Tribunal de commerce de Paris, 13 décembre 2002, n° 2001/13929

  • Reproduction des caractéristiques protégeables·
  • Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui·
  • Identification du modèle argué de contrefaçon·
  • Volonté de profiter de la notoriété d'autrui·
  • Appréciation selon les ressemblances·
  • Impression visuelle d'ensemble·
  • Vente à prix inférieur·
  • Contrefaçon de modèle·
  • Concurrence déloyale·
  • Différences mineures

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 13 déc. 2002, n° 2001/13929
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Numéro(s) : 2001/13929
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 5 mai 2004, 2003/02075
  • Cour de cassation, 23 mai 2006, A/2004/16254, E/2004/16580
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 940203
Classification internationale des dessins et modèles : CL23-03
Référence INPI : D20020265
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Texte intégral

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS 15EME CHAMBRE

JUGEMENT PRONONCE LE VENDREDI 13.12.2002

RG 2001013929

ENTRE : 1- SA MULLER ET CIE dont le siège social est […] 75018 PARIS.

2- SA CAMPA dont le siège social est […] 75018 PARIS.

PARTIES DEMANDERESSES assistées de Maître François G, avocat (E617) et comparant par la SCP DEBETZ ET ASSOCIES, avocats (P146). ET : SA A LEVIN ET COMPAGNIE dont le siège social est […] 90100 DELLE

PARTIE DEFENDERESSE assistée de Maître O Claude, avocat au Barreau de BELFORT (SCP DREYFUS SCHMIDT OHANA LIETTA) et comparant par Maître Sandra O, avocat (C1050). APRES EN AVOIR DELIBERE : L’activité juridictionnelle a été suspendue du 19 février au 26 mars 2001. Par réunion extraordinaire du 26 mars 2001, le Tribunal a décidé la reprise de cette activité à partir du 27 mars 2001. Les parties en ayant été avisées, et encore l’activité juridictionnelle a été suspendue du 1er février au 21 février 2002. Par réunion extraordinaire du 21 février 2002, le Tribunal a décidé la reprise de cette activité à partir du 22 février 2002. Les parties en ayant également été avisées. FAITS La société CAMPA, filiale de la société MULLER ET CIE, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d’appareils électriques de chauffage, a lancé sur le marché une nouvelle gamme de radiateurs rayonnants sous la dénomination « PHOTON », modèle déposé par MULLER ET CIE.

Or, CAMPA et MULLER ont constaté qu’une gamme de modèles présentant une configuration identique, était commercialisée dans un magasin BRICORAMA provenant de la société AMSTUTZ LEVIN ET CIE ;

Après avoir fait dresser un constat d’achat par Huissier de Justice, les sociétés CAMPA et MULLER se sont résolues à intenter une action judiciaire à l’encontre de

A LEVIN ET CIE, en contrefaçon et concurrence déloyale, ce que conteste cette dernière. C’est ainsi que se présente l’affaire.

PROCEDURE 1°) Par assignation du 24 janvier 2001, les société s MULLER ET CIE et CAMPA demandent au Tribunal de :

- dire que le modèle déposé par MULLER le 12 janvier 1994 sous le n° 940203, fabriqué et commercialisé par CAMPA depuis 1987, est protégé par les dispositions du Livre V du CPI,
- dire qu’A LEVIN ET CIE, en commercialisant des modèles identiques à la gamme des modèles MULLER présentant les mêmes effets extérieurs et la même configuration, se livre à des agissements de contrefaçon au préjudice de MULLER,
- dire que se faisant, A LEVIN se livre à des agissements de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de CAMPA, en application de l’article 1382 du Code Civil,
- interdire en conséquence et ce sous astreinte de 10.000,00 F par infraction constatée, à A LEVIN la commercialisation des modèles contrefaisants,
- condamner A à payer à titre de DI les sommes suivantes : . 1.000.000,00 F., au titre de la contrefaçon, à MULLER ET CIE, 1.000.000,00 F, au titre de la concurrence déloyale, à CAMPA,
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux du choix de MULLER ET CIE et CAMPA aux frais de A LEVIN sans que le coût de chaque insertion ne puisse être inférieur à 20.000,00 F.,
- ordonner l’exécution provisoire,
- condamner A LEVIN à payer la somme de 75.000,00 F. au titre de l’article 700 du NCPC et aux dépens. 2°) Par conclusions responsives des 5 octobre et 30 novembre 2001, la société AMSTUTZ LEVIN ET CIE demande au Tribunal de :

- dire qu’elle n’a commis aucun acte de contrefaçon au préjudice de la société MULLER et aucun acte de concurrence déloyale à celui de la société CAMPA, et débouter les sociétés MULLER et CAMPA de l’intégralité de leurs demandes,
- condamner solidairement les sociétés CAMPA et MULLER à lui payer les sommes suivantes : . 100.000,00 F. à titre de DI pour procédure abusive, . 50.000,00 F. au titre de l’article 700 du NCPC,
- ordonner l’exécution provisoire,
- condamner solidairement les deux demanderesses aux dépens. 3°) Par conclusions régularisées à l’audience du Ju ge Rapporteur du 11 octobre 2002, les sociétés MULLER et CAMPA réitèrent leurs précédentes demandes en les convertissant en euros, à savoir :

- interdiction sous astreinte de 1.524,49 € par infraction,
- demande de DI d’un montant de 152.450,00 € au titre de la contrefaçon, la demande de DI au titre de la concurrence déloyale restant exprimée en Francs (!),
- coût minimal de chaque publication de 3.048,98 €,

— article 700 du NCPC d’un montant de 11.433,68 €. A l’issue de l’audience du 11 octobre 2002, après avoir entendu contradictoirement les parties, le Juge Rapporteur a prononcé la clôture des débats.

Par jugement de renvoi du 15 novembre 2002, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats, enjoignant aux demanderesses de lui présenter un modèle de la gamme « PHOTON » de MULLER/CAMPA et des éléments chiffrés sur les pertes de marché, de chiffre d’affaires et de marge subis.

Le Juge Rapporteur a reçu les parties à l’audience du 27 novembre 2002 et après les avoir entendues contradictoirement, a prononcé la clôture des débats.

MOYENS DES PARTIES ET DISCUSSION Sur la contrefaçon,

MULLER ET CIE et CAMPA font valoir :

- qu’en 1987, CAMPA a lancé sur le marché une nouvelle gamme de radiateurs rayonnants sous la dénomination « PHOTON » se distinguant de ses concurrents par le fait que chacun des radiateurs de la gamme, de forme générale rectangulaire, est habillé d’une grille perforée qui n’est pas disposée sur l’avant de l’appareil, de manière classique, à l’intérieur du cadre, mais également sur les côtés qu’elle recouvre, ces dispositions conférant à la gamme une configuration distincte l’identifiant aux yeux de la clientèle,
- que ce modèle, qui a rencontré immédiatement un grand succès, a été déposé le 12 janvier 1994 à l’INPI par MULLER ET CIE,
- que d’autre sociétés importantes, telles THERMOR et ATLANTIC, fabriquent et commercialisent des appareils de chauffage électrique utilisant aussi des grilles mais dans un agencement différent,
- qu’ayant constaté que des modèles présentant une configuration identique était commercialisés dans un magasin BRICORAMA […], elle a fait dresser un constat d’achat le 30 octobre 2000 par Me DARRICAU P, Huissier de Justice, et que l’appareil acquis portait la dénomination AMSTUTZ LEVIN et CIE,
- que pour contester la contrefaçon, cette dernière s’appuie sur de simples différences de détails, mais que la contrefaçon
- s’établit sur les ressemblances d’ensemble et que de toute façon, le modèle en cause se distingue par une combinaison d’éléments lui donnant un caractère propre et nouveau l’identifiant aux yeux de la clientèle, A LEVIN réplique qu’elle n’a commis aucun acte de contrefaçon au préjudice des demanderesses, pour les raisons suivantes :

- que, suivant procès-verbal dressé le 21 février 2001 par Me R, Huissier de Justice, l’aspect visuel des deux panneaux rayonnants n’est nullement identique et que le panneau DIXI lui appartenant ne peut être considéré comme une copie servile et fautive du panneau « PHOTON »,
- que, contrairement à ce que soutiennent les demanderesses, il ne s’agit nullement d’une simple différence de détail mais d’une différence générale d’aspect,

que le cadre tôle et clair du modèle « PHOTON » ressort visuellement de face, derrière la façade grillagée sur tout le périmètre de celle-ci, que cet élément ne constitue pas une simple différence de détail et saute aux yeux du consommateur profane et qu’il n’apparaît pas sur le modèle DIXI,
- que les comparatifs techniques des deux appareils en cause démontrent que le modèle PHOTON est un modèle de haut de gamme alors que le modèle DIXI se situe en entrée de gamme,
- qu’en outre, leurs caractéristiques techniques sont radicalement différentes, notamment en ce qui concerne le label PROMOTELEC, les touches de commande, les options possibles, les coloris proposés, l’aspect et la visualisation de l’ensemble des fonctions à partir de laquelle PHOTON cherche à créer l’impression de parfait bien-être pour le consommateur,

SUR CE, LE TRIBUNAL, Attendu que selon ses dernières conclusions, MULLER ne revendique que le modèle de convecteur déposé le 12 janvier 1994 sous le n° 904203, sur une gamme de 22 modèles, de forme générale rectangulaire, habillé d’une grille perforée et disposée non seulement sur l’avant de l’appareil mais aussi sur les côtés qu’elle recouvre ;

Attendu que l’antériorité du modèle « PHOTON » en cause n’est pas contestée par la défenderesse pas plus que son originalité et son caractère de nouveauté, la défenderesse ne contestant que la ressemblance avec son modèle DIXI en arguant la différence des angles arrondis sur le modèle MULLER/CAMPA et quasiment droit sur le sien et de coloris son modèle étant plus blanc que celui de MULLER/CAMPA ;

- que, par conséquent, ce modèle « PHOTON » bénéficie des protections légales prévues par le Code de la Propriété intellectuelle ;

- que le Tribunal a disposé des pièces versées aux débats par les demanderesses à savoir : le modèle « PHOTON » de MULLER/CAMPA déposé, le modèle de la défenderesse argué de contrefaçon, le Procès-verbal de constat du 30 octobre 2000, la brochure publicitaire de BRICORAMA intitulée SPECIAL ELECTRICITE ECLAIRAGE du 17 février au 4 mars 2000 et le Procès-verbal de constat du 21 février 2001 ;

- que ce dernier document versé aux débats par la défenderesse, établit la comparaison entre un modèle « PHOTON » et un modèle d’ A LEVIN dont il ressort qu’il ne possède le même type ni du modèle incriminé figurant dans le Procès-verbal de constat du 30 octobre 2000 produit par les demanderesses ni de celui figurant sur la brochure BRICORAMA, et qu’ainsi, ce constat, établi de façon non contradictoire pour les besoins de la cause, ne pourra donc pas être retenu comme constituant un élément de preuve irréfutable démontrant que le modèle incriminé de la défenderesse n’a aucune ressemblance avec le modèle « PHOTON » ;

- que la contrefaçon s’établit sur les ressemblances en fonction de ce que pense une personne faisant preuve d’une attention moyenne, et qu’à l’analyse de ces pièces, il apparaît qu’un tel consommateur a pu être trompé par le produit incriminé de la défenderesse du fait de la ressemblance manifeste de la grille perforée disposée non seulement sur l’avant mais recouvrant les côtés qui donne un caractère propre et identifiable aux yeux de la clientèle du modèle MULLER/CAMPA ;

— que les différences relevées par la défenderesse de son propre modèle, notamment en ce qui concerne les angles et les couleurs de la grille, ne remettent pas en cause l’impression de ressemblance, car ces différences sont minimes et ne ressortent qu’après analyse très détaillée des deux modèles en cause qui ne peut être faite que par comparaison de ces deux modèles, d’où un risque évident de confusion dans l’esprit d’un consommateur moyen ;

En conséquence, le Tribunal dira qu’il y a bien eu contrefaçon de part d’A LEVIN à l’encontre de MULLER ET CIE, par la commercialisation de modèles contrefaisants celui de la gamme de modèles « PHOTON » déposé sous le n°904203, déboutant la défenderesse de ses demandes contraires. Il ordonnera donc l’interdiction à A LEVIN de commercialiser tout produit contrefaisant ledit modèle de MULLER ET CIE, ce sous astreinte de 1 524,49 € par infraction constatée à compter du lendemain de la signification du présent jugement.

Sur la concurrence déloyale, CAMPA se fonde sur le fait que la défenderesse a copié, sans nécessité, ses produits entraînant un risque de confusion ce qui constitue un acte de concurrence déloyale, tandis que A LEVIN soutient que, dès lors qu’il n’y a eu d’actes de contrefaçon de sa part, elle ne saurait avoir commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des demanderesses.

SUR CE, LE TRIBUNAL, Attendu que CAMPA est une marque connue pour ses produits de qualité et de haut de gamme et un des leaders du marché ;

- qu’en faisant une copie quasiment servile de son modèle, la défenderesse s’est placée volontairement dans le sillage de MULLER/CAMPA pour bénéficier de sa notoriété ;

- que de plus il y a eu vente du modèle contrefaisant à un prix inférieur à celui du modèle CAMPA ;

Le Tribunal dira donc qu’en l’espèce, A LEVIN s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale par parasitisme au préjudice de CAMPA en commercialisant son modèle contrefaisant au modèle « PHOTON » de MULLER en cause. Sur les demandes de DI, Attendu que MULLER ET CIE justifie son préjudice par l’atteinte aux droits de propriété portée à ses modèles, sans apporter d’éléments tangibles à l’appui ;

- que CAMPA estime son préjudice important en raison d’une large commercialisation probable par une chaîne de distribution importante eu égard au succès rencontré par son propre modèle, sans toutefois pouvoir verser aux débats les éléments chiffrés demandés par le Tribunal ; le Tribunal, usant de son droit souverain d’appréciation fixera donc le montant des DI, toutes causes confondues, à 15.000,00 Euros, à payer par la défenderesse à CAMPA, déboutant pour le surplus.

Attendu que la défenderesse succombe, elle sera déboutée à ce titre.

Sur les autres demandes, Sur la publication, Attendu qu’il convient de porter à la connaissance de la profession et de la clientèle les présents faits, le Tribunal ordonnera la publication du dispositif du présent jugement dans cinq journaux au choix de MULLER ET CIE et CAMPA et aux frais d’A LEVIN, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 3.048.98,00 € HT.

Sur l’exécution provisoire, les frais irrépétibles et les dépens, Attendu que l’exécution provisoire n’apparaît pas nécessaire en l’état, elle ne sera pas ordonnée, sauf pour les mesures d’interdiction.

Attendu que MULLER ET CIE et CAMPA ont dû pour faire reconnaître leurs droits exposer des frais non taxables et qu’ainsi le Tribunal trouvant dans la cause les éléments suffisants, condamnera la défenderesse à leur payer la somme globale de 4.000,00 €, déboutant pour le surplus.

Attendu que la défenderesse succombe au principal, elle ne saurait prospérer à ce chef de demande et sera condamnée aux dépens. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort :

- dit que la société AMSTUTZ LEVIN ET COMPAGNIE s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon au préjudice de la société MULLER ET CIE et d’actes de concurrence déloyale au préjudice de la société CAMPA, par la commercialisation de modèles contrefaisants celui de la gamme « PHOTON » de la société MULLER ET CIE déposé à l’INPI sous le n°940203 et commerciali sé par la société CAMPA,
- fait interdiction à la société AMSTUTZ LEVIN ET COMPAGNIE de commercialiser tout modèle contrefaisant ledit modèle de la société MULLER ET CIE, ce sous astreinte de 1.524,49 Euros par infraction constatée, à compter du lendemain de la signification du présent jugement,
- condamne la société AMSTUTZ LEVIN ET COMPAGNIE à payer solidairement aux sociétés MULLER ET CIE et CAMPA 15.000,00 Euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis respectivement à leur encontre,
- ordonne la publication du dispositif du présent jugement dans cinq journaux au choix des sociétés MULLER ET CIE et CAMPA aux frais de la société AMSTUTZ LEVIN ET COMPAGNIE, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 3.048,98 Euros HT par insertion,
- ordonne l’exécution provisoire du présent jugement sur les mesures d’instruction seulement.

- condamne la société AMSTUTZ LEVIN ET COMPAGNIE à payer aux sociétés MULLER ET CIE et CAMPA la somme globale de 4.000,00 Euros au titre de l’article 700 du NCPC, déboutant pour le surplus,
- dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires et les en déboute respectivement,

— condamne la société AMSTUTZ LEVIN ET COMPAGNIE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 72,88 Euros TTC dont 11,63 Euros de TVA.

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