Tribunal administratif de Rennes, 1ère chambre, 29 décembre 2023, n° 2101821

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 1re ch., 29 déc. 2023, n° 2101821
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2101821
Importance : Inédit au recueil Lebon
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Nantes, 4 avril 2022
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 30 décembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 avril 2021 et le 12 avril 2023, l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le maire de la commune de Fouesnant a accordé à la SAS Box Eco un permis de démolir et de construire en vue de la réalisation de boxes de stockage et de la démolition du hangar et du garage existants situés 21 route de Beg mail, au lieu-dit Kéréon à Fouesnant, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Fouesnant la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le dossier de demande de permis de construire est incomplet ;

— l’affichage du permis de construire est irrégulier ;

— l’arrêté méconnaît le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 décembre 2020 confirmé par la cour administrative d’appel de Nantes ;

— il méconnaît les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ;

— il méconnaît le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale de l’Odet en ce qui concerne la localisation et le développement préférentiel de l’activité commerciale (Zones d’aménagement commercial ZACOM)

Par quatre mémoires, enregistrés le 11 juin, 21 juin, 2 septembre 2021 et le 22 mai 2023, la SAS Box Eco, représentée par Me Le Cornec, conclut au rejet de la requête, à ce que soit ordonnée, sur le fondement de l’article R. 611-10 du code de justice administrative, la communication des écritures et pièces échangées dans le cadre du litige relatif à la délibération du conseil municipal de Fouesnant qui a approuvé le plan local d’urbanisme ayant fait l’objet d’un jugement d’annulation, dont la méconnaissance est invoquée, et à ce que soit mis à la charge de l’association requérante la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— la requête est irrecevable en raison du défaut d’intérêt à agir de l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 411-1 du code de justice administrative, de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 412-2 du code de justice administrative et de l’absence d’accomplissement des formalités prévues par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ;

— les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 4 avril et le 2 mai 2023, la commune de Fouesnant, représentée par la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— la requête est irrecevable en raison de l’absence d’accomplissement des formalités prévues par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ;

— les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 9 mars 2023, les parties ont été informées de ce que l’instruction était susceptible d’être immédiatement close à compter du 7 avril 2023.

Par une ordonnance du 20 juin 2023, l’instruction a été immédiatement close.

Par une lettre du 13 juillet 2023, le tribunal a, en application de l’article R. 613-1-1 du code de justice administrative, invité l’association requérante à produire une copie lisible de la preuve de notification du recours gracieux au pétitionnaire.

L’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais a produit, le 22 juillet 2023, la pièce demandée qui a été communiquée à la commune de Fouesnant et à la SAS Box Eco.

Un mémoire présenté par l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais a été enregistré le 31 août 2023, postérieurement à la clôture de l’instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le jugement nos 1801911, 1803546, 1803732, 1804099, 1804178 du 4 décembre 2020 du tribunal ;

— l’arrêt n° 21NT00320 du 5 avril 2022 de la cour administrative d’appel de Nantes.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code de l’environnement ;

— la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Villebesseix,

— les conclusions de M. Vennéguès, rapporteur public,

— et les observations de M. A, représentant l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, de Me Jincq--Le Bot, de la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, représentant la commune de Fouesnant, et de MM. Ropars et Duigou, gérants de la SAS Box Eco.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Box Eco a déposé le 8 juillet 2020 à la mairie de Fouesnant une demande de permis de démolir et de construire en vue de la réalisation de boxes de stockage et de la démolition du hangar et du garage existants sur les parcelles cadastrées BR nos 113, 144, 77 et 78. Par un arrêté du 29 septembre 2020, le maire de la commune de Fouesnant a accordé le permis sollicité sous réserve du respect de prescriptions. L’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais a adressé au maire de la commune de Fouesnant un recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté. Du silence gardé sur cette demande est née une décision implicite de rejet. Il s’agit des deux décisions contestées.

Sur les fins-de non-recevoir :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir :

2. Aux termes de l’article L. 142-1 du code de l’environnement : « Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. () ». Aux termes de l’article 3 des statuts de l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, cette dernière a pour but : " – d’entreprendre toutes actions, et de susciter toutes initiatives ayant pour objet la préservation des sites, la protection de l’environnement naturel du pays fouesnantais et de son littoral, ainsi que de ses traditions et valeurs culturelles; / – de veiller à ce que le développement du pays fouesnantais se réalise de façon harmonieuse et dans le respect des composantes de toute nature qui en constituent la richesse. / – de défendre les intérêts collectifs tant moraux que matériels des habitants et résidents du pays fouesnantais, pour tout ce qui concerne les objectifs mentionnés ci-dessus. / – de se constituer partie civile pour toute action judiciaire relative à des faits portant atteinte ou entraînant un préjudice direct ou indirect aux intérêts que l’association a pour objet de défendre ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet, qui se situe sur le territoire de la commune de Fouesnant, fait partie du périmètre géographique d’intervention de l’association requérante. De plus, le projet en litige, consistant en la construction de boxes de stockage après démolition d’un hangar et d’un garage existants, est susceptible par sa nature de porter atteinte au site et à l’environnement naturel du pays fouesnantais. Par suite, l’association requérante dispose d’un intérêt à agir contre l’arrêté qu’elle conteste. La fin de non-recevoir opposée à ce titre par la SAS Box Eco doit être écartée.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l’article R. 411-1 du code de justice administrative :

4. Aux termes de l’article R. 411-1 du CJA : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. ».

5. Contrairement à ce que fait valoir SAS Box Eco, la requête identifie l’acte attaqué, conformément à la présentation classique des requêtes en excès de pouvoir, et le nom des parties, aisément identifiable à partir de cet acte, est indiqué dans la requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société pétitionnaire doit être écartée.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l’article R. 412-2 du code de justice administrative :

6. Aux termes de l’article R. 412-2 du code de justice administrative : « Lorsque les parties joignent des pièces à l’appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (). Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d’effet. / L’inventaire détaillé présente, de manière exhaustive, les pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d’elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu’un libellé suffisamment explicite ». Aux termes de l’article R. 414-2 du même code : « Les personnes physiques et morales de droit privé non représentées par un avocat, autres que celles chargées de la gestion permanente d’un service public, peuvent adresser leur requête à la juridiction par voie électronique au moyen d’un téléservice accessible par le réseau internet. () ». Toutefois, aux termes de l’article R. 414-5 du même code : « Par dérogation aux dispositions des articles () R. 412-2 (), le requérant est dispensé de produire des copies de sa requête, de ses mémoires complémentaires et des pièces qui y sont jointes. Il est également dispensé de transmettre l’inventaire détaillé des pièces lorsqu’il utilise le téléservice mentionné à l’article R. 414-2 ou recourt à la génération automatique de l’inventaire permise par l’application mentionnée à l’article R. 414-1. () ».

7. Si la société SAS Box Eco fait valoir que la présentation des pièces dans l’inventaire détaillé ne correspond pas à la numérotation des pièces annexées à la requête, il résulte des dispositions précitées que l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, qui n’est pas représentée et qui a présenté sa requête au moyen de l’application Télérecours citoyen, était dispensée de transmettre l’inventaire de ses pièces. L’inventaire des pièces généré automatiquement depuis l’application comporte un intitulé décrivant explicitement le contenu de chaque pièce. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la SAS Box Eco doit être écartée.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée du non-respect des formalités prévues par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme :

8. Aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. /La notification du recours à l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, au titulaire de l’autorisation est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. ».

9. L’article R. 600-1 du code de l’urbanisme vise, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, ainsi qu’à l’auteur de cette décision, d’être informés à bref délai de l’existence d’un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle. Si, à l’égard du titulaire de l’autorisation, cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification lui est faite à l’adresse qui est mentionnée dans l’acte attaqué, la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, s’agissant d’une société, elle lui est adressée à son siège social.

10. D’une part, si la notification du recours a été adressée au représentant légal de la société et non pas à la SAS Box Eco, il ressort des pièces du dossier que cette notification a été réalisée à l’adresse mentionnée dans l’acte attaqué qui correspond à l’adresse du siège social de cette société. Par suite, la SAS Box Eco, qui ne conteste pas avoir reçu cette notification, n’a pas été privée des garanties prévues par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

11. D’autre part, si l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais n’a pas procédé à la notification de son recours contentieux à la commune de Fouesnant par lettre recommandée avec accusé de réception, ainsi que l’exigent les dispositions précitées de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, elle justifie en revanche avoir déposé à la mairie une copie dudit recours. Ce dépôt est attesté par l’apposition sur cette copie d’un timbre humide portant la date du 7 décembre 2020. Cette modalité de notification du recours contentieux présente des garanties équivalentes à celles d’un envoi en recommandé avec accusé de réception et n’était pas de nature à priver l’autorité publique des garanties prévues par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

12. Enfin, si la société pétitionnaire fait valoir que la date d’envoi de la notification du recours gracieux n’est pas lisible, il ressort des pièces du dossier que l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais a finalement produit une version lisible de cette pièce démontrant le respect du délai de quinze jours francs prévu par cet article.

13. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fouesnant et la société SAS Box Eco sur le fondement de cet article doit être écartée.

Sur les conclusions prises sur le fondement de l’article R. 611-10 du code de justice administrative :

14. Aux termes de l’article R. 611-10 du code de justice administrative : « Sous l’autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l’affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. ».

15. S’il appartient au juge administratif de requérir des administrations compétentes la production de tous les documents nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, il ne ressort pas des pièces du dossier et compte tenu des moyens invoqués que les pièces dont la communication est demandée par la SAS Box Eco seraient des documents utiles pour la solution du litige. Par suite, les conclusions tendant à ce que la faculté de demander aux parties de joindre au contradictoire les mémoires et pièces échangées dans le cadre de la procédure relative à la contestation du plan local d’urbanisme de Fouesnant, doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

16. Aux termes de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique : « L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs. () ». Le V de l’article 42 de la même loi précise que les mots « en continuité avec les agglomérations et villages existants » – qui remplacent les mots : « soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » – s’appliquent « sans préjudice des autorisations d’urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ». Cette modification du premier paragraphe de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ne s’applique pas « aux demandes d’autorisation d’urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d’urbanisme approuvées avant cette date ».

17. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable en l’espèce, que l’extension de l’urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l’extension de l’urbanisation est possible, au sens et pour l’application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions. Par ailleurs le deuxième alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, à seule fin de permettre l’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et l’implantation de services publics, de densifier l’urbanisation, à l’exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les espaces d’urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce 2ème alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu’elles mentionnent se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs.

18. Il ressort des pièces du dossier que le schéma de cohérence territoriale de l’Odet, approuvé le 6 juin 2012, met en œuvre les dispositions particulières de la loi dite « Littoral », précisant notamment au titre des objectifs d’aménagement qui contribuent à la valorisation des espaces littoraux, urbains et ruraux, les modalités d’application de la continuité de l’urbanisation. Le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale considère ainsi que : « En plus des centres-villes de chaque commune, les agglomérations et villages les plus importants sont les suivants : / Fouesnant / La commune de Fouesnant s’est développée autour de plusieurs agglomérations et villages, en plus du centre-ville. Cap Coz : Ce secteur possède plusieurs centaines de maisons, restaurants, campings, hôtels, centre nautique. Beg Meil : Ce secteur possède plusieurs centaines de maisons, port, restaurants, campings, hôtels, commerces, église, centre de formation. Mousterlin : Ce secteur possède plusieurs centaines de maisons, un hôtel restaurant, des campings, une école et des commerces. Les agglomérations comportant des zones d’activités (existantes et ou à développer) identifiées sont les suivantes : Fouesnant : Kerambris : Ce secteur est dédié à des bâtiments et installations techniques qui occupent une surface de 17 ha (déchetterie, services techniques publics, centre de tri sélectif, plateforme de compostage des déchets verts, usine de compostage de boues de station d’épuration, lagune de gestion des eaux du site, décharge de classe 3). Les Plans Locaux d’Urbanisme pourront proposer d’autres agglomérations et villages. ». En outre, aux termes du rapport de présentation du schéma de cohérence territoriale de l’Odet : « () / Le caractère de village peut se construire à partir d’un faisceau d’indices : critères numériques, critères structurels, niveaux d’équipements et vie sociale. / Un village est un groupement d’habitations construites autour d’un noyau ou le long d’une voirie principale qui en assure la desserte de part et/ou d’autre. Ils peuvent être dotés ou avoir été dotés d’espaces publics aménagés ou d’éléments patrimoniaux ou non, fédérateurs de sa vie sociale : / ' chapelle, lavoir, place, / ' café, petit commerce, / ' espace de jeux / ' école, poste, / ' etc. () / L’agglomération est un espace urbanisé de taille supérieure au village, dont la nature peut être différente de celui-ci. L’agglomération peut être un bourg, qui possède de nombreux services, mais aussi un espace urbanisé important regroupant des habitations ou d’autres constructions sans services de proximité ou équipements publics associés. () ».

19. D’une part, le schéma de cohérence territoriale de l’Odet approuvé en 2012 n’identifie pas le lieudit Keréon comme un village et il n’a pas été mis à jour pour assurer la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 121-3 du code de l’urbanisme dans sa version issue de la loi du 23 novembre 2018, dite loi Elan, relatives à l’application de la loi littoral,déterminant les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation.

20. D’autre part, par un arrêt du 5 avril 2022, devenu définitif, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le plan local d’urbanisme de la commune de Fouesnant et jugé que s’agissant du classement en zone urbaine Uhc de la partie sud-ouest du lieu-dit Keréon « Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans et photographies produits, que le lieu-dit Kéréon se situe à environ 500 mètres au sud du centre-bourg de la commune de Fouesnant, dont il est séparé des espaces bâtis les plus proches par de vastes espaces naturels et agricoles. Ce lieu-dit comporte quelques dizaines de constructions implantées de manière diffuse le long de deux voies communales, mais également des parcelles non bâties, au sud et à l’ouest. Il s’ouvre au nord, au sud, à l’est et à l’ouest sur des terrains demeurés à l’état naturel. Contrairement à ce que soutient la commune, le lieu-dit Kéréon ne se situe pas en continuité du secteur urbanisé situé au sud-ouest, dont il est séparé par des parcelles non bâties et par une route départementale. ».

21. En l’espèce, ce lieu-dit, qui comporte une trentaine de constructions implantées sur de grandes parcelles sans continuité ou structuration particulière autour de voies de circulation, ne peut pas plus être regardé comme susceptible de constituer un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Par suite, le projet de construction après démolition de l’existant et qui conduit à une augmentation importante de la surface de plancher est constitutif d’une extension de l’urbanisation en méconnaissance des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, y compris au regard du schéma de cohérence territoriale de l’Odet.

22. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’est, en l’état du dossier, de nature à entraîner l’annulation de l’arrêté attaqué.

23. Il résulte de ce qui précède que l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le maire de Fouesnant a délivré un permis de construire des boxes de stockage et de démolir le hangar et le garage existants à la SAS Box Eco ainsi que l’annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la commune de Fouesnant et par la SAS Box Eco et non compris dans les dépens.

25. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Fouesnant le versement de la somme de 400 euros à l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le maire de Fouesnant a délivré un permis de construire et de démolir à la SAS Box Eco sur les parcelles cadastrées BR nos 113, 144, 77 et 78 est annulé ainsi que la décision implicite par laquelle le maire de Fouesnant a rejeté le recours gracieux formé par l’association pour la sauvegarde du pays Fouesnantais à l’encontre de cet arrêté.

Article 2 : La commune de Fouesnant versera la somme de 400 euros à l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l’association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, à la commune de Fouesnant et à la SAS Box Eco.

Copie en sera adressée au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Quimper en application des dispositions de l’article R. 751-10 du code de justice administrative.

Délibéré après l’audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Radureau, président,

M. Grondin, premier conseiller,

Mme Villebesseix, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

signé

J. Villebesseix

Le président,

signé

C. Radureau

Le greffier,

signé

N. Josserand

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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