Tribunal correctionnel de Paris, 16 décembre 1986, n° 999

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. corr. Paris, 16 déc. 1986, n° 999
Numéro(s) : 999

Texte intégral

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARIS (1" Ch.) 16 décembre 1986 Présidence de M. X

Attendu qu’après le règlement judiciaire intervenu en juin et septembre 1981 de la société foncière et financière Agache IL ( SFFAW) et de la société Boussac Saint-Frères (BSF), sa filiale , la location-gérance des deux fonds de Commerce a été confiée le 1 er juillet 1982 à la compagnie BSF, filiale de l’institut de développement indsustriel (IDI) en vue de chercher un concordat sous l’égide des pouvoirs publics , que selon les accords passés le 10 juillet 1983, les frères ont cédé à CBSF l’usufruit de la plupart de leurs actions, dont la nue-propriété était mise sous séquestre, que toutefois ces accords ne tardaient pas à être dénoncés par les Frères et donnaient lieu à un abondant contentieux jusqu’à la fin de l’année 1984.

Attendu que le 14 novembre 1984, une solution reprise du groupe apparaissait avec la signature d’un protocole entre les frères et Bernard NL , président-direcieur genéral de Ferinel, les premiers 5 engageant à céder une partie de leur, actions S.F.F.A.W. au second, lequel devait apporter 400 M. F, de fonds propres par une augmentation de capital et propose: un concordat : -.. Atiendu que X. conseil juridique avait suivi de près le dossier, ans avoir été mandaté expressément par aucune des parties, qu’il avait été présenté à Jean Pierre au printemps 1984, qu’il était inervenu à "l’américaine » sans aucune rémunération, pour étudier avec des cabinets d’avocats spécialisés des solutions de reprise du groupe notamment par Bernanrd AI, jusqu’en septembre 1984; qu’en octobre 1984, il avait acquis 50 actions la S.F.F.A.W. devenant ainsi un actionnaire minoritaire du holding Attendu que le 30 novembre 1984, X… participait en cette qualité à l’ensemblée genérale de la S.F.F.A W. ; qu’il récusait le mandataire commun des frères de C.B.S.F et de Bernard NL pour incertitude sur le droit de vote double des actions: cédées par les frères  ; qu’il menaçait, s’il n’était pas entendu, d’attaquer les décisions de l’assemblée ; qu’il soutenait vigoureusement que la présentation d’un concordat rendait nécessaire la reconstitution des organes sociaux et par conséquent l’éviction de l’administrateur provisoire Chassagnon, ainsi que l’application des conventions de juillet 1982 et juillet 1983 ; que toutefois ses propositions n’étaient pas adoptées en raison de l’abstention

du mandataire commun, majoritaire (scellé n° 2)

Attendu que fin janvier 1985, X… prenait contact avec le prpfesseur Y…. agrégé des Facultés de droit et conseil de M. Z qui le recevait au siège du « Bon Marché » le 29 janvier ; que ce dernier lui ayant reproché son obstruction à la solution G. et demandé s’il désirait de l’argent pour laisser le groupe en paix X… lui répondait qu’il voulait recevoir une mission genérale avec rétribution des services passés et à venir ; qu’aucune suite n’était donnée à cette proposition ;

Attendu que débui mai 1985, X…. revenait à la charge auprès du professeur Y… auquel il déclarait par téléphone que l’assemblée générale de S.F.F.A.W. convoquée pour le 24 mai 193 risquait d’être annulée si certaines mesures qu’il envisageait de proposer n''étaient pas adoptées ; qu’il lui annoncait l’envoi d’un courrier à ce sujet.

Attendu qu’en effet X… adressait les 3 et 6 mai 1985 au professeur Y ainsi qu’à C.B.S.F., B.S.F, et SFP AW. : – un projet er mission de conseil juridique et accessoirement financier, en vue de la reconstitution des organes sociaux, la réalisation des augmentations de capital prévues et la présentation du concordat des sociétés S.F.F.A.W, B.S.F. et autres, « dans la plus large acceptation de l’ensemble des opérations définies au terme du contrat en date du 14 novembre 1984 intervenu entre MM. et divers tiers. Des devis d’intervention s’élevant à 296 500 F TTC pour C.B.S.F, 593000 FTTC pour B.S.F et 889500 FTTC pour S.F.F.A.W soit au total 1779000 FTTC; des factures d’honoraires correspondant à ces devis:

Attendu que le vendredi 17 mai 1985 vers 10 h 30 ou 11H

Hugues de LY du Saillant, directeur général de C.B.S.F

appelait X… au telepnone pour avoir des explications sur ces documents, que X… lui affirmait que la présentation du concordat, la reconstitution de sorganes ociaux et l’augmentation de capital envisagés étaient en l’état irréalisables juridiquement :1) parce que l’augmentation avec renonciation au droit de préférence ne pouvait avoir lieu sur le rapport de l’administration provisoire mais seulement du Directoire, mandataire des actionnaires. et ce malgré une autorisation par ordonnance sur requête du Tribunal de commerce de Lille – « qui signe n’umporte quoi» – (sic) ; 2) :; raison de la question du quorum et des majorités : 3) en raison d’une erreur « de caractère dramatique » commise par la Cour de Douai en prononçant courant septembre 1981 la confusion de masse et de patrimoines entre S.F.F.A W et BSF. de sorte qu’il n’y a « plus de sociétés individualisées » ;

Attendu que X… poursuivait «  il n’est pas possible de laisser se perpétuer de telles erreurs Jundiques… ça ne fait pas servir la cause que nous cherchons tous à servir. à savoir l’introduction de votre groupe à vous. Monsieur, et à celui de M. NL dans les meilleures conditions… Moi je veux bien vous aider, j’ai les solutions. mais il faut faire vite… » ;

attendu que M. H ayant objecté qu’il payait déjà une somme importante à beaucoup de conseils et trouvait la note de son interlocuteur «astronomique», X… lui assurait que ces conseils étaient Incompétents et qu’en tant qu’actionnaire de la SFFAW et de mandataire de certains créanciers. il ne laissait pas « aller cette chose où elle va aller, c’est-à-dire à la cata tropbe juridique, à la catastrophe financière et à la catastrophe scandaleuse» , Attendu que X.. s’en prenait ensuite au prêt de consommation saions des frères inclus dans les accords avec le groupe B, qu’il qualifiait de nul, et à la mainlevée du séquestres des titres conditionnant l’accord du 14 novembre 1984, la quelle était selon lui sans valeur ;

Attendu que M. H s’étant déclaré inquiet de cette analyse et ayant demandé si les minoritaires allaient arguer de tout cela, X. répondait : « Vous avez raison d’être inquiet… Même pas les minoritaires… Il ne peut pas ne pas y avoir une action du Parquet à la requête de la minorité, le ne peut pas laisser passer çà. » ;

LY : « Je voudrais savoir comment on peut en sortir…. » ;

%. : « Mandatez-moi…. » ;

LY : « Je voudrais savoir comment on peut en sortir…. » ; X. : « Mandatez-moi… » ;

LY : « Mais on aura toujours des problèmes avec les minoritaire si je vous mandate » ;

X.: « Moi, je les ai à ma disposition… Ils sont derrière moi… (et sur questions réitérées au sujet des minoritaires)… Ils campent chez moi… Les minomtaires, faites moi confiance et (ils) ne feront rien qui ne se passe par moi et feront très exactement ce que je leur demanderai de faire…. Je fais mon affaire de régles le problème avec les minomtaires… Je vais vous dire, ils deviennent négligeables à ce moment-là… » ;

LY : « Oui, mais vous ne pourrez rien faite d’ici le 24 ». ; X…: « Tout, Monsieur. Je peux tout faire le 22 au soir. Tout est réglé». – LY : « Mais comment, d’après tout ce que vous me dites, comment peut-on ? » ; X: «Ah çà. Monsieur, si vous le permettez, c’est comme au poker, faut payer pour voir ». ; Attendu que M. H lui répondait qu’il allait réfléchir pendant le week-end et qu’il rappelerait ; Mais, attendu que pas lettre du 17 mai 1985, déposée le jour même au cabinet du doyen des juges d’instruction, Hugues de LY qui avait enregistré cette conversation au magnétophone- 3°. portait plainte contre X avec constitution de partie civile pour tentative d’extorsion de titre ou de signature au préjudice de CBSF

. Attendu que le dimanche 19 mai 1985 vers 18 h M. de LY rappelait X… ; que ce dernier se livrait à de nouveaux développements sur «la nullité absolue » du plan de redressement NL lequel se trouvait selon lui à la merci non seulement des minoritaires mais également de n’imporie quel

créancier et d’une tierce opposition pendant un délai de 5 ans: qu’il avertissait le directeur général d C.B.S.F. que si le 24 mai on n’avait pas « trouvé le moyen, d’arranger l’assemblée. de la

mettre en bonne forme » en prenant en compte les techniques qu’il proposerait de mettre en œuvre. Il serait obligé de s’opposer1 a la renonciation des actionnaires à leur droit de préférente sur le seul rapport de l’administrateur , qu’en définitive, il exposerait sa tratégie pour régulariser la future assemblée u moyen d’une requète qui serait présentée au président du tribunal de commerce de Lille, qu’il concluait «J’ai préparé les requêtes. Mais si on n’en veut pas, on n’en veut pas. [2< toute manière, moi. je dirait à l’Astemblée qu’un pouvait le faite et

qu’on ne l’a pas fait. Cest tout. Et par conséquent on ne peut pas voter ces résolutions… » ;

Attendu que c’est seulement aprés cette seconde conversation téléphonique, également enregistrée par M. J..quc la compagnie B.S.F. a effectué a consignation de partie civile le 20

mai 1985 et que l’information a été ouverte par réquisitoire du même jour ;

Attendu que X…. gardé à vue dans les locaux de la Brigade financière du 22 mai 1985 jusqu’au 24 mai à 17 h 50. a été empéché de se rendre à l’assemblée générale de la S.F.F.A.W. tenue à Lille le 24 mar à parur de 15 h 30;

Sur la force probante des enregistrements téléphoniques :

Attendu que la cassette enregistrant les deux entretiens téléphoniques a éte saisie sur commission rogatoire du juge d’int truction, transcrite par la Brigade financière et placée sous cellé ; qu’à l’audience, il a été procédé à l’audition des bandes ;

Attendu que la défense, sans soulever la nullité de ces enregistrements soutient par voie de conclusions qu’ils sont denues de valeur probante à raison de leur clandestinité et leur déloyauté ; qu’il s’agirait en fait d’un piège tendu par M. K pour tenter de provoquer des propos compromettants chez son interlocuteur et obtenir des charges en dehors de tous interrogatoires réguliers à l’encontre d’un homme dont l’inculpation était imminente puisqu’il était nommément désigné dans la plainte de

CB.S.F.. qu’au surplus les enregistrements ainsi obtenus seraient affectés de coupures ou passages inaudibles supprimant toute garantie quant à l’intégrité des conversations ;

Attendu qu’il résulte de l’art. 88 C. pr. pén. que la plainte de la partie civile n’est recevable et ne met en mouvement l’action publique que si elle a consigné dans le délai fixé par le magistrat instructeurs la somme présumée nécessaire pour les frais de procédure ; que la consignation étant en l’espèce du 20 mai 1985, rien n’interdisait jusque là à un particulier non encore valablement constitué partie civile de s’entretenir avec un homme d’affaires qui lui avait fait des offres de service, de le pousser dans ses

derniers retranchements et éventuellement de réunir des preuves contre lui ,

Attendu qu’il résulte de l’art. 88 C. pr. pên. que la plainte de la partie civile n’est recevable et ne met en mouvement l’action publique que si elle a consigne dans le délai fixé par le magistrat instructeur la somme présumée nécessaire pour les frais de procédure ; que la consignation étant en l’espèce du 20 mai 1985, n’en n’interdisait jusque là à un particulier non encore valablement constitué partie civile de s’entretenir avec un homme d’affaires qui lui avait fait des offres de sermice, de le pousser dans ses

deniers retranchements et éventuellement de réunir des preuves contre lui ,

Attendu d’ailleurs que X…. n’a contesté ni à l’information ni à l’audience la teneur des propos rapportés au dossier ; qu’interrogé sur la coupure qui figure à la fin de la conversation du 17 mai 1985, il n’a pu préciser le contenu des propos manquants mais a admis que ceux-ci n’étaient sans doute pas tres importants ;

Attendu en conséquence que les deux entretiens téléphoniques tels que reproduits aux cotes 36 à 54 et 101 à 1 1 5 de la procédure seront retenus comme éléments de fait et objet de la prévention ;

Sur la qualification d’extorsion de fonds :

Attendu que la C.B.S.F., qui réclame à l’audience 1 Franc de dommages-intérêts et 20 000 F en application de l’art. 475-1 C. pr. pén.. fait valoir que tous les éléments constitutifs de la tentative d’extorsion de fonds sont réunis en l’espèce ; que notamment la contrainte visée par l’art. 400 C. pén. comme un des moyens de l’extorsion est caracténisée par la menace d’actions tendant à

bloquer ou annuler le processus concordataire et de redressement à défaut de versement d’honoraires ;

Attendu que pour le ministère public, la « contrainte » de l’art. 400 C. pén. inclut la contrainte morale dans la mesure où elle abolit le libre arbitre de la victime ; que celle-ci peut être indifféremment une personne physique ou une personne morale par le biais de ses organes représentatifs – puisque l’art. 400 est placé au chapitre des « crimes et délits contre les propriétés » ; qu’au cas particulier, X… 2 véritablement « menacé de mort» la société C.B.S.F. en déclarant à ses dirigeants que faute d’être honoré, il allait faire échec à la seule médication possible, c’est-à-dire au concordat et à l’augmentation de capital ;

Attendu que la défense réplique qu’il s’agit là d’un raisonnement par analogie et que l’assassinat d’une personne morale n’est

pas une infraction, que la jursprudence et la doctrine exigent jusqu’à présent pour sanctionner la contrainte au titre de l’art 400C pénale des moyens de pression à caractère physique d’une gravité exceptionnelle, à moins de faiblese d’esprit de la victime, qu’en l’espèce c’est M de de LY qui, loin d’être terrorisé par les propos de X… les a provoqués complaisamment >

il est vrai que les dénsions rendues en matière d’extorsion de fonds ont toujours exigé en principe que les moyens employes pour faire pressions sur la victime lui aient inspiré la crainte de violences physiques ou au moins lui aient perdre l’ussage de son libre arbitre ;

Attendu que La notion de contraintede l’art 400 C doit évidemment être rapprochée de celle de l’art 64C pen qui définit la contrainte comme une forte irrésistible dominant la volonté de cehui qui la subit : que la junsprudence a admis l’existence de contraintes morales comme fait justificantif, en cas de menace contre la vie ou l’intégrité corporelle, contre la liberté et même contre les biens, à condition qu’il s’agisse d’un danger et imminent ,

èmdu_czñn qu’ la définition ju utiement éclairés, dans son aspect de Part. 1112 C. aix. selon Isquel « il y a violence lorsqu’elle es de mature à faire rrapression sur une personne raisonnable et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou 53 fortune à un mu) conpdsrable et présent… » ;

Attendu qu’ainsi concue, la contrainte morale peut être constitutive d’une extorsion de fonds même si elle vise à obtenir la signature d’une personne morale, par l’intermédiaire de ses représentants légaux, de même qu’est incontestablement punissable un vol ou une escroquerie au préjudice d’une personne morale-

Mais attendu qu’en l’espèce l’ultimatum adressé par X à CBSF. ne revêt pas. compte tenu des forces en présence de caractère de péril grave, certain et imminent

° cractérisant la contrainte au sens de l’art. 400 C. pén. : que les prédictions catas» tropiques de X sur l’environnement juridique du plan NL

pouvaient inquiéter que modérément un directeur général de CBSF rompu aux affaires, entouré de conseils de haut niveau et bénéficiant de l’appui des pouvoirs publics. même si X… s’était comporté à la précédente

assembles générale

du 30 novembre 1984 comme un contestataire gênant; qu’au demeurant le plan de redressement NL n’était pas pour CBSF, locataire gérant des sociétés du groupe un impératif vital mais une solution parmi d’autres pour parvenir au concordat.

Attendu qu’en réalité on ne saurait voir une véritable extorsion dans le fait de celui qui obtient ou tente d’obtenir la remise ou la signature d’un écrit à force de sollicitation et d’importunités ; que l’emplo: d’une voie de droit et à plus forte raison la simple menace d’en user n’est pas en soi, sur le plan pénal, une violence

Attendu que dés lors et quelles que soient les réserves qu’appelle son attitude sur le plan d’ la déontologie du conseil juridique, X doit être relaré des fins de la poursuite et la partie civile

déboutée de son 201108 ;

Par ces motifs. statuant publiquement, contradictoirement et

en premier ressort, – Relare X.

.des fins de la poursuite ; déboute

la partie civile de sa constitution et la condamne aux dépens.

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