Tribunal administratif de Paris, 5e section - 4e chambre, 27 janvier 2023, n° 2001371

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 5e sect. - 4e ch., 27 janv. 2023, n° 2001371
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2001371
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 25 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance de dessaisissement du 25 octobre 2019, enregistrée au greffe du tribunal le 24 janvier 2020, le tribunal des pensions militaires d’invalidité de Paris a transmis au tribunal la requête présentée par M. A B et enregistrée le 21 octobre 2019, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l’ordre administratif pris pour l’application de l’article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Par cette requête et des mémoires, enregistrés le 1er juillet 2022 et le 26 août 2022, M. A B, représenté par Me Tandonnet, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision non datée, reçue le 14 octobre 2019, par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande, reçue le 18 juillet 2019, de revalorisation de sa pension militaire d’invalidité ;

2°) de revaloriser sa pension militaire d’invalidité en la calculant sur la base de l’indice 369,50 afférent au grade équivalent au sien de maître principal de la marine nationale à compter des arrérages échus depuis le 1er janvier 2016.

Il soutient que :

— sa requête est recevable, le ministre ne pouvant se prévaloir des dispositions de l’article L. 154-4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre dès lors qu’il ne demande pas la révision de sa pension mais sa revalorisation à l’indice correspondant au grade équivalent au sien dans la marine nationale, que l’indice appliqué ne figure pas sur l’arrêté de concession de la pension, dont la preuve de la notification n’est pas rapportée, mais uniquement sur le certificat d’inscription au grand livre de la dette publique dont le ministre ne rapporte pas plus la preuve de la notification, alors que la déclaration préalable de mise en paiement qu’il a signée le 5 avril 2013 ne mentionne pas le délai de recours, qui n’a donc pas commencé à courir, que sa requête porte sur la décision de rejet de sa demande du 18 juillet 2019 de revalorisation indiciaire de sa pension sur le fondement des articles 1er du premier protocole additionnel et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui impliquent le droit à un recours effectif au sens de l’article 13 de cette convention, que le ministre ne peut se prévaloir de la jurisprudence issue de la décision du Conseil d’Etat du 13 juillet 2016 faute de justifier de la notification de l’arrêté de pension ;

— la différence de traitement opérée par le décret du 5 septembre 1956 et la loi du 30 décembre 1987 entre les pensionnés de l’armée de terre et de l’aviation d’une part et ceux de la marine d’autre part, faute d’être justifiée, est contraire au principe d’égalité, comme l’a jugé le Conseil d’Etat dans sa décision n° 328631 du 8 juin 2011, et constitue une discrimination prohibée par l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, redoublée par la discrimination résultant du décret du 10 mai 2010 qui a réalisé l’alignement des pensions uniquement pour celles concédées à partir de son entrée en vigueur au lendemain de sa publication au Journal officiel le 12 mai 2010 ;

— la revalorisation doit porter, en application de l’article L. 151-3 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, sur les arrérages échus les trois années précédant celle de sa demande, soit à compter du 1er janvier 2016.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 août 2022 et le 30 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— à titre principal, la requête est tardive et donc irrecevable ;

— à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ;

— le décret n° 59-327 du 20 février 1959, notamment son article 5 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Julinet, premier conseiller ;

— et les conclusions de M. Degand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A B, né le 1er février 1952, engagé volontaire le 17 décembre 1970, admis dans le corps des sous-officiers de l’armée de terre et rayé des contrôles le 6 mars 1993 au grade d’adjudant-chef, est titulaire, depuis le 7 janvier 2002, d’une pension militaire d’invalidité définitive au taux de 65 %, concédée par un arrêté du 30 mars 1993. Le 18 juillet 2019, il a demandé la revalorisation de sa pension sur la base de l’indice 369,50 afférent au grade équivalent au sien de maître principal de la marine nationale. Par une décision non datée reçue le 14 octobre 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par sa requête, il demande l’annulation de cette décision et la revalorisation de sa pension militaire d’invalidité en la calculant sur la base de l’indice 369,50 afférent au grade équivalent au sien de maître principal de la marine nationale à compter des arrérages échus depuis le 1er janvier 2016.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l’article L. 24 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : « Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées, sous réserve de la confirmation ou modification prévues à l’alinéa ci-après, par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu’il délègue à cet effet (). / Les concessions ainsi établies sont confirmées ou modifiées par un arrêté conjoint du ministre des anciens combattants et victimes de guerre et du ministre de l’économie et des finances. La concession ne devient définitive qu’après intervention dudit arrêté. () / Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux militaires et marins de carrière (), pour lesquels la pension est liquidée () par le ministre d’Etat chargé de la défense nationale (), la constatation de leurs droits incombant au ministre des anciens combattants et victimes de la guerre. Ces pensions sont concédées par arrêté signé du ministre de l’économie et des finances ». D’une part, aux termes de l’article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions dans sa rédaction applicable à la date de la notification de la décision attaquée : « L’intéressé peut, dans un délai de six mois, se pourvoir devant le tribunal des pensions contre la décision prise en vertu soit du premier alinéa, soit du dernier alinéa de l’article L. 24 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. / Dans les cas prévus aux trois premiers alinéas de l’article L. 24 et sauf en ce qui touche les mesures d’expertise, la procédure est suspendue jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois ». Ces dispositions, qui instaurent au demeurant un délai de recours contentieux supérieur à celui de droit commun, ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, le principe de non-discrimination garanti par l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. D’autre part, aux termes de l’article L. 78 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : « Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu’une erreur matérielle de liquidation a été commise / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l’arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne l’état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d’un statut légal générateur de droits / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai, dans les mêmes formes que la concession, sur l’initiative du ministre liquidateur ou à la demande des parties, et par voie administrative si la décision qui avait alloué la pension définitive ou temporaire n’avait fait l’objet d’aucun recours () ».

3. En outre, le décret du 5 septembre 1956 relatif à la détermination des indices des pensions et accessoires de pensions alloués aux invalides au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre a fixé les indices de la pension d’invalidité afférents aux grades des sous-officiers de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la gendarmerie à un niveau inférieur aux indices attachés aux grades équivalents dans la marine nationale.

4. Le décalage défavorable entre l’indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l’armée de terre, de l’armée de l’air ou de la gendarmerie et l’indice correspondant au grade équivalent au sien des personnels de la marine nationale, lequel ne résulte ni d’une erreur matérielle dans la liquidation de sa pension, ni d’une inexactitude entachant les informations relatives à sa personne, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d’une pension militaire d’invalidité. La demande présentée par le titulaire d’une pension militaire d’invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l’intéressé détenait dans l’armée de terre, l’armée de l’air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l’indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit ainsi être formée dans le délai de six mois fixé par l’article 5 du décret du 20 février 1959. Passé ce délai de six mois ouvert au pensionné pour contester l’arrêté lui concédant sa pension, l’intéressé ne peut demander sa révision que pour l’un des motifs limitativement énumérés aux 1° et 2° de l’article L. 78 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. Ce délai de recours contentieux court à compter du jour où la décision primitive, prise en application du premier alinéa de l’article L. 24 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, a été notifiée au pensionné dans les formes prévues à l’article L. 25 du même code ou, à défaut, à compter du jour où l’arrêté par lequel cette pension a été concédée à titre définitif, en application du deuxième alinéa du même article L. 24, a été régulièrement notifié à l’intéressé.

5. Enfin, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 25 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : « La notification des décisions prises en vertu de l’article L. 24, premier alinéa, du présent code, doit mentionner que le délai de recours contentieux court à partir de cette notification et que les décisions confirmatives à intervenir n’ouvrent pas de nouveau délai de recours ». Aux termes de l’article R. 421-5 du code de justice administrative : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ». Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.

6. Il résulte de l’instruction que, s’il n’est pas justifié de la notification régulière à M. B de l’arrêté du 30 mars 1993 par lequel sa pension militaire d’invalidité lui a été concédée, il a signé la déclaration préalable à la mise en paiement de cette pension le 5 avril 1993 et a ainsi certifié avoir reçu, au plus tard à cette date, le certificat d’inscription de sa pension au Grand livre de la dette publique, lequel mentionnait l’indice de calcul de la pension concédée. Ce document, qui fait clairement apparaître la situation exacte de M. B, ne l’a pas, contrairement à ce qu’il soutient, induit en erreur sur l’étendue de ses droits, alors qu’aucune obligation n’existe à la charge de l’administration d’indiquer spontanément le décalage défavorable entre l’indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l’armée de terre, de l’armée de l’air ou de la gendarmerie et l’indice correspondant au grade équivalent au sien des personnels de la marine nationale. Dès lors, et alors même que la différence de traitement alléguée est contraire au principe d’égalité et au principe de non-discrimination prévu à l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la demande par l’intéressé de révision de la pension dont il bénéficie, le 18 juillet 2019, était tardive, et la requête, enregistrée le 21 octobre 2019 au tribunal des pensions de Paris, en vue d’obtenir un nouveau calcul de cette pension en fonction de l’indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale, a été présentée au-delà du délai raisonnable durant lequel le recours pouvait être exercé. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense est fondée.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au ministre des armées.

Délibéré après l’audience du 13 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Aubert, présidente,

M. Julinet, premier conseiller,

M. Blusseau, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2023.

Le rapporteur,

S. JULINET

La présidente,

S. AUBERT

La greffière,

A. LOUART

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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