Tribunal administratif de Rennes, 1ère chambre, 1er décembre 2022, n° 2000591

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 1re ch., 1er déc. 2022, n° 2000591
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2000591
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2020 et le 23 avril 2021, M. E et Mme C D, représentés par Me Buors, demandent au tribunal :

1°) d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté du 22 janvier 2020 par lequel le maire de la commune de Logonna-Daoulas a délivré à M. H A un permis de construire une extension pour des bureaux et un local technique sur un terrain cadastré section AS n° 78 situé route du Roz ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Logonna-Daoulas la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— ils ont intérêt à agir ;

— l’arrêté méconnaît les dispositions des dispositions des articles N1 et N2 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Logonna-Daoulas approuvé le 19 décembre 2018 ;

— l’arrêté méconnait l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ;

— l’arrêté méconnaît l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme et l’article N11 du règlement plan local d’urbanisme ;

— l’arrêté méconnaît l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ;

— l’arrêté est illégal en tant qu’il n’est pas établi que les constructions existantes sur la parcelle d’assiette du projet ont été précédemment autorisées ou qu’elles l’aient été conformément aux autorisations précédemment délivrées ;

— l’arrêté est illégal en tant que le zonage Ni de la parcelle d’assiette du projet est entaché d’erreur manifeste d’appréciation, d’erreur de droit et d’erreur de fait.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2021 et le 17 août 2021, la commune de Logonna-Daoulas, représentée par la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de M. et Mme D une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— les requérants n’ont pas d’intérêt à agir ;

— les requérants n’ont pas respecté la formalité de notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ;

— les moyens de M. et Mme G ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à M. A qui n’a pas produit d’observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. F,

— les conclusions de M. Vennéguès, rapporteur public,

— et les observations de Me Buors, représentant M. et Mme D, et I, représentant la commune de Logonna-Daoulas.

Considérant ce qui suit :

1. M. A a déposé le 25 octobre 2019 une demande de permis de construire une extension de 128,61 m² de surface de plancher d’un hangar existant, afin d’y accueillir, sur deux niveaux, des bureaux et un local technique, sur la parcelle cadastrée section AS n° 78 située route du Roz sur le territoire de la commune de Logonna-Daoulas. Par un arrêté du 22 janvier 2020, le maire de la commune de Logonna-Daoulas a accordé le permis de construire sollicité. Par la présente requête, M. et Mme D contestent la légalité de cet arrêté.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Logonna-Daoulas :

2. Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ». Il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.

3. Il ressort des pièces du dossier que le terrain des requérants jouxte celui faisant l’objet du projet contesté qui autorise la réalisation d’une extension qui disposera à l’étage d’ouvertures donnant directement sur le terrain de M. et Mme D. Cette extension n’est d’ailleurs distante que de 10 à 15 mètres de la maison d’habitation des requérants et il n’apparaît pas que la haie existante serait de nature à masquer cette extension. Il en résulte que M. et Mme D sont fondés à se prévaloir de la perte d’intimité résultant des nouvelles vues ainsi crées par le projet d’extension qui est de nature à justifier leur intérêt à agir.

4. Aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. La notification du recours à l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, au titulaire de l’autorisation est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. / Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de contestation d’un permis modificatif, d’une décision modificative ou d’une mesure de régularisation dans les conditions prévues par l’article L. 600-5-2 ».

5. Il ressort des pièces du dossier et des formulaires de La poste justifiant de l’envoi et de la réception des lettres recommandées à M. A et à la commune de Logonna-Daoulas que M. et Mme D ont accompli, en temps utile, les formalités de notification imposées par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

6. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par la commune de Logonna-Daoulas ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

7. Lorsqu’une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d’autorisation d’urbanisme portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisé sans autorisation. Dans l’hypothèse où l’autorité administrative est saisie d’une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l’ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation. Cette invitation, qui a pour seul objet d’informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s’il entend poursuivre son projet, n’a pas à précéder le refus que l’administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés.

8. Par ailleurs, lorsque l’autorité administrative, saisie dans les conditions mentionnées au point précédent d’une demande ne portant pas sur l’ensemble des éléments qui devaient lui être soumis, a illégalement accordé l’autorisation de construire qui lui était demandée au lieu de refuser de la délivrer et de se borner à inviter le pétitionnaire à présenter une nouvelle demande portant sur l’ensemble des éléments ayant modifié ou modifiant la construction par rapport à ce qui avait été initialement autorisé, cette illégalité ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ou d’une annulation partielle en application de l’article L. 600-5 du même code.

9. En premier lieu, M. et Mme D font valoir qu’il n’est pas établi que les constructions existantes sur le terrain de M. A aient été légalement autorisées. Il ressort des pièces du dossier que deux constructions sont édifiées sur le terrain d’assiette du projet, correspondant à deux hangars, l’un étant ouvert et l’autre clos et l’ensemble formant une unité fonctionnelle. La commune de Logonna-Daoulas a produit, en cours d’instance, l’arrêté en date du 24 janvier 1970 par lequel le maire de la commune a autorisé la construction d’un hangar à bateaux à l’anse du Roz à Logonna-Daoulas. Cependant, cet arrêté ne concerne que la construction du hangar clos et couvert situé à l’est du terrain d’assiette du projet conformément au plan qui était alors joint à la demande de permis de construire. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le hangar ouvert situé sur le terrain de M. A a été légalement autorisé.

10. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme : " Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au

regard du droit de l’urbanisme. / Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : () / 5° Lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis ; () ".

11. Si la commune se prévaut de l’application des dispositions de l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme, la prescription administrative définie par cet article n’est pas applicable lorsque des travaux ont été réalisés sans permis de construire alors que celui-ci était requis en vertu des dispositions légales alors applicables. En l’espèce, le hangar ouvert situé à l’ouest de la parcelle d’assiette du projet, compte-tenu de sa superficie qui avoisine les 900 m², nécessitait l’obtention d’un permis de construire. Ainsi, la commune ne peut se prévaloir de la règle de prescription décennale énoncée à l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme.

12. Par suite, le maire de la commune de Logonna-Daoulas était tenu de rejeter la demande de permis de construire qui portait seulement sur le projet d’extension litigieux sans comprendre une demande de permis de construire pour la régularisation du hangar ouvert réalisé sans autorisation.

13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. et Mme D sont fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 22 janvier 2020 par lequel le maire de la commune de Logonna-Daoulas a accordé un permis de construire une extension d’un hangar à M. A. Le vice entachant ce permis de construire ne pouvant faire l’objet d’une régularisation, il doit être annulé en toutes ces dispositions.

14. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n’est susceptible, en l’état du dossier, de fonder l’annulation.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Logonna-Daoulas une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme D au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme D, qui n’ont pas la qualité de partie perdante, versent à la commune de Logonna-Daoulas, la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 20 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : La commune de Logonna-Daoulas versera à M. et Mme D la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Logonna-Daoulas au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. E et Mme C D, à la commune de Logonna-Daoulas et à M. H A.

Copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Brest en application de l’article R. 751-10 du code de justice administrative

Délibéré après l’audience du 10 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Radureau, président,

M. Bozzi, premier conseiller,

Mme René, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

Le président-rapporteur

signé

C. F

L’assesseur le plus ancien

signé

M. B

Le greffier,

signé

N. Josserand

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Rennes, 1ère chambre, 1er décembre 2022, n° 2000591