyens communs à l’ensemble des décisions :

— le signataire de l’arrêté était incompétent ;

— le préfet n’a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

— l’arrêté est insuffisamment motivé ;

— le préfet a entaché son arrêté d’un vice de procédure en ne saisissant pas pour avis la commission du titre de séjour ;

— le préfet ne l’a pas invité à présenter ses observations avant de prendre l’arrêté, en méconnaissance de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

S’agissant de la décision de refus d’admission au séjour :

— le préfet a commis une erreur d’appréciation de la menace à l’ordre public ;

— le préfet a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

S’agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision de refus d’admission au séjour ;

— elle méconnait l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le préfet a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

S’agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

— le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’il n’a pas pris en compte les quatre critères prévus à l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la durée de l’interdiction est disproportionnée ;

S’agissant de l’inscription au fichier SIS :

— cette inscription sera annulée en raison de l’illégalité des autres décisions.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2022, le préfet de police, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués par M. B ne sont pas fondés.

Un mémoire a été enregistré le 14 novembre 2022 pour M. B.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Rebellato, rapporteur,

— et les observations de Me Fadier, représentant M. B.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, né le 4 juillet 1988, ressortissant tunisien, est entré en France en 2014 sous couvert d’un visa long séjour valant tire de séjour mention « étudiant ». Après avoir fait ses études en France il a été titulaire d’un titre de séjour portant la mention « salarié » valable du 26 avril 2017 au 25 avril 2018 puis d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » valable du 26 avril 2014 au 25 avril 2022. Le 15 mars 2022, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour au regard des dispositions des articles L. 421-2 et

L. 426-17 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par l’arrêté attaqué du 9 mai 2022, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une mesure d’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

2. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure de refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour et d’éloignement et ne dispensent pas l’autorité compétente d’examiner, d’après l’ensemble des circonstances de l’affaire, si la présence de l’intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace pour l’ordre public. Lorsque l’administration se fonde sur l’existence d’une telle menace, il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi d’un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu’elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

3. La décision refusant à M. B, le renouvellement de son titre de séjour a été prise au motif que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public. Pour estimer que la présence en France du requérant constitue une menace pour l’ordre public, le préfet de police s’est fondé, comme l’indique la décision attaquée, sur la circonstance que le requérant avait été condamné le 4 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris à 350 euros d’amende pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance. Toutefois, cette seule condamnation, alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait été condamné pour d’autres faits n’est pas de nature à elle seule à faire regarder la présence en France de M. B comme constituant une menace pour l’ordre public. Dans ces conditions, en estimant qu’à la date de l’arrêté attaqué, la présence du requérant en France constituait une menace pour l’ordre public, le préfet de police a entaché son arrêté d’une erreur d’appréciation.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que la décision portant refus de renouvellement titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et interdisant au requérant, le retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois, doivent être annulées.

5. Eu égard au motif d’annulation retenu, le présent jugement implique nécessairement que M. B soit muni d’un titre de séjour portant la mention « salarié ». Il y a lieu, dès lors, sous réserve d’un changement de circonstances de droit ou de fait, d’enjoindre au préfet de police de procéder à cette délivrance dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du préfet de police du 9 mai 2022 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B un titre de séjour portant la mention « salarié » dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat versera une somme de 1 000 euros à M. B en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au préfet de police.

Délibéré après l’audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gros, président,

M. Feghouli, premier conseiller,

M. Rebellato, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

Le rapporteur,

J. REBELLATO

Le président,

L. GROS

La greffière,

S. PORRINAS

La République mande et ordonne au préfet de police en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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