Tribunal correctionnel de Seine, 28 avril 1965, n° 9999

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Sur la décision

Référence :
T. corr. Seine, 28 avr. 1965, n° 9999
Numéro(s) : 9999

Texte intégral

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE LA SEINE (13e ch.), 28 avril 1965

FAUX ET USAGE DE FAUX. – […]

ET CERTIFICATS. – ATTESTATIONS ET CER-TIFICATS. […]

DE TELS ACTES. DOCUMENT APPORTANT UN TÉMOIGNAGE ÉCRIT (OUI).

Pour que le délit prévu et puni par l’art. 161 C. pén. soit constitué, il faut deux éléments : d’une part, la rédaction d’une attestation faisant état de faits matériellement inexacts ; d’autre part, l’intention délictueuse. Par attestation il faut entendre, non seulement une pièce telle qu’un certificat de bonne vie et mœurs, un certificat de scolarité, de bonne conduite, de santé ou de maladie, mais encore tout document qui, sous une forme ou sous une autre, apporte un témoignage écrit. Cette attestation doit faire état de faits inexacts, mais au préalable, de faits ; on ne peut, en effet, imputer à délit à quelqu’un de faire état d’impressions, c’est-à-dire de jugements subjectifs, même si ces impressions sont dénuées de tout fondement. Pour que le délit de l’art. 161 soit constitué, il faut que l’attestation incriminée fasse état de faits, d’éléments objectifs dont la fausseté puisse être établie, caractère que ne Pré’ sentent pas des états d’âme. B X et C D, épouse X.

LE TRIBUNAL, — Attendu que les époux B X et C D, épouse X, sont poursuivis sous l’inculpation d’avoir, à Annecy et à Paris, le 10 mars 1960, en tout cas depuis temps non prescrit : 1° établi sciemment une attestation faisant état de faits matériellement inexacts en l’espèce une lettre destinée à être versée aux débats de la procédure de divorce pendante devant la 20e Chambre civile de la Seine, opposant les époux Y-E, qui imputait au sieur Y des faits de débauche et, d’inconduite matériellement inexacts; 2, fait sciemment usage de cette attestation en la faisant parvenir à Paris au conseil de la dame E avec mandat de s’en servir;

Attendu que, le 10 mars 1960, les époux X adressaient à M. X…, avocat au barreau de Paris, une lettre destinée à apporter leur témoignage à l’appui de dame E F, épouse Y, contre laquelle son mari, G Y, avait intenté une action en divorce devant le Tribunal de grande instance de la Seine;

Attendu qu’à côté des plus grands éloges en faveur de dame Y cette lettre contenait les passages suivants : « … Puis, ce fut le départ pour Paris, très vite les nuages s’accumulèrent sur le jeune ménage, peut-être la profession de Y fut-elle pour quelque chose; en effet, dans celle-ci, il faut un caractère de fer et une noblesse d’âme pour ne pas se laisser prendre aux facilités de la vie que peut procurer ce métier. La boisson, les mauvais exemples, les femmes d’un milieu douteux détournèrent rapidement Y de sa femme. Lors de mes voyages à Paris, je me rappelle les confidences que celui-ci me faisait. J’avais la nette impression qu’il vivait sa vie et qu’il se complaisait dans les milieux louches où pouvait s’extérioriser sa débauche qui s’affirmait à un point tel que bientôt je cessais toutes relations avec lui. Je garderai toujours l’impression qu’il voulait se rendre libre… Je vous adresse, maitre, cette lettre dans l’espoir qu’elle pourra servir les intérêts de Mme Y… »;

Attendu que, par jugement du 5 juillet 1961, la 20, Chambre autorisait les époux Y à rapporter la preuve des griefs, par eux allégués, la dame Y s’étant, entre-temps, portée demanderesse reconventionnelle en divorce'. Attendu qu’au cours de l’enquête civile, X B déposait en termes fort mesurés, se bornant à faire état de plaintes recueillies auprès de dame Y et de confidences

à lui faites par Y; Attendu que, par arrêt en date du 2 juillet 1963, la Cour de Paris a prononcé le divorce aux torts exclusifs de dame E, épouse Y; Attendu que,, le 12 février 1963, le sieur Y portait plainte avec constitution de partie civile contre le, époux Z pour fausse attestation et usage; Sur l’existence du délit de fausse attestation : —

Attendu que, pour que le délit prévu et puni par l’art. 161 C. pén. soit constitué, il faut deux éléments

d’une part, la rédac-tion d’une attestation faisant état de faits matériellement inexacts; d’autre part,

l’intention délictueuse; Attendu que, par attestation, il faut entendre, non seule-ment une pièce telle qu’un certificat de bonne vie et moeurs, un certificat de scolarité, de bonne conduite, de santé ou de maladie,


mais encore tout document qui, sous une forme ou sous une autre, apporte un témoignage écrit; qu’en matière de divorce ou de séparation de corps on voit fréquemment des personnes citées à l’enquête comme témoins ne pas se présenter, mais adresser au magistrat enquêteur des lettres dans lesquelles elles déposent en faveur ou à l’encontre d’un des époux; que ces lettres, sans avoir l’autorité d’un témoignage reçu sous la foi du serment, n’en ont pas moins une certaine valeur et peuvent utilement corroborer des témoignages recueillis à l’enquête;

Attendu que tel est bien le caractère de la lettre adressée par les époux X au conseil de dame

Y;

Attendu que cette attestation doit faire état de faits matériellement inexacts, mais au préalable, de faits; qu’on ne peut, en effet, imputer un délit à quelqu’un de faire état d’impressions, c’est-à-dire de jugements subjectifs, même si ces impressions sont dénuées de tout fondement; qu’une personne peut se tromper de bonne foi en donnant son opinion sur une autre; qu’au reste la justice ne fait guère cas de simples impressions personnelles; que, pour ce délit de l’art. 161 soit constitué il faut que l’attestation incriminée fasse état de faits, d’éléments objectifs dont la fausseté puisse être établie, caractère que ne présentent pas des états d’âme;

Attendu que la lettre dont s’agit fait état à la fois d’impressions et de faits : les faits : « La boisson, les mauvais exemples, les femmes d’un milieu douteux détournèrent rapidement Y de sa femme…

Lors de mes voyages à Paris, je me rappelle des confidences que celui-ci me faisait…; où pouvait

s’extérioriser sa débauche qui s’affirmait a. un Point tel que bientôt je cessais toutes relations avec lui »; les impressions « j’avais la nette impression qu’il vivait sa vie…; je garderai toujours l’impression très nette qu’il voulait se rendre libre et qu’il n’hésiterait pas… »;

Attendu qu’une phrase de cette lettre peut sembler équivoque « j’avais la nette impression… qu’il se complaisait dans les milieux louches où pouvait s’extérioriser sa débauche… »: que cependant cette phrase n’apporte pas une simple impression, mais un fait précis, puisqu’elle se termine par cas mots : «

… où pouvait s’extérioriser sa débauche qui s’affirmait à un point tel que bientôt je cessais toutes relations avec lui »:

Attendu par contre, qu’il convient d’écarter de l’accusation les confidences que X prétend avoir reçu de Y; que, malgré l’invraisemblance du fait au vu des enquêtes effectuées et des témoignages recueillis, il n’est pas possible d’apporter la preuve que ces confidences n’ont pas été faites;

Attendu que les faits de débauche et d’inconduite reprochés par les époux X à Y se sont révélés matériellement inexacts; que, tout d’abord, contrairement aux insinuations de la lettre incriminée.

Y, officier de police judiciaire, n’a jamais appartenu dans son service à la Brigade des mœurs, mais au 6e Cabinet des délégations judiciaires de la préfecture de police; que les enquêtes de divorce et

l’information ouverte pour fausse attestation ont démontré la fausseté des accusations portées par les prévenus. la conduite et le comportement de Y tant sur le plan privé que professionnel n’ayant pas donné lieu à critiques; que, par contre, le tribunal, puis la cour, ont prononcé le divorce aux torts exclusifs de la femme en raison de son attitude injurieuse avec un sieur B…;

Attendu que la mauvaise foi des prévenus découle de la fausseté des faits rapportés et du fait que les époux X ont maintenu devant le magistrat instructeur leurs accusations contre Y, sans pouvoir apporter le moindre élément objectif à l’appui de leurs dires, le mari se montrant fort prudent à

l’enquête judiciaire; que les prévenus ont donc rédigé sciemment une fausse attestation; qu’ils l’ont fait dans l’intention de nuire à Y comme en témoignent ces mots : « Je vous adresse, maitre, cette lettre dans l’espoir qu’elle pourra servir les intérêts de Mme Y… »;

Attendu que l’usage de fausse attestation réside dans l’envoi de la lettre au conseil de dame Y’ avec la mention ci-dessus rapportée; Attendu que la prévention est donc justifiée et les délits juridiquement établis;



Attendu que les faits sont graves; que la culpabilité de C D épouse X, est moindre que celle de son mari, car la partie civile le reconnait elle-même, c’est une pauvre femme et elle a écrit sous la dictée de son mari; que les deux prévenus sont délinquants primaires et bien notés, Z étant titulaire de décorations élogieuses pour faits de guerre et de résistance; qu’il existe des circonstances atténuante, en leur faveur;

Sur la constitution de partie civile :

Attendu que Y s’est régulièrement constitué partie civile à l’encontre des époux X; qu’il sollicite, en réparation du préjudice moral et matériel qui lui a été causé, la somme de 5.000 F à titre de dommages-intérêts; Attendu que la lettre incriminée a été l’origine d’une procédure longue et coûteuse; qu’elle a causé bien des soucis et des tracas à Y; qu’elle pouvait porter un grave tort à cet officier de police judiciaire auprès de ses chefs et de ses collègues; qu’elle lui a causé un préjudice important dont les époux X doivent réparation in solidum; que cependant la demande en dommages-intérêts, fondée en son principe, apparaît exagérée en son quantum; que le tribunal fixe l’indemnisation à la somme de 2.000 F;

Par ces motifs,

Déclare X B et D C atteints et convaincus des délits qui leur sont imputés; en. répression, condamne X à la peine de 15 jours d’emprisonnement et à celle de 1.000 F d’amende;

Dit cependant qu’il sera sursis à la peine d’emprisonnement dans les termes de l’art. 734 C. pr. civ.;

Condamne D C épouse X à la peine de 300 F d’amende;

Et statuant sur la constitution de partie civile, la reçoit comme régulière en la forme, au fond, condamne conjointement et solidairement les époux X à payer au sieur Y la somme de 2.000 F à titre de dommages-intérêts;

Les condamne également aux dépens;

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

MM. A, prés.; Touzet, subst. — M.. Fargue

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