Tribunal administratif de Pau, 2ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2000888

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Pau, 2e ch., 30 déc. 2022, n° 2000888
Juridiction : Tribunal administratif de Pau
Numéro : 2000888
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 avril 2020 et le 9 avril 2021,

M. A C, représenté par Me Moutier, avocat, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées a approuvé le plan local d’urbanisme intercommunal de cet établissement public de coopération intercommunale en tant qu’il classe la parcelle cadastrée section AH n° 40 dans la commune d’Artiguelouve en zone agricole ;

2°) d’annuler le certificat d’urbanisme du 13 février 2020 par lequel le maire d’Artiguelouve a décidé que la parcelle cadastrée section AH n° 40 ne pouvait être utilisée en vue d’une division parcellaire destinée à l’édification d’une maison à usage d’habitation ;

3°) à ce qu’il soit mis à la charge de la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées les entiers dépens.

Il soutient que :

— le mémoire en défense présenté par la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées, enregistré le 1er décembre 2020, a été signé par une autorité incompétente ;

— la requête n’est pas tardive ;

— le classement de la parcelle cadastrée section AH n° 40 en zone agricole est entaché d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, la commune d’Artiguelouve, représentée par Me Marcel, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge du requérant une somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par M. C n’est pas fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er décembre 2020 et le 4 mai 2021, la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge du requérant une somme de 281,20 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la requête est tardive ;

— le moyen soulevé par M. C n’est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. de Saint-Exupéry de Castillon, président,

— les conclusions de Mme Réaut, rapporteure publique,

— et les observations de M. B, représentant la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 19 décembre 2019, le conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées a approuvé le plan local d’urbanisme intercommunal de cet établissement public de coopération intercommunale. Par un certificat d’urbanisme du 13 février 2020, le maire d’Artiguelouve a décidé que la parcelle cadastrée section AH n° 40 appartenant à M. C ne pouvait être utilisée en vue d’une division parcellaire destinée à l’édification d’une maison à usage d’habitation. M. C demande l’annulation de cette délibération en tant que ce document d’urbanisme classe la parcelle cadastrée section AH n° 40 dans la commune d’Artiguelouve en zone agricole, et de ce certificat d’urbanisme.

Sur la recevabilité du mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2020 :

2. Aux termes de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, rendu applicable aux établissements publics de coopération intercommunale par l’article

L. 5211-2 du même code : « Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : () 16° D’intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal, () ». L’article L. 5211-9 du même code dispose : « Le président est l’organe exécutif de l’établissement public de coopération intercommunale. () Il est seul chargé de l’administration, mais il peut déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l’exercice d’une partie de ses fonctions aux vice-présidents et, en l’absence ou en cas d’empêchement de ces derniers ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation, à d’autres membres du bureau. () ». L’article L. 5211-10 du même code rajoute :

«  () Le président, les vice-présidents ayant reçu délégation ou le bureau dans son ensemble peuvent recevoir délégation d’une partie des attributions de l’organe délibérant à l’exception

() ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 9 juillet 2020, le conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées, d’une part, a donné délégation à son président pour, notamment, intenter toutes actions en justice au nom de la communauté d’agglomération et de défendre dans toutes les actions qui pourraient être intentées contre elle dans tous les domaines de l’action communautaire et devant toutes les juridictions, d’autre part, a décidé que les décisions prises en application de cette délibération pouvaient être signées par un vice-président ou par un autre membre du bureau agissant par délégation du président, dans les conditions fixées par l’article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales. Cette attribution n’est pas au nombre de celles prévues par l’article L. 5211-10 du même code qui ne peuvent faire l’objet d’une délégation. Par arrêté du 28 juillet 2020, le président de la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées a, en application de l’article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales, donné délégation de fonctions et de signature à M. Jean-Louis Peres, vice-président de la communauté d’agglomération chargé des finances et des affaires générales, et signataire du mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2020, pour notamment « les affaires juridiques et contentieuses ». Cette délégation, qui comprenait nécessairement la défense de cet établissement public de coopération intercommunale dans les actions contentieuses intentées contre lui, était suffisamment précise. Dès lors, le mémoire en cause a été signé par une autorité compétente. Par suite, ce mémoire est recevable.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne la légalité de la délibération du conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées du 19 décembre 2019 :

4. Aux termes de l’article R. 151-22 du code de l’urbanisme : "

Les zones agricoles sont dites « zones A ». Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ".

5. Si, pour apprécier la légalité du classement d’une parcelle en zone A, le juge n’a pas à vérifier que la parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d’une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l’ampleur des aménagements ou constructions qu’elle supporte, ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée, à plus forte raison lorsque les parcelles en cause comportent des habitations voire présentent un caractère urbanisé.

6. L’un des axes du projet d’aménagement et de développement durables du plan local d’urbanisme intercommunal, intitulé « des modes d’occupation et d’utilisation des sols rationalisés » comporte notamment un objectif relatif aux centralités et à l’intensification, lequel prévoit que « toutes formes nouvelles de constructions seront d’abord envisagées en tissu urbain constitué pour le développement résidentiel, et en centralités pour le développement culturel, économique, sportif et de loisirs, le tout si elles y sont compatibles compte tenu des nuisances qu’elles génèrent, des risques qu’elles entraînent, ou de leurs déterminants de fonctionnement . À défaut, ou si le potentiel foncier prioritaire dans le tissu urbain constitué ou en centralités ne permet pas de répondre aux besoins de développement, soit en raison de contraintes naturelles (inondations, topographie), soit en raison d’un impact sur l’infrastructure verte, le développement résidentiel peut s’envisager en extension, d’abord en continuité du tissu urbain constitué, ou à défaut en périphérie ou dans les hameaux où deux critères prévaudront : le renouvellement urbain et la capacité des réseaux d’énergie, d’eau et d’assainissement à accueillir de nouvelles formes de constructions. () L’intensification et le renouvellement sont prioritaires à toutes formes d’extensions. () ». Au titre de l’optimisation foncière, dans le cadre du développement résidentiel, la communauté d’agglomération réduit l’artificialisation de son territoire et l’étalement urbain, c’est-à-dire la consommation d’espaces au-delà des tissus déjà urbanisés, à environ 250 ha pour les 10 prochaines années. Le secteur est dans lequel prend place la commune d’Artiguelouve prévoit la création de 491 logements d’ici 2030. L’autre axe, intitulé « des valeurs fondatrices » comporte notamment un objectif relatif à la cohésion du territoire, lequel prévoit que « l’agriculture doit être perçue comme support de développement écologique, économique et social du territoire de l’agglomération. Il est nécessaire de » stabiliser « le foncier agricole sous pression afin d’offrir un cadre clair et des perspectives à long terme pour les agriculteurs. Les franges agricoles au contact de l’urbanisation doivent faire l’objet d’une recomposition du foncier. () ». Le rapport de présentation du plan local d’urbanisme, dans sa partie relative à la justification des choix, mentionne que le tissu urbain constitué répond à différents critères que sont la continuité urbaine, qui s’apprécie notamment au regard de la distance limitée entre deux bâtiments (50 m maximum), la composition urbaine impliquant la présence d’un certain nombre de bâtiments, la profondeur des espaces bâtis depuis une voie, en opposition à l’urbanisation linéaire, la discontinuité au regard d’éventuels éléments naturels (reliefs, ruisseaux, coteaux), la présence d’une offre commerciale de services de proximité ou d’équipements, et la présence de bâtiments patrimoniaux ou traditionnels. Le tissu urbain constitué comprend l’ensemble des espaces imperméabilisés (parcs de stationnement, cimetières, parcs et jardins publics, stades, ) à l’exclusion des jardins familiaux et des aires d’accueil des gens du voyage lorsqu’ils sont à la frange, et les dents creuses. Les cours d’eau, les haies et les franges boisées peuvent être considérés comme des limites physiques au tissu urbain constitué.

7. Il ressort du site Géoportail accessible tant au juge qu’aux parties, que la parcelle cadastrée section AH n° 40 dans la commune d’Artiguelouve, d’une superficie de 9640 m², est vierge de toute construction et est en nature de prairie et de bois. Si elle borde au nord et à l’est un groupe d’une vingtaine de constructions qui reposent sur des terrains classés en zone UH qui longent le chemin de la Juscle, elle ouvre toutefois au nord-ouest, à l’ouest et au sud sur un vaste secteur en nature de prairie et de bois, qui est à dominante rurale. Contrairement à ce que soutient M. C, cette parcelle ne constitue pas une dent creuse, et elle ne prend pas place dans le tissu urbain constitué. À supposer que ce terrain soit desservi par les réseaux publics, cette circonstance est sans incidence sur son classement en zone agricole. Le requérant ne peut au demeurant utilement soutenir que cette parcelle aurait dû être classée en zone urbaine dès lors qu’il n’appartient pas au juge administratif de vérifier qu’un autre classement était possible, mais seulement de s’assurer que le classement retenu n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation. Enfin, si M. C rajoute que la parcelle en cause n’est pas exploitée à des fins agricoles, elle est comprise dans le secteur des coteaux de l’entre-deux-gaves dans lequel sont pratiquées la polyculture, l’élevage et la viticulture, et présente donc un potentiel agronomique. Par suite, eu égard au parti d’aménagement voulu par les auteurs du plan local d’urbanisme intercommunal, la délibération attaquée portant approbation de ce document, en tant qu’il classe la parcelle en cause en zone agricole, n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

En ce qui concerne la légalité du certificat d’urbanisme du 13 février 2020 :

8. Aux termes de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme : " Le certificat d’urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d’urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l’opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus. () ".

9. Le certificat d’urbanisme attaqué vise l’article A1 du règlement du plan local d’urbanisme intercommunal de Pau Béarn Pyrénées qui prévoit que sont interdites toutes les occupations et utilisations du sol qui ne sont pas mentionnées à l’article A2 du même règlement, et l’article A2 du même règlement qui prévoit que sont interdites les constructions à destination d’habitation lorsque celles-ci ne sont pas liées à une exploitation agricole, et se fonde sur ce que le projet concerne la construction d’une maison individuelle à usage d’habitation non liée à une exploitation agricole. À supposer que M. C ait entendu exciper de l’illégalité de la délibération du conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées du 19 décembre 2019 en tant que ce document classe la parcelle cadastrée section

AH n° 40 dans la commune d’Artiguelouve en zone agricole, ce moyen sera écarté pour les mêmes motifs que ceux développés au point 7.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées, les conclusions aux fins d’annulation de la requête de M. C doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l’instance :

11. En premier lieu, aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties. / L’Etat peut être condamné aux dépens. ».

12. M. C ne justifie pas avoir exposé des dépens dans la présente instance. Par suite, les conclusions présentées par lui à ce titre doivent être rejetées.

13. En second lieu, aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».

14. Si la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées soutient avoir exposé des frais de personnel à l’occasion de la présente instance, il n’est pas démontré que cet établissement public aurait spécifiquement fait appel aux services extérieurs d’un conseiller juridique. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande présentée par cette dernière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande présentée au même titre par la commune d’Artiguelouve.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées et par la commune d’Artiguelouve au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A C, à la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées et à la commune d’Artiguelouve.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. de Saint-Exupéry de Castillon, président,

Mme Genty, première conseillère,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le président rapporteur,

Signé

F. DE SAINT-EXUPERY DE CASTILLON

L’assesseure,

Signé

F. GENTYLa greffière,

Signé

A. STRZALKOWSKA

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition :

La greffière,

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