Tribunal administratif de Toulon, 30 décembre 2023, n° 2304161

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Sur la décision

Référence :
TA Toulon, 30 déc. 2023, n° 2304161
Juridiction : Tribunal administratif de Toulon
Numéro : 2304161
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 2 janvier 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— le code de la santé publique ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. C comme juge des référés pour statuer sur les requêtes en référé présentées en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Au cours de l’audience publique, tenue le 29 décembre 2023 à 9h30 heures en présence de Mme Ricci, greffière de l’audience, M. C a lu son rapport et entendu :

— les observations de Me Chaussade, représentant la SAS « Le Kallima », qui reprend ses écritures et indique que la fermeture risque de mettre en péril l’équilibre économique financier de l’établissement, que la gérante serait contrainte de procéder à la fermeture définitive de l’établissement et de licencier ses salariés, que la sanction est disproportionnée ;

— les observations de Mme A B, gérante de l’établissement « Le Kallima » ;

— les observations de Mme D, représentant le préfet du Var, qui reprend ses écritures et qui indique que l’exploitation de l’établissement porte atteinte à la tranquillité publique.

La clôture de l’instruction est intervenue à l’issue de l’audience à 10 h 20, en application du premier alinéa de l’article R. 522-8 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée exploite sous l’enseigne « Le Kallima », par le biais d’une location-gérance, un établissement à usage de restauration, bar, snack, dancing, discothèque, club privé, situé au centre commercial Midi Multiple sur la commune de Solliès-Pont. Par arrêté du

21 décembre 2023, notifié le 23 décembre suivant, le préfet du Var a prononcé, en application de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique et pour une durée de six mois, la fermeture administrative du débit de boissons exploité par cet établissement. La société requérante doit être regardée comme demandant au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de cette mesure.

2. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ».

3. Il résulte des termes mêmes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative que l’usage par le juge des référés des pouvoirs qu’il tient de cet article est subordonné au caractère grave et manifeste de l’illégalité à l’origine d’une atteinte à une liberté fondamentale. En outre, si la liberté d’entreprendre, dont la liberté du commerce et de l’industrie est l’une des composantes, est une liberté fondamentale, cette liberté s’entend de celles de jouir de son bien et d’exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur. Il appartient au juge des référés, pour apprécier si une atteinte est portée à cette liberté fondamentale, de tenir compte de l’ensemble des prescriptions qui peuvent en encadrer légalement l’exercice.

4. Aux termes de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique : « 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l’Etat dans le département pour une durée n’excédant pas six mois, à la suite d’infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. /Cette fermeture doit être précédée d’un avertissement qui peut, le cas échéant, s’y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d’une défaillance exceptionnelle de l’exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. /2. En cas d’atteinte à l’ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l’Etat dans le département pour une durée n’excédant pas deux mois. Le représentant de l’Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l’exploitant s’engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d’un permis d’exploitation visé à l’article L. 3332-1-1. /3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l’exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée par le représentant de l’Etat dans le département pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l’annulation du permis d’exploitation visé à l’article L. 3332-1-1./ 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l’ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation () ». Aux termes de l’article L. 3353-3 du code précité dispose : " La vente à des mineurs de boissons alcooliques est punie de 7 500 € d’amende. L’offre de ces boissons à titre gratuit à des mineurs, dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics, ou l’offre, à titre gratuit ou onéreux, à un mineur de tout objet incitant directement à la consommation excessive d’alcool dans les conditions fixées à l’article L. 3342-1 sont punies de la même peine. ".

5. Il résulte de ces dispositions qu’elles confèrent au représentant de l’Etat dans le département le pouvoir d’ordonner, au titre des pouvoirs de police qu’il détient, les mesures de fermeture d’un établissement qu’appelle la prévention de la continuation ou du retour de désordres liés à sa fréquentation ou à ses conditions d’exploitation. L’existence d’une atteinte à l’ordre public de nature à justifier la fermeture d’un établissement doit être appréciée objectivement. La condition, posée par les dispositions précitées, tenant à ce qu’une telle atteinte soit en relation avec la fréquentation de cet établissement peut être regardée comme remplie, indépendamment du comportement des responsables de cet établissement.

6. Si la liberté d’entreprendre, dont la liberté du commerce et de l’industrie est une composante, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, cette liberté s’entend de celle d’exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui lui sont légalement imposées, tout spécialement lorsqu’est concernée la protection de l’ordre et de la tranquillité publics.

7. Il résulte de l’instruction que le préfet du Var a ordonné la fermeture du débit de boisson connu sous l’enseigne « Le Kallima », pour une durée de six mois à compter de sa notification. Cette notification étant intervenue le 23 décembre 2023, la mesure court donc jusqu’au 23 juin 2024 inclus. Il résulte également de l’instruction que la fermeture administrative concerne la période des fêtes de fin d’année.

8. D’une part, pour justifier d’une perte importante de son chiffre d’affaires, la société requérante produit une attestation de son expert-comptable, son contrat de location-gérance, ses trois derniers relevés de comptes, des factures de fournisseurs et des fiches de paie de ses salariés. Toutefois, ces documents ne permettent pas d’apprécier le montant prévisionnel de la perte de recettes invoquée, son impact sur l’équilibre financier de l’établissement. L’attestation de l’expert-comptable mentionnant que la fermeture de l’exploitation serait préjudiciable pour l’avenir de la société pouvant l’entraîner vers la liquidation judiciaire est insuffisante à cet égard dès lors qu’elle n’apporte aucune indication sur l’incidence d’une telle fermeture administrative en cette période.

9. D’autre part, il ressort de l’arrêté attaqué qu’il est fondé notamment sur la vente d’alcool à une personne mineure et sur une rixe qui a éclaté la nuit du week-end du 2 au 3 septembre 2023 nécessitant l’intervention des forces de l’ordre. Ces faits, qui sont attestés par deux rapports de renseignement administratif établis par la brigade territoriale de gendarmerie de La Farlède du

27 septembre 2023 et du 10 novembre 2023, lesquels font foi jusqu’à preuve du contraire, sont constitutifs d’une infraction à la réglementation des débits de boisson et de troubles à l’ordre public.

10. Ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que le préfet du Var, en estimant que ces circonstances ont créé une situation générant de graves troubles à l’ordre public et que ces faits étaient en relation directe avec les conditions d’exploitation et la fréquentation de cet établissement et en prononçant, pour ce motif, sur le fondement du 1° et du 2° de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique, sa fermeture limitée à six mois, aurait porté une atteinte manifestement disproportionnée aux libertés d’entreprendre et du commerce et de l’industrie qui constituent des libertés fondamentales. Par suite, la requête de la SAS « Le Kallima » doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la SAS « Le Kallima » est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS « Le Kallima » et au préfet du Var.

Fait à Toulon le 30 décembre 2023.

Le juge des référés,

Signé

Z. C

La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Et par délégation,

La greffière,

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