Tribunal administratif de Rennes, 29 décembre 2023, n° 2306675

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 29 déc. 2023, n° 2306675
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2306675
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet défaut de doute sérieux
Date de dernière mise à jour : 30 décembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête enregistrée le 11 décembre 2023, sous le n° 2306675 M. et Mme H et L A I, représentés par la SELARL Cabinet Coudray demandent au juge des référés du tribunal :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté n° PC 056 240 22 YO108 du 16 septembre 2022 par lequel le maire de la commune de Sarzeau a délivré à M. D un permis de construire une maison individuelle, ensemble la décision en date du 30 novembre 2022 rejetant leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Sarzeau le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— leur requête est recevable : ils justifient avoir accompli les formalités de notification de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, la requête en annulation a été enregistrée au tribunal administratif dans le délai de deux mois du recours contentieux et ils ont intérêt à agir en ce qu’ils sont usufruitiers d’une maison d’habitation immédiatement voisine de la parcelle d’implantation du projet qui est susceptible de leur occasionner des troubles dans leurs conditions d’occupation, d’utilisation et de jouissance de leur bien ;

— la condition d’urgence est légalement présumée satisfaite en application de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme et du fait que les travaux de constructions ont débuté ;

— sur le doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté litigieux :

— l’arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

— l’avis visé de l’architecte des bâtiments de France (ABF), auquel est subordonné la délivrance d’un permis de construire dans le cas prévu à l’article R. 425-30 du code de l’urbanisme, ne peut être regardé comme ayant été donné puisque celui-ci (ABF) s’est borné à indiquer qu’il n’était pas en mesure d’exercer sa compétence du fait que le dossier qui lui a été soumis était incomplet ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de la loi littoral et de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme car le secteur du Ruault ne présente pas un nombre et une densité significatifs de constructions ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de la loi littoral et de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme car la parcelle litigieuse n° 517 est en continuité directe des espaces naturels ou boisés, au sud, eux-mêmes classés en zone Ns, espaces remarquables terrestres ;

— le dossier de demande de permis de construire est incomplet ; il ne contient pas de document photographique permettant de situer le terrain dans son paysage lointain alors même que le projet prend place dans un hameau historique classé en zone Ubhr lequel renvoie aux secteurs protégés comportant des spécificités patrimoniales ; de même, le document graphique joint au dossier donne une vision tronquée du futur projet puisqu’il ne représente le projet litigieux que sur la façade nord, laquelle ne permet pas d’apprécier son impact visuel ainsi que son insertion dans le paysage et l’environnement ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 10 du PLU de la commune de Sarzeau car en secteur Ubhr, où la hauteur maximale des constructions est déterminée par rapport à la hauteur maximale du gabarit voisin le plus haut ; or les plans de coupe, fournis dans le dossier de permis de construire, précisent que la construction principale aura une hauteur de 7,50 mètres au faitage, qui est supérieure au gabarit des constructions des requérants puisque la construction des époux A I atteint 7,30 mètres au faitage, quand celle de M. F et Mme C atteint 7,35 mètres ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 11 A du PLU de la commune de Sarzeau car, d’une part, la façade nord du volume principal ne comporte qu’une seule ouverture, de sorte qu’une seule lucarne ou un seul châssis n’est autorisé, alors que le projet en comporte deux, et d’autre part, la construction présente une largeur de 4,88 mètres, alors que la largeur cumulée des lucarnes, soit 2,70 mètres, est supérieure au tiers de la longueur de la façade puisqu’elle ne devrait pas excéder 1,63 mètre ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 11 B du PLU de la commune de Sarzeau selon lesquelles « Les murets de pierre de type local devront être maintenus et entretenus » ; alors qu’un tel muret existe sur la limite séparative des parcelles cadastrées ZN n° 517 et 516, l’édification de la construction en limite de propriété entrainera la suppression de ce mur ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 11 C du PLU de la commune de Sarzeau car, d’une part, la construction autorisée, par son volume et sa hauteur, marque une rupture avec l’environnement architectural du site dans lequel elle s’inscrit puisque le Vieux Ruault comporte de nombreuses constructions traditionnelles en pierre de pays, et son implantation, dans un axe perpendiculaire, sur une parcelle étroite, est en rupture avec l’implantation et le volume des constructions voisines, et d’autre part, le projet, autorisé par la décision attaquée, prévoit une cheminée qui méconnait les dispositions susvisées puisque la souche de la cheminée ne prolonge pas l’axe des pignons ou des murs de refends ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et de l’article UB 12 du PLU de la commune de Sarzeau car le plan de masse matérialise de manière tronquée la réalisation de deux places de stationnement qui ne répondent aux dimensions fixées par l’article UB12 du PLU, du fait que les caractéristiques de la parcelle ne permettent pas d’accueillir deux emplacements aux dimensions standard exigées par le PLU. De plus l’entrée sur la parcelle n°517 est particulièrement étroite alors que le stationnement de véhicules à l’entrée de cette parcelle sur une voie étroite présente un risque sérieux pour la sécurité des usagers de la voie publique ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 13 du PLU de la commune de Sarzeau qui dispose que « les plantations existantes doivent être maintenues ou remplacées par des plantations équivalentes en cohérence avec la liste indicative d’interdiction proposée en annexe 6 du présent règlement » car alors qu’il ressort du plan de masse que quatre arbres seront abattus, en limite ouest du terrain d’assiette du projet, la simple mention dans la notice descriptive du projet de « quelques arbustes aux essences locales qui viendront compléter le décor » ne permet pas de s’assurer que les quatre arbres supprimés seront remplacés, par équivalence ;

— l’arrêté méconnait les dispositions du règlement de gestion des eaux pluviales du golfe du Morbihan Vannes agglomération (GMVA), ensemble la méconnaissance des articles R. 111-2 et R. 111-26 du code de l’urbanisme car le projet de M. D prévoit un rejet des eaux pluviales sur le domaine public, en méconnaissance des dispositions du règlement de gestion des eaux pluviales, alors qu’il incombait au maire de Sarzeau d’assortir sa décision d’une prescription spéciale imposant au pétitionnaire de conserver et d’infiltrer sur sa parcelle les eaux pluviales en application des dispositions des articles R.111-2 et R.111-26 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2023, la commune de Sarzeau, représentée par la SELARL Lexcap, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’association requérante le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu’il n’y a aucun doute sérieux quant à la légalité du permis de construire :

— l’arrêté attaqué a été signé par M. J E qui a reçu délégation de signature du maire de la commune de Sarzeau, en vertu d’un arrêté en date du 8 juin 2020, notifié et transmis en préfecture le 12 juin 2020 ;

— sur le respect de l’article R.425-30 du code de l’urbanisme, l’architecte des bâtiments de France (ABF) a bien été saisi, et son avis est un avis simple qui ne lie pas l’autorité administrative ; s’il a émis un avis défavorable en raison de l’incomplétude du dossier, il a néanmoins assorti son avis de recommandations, si bien qu’il a exercé sa compétence contrairement à ce qui est formulé dans son avis ;

— contrairement à ce que soutiennent les requérants, c’est dans le respect de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme que le secteur d’implantation du projet est identifié au titre des villages par le SCoT, car il s’agit d’un espace urbanisé caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions ;

— sur le respect de l’article L.121-23 du code de l’urbanisme, cette parcelle, de petite taille, s’insère dans un ensemble urbanisé et est entourée de parcelles bâties ; elle ne jouxte aucune partie naturelle du site inscrit du Golfe du Morbihan et ne peut donc constituer une quelconque unité paysagère avec un site remarquable ;

— sur la méconnaissance de l’article R. 431-7 du code de l’urbanisme, le dossier comporte suffisamment d’éléments pour situer le terrain d’assiette du projet au sein de la commune de Sarzeau, permettant ainsi au service instructeur de connaître la situation du terrain dans la commune malgré l’absence de plan de situation ;

— sur la méconnaissance de l’article R. 431-10 du code de l’urbanisme, le dossier de permis de construire comprend des documents photographiques montrant l’existant avant et après travaux, en faisant apparaître les constructions voisines, permettant ainsi au service instructeur d’apprécier l’impact visuel de la construction projetée ;

— sur le respect de l’article Ub 10 du PLU de la commune de Sarzeau, dès lors que la hauteur au faîtage de la maison des consorts K par rapport au terrain naturel est indiquée à 7,50 mètres, le moyen n’est pas fondé ;

— sur le respect de l’article Ub 11 B du PLU de la commune de Sarzeau, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à aucun moment le projet n’implique la démolition du mur de clôture en limite séparative et les documents graphiques d’insertions montrent que le muret litigieux est bien maintenu dans la construction projetée ;

— l’article Ub 11 C du PLU de la commune de Sarzeau n’a pas été méconnu dès lors que le projet s’implante au sein d’un bâti hétérogène, cumulant plusieurs styles architecturaux différents sans qu’une uniformité ne se dégage ; par ailleurs, le paragraphe 5 de cet article ne concerne pas les ouvrages de faible emprise ;

— l’article Ub 12 du PLU de la commune de Sarzeau n’a pas été méconnu car le dossier de permis de construire indique bien la présence " de deux emplacements de stationnement pour les véhicules, conformément à l’annexe n° 1 du règlement;

— l’arrêté ne méconnait pas l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dès lors que la voie de desserte de la construction projetée présente une largeur suffisante pour le passage de véhicules dans de bonnes conditions de sécurité ; la circulation y est en outre limitée à 30 km/h et la zone, dédiée uniquement à l’habitat individuel, ne supporte que peu de trafic ;

— l’article Ub 13 du PLU de la commune de Sarzeau n’a pas été méconnu dès lors que les arbres abattus ne seront pas remplacés par des espèces équivalentes ; en effet, parmi les plantations abattues figurent des arbustes et l’article UB 13 du règlement renvoie à l’annexe n° 6 du PLU laquelle liste indifféremment arbres et arbustes ;

— les dispositions du règlement du PLU ne font pas une interdiction absolue de rejeter dans le réseau collecteur mais indiquent qu’il convient de générer le moins d’impact possible ; dans ces conditions, l’arrêté n’est pas contraire aux articles R. 111-2 et R. 111-26 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2023, M. D, représenté par Me Matel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

— le tribunal statuera sur ce que de droit quant à l’urgence à statuer sur la requête et l’intérêt à agir des requérants ;

—  il soutient qu’il n’y a aucun doute sérieux quant à la légalité du permis de construire contesté ;

— la commune de Sarzeau démontrera que M. E, adjoint à l’urbanisme était bien titulaire d’une délégation de signature ;

— le moyen tiré de la supposée mauvaise composition du dossier de demande de permis manque en fait, dès lors que l’ensemble des pièces permet de s’assurer non seulement de l’état actuel du terrain mais également, de la configuration de l’ouvrage envisagé, tant dans son environnement proche que dans son environnement lointain ; le pétitionnaire a pris soin de faire apparaître l’état actuel de l’ouvrage ainsi que ses évolutions futures, avec des plans cotés ;

— sur le respect de l’article R.425-30 du code de l’urbanisme, si, aux termes d’un courrier du 27 juillet 2022 adressé au maire de la commune de Sarzeau, l’architecte des bâtiments de France a indiqué qu’une partie des pièces exigées n’aurait pas figuré au dossier déposé par le pétitionnaire, il a pour autant fait valoir au fond ses remarques, notamment en demandant la conservation des arbres existants, ainsi que la réduction du nombre de châssis et le remplacement des deux fenêtres de toit visibles depuis la rue par des lucarnes ; ces prescriptions de fond ont bien été respectées par le pétitionnaire puisque M. D a déposé des pièces complémentaires auprès des services de la collectivité le 12 septembre 2022, justement pour respecter les préconisations du service de l’Architecture des Bâtiments de France ; de ce fait, le maire de la commune de Sarzeau n’avait pas à consulter, une nouvelle fois, les services de l’architecte des bâtiments de France, celui-ci ayant déjà émis des prescriptions de fond à l’occasion de son avis du 27 juillet 2022, qui ont été intégralement suivies ;

— sur le respect de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme, à l’occasion de la révision approuvée le 13 février 2020, le SCoT du Golfe du Morbihan Vannes agglomération a défini le site du Vieux Ruault en tant que village ayant prioritairement vocation à se densifier, ce qui résulte très expressément des pièces produites aux débats en défense ; à l’occasion de la révision approuvée le 13 février 2020, le SCoT du Golfe du Morbihan Vannes agglomération a défini le site du Vieux Ruault en tant que village ayant prioritairement vocation à se densifier, ce qui résulte très expressément des pièces produites aux débats en défense ; la parcelle d’assiette du projet de M. D est située entre deux terrains déjà bâtis, eux-mêmes bordés par d’autres propriétés construites alors même que de l’autre côté de la route, une urbanisation dense et cohérente a trouvé à s’implanter ;

— sur le respect de l’article L.121-23 du code de l’urbanisme, si la parcelle d’assiette du projet de M. D est aujourd’hui vierge de toute construction, une telle configuration n’a ni pour objet ni pour effet de la faire regarder comme une parcelle appartenant par nature à l’une des zones visées à l’article L.121-23 du code de l’urbanisme ; la parcelle d’assiette du projet appartenait à une zone Ubhr, distincte des zones Ns situées au nord et au sud, qui, elles, relèvent de l’article L.121-23 du code de l’urbanisme, mais non la partie urbanisée du Vieux Ruault ;

— sur le respect de l’article Ub 10 du PLU, il appartient aux requérants d’apporter la preuve que cette règle de non-respect du gabarit aurait été méconnue ; en l’espèce, la hauteur du gabarit du projet de M. D est sensiblement identique à celui de la maison des requérants, les faîtages étant d’une hauteur de 7,50 mètres avec une hauteur à l’égout de toiture de 3 mètres ;

— sur le respect de l’article Ub 11-a du PLU, cet article a vocation à émettre des prescriptions particulières en matière de style architectural, de volume et de configuration, mais en précisant que ces mêmes prescriptions particulières s’appliquent en zone Uba, Ubb, Ubc, Ubd et Ubh ; or la parcelle d’assiette du projet de M. D se trouve dans une zone Ubhr, de sorte que les prescriptions particulières n’ont pas vocation à s’appliquer ; en outre, cette disposition a bien été respectée, puisque concernant le volume principal, si deux châssis se trouvent insérés dans le toit, ce sont trois ouvertures qui se situent au rez-de-chaussée, comme le démontrent les plans de coupes annexés à la demande de permis de construire ;

— sur le respect de l’article Ub 11-b du PLU, le muret dont il est fait état est bien plus certainement une ruine aux pierres descellées et pour certaines, tombées sur le terrain de M. D, compte-tenu des arbres qui ont poussés à l’intérieur du muret et du lierre qui l’entoure dans sa majeure partie ;

— sur le respect de l’article Ub 11-c du PLU, les requérants ne démontrent pas en quoi cette construction aurait pour objet et/ou pour effet de rompre l’harmonie et l’esthétique générales du quartier ; dans le cas d’espèce, cette partie de la commune n’est couverte par aucune zone de protection se rattachant soit à un monument historique soit à un site naturel, facilitant ainsi l’implantation des constructions nouvelles utilisant des matériaux qui ne seraient pas utilisés dans le voisinage ;

— sur le respect de l’article Ub 12 du PLU, en utilisant des photographies dont on ne connaît pas la date de prise de vue, les requérants estiment qu’il serait impossible techniquement de faire stationner deux véhicules sur la parcelle de M. D ; une telle analyse est totalement erronée, le maître de l’ouvrage du projet ayant bien matérialisé, notamment sur le plan de masse, la possibilité d’y stationner deux véhicules à l’extérieur, étant précisé que le premier volume du projet étant constitué par un garage, il sera possible d’y stationner un véhicule ;

— sur le respect de l’article Ub 13 du PLU : si les requérants estiment que le projet de M. D aurait méconnu cet article, du fait qu’il a été prévu d’abattre quatre arbres en limite ouest de la parcelle d’assiette du projet, sans qu’aucune précision n’aurait été apportée quant à leur remplacement de façon équivalent, tant le plan de masse que la notice paysagère permettent de se convaincre que trois arbres existants seront conservés et que d’autres plantations ont vocation à trouver leur place aux alentours des aires de stationnement.

II. Par une requête enregistrée le 11 décembre 2023, sous le n° 2306676, M. B F et Mme G C, représentés par la SELARL Cabinet Coudray demandent au juge des référés du tribunal :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté n° PC 056 240 22 YO108 du 16 septembre 2022 par lequel le maire de la commune de Sarzeau a délivré à M. D un permis de construire une maison individuelle, ensemble la décision en date du 30 novembre 2022 rejetant leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Sarzeau le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— leur requête est recevable : ils justifient avoir accompli les formalités de notification de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, la requête en annulation a été enregistrée au tribunal administratif dans le délai de deux mois du recours contentieux et ils ont intérêt à agir en ce qu’ils sont propriétaires de la parcelle cadastrée section ZN n° 516, laquelle se situe en contiguïté immédiate de l’unité foncière d’assiette du projet, ce qui est susceptible de leur occasionner des troubles dans leurs conditions d’occupation, d’utilisation et de jouissance de leur bien ;

— la condition d’urgence est légalement présumée satisfaite en application de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme et du fait que les travaux de constructions ont débuté ;

— sur le doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté litigieux :

— l’arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

— l’avis visé de l’architecte des bâtiments de France (ABF), auquel est subordonné la délivrance d’un permis de construire dans le cas prévu à l’article R. 425-30 du code de l’urbanisme, ne peut être regardé comme ayant été donné puisque celui-ci (ABF) s’est borné à indiquer qu’il n’était pas en mesure d’exercer sa compétence du fait que le dossier qui lui a été soumis était incomplet ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de la loi littoral et de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme car le secteur du Ruault ne présente pas un nombre et une densité significatifs de constructions ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de la loi littoral et de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme car la parcelle litigieuse n° 517 est en continuité directe des espaces naturels ou boisés, au sud, eux-mêmes classés en zone Ns, espaces remarquables terrestres ;

— le dossier de demande de permis de construire est incomplet ; il ne contient pas de document photographique permettant de situer le terrain dans son paysage lointain alors même que le projet prend place dans un hameau historique classé en zone Ubhr lequel renvoie aux secteurs protégés comportant des spécificités patrimoniales ; de même, le document graphique joint au dossier donne une vision tronquée du futur projet puisqu’il ne représente le projet litigieux que sur la façade nord, laquelle ne permet pas d’apprécier son impact visuel ainsi que son insertion dans le paysage et l’environnement ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 10 du PLU de la commune de Sarzeau car en secteur Ubhr, où la hauteur maximale des constructions est déterminée par rapport à la hauteur maximale du gabarit voisin le plus haut ; or les plans de coupe, fournis dans le dossier de permis de construire, précisent que la construction principale aura une hauteur de 7,50 mètres au faitage, qui est supérieure au gabarit des constructions des requérants puisque la construction des époux A I atteint 7,30 mètres au faitage, quand celle de M. F et Mme C atteint 7,35 mètres ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 11 A du PLU de la commune de Sarzeau car, d’une part, la façade nord du volume principal ne comporte qu’une seule ouverture, de sorte qu’une seule lucarne ou un seul châssis n’est autorisé, alors que le projet en comporte deux, et d’autre part, la construction présente une largeur de 4,88 mètres, alors que la largeur cumulée des lucarnes, soit 2,70 mètres, est supérieure au tiers de la longueur de la façade puisqu’elle ne devrait pas excéder 1,63 mètre ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 11 B du PLU de la commune de Sarzeau selon lesquelles « Les murets de pierre de type local devront être maintenus et entretenus » ; alors qu’un tel muret existe sur la limite séparative des parcelles cadastrées ZN n° 517 et 516, l’édification de la construction en limite de propriété entrainera la suppression de ce mur ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 11 C du PLU de la commune de Sarzeau car, d’une part, la construction autorisée, par son volume et sa hauteur, marque une rupture avec l’environnement architectural du site dans lequel elle s’inscrit puisque le Vieux Ruault comporte de nombreuses constructions traditionnelles en pierre de pays, et son implantation, dans un axe perpendiculaire, sur une parcelle étroite, est en rupture avec l’implantation et le volume des constructions voisines, et d’autre part, le projet, autorisé par la décision attaquée, prévoit une cheminée qui méconnait les dispositions susvisées puisque la souche de la cheminée ne prolonge pas l’axe des pignons ou des murs de refends ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et de l’article UB 12 du PLU de la commune de Sarzeau car le plan de masse matérialise de manière tronquée la réalisation de deux places de stationnement qui ne répondent aux dimensions fixées par l’article UB12 du PLU, du fait que les caractéristiques de la parcelle ne permettent pas d’accueillir deux emplacements aux dimensions standard exigées par le PLU. De plus l’entrée sur la parcelle n°517 est particulièrement étroite alors que le stationnement de véhicules à l’entrée de cette parcelle sur une voie étroite présente un risque sérieux pour la sécurité des usagers de la voie publique ;

— l’arrêté méconnait les dispositions de l’article UB 13 du PLU de la commune de Sarzeau qui dispose que « les plantations existantes doivent être maintenues ou remplacées par des plantations équivalentes en cohérence avec la liste indicative d’interdiction proposée en annexe 6 du présent règlement » car alors qu’il ressort du plan de masse que quatre arbres seront abattus, en limite ouest du terrain d’assiette du projet, la simple mention dans la notice descriptive du projet de « quelques arbustes aux essences locales qui viendront compléter le décor » ne permet pas de s’assurer que les quatre arbres supprimés seront remplacés, par équivalence ;

— l’arrêté méconnait les dispositions du règlement de gestion des eaux pluviales du GMVA, ensemble la méconnaissance des articles R. 111-2 et R. 111-26 du code de l’urbanisme car le projet de M. D prévoit un rejet des eaux pluviales sur le domaine public, en méconnaissance des dispositions du règlement de gestion des eaux pluviales, alors qu’il incombait au maire de Sarzeau d’assortir sa décision d’une prescription spéciale imposant au pétitionnaire de conserver et d’infiltrer sur sa parcelle les eaux pluviales en application des dispositions des articles R.111-2 et R.111-26 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2023, la commune de Sarzeau, représentée par la SELARL Lexcap, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’association requérante le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu’il n’y a aucun doute sérieux quant à la légalité du permis de construire :

— l’arrêté attaqué a été signé par M. J E qui a reçu délégation de signature du maire de la commune de Sarzeau, en vertu d’un arrêté en date du 8 juin 2020, notifié et transmis en préfecture le 12 juin 2020 ;

— sur le respect de l’article R.425-30 du code de l’urbanisme, l’architecte des bâtiments de France (ABF) a bien été saisi, et son avis est un avis simple qui ne lie pas l’autorité administrative ; s’il a émis un avis défavorable en raison de l’incomplétude du dossier, il a néanmoins assorti son avis de recommandations, si bien qu’il a exercé sa compétence contrairement à ce qui est formulé dans son avis ;

— contrairement à ce que soutiennent les requérants, c’est dans le respect de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme que le secteur d’implantation du projet est identifié au titre des villages par le SCoT, car il s’agit d’un espace urbanisé caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions ;

— sur le respect de l’article L.121-23 du code de l’urbanisme, cette parcelle, de petite taille, s’insère dans un ensemble urbanisé et est entourée de parcelles bâties ; elle ne jouxte aucune partie naturelle du site inscrit du Golfe du Morbihan et ne peut donc constituer une quelconque unité paysagère avec un site remarquable ;

— sur la méconnaissance de l’article R. 431-7 du code de l’urbanisme, le dossier comporte suffisamment d’éléments pour situer le terrain d’assiette du projet au sein de la commune de Sarzeau, permettant ainsi au service instructeur de connaître la situation du terrain dans la commune malgré l’absence de plan de situation ;

— sur la méconnaissance de l’article R. 431-10 du code de l’urbanisme, le dossier de permis de construire comprend des documents photographiques montrant l’existant avant et après travaux, en faisant apparaître les constructions voisines, permettant ainsi au service instructeur d’apprécier l’impact visuel de la construction projetée ;

— sur le respect de l’article Ub 10 du PLU de la commune de Sarzeau, dès lors que la hauteur au faîtage de la maison des consorts K par rapport au terrain naturel est indiquée à 7,50 mètres, le moyen n’est pas fondé ;

— sur le respect de l’article Ub 11 B du PLU de la commune de Sarzeau, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à aucun moment le projet n’implique la démolition du mur de clôture en limite séparative et les documents graphiques d’insertions montrent que le muret litigieux est bien maintenu dans la construction projetée ;

— l’article Ub 11 C du PLU de la commune de Sarzeau n’a pas été méconnu dès lors que le projet s’implante au sein d’un bâti hétérogène, cumulant plusieurs styles architecturaux différents sans qu’une uniformité ne se dégage ; par ailleurs, le paragraphe 5 de cet article ne concerne pas les ouvrages de faible emprise ;

— l’article Ub 12 du PLU de la commune de Sarzeau n’a pas été méconnu car le dossier de permis de construire indique bien la présence " de deux emplacements de stationnement pour les véhicules, conformément à l’annexe n° 1 du règlement;

— l’arrêté ne méconnait pas l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dès lors que la voie de desserte de la construction projetée présente une largeur suffisante pour le passage de véhicules dans de bonnes conditions de sécurité ; la circulation y est en outre limitée à 30 km/h et la zone, dédiée uniquement à l’habitat individuel, ne supporte que peu de trafic ;

— l’article Ub 13 du PLU de la commune de Sarzeau n’a pas été méconnu dès lors que les arbres abattus seront pas remplacés par des espèces équivalentes ; en effet, parmi les plantations abattues figurent des arbustes et l’article UB 13 du règlement renvoie à l’annexe n° 6 du PLU laquelle liste indifféremment arbres et arbustes ;

— les dispositions du règlement du PLU ne font pas une interdiction absolue de rejeter dans le réseau collecteur mais indiquent qu’il convient de générer le moins d’impact possible ; dans ces conditions, l’arrêté n’est pas contraire aux articles R. 111-2 et R. 111-26 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2023, M. D, représenté par Me Matel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

— le tribunal statuera sur ce que de droit quant à l’urgence à statuer sur la requête et l’intérêt à agir des requérants ;

— il soutient qu’il n’y a aucun doute sérieux quant à la légalité du permis de construire contesté ;

— la commune de Sarzeau démontrera que M. E, adjoint à l’urbanisme était bien titulaire d’une délégation de signature ;

— le moyen tiré de la supposée mauvaise composition du dossier de demande de permis manque en fait, dès lors que l’ensemble des pièces permet de s’assurer non seulement de l’état actuel du terrain mais également, de la configuration de l’ouvrage envisagé, tant dans son environnement proche que dans son environnement lointain ; le pétitionnaire a pris soin de faire apparaître l’état actuel de l’ouvrage ainsi que ses évolutions futures, avec des plans cotés ;

— sur le respect de l’article R.425-30 du code de l’urbanisme, si, aux termes d’un courrier du 27 juillet 2022 adressé au maire de la commune de Sarzeau, l’architecte des bâtiments de France a indiqué qu’une partie des pièces exigées n’aurait pas figuré au dossier déposé par le pétitionnaire, il a pour autant fait valoir au fond ses remarques, notamment en demandant la conservation des arbres existants, ainsi que la réduction du nombre de châssis et le remplacement des deux fenêtres de toit visibles depuis la rue par des lucarnes ; ces prescriptions de fond ont bien été respectées par le pétitionnaire puisque M. D a déposé des pièces complémentaires auprès des services de la collectivité le 12 septembre 2022, justement pour respecter les préconisations du service de l’Architecture des Bâtiments de France ; de ce fait, le maire de la commune de Sarzeau n’avait pas à consulter, une nouvelle fois, les services de l’architecte des bâtiments de France, celui-ci ayant déjà émis des prescriptions de fond à l’occasion de son avis du 27 juillet 2022, qui ont été intégralement suivies ;

— sur le respect de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme, à l’occasion de la révision approuvée le 13 février 2020, le SCoT du Golfe du Morbihan Vannes agglomération a défini le site du Vieux Ruault en tant que village ayant prioritairement vocation à se densifier, ce qui résulte très expressément des pièces produites aux débats en défense ; à l’occasion de la révision approuvée le 13 février 2020, le SCoT du Golfe du Morbihan Vannes agglomération a défini le site du Vieux Ruault en tant que village ayant prioritairement vocation à se densifier, ce qui résulte très expressément des pièces produites aux débats en défense ; la parcelle d’assiette du projet de M. D est située entre deux terrains déjà bâtis, eux-mêmes bordés par d’autres propriétés construites alors même que de l’autre côté de la route, une urbanisation dense et cohérente a trouvé à s’implanter ;

— sur le respect de l’article L.121-23 du code de l’urbanisme, si la parcelle d’assiette du projet de M. D est aujourd’hui vierge de toute construction, une telle configuration n’a ni pour objet ni pour effet de la faire regarder comme une parcelle appartenant par nature à l’une des zones visées à l’article L.121-23 du code de l’urbanisme ; la parcelle d’assiette du projet appartenait à une zone Ubhr, distincte des zones Ns situées au nord et au sud, qui, elles, relèvent de l’article L.121-23 du code de l’urbanisme, mais non la partie urbanisée du Vieux Ruault ;

— sur le respect de l’article Ub 10 du PLU, il appartient aux requérants d’apporter la preuve que cette règle de non-respect du gabarit aurait été méconnue ; en l’espèce, la hauteur du gabarit du projet de M. D est sensiblement identique à celui de la maison des requérants, les faîtages étant d’une hauteur de 7,50 mètres avec une hauteur à l’égout de toiture de 3 mètres ;

— sur le respect de l’article Ub 11-a du PLU, cet article a vocation à émettre des prescriptions particulières en matière de style architectural, de volume et de configuration, mais en précisant que ces mêmes prescriptions particulières s’appliquent en zone Uba, Ubb, Ubc, Ubd et Ubh ; or la parcelle d’assiette du projet de M. D se trouve dans une zone Ubhr, de sorte que les prescriptions particulières n’ont pas vocation à s’appliquer ; en outre, cette disposition a bien été respectée, puisque concernant le volume principal, si deux châssis se trouvent insérés dans le toit, ce sont trois ouvertures qui se situent au rez-de-chaussée, comme le démontrent les plans de coupes annexés à la demande de permis de construire ;

— sur le respect de l’article Ub 11-b du PLU, le muret dont il est fait état est bien plus certainement une ruine aux pierres descellées et pour certaines, tombées sur le terrain de M. D, compte-tenu des arbres qui ont poussés à l’intérieur du muret et du lierre qui l’entoure dans sa majeure partie ;

— sur le respect de l’article Ub 11-c du PLU, les requérants ne démontrent pas en quoi cette construction aurait pour objet et/ou pour effet de rompre l’harmonie et l’esthétique générales du quartier ; dans le cas d’espèce, cette partie de la commune n’est couverte par aucune zone de protection se rattachant soit à un monument historique soit à un site naturel, facilitant ainsi l’implantation des constructions nouvelles utilisant des matériaux qui ne seraient pas utilisés dans le voisinage ;

— sur le respect de l’article Ub 12 du PLU, en utilisant des photographies dont on ne connaît pas la date de prise de vue, les requérants estiment qu’il serait impossible techniquement de faire stationner deux véhicules sur la parcelle de M. D ; une telle analyse est totalement erronée, le maître de l’ouvrage du projet ayant bien matérialisé, notamment sur le plan de masse, la possibilité d’y stationner deux véhicules à l’extérieur, étant précisé que le premier volume du projet étant constitué par un garage, il sera possible d’y stationner un véhicule ;

— sur le respect de l’article Ub 13 du PLU : si les requérants estiment que le projet de M. D aurait méconnu cet article, du fait qu’il a été prévu d’abattre quatre arbres en limite ouest de la parcelle d’assiette du projet, sans qu’aucune précision n’aurait été apportée quant à leur remplacement de façon équivalent, tant le plan de masse que la notice paysagère permettent de se convaincre que trois arbres existants seront conservés et que d’autres plantations ont vocation à trouver leur place aux alentours des aires de stationnement.

Vu :

— les autres pièces des dossiers ;

— les requêtes au fond nos 2300439 et n°2300440.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Descombes, président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 26 décembre 2023 :

— le rapport de M. Descombes ;

— Me Rouxel, représentant M. et Mme A I et M. F et Mme C, qui reprend les mêmes termes que les écritures qu’il développe, indique que l’arrêté de délégation fourni n’a pas été signé par le maire actuel, fait valoir que le faitage de la maison des consorts K se situe à 7,35 mètres du sol et non à 7,50 mètres du fait d’un décaissement du terrain de 15 centimètres et annonce la production d’une note en délibéré ;

— Me Idlais, représentant la commune de Sarzeau, qui reprend les mêmes termes que les écritures qu’elle développe et indique qu’elle va produire l’arrêté de délégation de M. E ;

— Me Matel représentant M. D, qui reprend les mêmes termes que ses écritures qu’il développe.

La clôture de l’instruction a été reportée jusqu’à la production de la pièce annoncée par la commune de Sarzeau puis fixée au mercredi 27 décembre à 16h00.

Une pièce a été produite pour la commune de Sarzeau, enregistrée le 27 décembre 2023 et communiquée.

Une note en délibéré, présentée pour les requérants, a été enregistrée le 27 décembre 2023 et communiquée.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Sarzeau, a été enregistrée le 27 décembre 2023 et communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 septembre 2023, le maire de la commune de Sarzeau a délivré à M. D un permis de construction d’une maison individuelle. M. et Mme A I ont saisi le tribunal d’un recours en annulation contre ce permis de construire et le rejet par le maire de leur recours gracieux. M. F et Mme C ont également saisi le tribunal d’un recours en annulation contre ce permis de construire et le rejet par le maire de leur recours gracieux. Dans l’attente du jugement au fond, ils demandent au juge des référés d’en suspendre l’exécution. Ces deux requêtes nos 2306675 et 2306676 sont dirigées contre un même projet et présentent à juger des questions de fait et de droit similaires. Il y a par suite lieu de les joindre et d’y statuer par une seule ordonnance.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative

2. . Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ».

En ce qui concerne l’urgence :

3. Aux termes de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme : « Un recours dirigé contre () un permis de construire () ne peut être assorti d’une requête en référé suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. / La condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite () ».

4. En vertu des dispositions précitées, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite s’agissant d’une requête en référé suspension d’un permis de construire. La condition d’urgence doit ainsi être regardée comme remplie.

En ce qui concerne les moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions :

5. En premier lieu, aux termes de l’article R. 425-30 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l’article L. 341-1 du code de l’environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. / La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l’architecte des Bâtiments de France. ».

6. Il ressort des pièces du dossier que l’architecte des Bâtiments de France, qui a été consulté sur le projet en litige en application des dispositions précitées de l’article R. 425-30 du code de l’urbanisme, a rendu un avis défavorable en date du 27 juillet 2002 au motif qu’une partie des pièces exigées n’aurait pas figuré au dossier déposé par le pétitionnaire si bien qu’il n’était pas en mesure d’exercer sa compétence. Toutefois, l’architecte des Bâtiments de France a pour autant fait valoir ses remarques au fond sur le projet, notamment en demandant la conservation des arbres existants, ainsi que la réduction du nombre de châssis et le remplacement des deux fenêtres de toit visibles depuis la rue par des lucarnes. Ces prescriptions de fond ont d’ailleurs été respectées par le pétitionnaire qui a déposé des pièces complémentaires en ce sens auprès du service instructeur de la commune le 12 septembre 2022, si bien que l’architecte des Bâtiments de France a finalement donné un avis favorable le 22 décembre 2023. Il ne résulte pas des dispositions ci-dessus énoncées que l’avis de l’architecte des Bâtiments de France soit un avis conforme de nature à lier l’autorité administrative et la seule circonstance que l’avis rendu initialement n’était pas favorable est, dès lors, sans incidence sur la régularité de la procédure suivie par le maire de Sarzeau pour accorder ce permis de construire. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 425-30 du code de l’urbanisme n’est pas propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.

7. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme : « L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants () ». Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

8. Il ressort des photographies, cartes, documents graphiques et plans produits que le terrain d’assiette du projet est situé dans une zone Ubhr du Vieux Ruault qui a été identifié dans le SCoT du Golfe du Morbihan Vannes agglomération comme un village ayant prioritairement vocation à se densifier et qui est caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions. Par conséquent, une nouvelle maison sur le terrain d’assiette du projet constitue une extension de l’urbanisation en continuité d’un village existant, ce qui est conforme à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article n’est, par suite, pas propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées.

9. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme : « L’extension limitée de l’urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d’eau intérieurs désignés au 1° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement est justifiée et motivée dans le plan local d’urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l’urbanisation est conforme aux dispositions d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un schéma d’aménagement régional ou compatible avec celles d’un schéma de mise en valeur de la mer () ». Une opération qu’il est projeté de réaliser en agglomération ou, de manière générale, dans des espaces déjà urbanisés ne peut être regardée comme une « extension de l’urbanisation » au sens de ces dispositions que si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d’un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions. En revanche, la seule réalisation dans un quartier urbain d’un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ne peut être regardée comme constituant une extension au sens de la loi.

10. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section ZN n° 517 sur laquelle sera implantée le projet en litige et qui est située dans une zone Ubhr, et non en zone Ns voisine, présenterait un quelconque intérêt au titre de l’article R. 121-4 du code de l’urbanisme, quand bien même elle serait dans le périmètre du site inscrit du Golfe du Morbihan. Au contraire, cette parcelle de petite taille, s’insère dans un ensemble urbanisé et est entourée de parcelles bâties. Le projet, qui consiste en la construction d’une maison d’habitation d’une surface de 79,13 m², ne modifie pas, eu égard à ses caractéristiques et ses dimensions, les caractéristiques du secteur ni davantage n’en augmente significativement la densité. Il doit par suite être regardé comme une simple opération de construction. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme n’est, dès lors, pas de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions en litige.

11. En quatrième lieu, aux termes de l’article R. 431-7 du code de l’urbanisme : « Sont joints à la demande de permis de construire : a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune () ». Et aux termes de l’article R. 431-10 du code de l’urbanisme : " Le projet architectural comprend également : () / b) Un plan en coupe précisant l’implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l’état initial et l’état futur ; / c) Un document graphique permettant d’apprécier l’insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l’environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu’aucune photographie de loin n’est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

12. Si, comme le soutiennent les requérants, le dossier de demande de permis de construire ne comprend pas de plan de situation ni de document photographique permettant de situer le terrain dans le paysage lointain, cette absence doit être regardée comme n’ayant pas été de nature à faire obstacle à l’appréciation du service instructeur sur cette demande dès lors que, d’une part, le dossier comprend des pièces complémentaires adressées le 12 septembre 2022, sur lesquelles figurent les constructions voisines sur le plan de masse et, d’autre part, le document graphique joint au dossier permet de vérifier l’insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes ainsi que son impact visuel depuis la voie publique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 431-10 du code de l’urbanisme n’est pas propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.

13. En cinquième lieu, il ressort des dispositions de l’article Ub.10 du plan local d’urbanisme de la commune de Sarzeau qu’en secteur Ubhr, la hauteur maximale des constructions est déterminée par rapport à la hauteur maximum du gabarit voisin le plus haut.

14. En l’espèce, les requérants font valoir que ces dispositions ont été méconnues car les plans de coupe fournis dans le dossier de permis de construire attaqué précisent que la construction principale aura une hauteur de sept mètres cinquante au faitage, laquelle est alors supérieure au gabarit de leurs deux constructions, puisque, au faitage, celle des époux A I atteint 7,30 mètres, et celle de M. F et Mme C atteint 7,35 mètres. Toutefois, alors que le plan local d’urbanisme prévoit que pour les constructions éloignées de plus de 5 mètres par rapport à la limite d’emprise publique, la hauteur maximale est mesurée à partir d’un point de référence pris au centre de l’emprise du projet de construction au niveau du sol naturel avant travaux, il ressort des documents fournis qu’au centre de l’emprise de la construction de M. F et Mme C, le terrain naturel se confond avec la dalle du projet fini, comme en atteste l’écart indiqué de 0,00 mètres. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, en l’état de l’instruction, la construction de M. F et Mme C présente le même gabarit que la construction projetée et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article Ub.10 du plan local d’urbanisme de la commune de Sarzeau n’est donc ainsi pas propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.

15. En dernier lieu, en l’état de l’instruction, aucun des autres moyens invoqués susvisés n’est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées.

16. Il résulte donc de tout ce qui précède, qu’aucun des moyens soulevés à l’appui des deux requêtes n’est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions litigieuses. Par suite, l’une des conditions fixées à l’article L.521-1 du code de justice administrative n’étant pas remplie, les requêtes de M. et Mme A I et des consorts K ne peuvent qu’être rejetées sans qu’il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sarzeau ou de M. D qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que M. et Mme A I et les consorts K demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. et Mme A I et des consorts K une somme globale de 1 000 euros à verser à la commune de Sarzeau sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et une somme globale de 1 000 euros à verser à M. D au même titre.

O R D O N N E :

Article 1er : Les requêtes nos 2306675 et 2306676 de M. et Mme A I et des consorts K sont rejetées.

Article 2 : M. et Mme A I et les consorts K verseront conjointement à la commune de Sarzeau une somme globale de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et à M. D une somme globale de 1 000 euros au même titre.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme H et L A I, à M. B F et Mme G C, à la commune de Sarzeau et à M. D.

Fait à Rennes, le 29 décembre 2023.

Le juge des référés,

signé

G. Descombes La greffière d’audience,

signé

J. Jubault

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°s 2306675, 2306676

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Tribunal administratif de Rennes, 29 décembre 2023, n° 2306675