Tribunal administratif de Pau, 26 avril 2024, n° 2401052

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Pau, 26 avr. 2024, n° 2401052
Juridiction : Tribunal administratif de Pau
Numéro : 2401052
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Pau, 27 novembre 2023, N° 2302993
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 28 avril 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024, M. A B, représenté par Me Dumaz-Zamora, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l’article L.521-4 du code de justice administrative :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 10 000 euros pour toute nouvelle diligence qui serait effectuée auprès des autorités de la Fédération de Russie, visant à son expulsion ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Dordogne de procéder à un examen approfondi de sa situation personnelle prenant particulièrement en compte sa qualité de réfugié et de prendre une décision explicite fixant le pays de renvoi, dans un délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’État le versement à son conseil d’une somme de 1500 euros en application des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

— il justifie d’un élément nouveau, au sens des dispositions de l’article L.521-4 du code de justice administrative ; en effet, postérieurement à l’ordonnance du 28 novembre 2023 du juge des référés, l’administration a poursuivi les démarches en vue d’exécuter la mesure d’expulsion dont il est objet à destination de la Fédération de Russie, sans justifier de l’examen préalable de sa situation au regard des risques encourus ;

— ce faisant, le préfet de la Dordogne méconnaît l’ordonnance du juge des référés, de sorte qu’il convient de prendre toutes mesures permettant d’en assurer l’exécution ;

— pour ce faire le juge des référés devra contraindre l’administration à suspendre les démarches engagées auprès des autorités russes en lui infligeant une sanction pécuniaire et lui enjoindre sous astreinte d’examiner sa situation et de prendre une décision explicite fixant le pays de destination.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— les conclusions à fin de condamnation de l’Etat au versement d’une sanction pécuniaire seront rejetées comme irrecevables, dès lors qu’il n’entre pas dans l’office du juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l’article L.521-4, de prendre de telles mesures ;

— la poursuite des démarches à l’égard des autorités russes, lesquelles présentent un caractère préparatoire, ne révèlent en l’espèce, ni une nouvelle décision fixant le pays de destination, ni, par suite, une méconnaissance de l’ordonnance du juge des référés ;

— aucun éloignement à destination de la fédération de Russie ne sera mis en œuvre avant qu’il ait été procédé à un examen complet et circonstancié de la situation du requérant, lequel est d’ailleurs en cours, en lien avec les services du ministère de l’intérieur.

Vu :

— l’ordonnance n°2302993 du juge des référés du tribunal administratif de Pau du 28 novembre 2023 ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique tenue le 25 avril 2024 en présence de Mme Caloone, greffière d’audience, Mme C a lu son rapport et entendu :

— les observations de Me Dumaz-Zamora, représentant M. B qui confirme ses écritures, et fait valoir que la situation est bloquée depuis 5 mois, ; que le préfet méconnait l’ordonnance du juge des référés, ce qu’il admet d’ailleurs dans ses écritures en défense puisque les relations se poursuivent avec la fédération de Russie ; qu’ils en sont d’ailleurs au stade de l’envoi de la photographie, le laisser-passer est ainsi sur le point d’être délivré, ce qui révèle bien une inexécution de l’ordonnance ; qu’en indiquant que l’examen de sa situation est en cours avec les services du ministère de l’intérieur, le préfet de la Dordogne ne justifie pas de l’exécution de l’ordonnance ; en effet, aucune demande d’observations ne lui a été adressée depuis 2022 ; qu’en outre il est pour le moins contradictoire de poursuivre les échanges avec la Russie, alors que l’examen de sa situation serait toujours en cours ; que contrairement à ce qui est opposé en défense, la demande de condamnation pécuniaire n’est pas une demande indemnitaire, il s’agit d’une demande de sanction dissuasive pour éviter la poursuite des démarches en vue de son expulsion à destination de la Russie ; il s’agit de garantir l’exécution de l’ordonnance ; que le préfet de la Dordogne ne plus utilement débattre de l’existence d’une décision implicite fixant le pays de destination, puisque le juge des référés l’a jugé et que cette ordonnance est définitive ; et enfin qu’il est évidemment dans l’office du juge d’enjoindre au préfet de prendre une décision explicite après examen, dès lors que c’est le seul moyen de s’assurer qu’il ne sera pas renvoyé en Russie sans examen préalable des risques encourus.

Le préfet de la Dordogne n’étant ni présent, ni représenté.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience à 15 heures.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, de nationalité russe, est entré en France en 2011. Par décision du 31 janvier 2013, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a accordé le statut de réfugié. Par jugement du 16 avril 2015, le tribunal correctionnel de Paris a condamné M. B à une peine de cinq ans d’emprisonnement pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme commis entre le 1er septembre 2012 et le 19 novembre 2013. Par décision du 23 juin 2016, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d’asile du 11 janvier 2019, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin au statut de réfugié de l’intéressé. Par arrêté du 18 novembre 2015, le préfet de l’Essonne a prononcé l’expulsion de M. B et a fixé le pays de destination. Par jugement du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté en tant qu’il portait fixation du pays de destination. Par arrêté du 25 février 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a à nouveau fixé le pays de destination. Par jugement du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté la requête de M. B tendant à l’annulation de cet arrêté. Par arrêté du 19 octobre 2023, le préfet de la Dordogne a décidé du placement de l’intéressé en rétention administrative. Par une ordonnance n° 2302993 du 28 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Pau saisi par M. B sur le fondement des dispositions de l’article L.521-2 du code de justice administrative, a suspendu l’exécution de la décision implicite du préfet de la Dordogne fixant le pays de destination de la mesure d’expulsion dont il est l’objet et a enjoint à cette autorité de suspendre la procédure de réadmission de l’intéressé vers la Fédération de Russie. Par la présente requête, M. B demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L.521-4 du code de justice administrative, de prendre les mesures qu’il estime nécessaire pour assurer l’exécution de cette ordonnance.

Sur la demande d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence, sous réserve de l’application des règles relatives aux commissions ou désignations d’office, l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. () ».

3. Il y a lieu, dans les circonstances de la présente instance, de faire droit à la demande de M. B tendant à l’octroi de l’aide juridictionnelle provisoire.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L.521-4 du code de justice administrative :

4. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » Aux termes de l’article L. 521-4 du même code : « Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d’un élément nouveau, modifier les mesures qu’il avait ordonnées ou y mettre fin. » Ces dispositions sont applicables aux mesures ordonnées par le juge des référés liberté.

5. Si l’exécution d’une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5, la personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l’article L.521-4 du même code, d’assurer l’exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte.

6. Par l’ordonnance n° 2302993 du 28 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’une part, suspendu l’exécution de la décision implicite du préfet de la Dordogne fixant le pays de destination de la mesure d’expulsion édictée à l’encontre de M. B, et, d’autre part, enjoint à cette autorité de suspendre la procédure de réadmission de ce dernier vers la Fédération de Russie. Il ressort des motifs de cette ordonnance, qui sont le soutien nécessaire de son dispositif, que le juge des référés a conditionné la poursuite de la procédure de réadmission de M. B à la démonstration par le préfet de la Dordogne de ce qu’il a procédé à un examen approfondi de sa situation en prenant en particulier en compte sa qualité de réfugié. A la date de la présente ordonnance, il ne résulte toutefois d’aucun élément produit en défense par le préfet de la Dordogne qu’il aurait effectivement procédé à un tel examen, alors même qu’il ne conteste pas, ainsi que cela ressort d’ailleurs des ordonnances du juge des libertés et de la détention, poursuivre les démarches entreprises auprès de la Fédération de Russie en vue, selon les termes de ses écritures, de « mesurer les perspectives générales d’éloignement éventuel vers la Russie ». Cette circonstance constitue un fait nouveau au sens et pour l’application de l’article L. 521-4 du code de justice administrative.

7. Compte tenu de cette évolution, et de la nécessité d’assurer l’exécution de l’ordonnance n° 2302993, il y a lieu de faire droit à la demande de M. B, en enjoignant au préfet de la Dordogne de justifier des mesures prises pour procéder à l’examen approfondi de la situation personnelle du requérant, prenant particulièrement en compte sa qualité de réfugié, et ce dans un délai d’un mois suivant la notification de la présente ordonnance, en assortissant cette injonction d’une astreinte de 250 euros par jour de retard, et de s’abstenir dans cette attente de procéder à l’éloignement de l’intéressé à destination de la Fédération de Russie.

8. En revanche cette exécution n’implique, ni qu’il soit enjoint au préfet de la Dordogne de prendre une décision explicite fixant le pays de destination de la mesure d’expulsion, ni, en tout état de cause, le prononcé par le juge des référés d’une sanction pécuniaire à l’encontre de l’Etat.

Sur les frais liés au litige :

9. M. B a obtenu le bénéfice, à titre provisoire, de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions précitées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, sous réserve que l’avocat du requérant renonce à percevoir la part contributive de l’Etat, et sous réserve de l’admission définitive de M. B à l’aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1000 euros à verser à Me Dumaz-Zamora.

O R D O N N E :

Article 1er : M. B est admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de justifier, dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente ordonnance, des mesures effectivement prises pour procéder, en exécution de l’ordonnance n° 2302993 du 28 novembre 2023, à l’examen approfondi de la situation de M B prenant particulièrement en compte sa qualité de réfugié, et de s’abstenir dans cette attente de l’éloigner à destination de la Fédération de Russie. Cette injonction est assortie d’une astreinte de 250 euros par jour, à compter de l’expiration du délai d’un mois.

Article 3 : L’Etat versera à Me Dumaz-Zamora, avocat de M. B une somme de 1000 (mille) euros, en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la part contributive de l’Etat, et sous réserve de l’admission définitive de M. B à l’aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B, au ministre de l’intérieur et des outre-mer et à Me Dumaz-Zamora.

Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Fait à Pau, le 26 avril 2024.

Le juge des référés

Signé

V.CLa greffière,

Signé

M. CALOONE

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition,

La greffière :

Signé

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Tribunal administratif de Pau, 26 avril 2024, n° 2401052