Tribunal de grande instance de Marseille, 1re chambre civile, 12 novembre 2015, n° 13/05965

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Sur la décision

Référence :
TGI Marseille, 1re ch. civ., 12 nov. 2015, n° 13/05965
Juridiction : Tribunal de grande instance de Marseille
Numéro(s) : 13/05965

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°15/ DU 12 Novembre 2015

Enrôlement n° : 13/05965

AFFAIRE : M. D E – SARL TUT I ( la SELARL PROVANSAL – D’JOURNO – GUILLET & ASSOCIES)

C/ S.A.R.L. LABORATOIRE B (Me Patrick CAGNOL)

DÉBATS : A l’audience Publique du 24 Septembre 2015

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : CALLOCH K, Vice-Président

[…], Vice-Président

F G, Juge (rédacteur)

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 12 Novembre 2015

Jugement signé par CALLOCH K, Vice-Président et par VOLPES Pascale, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

Contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur D E, inscrit au RCS de NANTERRE sous le numéro 507 796 597 sous l’enseigne TOUTDENTAIRE, né le […] à […]

représenté par Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL-D’JOURNO-GUILLET & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, ayant pour avocat plaidant Me Clément MICHAU, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANT VOLONTAIRE:

S.A.R.L. H I, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro B 792 564 072, dont le siège social est […]

représentée par Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL-D’JOURNO-GUILLET & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, ayant pour avocat plaidant Me Clément MICHAU, avocat au barreau de PARIS

C O N T R E

DEFENDERESSE

S.A.R.L. LABORATOIRE B, immatriculée au RCS de NICE sous le numéro B 377 497 888, dont le siège social est […]

représentée par Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE,

ayant pour avocat plaidant Me Alexis BAUMANN, avocat au barreau de PARIS

FAITS, MOYENS ET PROCÉDURE

Monsieur D E exerçait à titre individuel l’activité de vente de produits et services d’hygiène I sous le nom commercial H I depuis le 3 septembre 2008.

Le 19 avril 2013 il a créé la SARL H I et il lui a cédé son fonds de commerce.

Le 25 novembre 2008 Monsieur D E a réservé les noms de domaine “Y.com” puis “toutdentaire.com”. Il propose à la vente en ligne des produits destinés à fixer, entretenir ou réparer les prothèses dentaires.

Il est propriétaire de la marque AGRIPPDENT n°10 3 746 659 déposée à l’INPI le 15 juin 2010.

La société LABORATOIRE B, créée le 2 avril 1990, exerce également une activité de vente par correspondance de produits de fixation, de réparation et d’entretien de prothèses dentaires.

Par acte d’huissier en date du 20 janvier 2012 Monsieur D E a fait assigner la société LABORATOIRE B devant le tribunal de commerce de Nancy sur le fondement de la concurrence déloyale et de pratiques commerciales trompeuses.

Par jugement du 8 avril 2013 le tribunal de commerce de Nancy s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Marseille sur le fondement de l’article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle, aux motifs que le litige impliquait l’examen des droits respectifs sur la marque et que la société LABORATOIRE B avait transféré son siège social à Nice.

La SARL H I est intervenue volontairement à l’instance par conclusions du 14 février 2014.

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives, Monsieur D E et la SARL H I sollicitent sous le bénéfice de l’exécution provisoire:

— que leurs demandes soient jugées recevables.

— qu’il soit jugé que la société LABORATOIRE B s’est livrée à des actes de concurrence déloyale et à des pratiques commerciales trompeuses et illicites.

— la condamnation de la société LABORATOIRE B à leur verser les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts:

* 224 000 euros augmenté de 7000 euros par mois jusqu’à l’exécution de la décision au titre du préjudice commercial et financier.

* 20 000 euros au titre de l’appropriation parasitaire des efforts de recherche et de développement de nouveaux produits.

* 10 000 euros au titre de l’atteinte à l’image.

* 15 000 euros au titre du préjudice moral.

* 10 000 euros au titre du préjudice causé par la publicité déloyale.

— qu’il soit ordonné à la société LABORATOIRE B de cesser H acte de concurrence déloyale sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

— que soit ordonnée la publication de la décision condamnant la société LABORATOIRE B sur son site internet et dans les revues “Pleine vie”et “Notre temps”.

— que soit ordonnée la fermeture du site internet http://www.mon-dentier-sans-colle-I.com.

— le rejet des demandes reconventionnelles adverses.

— la condamnation de la société LABORATOIRE B à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Subsidiairement,

— que soit constatée la prescription de l’action en revendication de marque formée par la société LABORATOIRE B.

Ils soutiennent que l’intervention volontaire de la SARL H I est recevable puisque Monsieur D E lui a cédé ses droits en 2013, celle-ci intervenant donc à la présente instance pour les faits commis à partir de 2013. Ils imputent à la société LABORATOIRE B des faits de concurrence déloyale consistant en une confusion entretenue par cette dernière entre ses produits et ceux de Monsieur D E puis de la SARL H I, dès lors que la société LABORATOIRE B a copié leurs produits, notamment le DUPLICADENT, commercialisé par sa concurrente sous le nom de REPLICADENT, ou le SCELLADENT, ayant donné lieu à la vente par la société LABORATOIRE B du CIMABRIDGE, dans un temps assez voisin du début de leur exploitation par les demandeurs. De même ils lui font grief d’avoir copié leurs argumentaires de vente et leur politique commerciale puis revendu moins cher leurs produits. Ils déplorent également d’avoir été victimes de dénigrement de la part de la société LABORATOIRE B sur son site internet, ce alors que les deux sociétés partie au présent litige sont les deux seules à commercialiser au détail des produits de réparation, d’entretien et de fixation de prothèses dentaires. Les requérants se prévalent par ailleurs de pratiques commerciales illicites et trompeuses dont se serait rendue coupable la société LABORATOIRE B en vendant des produits sans marquage CE et/ou non certifiés CE, ce qui leur cause un préjudice par les répercussions de ces démarches réglementaires sur le prix de vente des marchandises. Ils affirment de même que le Docteur X, chirurgien-dentiste, fournit sur le site internet de la société LABORATOIRE B une caution scientifique aux produits vendus en violation de nombreuses règles régissant sa profession. Ils lui reprochent également la diffusion d’une publicité déloyale sur le site internet http://www.mon-dentier-sans-colle-dentaireCom/, qui a consisté à mettre en scène le récit d’une personne physique sur un site prétendument personnel, avec de multiples renvois au moyen de liens hypertextes vers le site de la société LABORATOIRE B, alors que le nom de domaine dudit site appartenait en réalité à la gérante de cette société. En réplique sur les demandes reconventionnelles, Monsieur D E et la SARL H I contestent toute usurpation des signes REPARDENT et Y, se prévalant de la protection à titre de marque par l’enregistrement, et alors que la société LABORATOIRE B n’apporte aucune preuve qu’elle détiendrait des droits antérieurs sur ces marques. De même ils nient toute confusion entre leur signe Y et celui Z de la défenderesse, avoir copié les produits REPLICADENT puisque les leurs, dénommés DUPLICADENT, leurs sont antérieurs, et avoir imité leurs publicités. Ils rappellent également que l’achat de mots clés sur “Adwords” n’est nullement fautif, la société LABORATOIRE B y ayant d’ailleurs aussi procédé, et contestent H propos dénigrant la défenderesse. À l’action reconventionnelle en revendication de la marque REPARDENT ils opposent que la société LABORATOIRE B a cessé d’utiliser ce signe depuis quatre ans et ne peut donc soutenir avoir été privée d’un signe nécessaire à son activité. Enfin, les demandeurs justifient leur préjudice par la perte de clientèle au profit de la société LABORATOIRE B, par la captation de leurs efforts de recherche et de développement de nouveaux produits et par l’atteinte portée à l’image de l’entreprise.

La société LABORATOIRE B:

— soulève l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la SARL H I.

— soulève l’irrecevabilité des demandes formées par Monsieur D E.

— sollicite le rejet des demandes formées contre elle.

A titre reconventionnel elle demande:

— qu’il soit jugé que la marque n°3 774 963 REPARDENT a été déposée par Monsieur D E en fraude des droits de la société LABORATOIRE B.

— que soit ordonné le transfert de la marque à la société LABORATOIRE B.

Subsidiairement,

— que soit constatée la nullité de la marque REPARDENT.

En H état de cause,

— que soient constatés les droits de la société LABORATOIRE B sur la dénomination REPARDENT.

— que la société LABORATOIRE B soit autorisée à utiliser l’appellation REPARDENT pour commercialiser ses produits.

— que soit ordonné à son profit le transfert du nom de domaine “repardent.com” sous astreinte de 1000 euros par jour de retard.

— qu’il soit fait interdiction à Monsieur D E d’utiliser l’expression REPARDENT.

— la condamnation de Monsieur D E et de la SARL H I à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes:

* 34 000 euros en réparation du préjudice commercial subi du fait de l’usurpation du nom REPARDENT.

* 146 000 euros en réparation du préjudice commercial subi dans le cadre de l’exploitation de son produit Z.

* 50 000 euros en réparation du préjudice commercial subi du fait de l’utilisation par Monsieur D E d’adwords contrefaisant les marques de la société LABORATOIRE B et usurpant son nom commercial.

* 10 000 euros en réparation du préjudice lié à la concurrence déloyale résultant de la publication de faux avis de consommateurs sur internet par Monsieur D E.

* 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

* 10 000 euros pour procédure abusive.

— que lui soit accordée la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de la fin de non recevoir soulevée la société LABORATOIRE B se prévaut de la cession de son fonds de commerce par Monsieur D E à la SARL H I, qui prive celui-ci d’intérêt à agir dans le cadre du présent litige, tandis que la SARL H I ne démontre pas être titulaire des droits qu’elle invoque.

La société LABORATOIRE B conteste par ailleurs l’affirmation selon laquelle elle-même et la SARL H I seraient les deux seuls concurrents sur le marché, insistant sur les nombreuses pharmacies qui commercialisent ce type de produit y compris sur internet. Elle nie avoir copié les produits et les argumentaires de vente de la SARL H I et rappelle qu’il n’est pas fautif pour des entreprises en concurrence de commercialiser des produits de même nature, alors qu’au surplus c’est bien la SARL H I qui a systématiquement copié ses produits, ses dénominations et ses méthodes et non l’inverse. Sur les griefs de dénigrement formulés à son encontre la société LABORATOIRE B réplique que jamais Monsieur D E ni la SARL H I ni leurs produits ne sont visés dans ses argumentaires de vente, les propos sur les prothésistes dentaires qui sont incriminés n’étant que l’expression de la réalité médicale, et souligne que Monsieur D E se montre bien plus agressif dans ses propres publicités. Elle réfute également les accusations portées contre elle s’agissant de l’absence de marquage CE de ses produits, rappelant qu’il appartient aux demanderesses de rapporter la preuve des irrégularités alléguées. De même la société LABORATOIRE B soutient que contrairement aux accusations adverses rien n’interdit à un chirurgien-dentiste en tant que professionnel de l’art I, de donner un avis sur tel ou tel produit, question qui au demeurant est de la compétence exclusive des instances ordinales. Enfin la société LABORATOIRE B conteste être le véritable auteur du site “mon-dentier-sans-colle-I.com”, affirmant qu’il a été créé par un client satisfait de ses produits, et qu’elle lui a simplement proposé l’hébergement du site pour améliorer son référencement.

A l’appui de ses demandes reconventionnelles, la société LABORATOIRE B reproche à Monsieur D E d’avoir usurpé la dénomination REPARDENT, qu’il a déposé à titre de nom de domaine et de marque, qu’elle-même utilise depuis 1990 ce qui lui confère des droits privatifs sur ce signe et justifie son action en revendication et subsidiairement en nullité du dépôt. Elle précise que Monsieur D E s’est d’ailleurs vu opposer par l’INPI un rejet total de la marque REPARDENT le 15 mai 2014. Sur la prescription qui lui est opposée elle rappelle que Monsieur D E étant de mauvaise foi le délai de trois ans ne s’applique pas. Elle lui fait également grief d’avoir commercialisé en 2007 une résine de fixation appelée Y concurrent de son propre produit Z, puis en 2011 un produit DUPLICADENT concurrent de son propre REPLICADENT, afin de se placer dans son sillage et de tirer profit de sa réussite. La société LABORATOIRE B estime en outre que les demandeurs ont copié servilement ses publicités de presse en reproduisant le même format de publication et en imitant la photographie d’illustration et l’argumentaire, notamment par l’interrogation systématique du magazine PLEINE VIE afin de s’informer sur les publications de la société LABORATOIRE B et de s’y aligner. Elle reproche de même à sa concurrente d’avoir déposé en tant qu’Adwords ses dénominations et marques LABORATOIRE B et Z qui pointent vers ses propres sites et annonces dans des conditions générant un important risque de confusion. Elle affirme également avoir découvert que Monsieur D E tenait des propos très dénigrants à son égard, s’appuyant sur le témoignage d’un client, et qu’il avait recours à l’utilisation de faux avis de consommateurs sur le site internet “Avis Vérifiés” afin d’augmenter sa note de satisfaction par rapport à celle de la société LABORATOIRE B, comportements constitutifs de concurrence déloyale.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’action de Monsieur D E et de la SARL H I

Monsieur D E, qui exerçait initialement son activité en qualité d’entrepreneur individuel, avait assigné la société LABORATOIRE B devant le tribunal de commerce de Nancy en son seul nom.

Par acte du 20 janvier 2013 régulièrement enregistré le 11 février suivant, Monsieur D E a cédé à la SARL H I son fonds de commerce d’achat vente de matériel et matières dentaires.

La SARL H I est intervenue volontairement à l’instance le 14 février 2014 aux côtés de Monsieur D E.

Il s’ensuit que tant Monsieur D E que la SARL H I ont intérêt à agir dans le cadre de la présente instance, chacun pour la période durant laquelle il était propriétaire du fonds de commerce qui a subi les agissements de concurrence déloyale et parasitaires allégués.

La fin de non recevoir soulevée par la société LABORATOIRE B sera rejetée.

Sur les demandes formées par Monsieur D E et la SARL H I au titre de la concurrence déloyale et parasitaire

— La confusion dans la nature des produits

Dès lors que Monsieur D E ne se prévaut ni ne démontre une copie servile de ses produits par la société LABORATOIRE B, à H le moins devrait-il démontrer que l’imitation est de nature à entraîner une confusion dans l’esprit de la clientèle normalement avertie sur l’origine, la marque ou l’identité du produit.

Or, outre le fait que Monsieur D E se dispense d’une analyse comparative des produits en cause et de leurs conditions de présentation, les captures d’écrans reproduisant les sites internet respectifs des deux concurrentes qui sont produites ne confèrent aucune date certaine de commercialisation et ne révèlent nullement un conditionnement similaire. De surcroît, la dénomination de son produit “SCELLADENT” ne présente pas de ressemblance avec celle du produit concurrent “CIMABRIDGE”, de même s’agissant de “Y XTRA SOUPLE” commercialisé par Monsieur D E et de B PRO exploité par la défenderesse. Il va sans dire que la commercialisation par la société LABORATOIRE B d’une résine blanche et d’un livre contre la mauvaise haleine, à la suite de l’exploitation de produits de même nature par Monsieur D E n’est pas davantage fautive en l’absence de risque de confusion avéré entre les produits concurrents, qui d’après les pièces du demandeur sont présentés de manière H à fait différente ne serait-ce que par la nature du support, fichier MP3 pour l’un et livre pour l’autre, et dont le contenu n’est pas explicité.

La faute alléguée n’est donc pas établie.

— La copie des argumentaires de vente

La teneur semblable des argumentaires de vente développés par Monsieur D E et par la société LABORATOIRE B sur leurs sites internet respectifs s’explique par la nature similaire des produits qui y sont présentés tandis que les pièces versées au débat ne démontrent nullement que la société LABORATOIRE B ait dupliqué le site internet, les textes de présentation ou les photographies de sa concurrente.

La pièce numéro 12 de Monsieur D E recense des messages adressés sur le site internet de la SARL H I par des clients, qui n’établissent nullement le risque de confusion allégué avec les produits de la société LABORATOIRE B mais sont des demandes de précision sur les produits, notamment aux fins de comparaison avec leurs concurrents. Quant au dernier message concernant la demande du mode d’emploi de l’Z, produit vendu par la société LABORATOIRE B, Monsieur D E est mal fondé à s’en prévaloir puisque le produit concurrent qu’il commercialise, Y, est manifestement postérieur à Z, vendu bien avant le début d’activité de Monsieur D E en 2008.

Ce grief n’est donc pas fondé.

— Le dénigrement

Monsieur D E déplore avoir été la cible de propos dénigrants tenus par la société LABORATOIRE B sur son site internet. Il incrimine les propos suivants “les prothésistes dentaires qui vendent ce genre de produit, n’ont aucun recul suffisant pour affirmer la qualité de leur produit, le connaissent mal pour la bonne raison que juridiquement ils n’ont pas le droit d’intervenir dans la bouche des patients et de ce fait juger la plus ou moins bonne qualité de tenue de ces produits.” La société LABORATOIRE B réplique n’avoir fait que révéler des faits exacts, puisque les prothésistes dentaires n’ont pas le droit d’intervenir en bouche.

Cependant de tels propos, diffusés publiquement, ont eu pour objet et pour effet de jeter le discrédit sur la qualité des produits vendus par les prothésistes dentaires, comme c’est le cas de Monsieur D E, et sur la confiance que peut en attendre le consommateur quant aux conseils et informations donnés dans l’activité de vente de matériel I, peu important que l’interdiction faite aux prothésistes dentaires d’intervenir en bouche soit exacte.

Monsieur D E reproche également à la société LABORATOIRE B d’avoir publié sur son site internet la phrase suivante, au sujet du produit REPLICADENT, qui permet de réaliser un duplicata de son propre dentier: “C’est dans le but de transparence et d’honnêteté que nous avons préféré ne plus diffuser ce produit à jamais malgré que l’ont peut trouver ce produit chez des concurrents peu scrupuleux. Cet article est un simple avertissement qui doit vous mettre en garde sur ce style de promesse qui vous décevront et vous feront perdre de l’argent car l’insatisfaction est de règle.” Ce texte vise indirectement Monsieur D E puisqu’il commercialise un produit semblable, le DUPLICADENT, et se trouve donc traité de “concurrent peu scrupuleux”, tandis que le consommateur est découragé d’acheter ce type de produit à peine de “perdre de l’argent”, d’être déçu et insatisfait. Les propos affichés sur le site internet de la société LABORATOIRE B sont donc dénigrants vis à vis de l’ensemble des concurrents qui commercialisent un produit permettant de dupliquer un dentier, dont fait partie Monsieur D E.

La société LABORATOIRE B sera donc condamnée pour dénigrement à verser à la SARL H I la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

— L’intervention du Docteur X

Les dispositions du Code de la santé publique reproduites ne permettent pas au tribunal de se prononcer sur la violation par le Docteur X, fondateur de la société LABORATOIRE B et consultant pour celle-ci, des règles qui régissent sa profession, en l’absence de condamnation ou d’avis des instances ordinales à ce sujet.

Ce reproche n’est donc pas établi.

— L’absence de marquage CE des produits de Monsieur D E et de la SARL H I

Il appartient à Monsieur D E, qui se prévaut d’une faute commise par sa concurrente consistant dans l’absence de marquage CE de ses produits en contraventions aux dispositions de la Directive 93/42/CEE, de démontrer le comportement illicite allégué.

Ainsi la photocopie parcellaire et non datée de l’étui du RÉPARATION SOS produit au motif qu’il ne comporte pas la mention “CE” est totalement contredite par la copie couleur de l’intégralité des étuis des produits RÉPARATION SOS, Z, A, B, B J et CLIC-A-DENT sur lesquels figure cette mention “CE”, versée au débat par la société LABORATOIRE B.

La faute alléguée n’est donc pas démontrée.

— La publicité déloyale

En application de l’article L. 121-15-1 du Code de la consommation: “Les publicités, et notamment les offres promotionnelles, telles que les rabais, les primes ou les cadeaux, ainsi que les concours ou les jeux promotionnels, adressés par courrier électronique, doivent pouvoir être identifiés de manière claire et non équivoque dès leur réception par leur destinataire, ou en cas d’impossibilité technique, dans le corps du message.”

En l’espèce il est établi que le site internet de Monsieur K L “www.mon-dentier-sans-colle-I.com” a été hébergé chez l’hébergeur de la société LABORATOIRE B et que le nom de domaine de ce site appartenait à Madame C, gérante de la société LABORATOIRE B.

Or, sur ce site internet Monsieur K L ne se contente pas de relater les difficultés dentaires qu’il a pu rencontrer, mais il souligne les mérites de l’Z, résine souple qu’il achète auprès de la société LABORATOIRE B, produit qui selon son récit s’est trouvé être la solution à ses problèmes. En outre il vante explicitement le sérieux et le professionnalisme de la société LABORATOIRE B.

Dès lors de tels propos conjugués aux circonstances d’hébergement du site internet suffisent à établir qu’il s’agit de publicité en faveur de la société LABORATOIRE B, déloyale en ce qu’elle passe sous silence sa véritable vocation et ses liens avec cette société. Par de tels agissements, la société LABORATOIRE B s’attribue illicitement une clientèle au détriment de ses concurrents.

La société LABORATOIRE B sera donc condamnée à verser à la SARL H I la somme de 3000 euros pour le préjudice occasionné.

Elle sera également condamnée à faire procéder à la fermeture dudit site internet, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement.

Sur les demandes reconventionnelles formées par la société LABORATOIRE B

— L’usurpation du nom REPARDENT

Il est justifié que la marque REPARDENT déposée par Monsieur D E le 14 octobre 2010 a fait l’objet d’un rejet total le 15 mai 2014 par le Directeur de l’INPI. Les demandes de la société LABORATOIRE B tendant au transfert à son profit ou à la nullité de la marque REPARDENT se trouvent donc être sans objet.

La société LABORATOIRE B justifie par la production de bons de commande mentionnant le REPARDENT datés du 3 décembre 1992, de 1995, d’une attestation de l’Imprimerie des Nations affirmant avoir imprimé des bons de commande REPARDENT pour la société LABORATOIRE B à partir de 1998, d’une lettre publicitaire pour le REPARDENT imprimée en 2000, de notices d’utilisation du REPARDENT imprimées en 2003, qu’elle utilisait le signe REPARDENT depuis les années 1990.

Cependant alors que Monsieur D E n’a réservé le nom de domaine “repardent.com” que le 25 novembre 2008 et déposé la marque REPARDENT que le 14 octobre 2010 aucune preuve d’usage du signe REPARDENT n’est fournie par la société LABORATOIRE B pour la période postérieure à 2003.

Dès lors force est de considérer que la société LABORATOIRE B avait cessé l’exploitation commerciale du signe REPARDENT au moins depuis 2003 lorsque Monsieur D E a réservé son nom de domaine puis déposé sa marque. Elle s’est donc trouvée déchue des éventuels droits privatifs que l’utilisation du signe avait pu lui conférer.

Dans ces conditions, aucune faute ne peut être imputée à Monsieur D E.

— La commercialisation du produit Y concurrent de Z

La société LABORATOIRE B ne démontrant nullement qu’existe un risque de confusion entre son produit Z et celui dénommé Y de Monsieur D E, aucun agissement constitutif de concurrence déloyale n’est caractérisé.

— La copie du produit REPLICADENT par DUPLICADENT

La société LABORATOIRE B ne saurait se prévaloir d’aucun préjudice lié à l’exploitation par Monsieur D E du produit DUPLICADENT, de même nature et dont la dénomination ressemble à son produit REPLICADENT dès lors que de son propre aveu elle en a cessé immédiatement la commercialisation, encore que le peu de pièces produites concernant ce produit, à savoir la préparation d’une annonce dans Adwords et trois factures dont le nom des destinataires a été biffé datées du 28 avril 2011 au 3 mai 2011, permet effectivement de douter de la réalité de cette commercialisation.

— La copie servile des publicités de presse de la société LABORATOIRE B

La copie servile dénoncée concerne en réalité le format des publicités et non la publicité en tant que telle, ni la photographie ni le texte employés par la société LABORATOIRE B n’ayant été reproduits par sa concurrente la SARL H I.

Le procédé consistant à s’enquérir auprès du journal “Pleine vie” du format de publicité qui sera publié par sa concurrente, afin de s’aligner, ne peut être sanctionné au titre de la concurrence déloyale ou du parasitisme car l’imitation du format de publicité ne suffit pas à générer un risque de confusion entre les produits des sociétés concurrentes.

— l’utilisation des adwords “laboratoire B”, “Z”et “ajustdent”

L’usage d’un mot clé identique à une marque, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, pour faire de la publicité pour des produits identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque la publicité affichée à partir dudit mot clé ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire d’un tiers.

Il s’ensuit que la simple réservation des mots clés “laboratoire B” et “Z”, marques et signes distinctifs de la société LABORATOIRE B, ne caractérise nullement une contrefaçon lorsque l’annonce affichée sur Google identifie clairement la SARL H I, sans risque de confusion possible, comme c’est le cas pour les annonces recensées dans le constat d’huissier du 2 décembre 2011, à partir du mot clé Z pages 11 “stop à la colle I/H I.com www.toutdentaire.com fixez votre dentier sans colle I durant 16 mois”, puis à partir du mot clé LABORATOIRE B pages 13 “Dentier Finie la Colle/ Toutdentaire.com www.toutdentaire.com fixez votre dentier sans colle I durant 16 mois”. Il en va de même, dans le constat d’huissier du 3 mai 2012, lorsque la saisie du mot clé “Laboratoire B” produit l’affichage de l’annonce “Y Pro / Y.com www.Y.com Fixez votre dentier durant 12 mois avec Y Pro Bonus offert!”, qui ne contient aucun élément de confusion sur l’origine des produits ou de la société.

En revanche, le constat d’huissier du 8 janvier 2015 révèle que la saisie de la requête “laboratoire B” dans le moteur de recherche de Google affiche l’annonce suivante: “Laboratoire B- Souriez sans Crainte www.toutdentaire.com/ Entretenir votre Dentier-Y- Fixer votre Dentier-Réparer votre Prothèse”, qui, parce qu’elle mentionne en début d’entête la marque Laboratoire B comporte un risque important de confusion sur l’origine des produits visés.

De tels agissements portent atteinte à la fonction d’identification d’origine de la marque “Laboratoire B”, affaiblissant son pouvoir distinctif, et détournent sa clientèle au profit de son concurrent.

La SARL H I sera donc condamnée sur le fondement de la contrefaçon de marque à verser à la société LABORATOIRE B la somme de 5000 euros en réparation du préjudice subi.

— Le dénigrement

La correspondance privée adressée par Monsieur D E à Monsieur M N ne peut constituer un dénigrement sanctionné au titre de la concurrence déloyale car elle ne revêt pas un caractère public.

Quant aux propos suivants incriminés par la société LABORATOIRE B “Méfiez-vous des autres produits de moindre qualité qui ne durent que quelques mois.” et “Voulez-vous acheter un produit vendu par des vendeurs importateurs qui ne connaissent rien aux prothèses dentaires et aux produits qu’ils importent.” ils ne peuvent être sanctionnés faute d’identifier suffisamment l’entreprise ou le groupe d’entreprises concurrentes concernés, et alors que la société LABORATOIRE B, exerçant son activité sous l’égide d’un chirurgien dentiste, ne semble pas a priori concernée par l’expression “vendeurs importateurs”.

Aucune faute ne peut donc être retenue à ce titre.

— Les avis irréguliers de consommateurs sur internet

La société LABORATOIRE B se prévaut de ce que la SARL H I a frauduleusement augmenté sa note de satisfaction des avis de consommateurs calculée au moyen du site “Avis Vérifiés”, édité par la société NET REVIEWS, en ce que 65 avis irréguliers ont été détectés, ce que ne conteste pas la SARL H I et qui est établi par le courriel d “Avis Vérifiés” du 27 novembre 2014.

Un tel comportement constitue une publicité déloyale qui fausse le fonctionnement normal du marché en augmentant l’attractivité d’un produit de manière mensongère, le consommateur étant trompé sur la confiance qu’il est en droit d’attendre de la part de ses congénères ayant noté le produit sur internet.

La SARL H I sera donc condamnée à verser à la société LABORATOIRE B la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts.

La publication du jugement n’apparaît pas opportune.

Aucune raison d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’exécution provisoire n’étant pas opportune elle ne sera pas ordonnée.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

STATUANT après audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

REJETTE les fins de non recevoir tirées du défaut d’intérêt à agir de Monsieur D E et de la SARL H I.

CONDAMNE la société LABORATOIRE B à verser à la SARL H I la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale.

CONDAMNE la SARL H I à verser à la société LABORATOIRE B la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour la contrefaçon de la marque LABORATOIRE B.

CONDAMNE la SARL H I à verser à la société LABORATOIRE B la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale.

DIT que l’enregistrement de la marque REPARDENT n°3 774 963 a été rejetée, ce qui prive d’objet les demandes reconventionnelles en revendication et nullité du dépôt formées par la société LABORATOIRE B.

CONDAMNE la société LABORATOIRE B à faire procéder à la fermeture du site internet“www.mon-dentier-sans-colle-I.com” sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement.

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples et contraires.

DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

DIT n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR JUGEMENT MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE AU PALAIS DE JUSTICE DE MARSEILLE LE 12 NOVEMBRE 2015

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Tribunal de grande instance de Marseille, 1re chambre civile, 12 novembre 2015, n° 13/05965