Tribunal de grande instance de Nanterre, Pole civil, 20 décembre 2018, n° 2017/01027

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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, pole civil, 20 déc. 2018, n° 17/01027
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 2017/01027
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : SUPREME ; MAKAK ; jungle ape ; JUNGLE APE ; IROSHI ; Supreme ; SUPREAM
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 99795286 ; 4175577 ; 4175561 ; 3612338 ; 8451965 ; 3620105 ; 3995519 ; 3939018 ; 4172283 ; 4253836 ; 4292263
Classification internationale des marques : CL02 ; CL09 ; CL14 ; CL16 ; CL18 ; CL25 ; CL28 ; CL32 ; CL35 ; CL38 ; CL41 ; CL42
Référence INPI : M20180513
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE JUGEMENT RENDU LE 20 décembre 2018

PÔLE CIVIL – 1re Chambre N° R.G. : N° RG 17/01027 – N° Portalis DB3R-W-B7B-SSYC

DEMANDERESSE Société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME […] 10012 NEW-YORK ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE représentée par Maître Guillaume MARCHAIS de la SELARL MARCHAIS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0280 Situation :

DEFENDEUR Monsieur Majid C représenté par Maître Vanessa PINHEIRO de l’AARPI SATIS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D1052

L’affaire a été débattue le 24 octobre 2018 en audience publique devant le tribunal composé de : Joëlle C, Première vice-présidente Sophie M, Vice-Présidente Julien R, Vice-président qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Christine DEGNY, Greffier.

JUGEMENT prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

Les parties au litige et leurs droits

Le société américaine soumise au droit de l’État de New-York CHAPTER 4 CORP D/B/A SUPREME (ci-après « la société CHAPTER 4 ») est spécialisée dans le commerce de détail de produits d’habillement et d’accessoires pour homme et commercialise en faible quantité des vêtements de la gamme dite streetwear ou urbanwear dans dix boutiques physiques, dont la première a été ouverte au public à New-York en 1994 et les autres ultérieurement aux États-Unis, en Angleterre, au Japon et le 10 mars 2016 à Paris en France, ainsi que sur son site internet supremenewyork.com accessible en France depuis 2013.

Elle est titulaire aux États-Unis des droits de propriété intellectuelle sur douze marques ou demandes de marques verbales ou semi- figuratives « SUPREME » déposées entre le 16 septembre 2011 et le 13 juillet 2015 pour désigner distributivement les produits et services des classes 18, 25, 28 et 35 avec revendication d’un usage continu depuis avril 1994 en classes 18, 25 et 35 et depuis mars 1996 en classe 28. Le signe constituant ses marques ou demandes de marques semi-figuratives est celui apposés sur tous ses produits :

Elle est également titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les marques françaises suivantes :

-la marque verbale « SUPREME » enregistrée sous le numéro 99795286 déposée le 26 mai 1999 par la société ATARI en classes 9, 16, 25, 28, 38, 41 et 42 et partiellement cédée à son profit le 4 juin 2015 pour les seuls produits suivants de la classe 25 : « Vêtement (habillement), chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie » ;

- la marque verbale « SUPREME » déposée et enregistrée le 22 avril 2015 sous le numéro 154175577 pour désigner les produits des classes 18, 25 et 35 ;

- la marque semi-figurative déposée et enregistrée le 22 avril 2015 sous le numéro 154175561 pour désigner les mêmes produits des classes 18, 25 et 35 :

Monsieur Majid C se présente comme entrepreneur passionné par l’art et la culture qui a fondé en 2007 l’espace culturel L’Impasse à la Seyne-sur-Mer et a créé en 2008 une ligne de vêtements commercialisés sous la marque semi-figurative « MAKAK » déposée et enregistrée le 20 novembre 2008 en classe 25 puis sous les marques semi-figuratives « JUNGLE APE » déposées et enregistrées les 29 décembre 2008 et 27 juillet 2009 en classe 25 et « IROSHI » déposées et enregistrées les 4 août 2012 et 4 avril 2013 en classe 16, 25 et 32 :

Il est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les marques françaises suivantes :

- la marque semi-figurative « SUPREME » n° 154172283 déposée et enregistrée le 9 avril 2015 en classes 16, 25 et 32 et visant désormais,

à la suite d’une décision de rejet partiel du directeur de l’INPI du 26 septembre 2016 et d’une renonciation partielle du 26 septembre 2016, les seuls produits suivants de la classe 16 : « Produits de l’imprimerie ; photographies ; matériel pour les artistes ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; objets d’art gravés ou lithographiés ; tableaux (peintures) encadrés ou non » :

— la marque semi-figurative « SUPREME » n° 164253836 déposée et enregistrée le 3 mars 2016 en classes 2, 14 et 33 et visant désormais, à la suite de deux renonciations partielles des 18 mai 2016 et 28 mars 2017, les seuls produits suivants de la classe 14 : « Joaillerie ; bijouterie ; pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; boîtiers de montres ; bracelets de montres ; chaînes de montres ; ressorts de montres ; verres de montres ; porte-clefs de fantaisie ; statues en métaux précieux ; figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis pour l’horlogerie ; écrins pour l’horlogerie ; médailles ; pin’s (bijouterie) » :

— la marque verbale « SUPREAM » n° 164292263 déposée et enregistrée le 6 août 2016 pour désigner les produits et services des classes 18, 25 et 35. La naissance du litige Expliquant avoir découvert l’existence de la marque française 154172283 lors de ses dépôts du 22 avril 2015, la société CHAPTER 4 a formé opposition à son enregistrement le 29 juin 2015 sur le fondement de sa marque verbale « SUPREME » n° 99795286. Par décision du 29 octobre 2015 devenue définitive le 4 décembre 2015, le directeur de l’INPI a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits de la classe 25. Cette décision privait d’objet les oppositions contre l’enregistrement des marques n° 154175561 et 154175577 formées en réponse par Monsieur Majid C sur le fondement de sa marque n° 154172283 et rejetées par décisions définitives du 29 juin 2016 du directeur de l’INPI.

En réponse aux contestations que lui adressait la société CHAPTER 4 par courrier de son conseil du 15 avril 2016 opposant le caractère frauduleux du dépôt des marques n° 154172283 et 164253836 pour les classes restantes, Monsieur Majid C a renoncé :

— aux produits de la classe 33 pour sa marque n° 164253836 et à ceux de la classe 32 pour sa marque n° 154172283 par actes inscrits sur le registre national des marques les 18 mai et 26 septembre 2016 ;

- aux produits de la classe 2 pour sa marque n° 164253836 par acte inscrit au registre national des marques le 28 mars 2017. Entretemps, par acte d’huissier du 25 janvier 2017, la société CHAPTER 4 a assigné Monsieur Majid C devant le tribunal de grande instance de Paris en revendication et subsidiairement en nullité de ses marques n° 154172283 et 164253836. Les prétentions des parties Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 décembre 2017 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société CHAPTER 4 demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et au visa des dispositions du code de la propriété intellectuelle et notamment de ses articles L 711-4 et L 712- 6, de l’adage « fraus omnia corrumpit », de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, de l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce, du code civil et notamment de ses articles 1240 et 1241, du code de procédure civile et notamment de ses articles 699 et 700 :

- de DIRE la société Chapter 4 Corp. d/b/a Supreme recevable et bien fondée en ses demandes et prétentions ;

- de DIRE à titre principal, qu’en procédant aux dépôts des marques françaises n° 15 4 172 283 et n°16 4 253 836, M. C a commis des dépôts frauduleux ;

- de DIRE subsidiairement, qu’en procédant aux dépôts des marques françaises n°15 4 172 283 et n°16 4 253 836, M. C a porté atteintes à la marque notoire de la société Chapter 4 Corp. d/b/a Supreme ;

- en conséquence de quoi : o d’ORDONNER le transfert des marques françaises n°15 4 172 283 et n°164 253 836 de M. C en raison de la fraude entachant leur dépôt au profit de la société Chapter 4 Corp. d/b/a Supreme ; o à défaut, de PRONONCER la nullité des marques françaises n°15 4 172 283 et n°16 4 253 836 de M. C en raison de la fraude entachant leur dépôt ;

- subsidiairement, de PRONONCER la nullité des marques françaises n°15 4 172 283 et n°16 4 253 836 de M. C en raison des atteintes qu’elles portent à la marque notoire de la société Chapter 4 Corp. d/b/a Supreme ;

- de CONDAMNER, M. C à payer à la société Chapter 4 Corp. DBA Supreme, la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au remboursement des frais de saisie- contrefaçon et de procès-verbal de constat ;

— de CONDAMNER, M. C aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la SELARL MARCHAIS Associés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile. En réplique, dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 27 novembre 2017 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur Majid C demande au tribunal, au visa des articles L 712-6 et L 713-5 du code de la propriété intellectuelle et 122 du code de procédure civile, de :

- DEBOUTER la société CHAPTER 4 CORP de l’ensemble de ses demandes ;

- REJETER l’ensemble des demandes de CHAPTER 4 CORP pour défaut d’intérêt à agir ;

- DIRE et JUGER que le dépôt des marques n° 15 4172283 et 16 4253836 par M. C n’est pas un dépôt frauduleux ;

- DIRE et JUGER que la marque SUPREME n’est pas une marque de renommée ;

- DIRE et JUGER que la marque SUPREME n’est pas une marque notoire ;

- CONDAMNER CHAPTER 4 CORP au paiement d’une somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER CHAPTER 4 CORP aux entiers dépens distraits au profit de Me Vanessa PINHEIRO qui y a pourvu. L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2017. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DU JUGEMENT

1°) Sur le dépôt frauduleux

a) Sur la recevabilité de l’action

Moyens des parties Au soutien de sa fin de non-recevoir, Monsieur Majid C explique que la société CHAPTER 4 n’a pas intérêt à agir en revendication ou en nullité pour fraude car les classes en débat ne sont pas nécessaires à son activité, les produits de la classe 14 n’étant pas similaires par complémentarité avec ceux des classes 18 et 25 à l’instar des produits des classes 16 d’une part et 18 et 25 d’autre part, les circuits de fabrication et de distribution ainsi que la nature et la destination de ceux-ci étant distincts et la société CHAPTER 4 n’ayant d’ailleurs jamais déposé de marques en désignant ces classes.

En réplique, la société CHAPTER 4 expose que la fraude est un motif absolu de nullité qui peut être invoqué par tout tiers intéressé, l’intérêt à agir résidant dans le fait que le signe protégé par la marque est nécessaire à son activité actuelle ou future. Elle précise que :

- les porte-clés de fantaisie de la classe 14 sont identiques aux porte-clés [maroquinerie] de la classe 18 ;

- les produits en classe 14 et les produits en classes 18 et 25 sont similaires par complémentarité esthétique en ce qu’ils relèvent du domaine de la mode et mettent en valeur l’apparence physique des personnes, sont généralement distribués par les mêmes fabricants ou par des fabricants associés qui vendent parfois sous la même marque des articles de bijouterie et d’horlogerie d’une part et des produits de maroquinerie et d’habillement d’autre part dans les mêmes magasins de détail, sont régulièrement visés ensemble dans les enregistrements de marques des acteur du secteur du prêt-à-porter ;

- les produits des classes 2 et 16 et les produits 18 et 25 en ce que, dans le cadre de leurs activités, les acteurs de la mode exposent leurs produits ainsi que leur univers ou nouent des partenariats avec des artistes, les produits visés en classe 16 revêtant une importance primordiale pour le déploiement de leurs activités notamment à travers des partenariats ou pour éditer des ouvrages, tels celui qu’elle a publié sur le street art en 2010. Appréciation du tribunal Conformément aux articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer dans le respect du principe de la contradiction leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir étant irrecevable. Et, conformément à l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Conformément à l’article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi,

l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement. Par ailleurs, en application du principe fraus omnia corrumpit, un dépôt de marque est frauduleux lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité présente ou future. La fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d’un même secteur d’un signe nécessaire à leur activité. Le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue. La notion de fraude est d’interprétation stricte et ne découle ni de la multiplicité des dépôts de marques par une même personne ni de l’existence de dépôts opérés consécutivement à la perte des droits sur un même signe initialement protégé sur d’autres fondements impliquant des conditions de validité distinctes ou sur le fondement du droit des marques mais non pour défaut de distinctivité. Au sens de cette disposition et de ce principe, celui qui agit en revendication de marque en invoquant un dépôt frauduleux n’a pas à démontrer l’existence d’un droit antérieur au sens strict de l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle mais uniquement que le monopole constitué par la marque française détourné de son objet et de sa finalité légale par la fraude génère une entrave à son activité économique effective ou sérieusement envisagée sur le territoire français en le privant d’un signe nécessaire à celle-ci. À ce titre, l’existence du droit invoqué, ici des intérêts méconnus dont l’appréciation suppose l’examen du signe dont l’usage antérieur est opposé et des produits et services support de son exploitation, n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès au fond. La preuve de l’intérêt à agir en revendication ou en nullité de marque pour fraude ne réside ainsi pas dans la caractérisation de ces intérêts, pas plus que dans celle de la mauvaise foi entendue comme la connaissance par le tiers de ceux-ci et la volonté d’y faire obstacle sans utilité pour son activité propre, mais dans la démonstration de l’avantage attendu de l’action en revendication ou en nullité pour fraude. Celui-ci est suffisamment établi par le fait qu’il est constant que la société CHAPTER 4 est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur de nombreuses marques américaines constituées du signe verbal ou semi-figuratif « SUPREME », qu’elle offre en vente sur son site internet des produits revêtus de ce signe susceptibles d’être livrés en France depuis 2013, qu’elle est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque verbale française « SUPREME » n° 99795286 déposée le 26 mai 1999 par la société ATARI en classes 9, 16, 25, 28, 38, 41 et 42 et partiellement cédée à son profit le 4 juin 2015 pour les « Vêtement (habillement), chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie » de la classe 25 et que Monsieur Majid C a formé opposition à l’enregistrement des

marques n° 154175577 et 154175561 de la société CHAPTER 4 sur le fondement de sa marque n° 154172283 à l’enregistrement. En conséquence, la fin de non-recevoir opposée par Monsieur Majid C sera rejetée et son argumentation traitée comme une défense au fond sauf à constater d’ores et déjà que les moyens relatifs aux produits de la classe 2 de la marque n° 164253836 sont sans objet depuis la renonciation partielle du 28 mars 2017.

b) Sur le bien-fondé de l’action Moyens des parties Au soutien de ses prétentions, la société CHAPTER 4 expose qu’elle a offert en vente ses produits en France via son site internet à compter de 2013 avant d’annoncer l’ouverture d’une boutique physique à Paris pour l’année 2016. Elle ajoute que le signe constituant les marques de Monsieur Majid C est identique à celui qui forme ses marques américaines et française, qu’elle exploite massivement à titre de marque depuis 1994 et qui est apposé sur tous ses produits et conclut à l’identité ou à la similarité des produits et services en débat selon l’argumentation déjà exposée. Elle indique que Monsieur Majid C, dont la mauvaise foi est éclairée par ses dépôts de marques et notamment celui de la marque « SUPREAM » le 6 août 2016, ne pouvait ignorer l’existence de ses marques qui bénéficient d’une notoriété exceptionnelle y compris en France et n’a enregistré le signe « SUPREME » que pour faire obstacle à son activité commerciale. En réplique, Monsieur Majid C expose que les produits et services en débat ne sont pas similaires selon une argumentation déjà résumée et que ceux visés par ses marques ne sont pas nécessaires à l’activité de la société CHAPTER 4. Estimant sa qualité de professionnel du secteur insuffisante pour la présumer au regard de la tardiveté des dépôts de marque et de l’offre en vente en France, il conteste toute connaissance de l’exploitation du signe « SUPREME » par cette dernière en soulignant le fait que les marques antérieures sont soit américaines soit française pour l’une d’elle mais acquise postérieurement à son premier dépôt et qui n’a jamais été exploitée en classe 25 qui n’intéressait pas la société ATARI qui l’a déposée. Appréciation du tribunal En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres (refondue dans la directive 2015/2436/UE du 16 décembre 2015) conformément au principe posé par l’arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984, la fraude, équivalente en droit de l’Union européenne à la notion de mauvaise foi, doit être appréciée, l’analyse de la portée de l’article 51§1b du règlement n° 40/94 étant transposable à celle de l’article 3§2d de la directive 2008/95/CE devenu l’article 4§2 de la

directive 2015/2436/UE, au jour de la demande d’enregistrement de la marque querellée en tenant compte de tous les facteurs pertinents à cette époque. Ainsi, la CJUE alors CJCE a dit pour droit dans son arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG contre Franz H GmbH du 11 juin 2009 que « aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, la juridiction nationale est tenue de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, et notamment :

- le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ;

- l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe, ainsi que
- le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé ». Elle précisait en cette occasion qu’une présomption de connaissance, par le demandeur, de l’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé peut résulter notamment d’une connaissance générale, dans le secteur économique concerné, d’une telle utilisation, cette connaissance pouvant être déduite, notamment, de la durée d’une telle utilisation. Elle ajoutait que, cette condition étant insuffisante, il était nécessaire de prendre en considération l’intention du demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce, l’intention d’empêcher un tiers de commercialiser un produit pouvant, dans certaines circonstances, caractériser la mauvaise foi du demandeur, en particulier lorsqu’il s’avère, ultérieurement, que le demandeur a fait enregistrer en tant que marque communautaire un signe sans intention de l’utiliser, uniquement en vue d’empêcher l’entrée d’un tiers sur le marché. Elle indiquait que le fait qu’un tiers utilise depuis longtemps un signe pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec la marque demandée et que ce signe jouit d’un certain degré de protection juridique est l’un des facteurs pertinents pour apprécier l’existence de la mauvaise foi du demandeur. À ce titre, elle exposait que, aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, peut être pris en considération le degré de notoriété dont jouit un signe au moment du dépôt de la demande présentée en vue de son enregistrement en tant que marque communautaire, un tel degré de notoriété pouvant précisément justifier l’intérêt du demandeur à assurer une protection juridique plus étendue de son signe.

L’action en revendication, et subsidiairement en nullité, porte sur la marque semi-figurative « SUPREME » n° 154172283 déposée et enregistrée le 9 avril 2015 désignant en classe 16 les produits « Produits de l’imprimerie ; photographies ; matériel pour les artistes ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; objets d’art gravés ou lithographiés ; tableaux (peintures) encadrés ou non », et la marque semi-figurative « SUPREME » n° 164253836 déposée et enregistrée le 3 mars 2016 désignant en classe 14 « Joaillerie ; bijouterie ; pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; boîtiers de montres ; bracelets de montres ; chaînes de montres ; ressorts de montres ; verres de montres ; porte-clefs de fantaisie ; statues en métaux précieux ; figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis pour l’horlogerie ; écrins pour l’horlogerie ; médailles ; pin’s (bijouterie) ». C’est ainsi au jour du dépôt, soit le 9 avril 2015 pour la première marque et le 3 mars 2016 pour la seconde, que s’apprécient l’existence des intérêts allégués et la fraude.

La société CHAPTER 4 invoque (page 29 de ses écritures) ses marques et demandes de marques américaines ainsi que « sa marque française » pour qualifier ses intérêts méconnus. En vertu du principe de spécialité, les premières ne peuvent être opposées en tant que marques enregistrées mais uniquement en tant que marques d’usage, soit en leur qualité de signes effectivement exploités pour commercialiser des produits et services à destination de la France. Elles se confondent avec l’activité économique elle-même de la société CHAPTER 4 sur ce territoire. En revanche, à raison de l’antériorité du dépôt qui affecte la disponibilité du signe et à défaut de demande reconventionnelle en déchéance (quoique la question soit rapidement évoquée en page 15 des écritures en défense, aucune prétention n’est élevée), la marque française n° 99795286 est, peu important que l’inscription de la cession au registre national des marques soit postérieure au premier dépôt dans le cadre du débat sur la disponibilité du signe, opposable à Monsieur Majid C, le contrat de cession (pièce 27) emportant transmission de l’action au regard de l’étendue de son objet (« ensemble de ses droits, titres et intérêts de toute nature sur et dans la marque »). Il en va de même des marques n° 154175561 et 154175577 pour le second dépôt qui leur est postérieur. La société CHAPTER 4 démontre qu’elle exploite sur l’île de Manhattan depuis 1994 une boutique physique à l’enseigne « SUPREME » pour vendre des vêtements de la gamme street ou urban wear porteurs du signe « SUPREME » (pièces 1 à 3 non contestées en leur teneur). Elle était titulaire :

-au jour du premier dépôt (marque n° 154172283) de neuf marques ou demandes de marques américaines verbales ou semi-figuratives « SUPREME » déposées entre le 16 septembre 2011 et le 19 mars 2014 en classes 18, 25 et 28 et de sa marque n°

99795286 déposée le 26 mai 1999,
-auxquelles s’ajoutent au jour du second dépôt (marque n° 164253836), trois demandes de marques américaines portant sur le même signe dans ses deux versions déposées les 13 mai et 13 juillet 2015 en classes 25 et 35 ainsi que ses deux marques françaises n° 154175561 et 154175577. Par ailleurs, il est constant que la société CHAPTER 4 offre en vente ses produits et permet leur livraison en France depuis 2013 via son site internet supremenewyork.com, ce que confirme l’article du site tiers konbini.com versé aux débats en pièce 31. Et, elle prouve par la production d’une importante revue de presse (pièces 31 à 39) que l’ouverture de ses boutiques physiques en Europe puis en France a été envisagée dès 2012 puis annoncée courant 2013 pour une ouverture officielle le 10 mars 2016 remarquée pour son succès commercial. Ces éléments confortent ceux attestés par son président qui joint à son affidavit un extrait de ses registres comptables révélant des ventes en France de 244 129 livres sterling en 2013, 449 994,66 livres sterling en 2014 et 105 143,71 livres sterling pour la période de janvier 2015 (la référence à 2014 étant à l’évidence le fruit d’une erreur matérielle) à avril 2015 (pièce 49 en demande). Si ces chiffres ne disent rien de leur importance relative sur le marché pertinent, ils confirment la réalité de l’activité en France de la société CHAPTER 4. Tous les produits vendus étant porteurs du signe « SUPREME » sous sa forme semi-figurative, celle-ci démontre son exploitation en France qui est en volume de chiffre d’affaires son second territoire après les États-Unis, constat impliquant son sérieux. Sans qu’il soit nécessaire de s’interroger à ce stade sur la notoriété de ce signe au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris, ces pièces établissent que le signe « SUPREME » dans sa version verbale comme semi-figurative est bien connu par le consommateur français de vêtements décontractés intéressé par l’art de rue et la culture industrielle et hip-hop notamment à raison de la rareté de ses produits qui a entraîné la constitution d’un réseau informel de revente (pièce 37). Cette connaissance est encore confirmée par l’importance des investissements publicitaires qu’elle a engagés pour promouvoir son signe notamment à travers des partenariats avec des célébrités (Lady Gaga, Kate M, Rihanna, Neil Y et Lou R) connues très au-delà du secteur vestimentaire en cause (pièces 53 à 76) ou des collaborations avec d’autres marques telles Nike ou Van’s (pièces 77 à 106). Elle l’est également par l’écho médiatique qu’elle rencontre dans des journaux ou magazines généralistes tels Le Monde ou Libération (pièces 52 et 62) ou plus spécialisés mais non limités au public initialement concerné par le signe tels Au Féminin, GQ, Gala, Paris Match, Libération, Closer, Public, Cosmopolitan, Télérama (pièces 53 à 61 puis 63 à 117). Cette couverture médiatique suffit à établir que le signe est connu au-delà du public ciblé par la société CHAPTER 4.

La société CHAPTER 4 démontre que Monsieur Majid C a fondé en 2007 l’espace culturel L’Impasse à la Seyne-sur-Mer (pièces 19 et 20) consacré au street art et à la culture du manga et du jeu vidéo et a créé en 2008 une ligne de vêtements et de sacs commercialisés sous la marque semi-figurative « MAKAK » déposée et enregistrée le 20 novembre 2008 en classe 25 puis sous les marques semi- figuratives « JUNGLE APE » déposées et enregistrées les 29 décembre 2008 et 27 juillet 2009 en classe 25 et « IROSHI » déposées et enregistrées les 4 août 2012 et 4 avril 2013 en classe 16, 25 et 32 (pièces 24 à 26) et qu’il a un temps édité la revue en ligne Cowbrand Street Encyclopédia consacrée au street art, son titre ayant été déposé à titre de marque semi-figurative française le 5 février 2013 (pièce 26). Elle établit que celui-ci exploite désormais directement un débit de boissons à La Seyne-sur-Mer depuis le 19 décembre 2016, à la même adresse que L’Impasse. Monsieur Majid C n’apportant aucun renseignement supplémentaire, il est certain, au regard de ses centres d’intérêts affichés qui coïncident strictement avec ceux défendus sous le signe « SUPREME » par la société CHAPTER 4, de son activité de vente de vêtements de la gamme street ou urban wear qui correspond au marché réduit initialement visé par cette dernière et de ses recherches et tentatives infructueuses pour créer une nouvelle marque accrocheuse qui l’ont nécessairement conduit à découvrir la marque n° 99795286 déposée le 26 mai 1999 en classe 25 ainsi que de la couverture médiatique dont ont bénéficié tant l’exploitation du signe « SUPREME » par la société CHAPTER 4 que l’ouverture de sa boutique parisienne, qu’il connaissait l’usage intensif du signe « SUPREME » par la société CHAPTER 4 pour les produits de la classe 25. Cette connaissance présumée, qu’aucun élément tangible ne combat, est confortée par le dépôt d’un signe semi-figuratif strictement identique à celui exploité par la société CHAPTER 4 avant et après la procédure d’opposition puis par le dépôt de la marque verbale « SUPREAM » n° 164292263 le 6 août 2016 pour désigner les produits et services des classes 18, 25 et 35 qui est phonétiquement identique au signe verbal « SUPREME ». Cette insistance est d’autant plus problématique que Monsieur Majid C ne démontre aucune nécessité d’usage du signe litigieux pour les besoins de son activité. L’intensité de celle-ci demeure d’ailleurs inconnue puisque l’association ROADWORKS qui exploitait L’Impasse a fait l’objet d’une liquidation judiciaire immédiate ouverte le 1er septembre 2016 (pièces 20 à 23 en demande) et que le site internet de vente des produits « IROSHI » n’est plus actif a minima depuis le 6 mars 2017 (pièces 24 et 28 en demande). La seule activité actuelle de Monsieur Majid C réside ainsi dans l’exploitation d’un débit de boissons à La Seyne-sur-Mer depuis le 19 décembre 2016 avec un commencement d’activité déclaré au 8 septembre 2014 sur le lieu d’exploitation de L’Impasse. Il n’apporte ainsi aucun élément sur son activité réelle et ne démontre pas en quoi le signe constituant ses

marques lui était utile à l’époque des dépôts et, postérieurement à eux, dans le cadre d’activités sérieusement envisagées. Il est ainsi établi d’une part que la société CHAPTER 4 fait un usage continu et intensif du signe « SUPREME » à l’étranger depuis 1994 et en France depuis l’année 2013 via le site internet supremenewyork.com et depuis mars 2016 dans une boutique physique parisienne et que ce signe dans sa version semi-figurative identique aux marques en débat ou verbale est largement connu d’un public débordant nettement celui composé de jeunes de 25 ans férus de skate et de culture industrielle et hip-hop initialement ciblé et d’autre part que Monsieur Majid C ne pouvait ignorer l’usage de ce signe par la société CHAPTER 4 et avait conscience de son inutilité pour servir son activité dont rien ne démontre qu’elle se poursuive dans le secteur de l’habillement ou des produits visés aux enregistrements litigieux. Demeure la question de l’utilité pour la société CHAPTER 4 de disposer du signe « SUPREME » pour les services qu’elle n’a jamais désigné dans ses dépôts de marque à l’étranger comme en France, avant ou après les enregistrements litigieux, pour les produits des classes 16 et 14 suivants :

- pour la marque semi-figurative « SUPREME » n° 154172283 déposée et enregistrée le 9 avril 2015 (classe 16) : « Produits de l’imprimerie ; photographies ; matériel pour les artistes ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; objets d’art gravés ou lithographiés ; tableaux (peintures) encadrés ou non » ;

- pour la marque semi-figurative « SUPREME » n° 164253836 déposée et enregistrée le 3 mars 2016 (classe 14) : « Joaillerie ; bijouterie ; pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; boîtiers de montres ; bracelets de montres ; chaînes de montres ; ressorts de montres ; verres de montres ; porte-clefs de fantaisie ; statues en métaux précieux ; figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis pour l’horlogerie ; écrins pour l’horlogerie ; médailles ; pin’s (bijouterie) ». Les produits couverts par la marque n° 99795286 déposée le 26 mai 1999 sont les suivants : « Vêtement (habillement), chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie ». Les pièces déjà étudiées établissent que la société CHAPTER 4 exploite effectivement son signe pour les vêtements (sweats à capuche ou non, T-shirts, vestes et blousons), la chapellerie (casquettes, bonnets), les chaussures et les sacs (visibles notamment en boutique en pièce 33, portés par des consommateurs interrogés par les médias en pièces 36 ou sur la promotion faite en collaboration avec Lady Gaga (pièce 60) ainsi que les planches et accessoires de skate. Elle ne prouve aucune exploitation du signe directement en relation avec les produits des classes 14 et 16, l’édition du livre Love Suprême en avril 2010, recueil d’une « sélection d’images et d’interviews

puisées dans les seize années d’archive de la marque culte new- yorkaise » selon la présentation qu’en donne la presse (pièce 109 en demande) n’étant pas la fourniture d’un service d’impression et d’édition au profit d’un tiers mais l’utilisation de ces moyens techniques à son seul bénéfice et à des fins de promotions commerciales personnelles. Pour autant, ce constat n’emporte pas par lui-même rejet de la demande de la société CHAPTER 4 puisque relèvent des critères pertinents et interdépendants d’appréciation de la mauvaise foi de Monsieur Majid C et de la définition des intérêts de la société CHAPTER 4 la notoriété de son signe et le risque de confusion qui peut corrélativement naître dans l’esprit du public pertinent, qu’il soit ici celui initialement visé ou celui finalement touché par la couverture médiatique dont il a bénéficié.

À cet égard, les critères retenus par les juridictions européennes pour procéder à l’analyse des produits et services dans le cadre d’une action en contrefaçon de marque ou en nullité pour atteinte à une marque antérieure sont transposables mutatis mutandis à celle des produits objet de l’activité de la société CHAPTER 4 sur le territoire français d’une part et des produits et services visés à l’enregistrement des deux marques de Monsieur Majid C. Sur ce plan, pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, il est nécessaire de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services qui incluent en particulier leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon c. Metro-Goldwyn-Mayer) ou encore les canaux de distribution des produits concernés (TPI, 10 septembre 2008, Astex Therapeutics c. OHMI – Protec Health International). Dans ce cadre, la joaillerie, la bijouterie, l’horlogerie et les instruments chronométriques, les porte-clefs de fantaisie, les boîtiers de montres, les bracelets de montres, les chaînes de montres, les médailles et les pin’s de la classe 14 sont effectivement des produits qui peuvent être vendus dans les mêmes boutiques et selon les mêmes réseaux par les mêmes fabricants que ceux qui commercialisent des vêtements, ce que confirment les pièces 118 et 119 de la demanderesse. Ces produits, qui concernent le même public, sont ici similaires. Il en va en revanche différemment des autres produits de la classe 14 (« pierres précieuses ; métaux précieux et leurs alliages ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; ressorts de montres ; verres de montres ; statues en métaux précieux ; figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis pour l’horlogerie ; écrins pour l’horlogerie ») qui relèvent de circuit de distribution voire d’industrie différents et concernent des publics distincts ainsi que des produits de la classe 16 (« Produits de l’imprimerie ; photographies ; matériel pour les artistes ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; objets d’art gravés ou lithographiés ; tableaux (peintures)

encadrés ou non »), la particularité des échoppes de musées étant trop grande pour justifier une quelconque généralisation. Toutefois, malgré l’absence de similarité de ces derniers produits, l’importante notoriété du signe « SUPREME », l’identité totale des signes en débat et la concurrence évidente entre les parties au regard de la seule activité que Monsieur Majid C prétend exercer, implique un risque sérieux d’association entre celui-ci et celle-là même pour des produits qu’elle ne commercialise pas. Sans qu’il soit nécessaire de caractériser la notoriété du signe au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris, cette connaissance étendue du public pertinent, élargi par la couverture médiatique dont il bénéficie au consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de vêtements de la gamme streetwear, induit sa croyance possible que les produits non similaires de la classe 14 ou ceux de la classe 16 soient commercialisés sous le signe « SUPREME » de la société CHAPTER 4, sinon par elle, par des partenaires autorisés, et ce d’autant plus qu’elle prouve veiller à limiter les quantités de produits qu’elle offre en vente et à la qualité de ses collaborations promotionnelles. Sur ce plan, le signe est utile à son activité et sa monopolisation sans raison objective par Monsieur Majid C est de nature à lui nuire. En conséquence, en déposant ses marques n° 154172283 et n° 164253836 constituées du signe adopté par la société CHAPTER 4 en connaissance de cette exploitation antérieure sans aucune nécessité pour sa propre activité et en nuisant à celle de cette dernière, sciemment au regard de la persistance de sa volonté de s’approprier largement ce signe, Monsieur Majid C a détourné le droit des marques de sa finalité et a commis une fraude qui entache ses dépôts de nullité. La société CHAPTER 4 ayant le choix entre le transfert de propriété et la nullité, il sera fait droit à sa demande principale et le transfert à son profit de la titularité des droits sur les marques n° 154172283 et n° 164253836 sera ordonné dans les termes du dispositif. 2°) Sur les demandes accessoires Succombant au litige, Monsieur Majid C, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamné à payer à la société CHAPTER 4 la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile. A défaut de procès-verbal de constat et de procès-verbal de saisie- contrefaçon produits, les demandes de la société CHAPTER 4 au titre du remboursement des frais afférents à ces actes sera rejetée. PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré, Déclare recevable l’action en revendication ou en nullité pour fraude de la société CHAPTER 4 CORP D/B/A SUPREME ;

Ordonne le transfert total des droits sur les marques françaises n° 15 4 172 283 et n° 16 4 253 836 de Monsieur Majid C au profit de la société CHAPTER 4 CORP D/B/A SUPREME pour tous les produits et services visés à leurs enregistrements ;

Ordonne la transmission de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI aux fins d’inscription au Registre national des marques, à l’initiative de la partie la plus diligente et aux frais de Monsieur Majid C ; Rejette la demande de Monsieur Majid C au titre des frais irrépétibles ; Condamne Monsieur Majid C à payer à la société CHAPTER 4 CORP D/B/A SUPREME la somme de DIX MILLE euros (10 000 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile ; Rejette la demande de la société CHAPTER 4 CORP D/B/A SUPREME au titre du remboursement des frais de procès-verbal de constat et de saisie-contrefaçon ; Condamne Monsieur Majid C à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés directement par la SELARL MARCHAIS ASSOCIES conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

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Tribunal de grande instance de Nanterre, Pole civil, 20 décembre 2018, n° 2017/01027