Tribunal de grande instance de Bobigny, Commission d'indemnisation des victimes d'infractions, n° 17/00102

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Bobigny, comm. d'indemnisation des victimes d'infractions, n° 17/00102
Juridiction : Tribunal de grande instance de Bobigny
Numéro(s) : 17/00102

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS

---------------------------------------------------

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

DE BOBIGNY

---------------------------------------------------

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE PROVISION ET D’EXPERTISE

Le Président de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions du tribunal de grande instance de Bobigny;

Vu le titre XIV du livre IV du code de procédure pénale et notamment les articles 706-6 et R.50-15;

Vu la communication faite à Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny et à Monsieur le Directeur Général du FONDS DE GARANTIE de la requête de :

Madame Y X,

née le […] à BOU-IZAKARNE (Maroc)

[…]

[…]

agissant tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs:

B X

né le […] à […]

et

Malak X

née le […] à […]

Ayant comme Avocat Maître François LAFFORGUE du barreau de PARIS (P 268)

enregistrée le 24 mars 2017

sous le numéro 17/00102

au secrétariat de la Commission, tendant à l’allocation d’une provision à valoir sur une indemnisation sollicitée au titre de l’article 706-3 et suivants du code de procédure pénale ;

Vu les pièces jointes à la requête ;

Vu les observations de Monsieur le Procureur de la République en date du 19 avril 2017;

Vu les observations de Monsieur le Directeur Général du FONDS DE GARANTIE en date du 10 avril 2017 ;

* * *

Madame Y X sollicite en son nom propre une indemnisation de 15.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral, et une expertise médicale pour ses deux enfants mineurs afin de déterminer leur préjudice corporel. Elle sollicite en outre l’exécution provisoire de la décision à intervenir, et le paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que suivant bail du 1er juin 2004 elle est devenue locataire d’un logement de 2 pièces appartenant à Monsieur Z A sis […] à […] ; que les revêtements de cet appartement, fortement dégradés, ont généré des poussières fortement chargées en plomb ayant intoxiqué ses enfants mineurs ; qu’un diagnostic plomb a été effectué le 14 avril 2015 par la Préfecture de Seine Saint Denis mettant en évidence un risque d’accessibilité au plomb dans les peintures de l’appartement; que les prélèvements sanguins effectués les 29 juin 2015 et 7 novembre 2015 sur les enfants B et Malak ont établi des taux de plomb dans le sang dépassant le seuil limite de 50 µ/l ; que bien qu’ayant formé une demande de logement social auprès de la mairie de Saint Ouen, et déposé un dossier auprès de la commission DALO qui l’a reconnue comme prioritaire pour le droit au logement opposable, la famille n’a toujours pas bénéficié d’une mesure de relogement.

Soutenant que les atteintes au plomb constituent des infractions prévues et réprimées par les articles 22-14, 223-1, 223-6, 223-7, 223-19, 223-20, et R 625-2 du code pénal, la requérante a saisi la CIVI de Bobigny sur le fondement de l’article 706-3 du code de procédure pénale en faisant valoir le préjudice patrimonial et extra-patrimonial subi par elle et ses enfants et demande qu’il soit fait droit à sa demande d’expertise et de provision.

Le FONDS DE GARANTIE ne s’oppose pas à l’expertise sollicitée, en demandant que la mesure d’expertise médicale soit confiée à des médecins spécialisés dans le domaine du saturnisme infantile. Il s’oppose en revanche au versement d’une provision qui paraît prématurée avant le résultat de l’expertise.

Le Procureur de la République, émet un avis favorable à la mise en oeuvre d’une expertise mais s’oppose au versement d’une provision tant que les éléments du préjudice résultant des faits allégués ne seront pas connus.

SUR CE

Aux termes de l’article 706-6 du code de procédure pénale, le Président de la Commission peut en tout état de la procédure ordonner une mesure d’investigation et accorder une provision à la victime dans la mesure où le droit à indemnisation, tel que fixé par l’article 706-3 du code de procédure pénale, n’est pas sérieusement contestable.

L’article 706-3 du code de procédure pénale dispose que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, notamment lorsque ces atteintes n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L.121-1 du code des assurances ni de la loi du 5 juillet 1935 et que ces faits :

— soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois,

— soit sont prévus par les articles 222-22 à 222-30,225-4-1 à 225-4-5 et 227-25 à 222-27 du code pénal.

Aux termes de l’article 706-14 du code de procédure pénale toute personne victime notamment d’un vol, qui ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice et qui se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 à 706-12 lorsque ses ressources sont inférieures au plafond d’obtention de l’aide juridictionnelle.

Ces dispositions sont aussi applicables aux personnes mentionnées à l’article 706-3 qui, victimes d’une atteinte à la personne prévue par cet article, ne peuvent à ce titre prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice, les faits générateurs de celui-ci ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois.

En l’espèce, le droit à indemnisation de Madame X pour ses deux enfants mineurs, n’apparaît pas contestable au regard des dispositions de l’article 703-6 du code de procédure pénale et notamment de la matérialité des faits puisqu’il résulte des éléments produits que ses enfants mineurs ont subi une intoxication au plomb établie par des prélèvements sanguins effectués en juin et novembre 2015 révélant un taux de plomb dans le sang supérieur au seuil limite, bien qu’il ne soit pas possible à ce jour d’en apprécier l’importance réelle et les conséquences sans investigation plus approfondie.

Compte tenu de l’absence d’opposition du Fonds et du Parquet à la mesure d’instruction sollicitée, et eu égard aux documents médicaux produits, il convient d’ordonner une expertise judiciaire aux fins de pouvoir déterminer l’entier préjudice subi par les jeunes victimes conformément au dispositif ci-après.

En revanche, en l’absence d’éléments permettant d’établir la consistance du préjudice moral subi par Madame X du fait de l’intoxication réellement subie par ses enfants mineurs, il y a lieu de rejeter sa demande d’indemnité et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, prématurées à ce stade de la procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant en premier ressort,

Rejetons la demande d’indemnité demandée par Madame Y X et la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonnons une expertise médicale des jeunes enfants B X né le […] à […] et Malak X née le […] à […] représentés par leur mère Madame Y X,

Commettons pour y procéder :

Monsieur le Docteur C D

[…]

[…]

Tél : 01.45.27.39.76

Fax : 01.45.20.31.65

Port. : 06.07.02.76.65

Email : C.D@wanadoo.fr

Disons que l’expert procédera à l’examen clinique de B X et Malak X en présence de leur représentant légal, en assurant la protection de l’intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l’expertise ; qu’à l’issue de cet examen, en application du principe du contradictoire il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences ;

Précisons à l’expert, qu’il pourra s’adjoindre tout sapiteur spécialisé notamment dans le domaine du saturnisme infantile ou dans une spécialité distincte de la sienne,

Donnons à l’expert la mission suivante :

1/le cas échéant, se faire communiquer le dossier médical complet des victime, avec l’accord de leur représentant légal. En tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l’expertise, avec l’accord susvisé ;

2/Déterminer l’état des victimes avant le fait traumatique (anomalies, maladies, séquelles d’accidents antérieurs) ;

3/Examiner les victimes et décrire les constatations ainsi faites (y compris taille et poids), Décrire les pathologies dont elles souffrent et qui sont les conséquences de leur intoxication au plomb ; établir l’importance des déficits fonctionnels causés par cette intoxication ;

4/Noter les doléances des victimes ;

5/ Déterminer, compte tenu de l’état des victimes, ainsi que des lésions initiales et de leur évolution, la, ou les périodes pendant laquelle celles-ci ont été, du fait de leur déficit fonctionnel temporaire, dans l’incapacité d’une part d’exercer totalement ou partiellement leur activité scolaire ; en cas d’incapacité partielle en préciser le taux et la durée ;

8/Proposer la date de consolidation des lésions ; si la consolidation n’est pas acquise, indiquer le délai à l’issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l’être en l’état ;

9/ déficit fonctionnel permanent :

Indiquer si, après la consolidation, les victimes subissent un déficit fonctionnel. En évaluer l’importance et en chiffrer le taux , décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles ;

Dire si chacune des anomalies constatées est la conséquence des faits ou/et d’un état ou d’un accident antérieur ou postérieur ;

Dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser si cet état :

— était révélé avant les faits,

— a été aggravé ou a été révélé par le fait traumatique,

— s’il entraînait un déficit fonctionnel avant les faits, dans l’affirmative, estimer le taux d’incapacité alors existant,

— si en l’absence du fait traumatique, il aurait entraîné un déficit fonctionnel, dans l’affirmative, dire dans quel délai et à concurrence de quel taux ;

10/ Assistance par tierce personne :

Se prononcer sur la nécessité pour les victimes d’être assistées par une tierce personne avant et/ou après la consolidation (cette assistance ne devant pas être réduite en cas d’assistance familiale) ; dans l’affirmative, préciser si cette tierce personne a dû et/ou doit ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d’intervention de l’assistant spécialisé et de l’assistant non spécialisé ; donner à cet égard toutes précisions utiles ;

11/ dépenses de santé future :

Décrire les soins futurs et les aides techniques compensateurs du handicap des victimes (prothèses, appareillage spécifique, véhicule ) en précisant la fréquence de renouvellement;

12/ frais de logement et /ou de véhicule adapté :

Donner son avis sur d’éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, aux victimes d’adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap ;

13/ pertes de gains professionnels futurs :

Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne l’obligation pour les victimes de cesser totalement ou partiellement leur activité scolaire ;

14/ incidences professionnelles :

Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne d’autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, dévalorisation sur le marché du travail, etc) ;

15/ préjudice scolaire, universitaire de formation :

Si les victimes sont scolarisées ou en cours d’étude, dire si en raison des lésions consécutives au fait traumatique elles subissent une perte d’année scolaire universitaire ou de formation les obligeant, le cas échéant, à se réorienter ou à renoncer à certaines formations ;

16/ souffrances endurées :

Donner un avis sur l’importance des souffrances physiques , psychiques ou morales,

les évaluer dans une échelle de 1à 7 ;

17 préjudice esthétique temporaire et/ ou définitif :

Donner un avis sur l’existence, la nature ou l’importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif sur une échelle de 1 à 7 ;

18 / préjudice sexuel :

Dire s’il existe un préjudice sexuel ; dans l’affirmative préciser s’il s’agit d’une perte ou diminution de la libido, d’une impuissance ou frigidité, d’une perte de fertilité ;

19/ préjudice d’établissement :

Dire si les victimes subissent une perte d’espoir ou de chances sérieuses de réaliser un projet de vie familiale ;

20/ préjudice d’agrément :

Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si les victimes sont empêchées en tout ou partie de se livrer à ses activités spécifiques de sports et de loisirs ;

21/ préjudice permanent exceptionnel :

Dire si les victimes subissent des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés au handicap permanent ;

22/Dire si l’état des victimes est susceptible de modifications en aggravation ;

23/ établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission.

Disons que, pour exécuter la mission, l’expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile ;

Enjoignons à la requérante de remettre à l’expert immédiatement toutes pièces médicales ou para-médicales utiles l’accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d’imagerie médicale, compte-rendus opératoires et d’examen, expertises ;

Disons qu’à défaut d’obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires l’expert pourra déposer son rapport en l’état ; que toutefois il pourra se faire communiquer directement, avec l’accord de la représentante légale des victimes ou de ses ayants-droit par tous tiers: médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire ;

Disons que l’expert procédera à l’examen clinique, en assurant la protection de l’intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l’expertise ;

Disons que l’expert pourra recueillir des informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l’éclairer ;

Disons que l’expert devra si le cas le justifie, procéder selon la méthode du pré-rapport à fin de provoquer les dires écrits des parties dans tel délai de rigueur déterminer de manière raisonnable et y répondre avec précision ;

Disons que l’expert déposera l’original et une copie de son rapport au service centralisateur des frais de justice du tribunal de grande instance de Bobigny dans les 6 mois du jour où il aura été saisi de sa mission qui sera accomplie aux frais avancés du Trésor Public.

Réservons les dépens.

Prononcé le 05Septembre 2017 par Madame Claudine ROYER, Présidente, assistée de Madame E F Secrétaire de la Commission.

La Secrétaire, La Présidente,

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