Tribunal administratif de Rennes, 3ème chambre, 1er décembre 2022, n° 2204629

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 3e ch., 1er déc. 2022, n° 2204629
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2204629
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I – Par une requête n°2204547, enregistrée le 7 septembre 2022, M. C E, représenté par Me Gaëlle Le Strat, avocate, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 10 septembre 2021 par lequel le préfet d’Ille-et-Vilaine lui refuse la délivrance d’un titre de séjour, l’oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination ;

2°) d’enjoindre au préfet d’Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui remettre, dans l’attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l’État le paiement au profit de son conseil d’une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

— s’agissant des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

— elles sont insuffisamment motivées et ne comportent pas un examen de sa situation personnelle, notamment en ce que le préfet mentionne à tort qu’il était en situation irrégulière lorsqu’il a demandé le renouvellement de l’autorisation provisoire de séjour qui lui avait été accordée en raison de l’état de santé de sa fille, qu’il n’est pas précisé ce qui permet désormais de considérer qu’un traitement est disponible en Géorgie et qu’il ne se prononce pas sur sa demande d’admission exceptionnelle au séjour ;

— le préfet d’Ille-et-Vilaine s’est prononcé sur sa demande de titre de séjour à l’issue d’une procédure irrégulière, faute d’établir que le collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) aurait régulièrement émis un avis sur la situation médicale de sa fille ;

— le préfet a commis une erreur de droit en s’abstenant d’apprécier de manière complète sa situation personnelle et en fondant seulement les décisions litigieuses sur l’avis émis par le collège des médecins de l’OFII ;

— le préfet a méconnu les dispositions de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation, dès lors que sa fille F ne peut pas bénéficier d’un traitement approprié en Géorgie ;

— le préfet a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation et a méconnu les dispositions de l’article L. 412-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, compte tenu des conséquences de sa décision pour sa vie privée et familiale, dès lors qu’il est présent en France avec sa famille depuis près de dix ans, qu’il a noué des bonnes relations de voisinage, qu’il ne représente nullement une menace à l’ordre public et qu’il travaille dès que possible pour subvenir aux besoins de sa famille ;

— la mesure portant refus de titre de séjour méconnaît l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant, en ce qu’elle porte atteinte à l’intérêt supérieur de ses enfants, qui poursuivent une scolarité exemplaire, sa fille F y bénéficiant d’une assistance à l’école et d’une prise en charge médicale stable ;

— le préfet d’Ille-et-Vilaine n’a pas respecté l’obligation procédurale résultant des stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en s’abstenant de s’assurer de l’accessibilité en Géorgie des soins que l’état de santé de sa fille requiert, de leurs coûts, de l’existence d’un réseau social et familial et de la distance géographique pour accéder à ces soins ;

— le préfet a également méconnu l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales au regard des craintes exprimées en cas de retour dans son pays d’origine ;

— s’agissant de la décision fixant le pays de destination :

— elle doit être annulée par voie de conséquence, compte tenu de l’illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2022, le préfet d’Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— la requête est tardive, l’arrêté litigieux ayant été réceptionné le 15 septembre 2021 et le conseil du requérant ne justifiant pas que le bureau d’aide juridictionnelle ait attendu près d’une année pour lui notifier sa décision de prise en charge ;

— aucun des moyens soulevés par M. E n’est fondé.

M. E été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2021.

II – Par une requête n°2204629, enregistrée le 12 septembre 2022, Mme A G épouse E, représentée par Me Gaëlle Le Strat, avocate, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 10 septembre 2021 par lequel le préfet d’Ille-et-Vilaine lui refuse la délivrance d’un titre de séjour, l’oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination ;

2°) d’enjoindre au préfet d’Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui remettre, dans l’attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l’État le paiement au profit de son conseil d’une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle se prévaut de moyens identiques à ceux développés par son époux au soutien de sa requête enregistrée sous le n°2204547.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2022, le préfet d’Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— la requête est tardive, l’arrêté litigieux ayant été réceptionné le 16 septembre 2021 et le conseil de la requérante ne justifiant pas que le bureau de l’aide juridictionnelle ait attendu près d’une année pour notifier sa décision de prise en charge ;

— aucun des moyens soulevés par Mme E n’est fondé.

Mme E été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale des droits de l’enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme D,

— les conclusions de M. Rémy, rapporteur public,

— et les observations de Me Le Strat, représentant M. et Mme E.

Des notes en délibéré, présentées par Me Le Strat pour M. et Mme E, ont été enregistrées le 21 novembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C et A E, ressortissants géorgiens, nés respectivement le 6 février 1983 à Tskinvali et le 26 janvier 1977 à Tbilissi, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 15 janvier 2012, accompagnés de leur fille, B, née en 2007 ainsi que de la mère de Mme E. Ils ont vainement sollicité l’année suivante la reconnaissance de la qualité de réfugiés. Leur seconde fille, F, née le 29 janvier 2013, souffrant de diverses pathologies, des autorisations provisoires de séjour en qualité de parents d’un étranger mineur malade ont été délivrées à partir du 3 avril 2017 à Mme E et à partir du

10 avril 2019 à M. E. La dernière autorisation provisoire de séjour délivrée à chacun des époux le 17 octobre 2019, arrivait à expiration le 16 avril 2020. Compte tenu du contexte sanitaire, les intéressés n’ont été en mesure de solliciter le renouvellement de ces autorisations provisoires de séjour que le 1er juillet 2020. Par les présentes requêtes, qu’il y a lieu de joindre pour statuer par un même jugement dès lors qu’elles concernent la situation d’une même famille, M. et Mme E demandent l’annulation des arrêtés du 10 septembre 2021 par lesquels le préfet d’Ille-et-Vilaine a refusé de procéder au renouvellement de leurs autorisations provisoires de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d’être reconduits d’office.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. D’une part, aux termes de l’article L. 614-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l’article L. 611-1 est assortie d’un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. / L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation. / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. ». Selon l’article L. 722-7 de ce code : « L’éloignement effectif de l’étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir avant l’expiration du délai ouvert pour contester, devant le tribunal administratif, cette décision et la décision fixant le pays de renvoi qui l’accompagne, ni avant que ce même tribunal n’ait statué sur ces décisions s’il a été saisi. () ».

3. D’autre part, aux termes de l’article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi du 10 juillet 1991 : " Sans préjudice de l’application de l’article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l’article 44 du présent décret, lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / 1° De la notification de la décision d’admission provisoire ; / 2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / 3° De la date à laquelle le demandeur de l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / 4° Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. / Lorsque la demande d’aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la propriété intellectuelle, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° à 4° du présent article. () ". L’article 57 de ce décret prévoit que les décisions prononçant l’admission provisoire ou définitive à l’aide juridictionnelle sont notifiées sans délai notamment à l’avocat désigné pour prêter son concours aux bénéficiaires.

4. Enfin, aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle : « Dans les cas d’urgence, sous réserve de l’application des règles relatives aux commissions ou désignations d’office, l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. / L’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l’intéressé, notamment en cas d’exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion. / L’aide juridictionnelle est attribuée de plein droit à titre provisoire dans le cadre des procédures présentant un caractère d’urgence dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat. / L’aide juridictionnelle provisoire devient définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d’aide juridictionnelle établit l’insuffisance des ressources. ». L’article 61 du décret du 28 décembre 2020 précise notamment que : « () L’admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l’intéressé, soit d’office si celui-ci a présenté une demande d’aide juridictionnelle ou d’aide à l’intervention de l’avocat sur laquelle il n’a pas encore été statué. ».

5. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés préfectoraux du 10 septembre 2021 par lesquels le préfet d’Ille-et-Vilaine a refusé de délivrer à M. et Mme E un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours ont été régulièrement notifiés aux intéressés, respectivement le 15 et le 16 septembre 2021, dates auxquelles ils ont chacun signé l’avis de réception du pli qui leur a été adressé par les services préfectoraux. Leur conseil, Me Le Strat, produit un courrier daté du 17 septembre 2021, dont il a été accusé réception le 30 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Rennes, sollicitant le bénéfice de l’aide juridictionnelle au profit de M. et Mme E, pour la contestation de ces arrêtés préfectoraux datés du 10 septembre 2021, précisant qu’elle acceptait de les représenter dans l’instance à intervenir. Par une décision du 21 octobre 2021, la présidente du bureau de l’aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Rennes a statué sur ces deux demandes et a décidé d’accorder l’aide juridictionnelle totale à M. et Mme E pour ladite procédure, en rappelant qu’ils seraient assistés par Me Le Strat. S’il est constant que cette décision du 21 octobre 2021 a été notifiée par lettre simple à Me Le Strat, ce qui ne permet pas d’établir de manière certaine sa date de réception, les requérants n’ont apporté aucune précision, par l’intermédiaire de leur avocate, en réponse au préfet d’Ille-et-Vilaine demandant de justifier d’une saisine aussi tardive du tribunal administratif. Me Le Strat, qui avait elle-même sollicité l’aide juridictionnelle pour le compte de M. et Mme E, ne soutient pas avoir entrepris la moindre diligence auprès du bureau d’aide juridictionnelle pour s’inquiéter de la complétude de leurs dossiers ou connaître le sens de la décision de ce bureau. Si les dispositions précitées de l’article 43 du décret du 28 décembre 2020 ont pour effet d’interrompre les délais de recours dans l’attente de la notification de la décision du bureau de l’aide juridictionnelle, Me Le Strat ne fait pas état de circonstances exceptionnelles faisant obstacle à ce que le tribunal administratif soit saisi des recours en annulation de M. et Mme E dirigés contre les arrêtés préfectoraux litigieux avant que le bureau de l’aide juridictionnelle ne statue, les intéressés pouvant prétendre au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire. Au regard de ces éléments, et compte tenu du fait que le législateur a entendu instituer une voie de recours spéciale, ayant un effet suspensif, concernant les décisions relatives à l’éloignement des étrangers du territoire français, définie par les dispositions précitées des articles L. 614-4 et

L. 722-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, s’agissant tant des délais de recours que des délais dans lesquels le tribunal administratif statue à compter de sa saisine, afin d’assurer, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, l’examen accéléré de la légalité de ces mesures, le préfet d’Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir qu’en attendant les 7 et 12 septembre 2022 pour présenter leurs recours dirigés contre les arrêtés préfectoraux du 10 septembre 2021 leur refusant la délivrance d’un titre de séjour et les obligeant à quitter le territoire français, alors que leur conseil avait sollicité dès le 17 septembre 2021 le bénéfice de l’aide juridictionnelle pour les assister, M. et Mme E ont excédé le délai raisonnable pour exercer leurs recours juridictionnels. Par suite, le préfet d’Ille-et-Vilaine soutient à bon droit que les requêtes de M. et Mme E sont tardives et donc irrecevables.

6. Il résulte de ce qui précède que les requêtes présentées par M. et Mme E doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C E, à Mme A G épouse E, à Me Gaëlle Le Strat et au préfet d’Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l’audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Vergne, président,

Mme Thalabard, premier conseiller,

M. Blanchard, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

La rapporteure,

Signé

M. ThalabardLe président,

Signé

G.-V. VergneLa greffière,

Signé

I. Le Vaillant

La République mande et ordonne au préfet d’Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Nos 2204547,2204629

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