Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre ordonnance du juge de la mise en etat, 12 décembre 1997

  • Preuve de la materialite de la contrefaçon·
  • Action en contrefaçon·
  • Expertise technique·
  • Demande prematuree·
  • Cib f 02 k·
  • Procédure·
  • Incident·
  • Brevet·
  • Air·
  • Contrefaçon

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Inverseur de poussee de turboreacteur muni d’un dispositif redresseur de flux, procede et dispositif permettant le controle du jet inverse dans les moteurs a reaction a inverseur de poussee

necessite d’une appreciation prealable par le tribunal de la portee des brevets et de l’etendue de la protection

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. ord. du juge de la mise en etat, 12 déc. 1997
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP301955;FR8402550
Titre du brevet : INVERSEUR DE POUSSEE DE TURBOREACTEUR MUNI D'UN DISPOSITIF REDRESSEUR DE FLUX, PROCEDE ET DISPOSITIF PERMETTANT LE CONTROLE DU JET INVERSE DANS LES MOTEURS A REACTION A INVERSEUR DE POUSSEE
Classification internationale des brevets : F02K
Référence INPI : B19970206
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société HISPANO SUIZA est titulaire d’un brevet d’invention européen déposé le 26 JUILLET 1988 sous le n 88401937.3, délivré le 21 AOUT 1991, publié sous le n 0301955B1 et désignant notamment la France. Ce brevet a pour titre : « inverseur de poussée de turboréacteur muni d’un dispositif redresseur de flux ». La société HISPANO SUIZA est également titulaire des revendications 1 à 5 et 9 à 11 d’un brevet d’invention français déposé le 21 FEVRIER 1984, enregistré sous le n 84 02550, publié sous le n 2559838, et ayant pour titre : « procédé et dispositif permettant le contrôle du jet inversé dans les moteurs à réaction à inverseur de poussée ». Après avoir fait procéder le 30 JANVIER 1996, à deux saisies contrefaçon par voie de description de dispositifs d’inversion de poussée, qui reproduiraient les revendications 1 à 3 du brevet européen et les revendications 9 et 10 du brevet français, la société HISPANO SUIZA a, les 12 et 13 FEVRIER 1996, assigné la société de construction des avions HUREL DUBOIS et la société HUREL DUBOIS UK LTD aux fins de constatation judiciaire de la contrefaçon. Elle a sollicité, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, outre des mesures d’interdiction sous astreinte, de confiscation et de publication, une somme de 20 millions de francs à valoir sur son préjudice définitif à déterminer après expertise également requise et 50 000 francs du chef de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par conclusions du 12 DECEMBRE 1996, la société de construction des avions HUREL DUBOIS et la société HUREL DUBOIS UK LTD (ci-après les sociétés HUREL DUBOIS) se sont opposées à toutes les demandes, aux motifs que le dispositif argué de contrefaçon ne reproduit pas les caractéristiques protégées et subsidiairement que HUREL DUBOIS bénéficie d’une licence gratuite sur les brevets. Elles ont sollicité 10 millions de francs pour procédure abusive et 50 000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société HISPANO SUIZA a conclu en réponse le 17 AVRIL 1997. Par conclusions du 4 JUILLET 1997, les sociétés HUREL DUBOIS ont soutenu que le Tribunal Arbitral était seul compétent sur la question de l’exploitation des brevets en raison de la licence gratuite et maintenu leurs précédentes écritures sur le fond. Les sociétés HUREL DUBOIS ont, le même jour, saisi le juge de la mise en état d’une demande tendant à l’organisation d’une expertise du dispositif argué de contrefaçon. Elles exposent sur le brevet français, que si les saisies contrefaçon ont permis d’observer la structure du dispositif argué de contrefaçon qu’elles fabriquent, les procès-verbaux n’établissent pas que ce dispositif joue la même fonction en vue de produire le même résultat industriel que le dispositif breveté ; que, bien que la contrefaçon ne soit dès lors

pas établie, elles entendent que le tribunal soit éclairé techniquement sur les affirmations contradictoires des parties sur le rôle du fond de porte dans les deux dispositifs en précense, notamment dans le guidage du flux d’air en inversion. Elles précisent qu’une difficulté de même nature oppose les parties sur la question de la contrefaçon du brevet européen, la demanderesse contestant techniquement l’absence de cavité génératrice de pertes aérodynamiques dans le dispositif argué de contrefaçon. La société HISPANO SUIZA soutient que la demande d’expertise technique est irrecevable et non fondée. Elle fait valoir que les saisies ont montré l’identité de la structure des dispositifs litigieux avec la structure couverte par le brevet n'8402550 ; que cette structure permet d’obtenir le résultat recherché par le brevet ; qu’elle joue donc nécessairement la fonction du brevet. Elle ajoute que la demande est dilatoire ; que la mesure ne pourrait porter de façon certaine sur les dispositifs saisis décrits, faute de saisie réelle ; que les essais de soufflerie sollicités sont non seulement inutils pour déterminer les caractéristiques des dispositifs en cause, mais aussi coûteux, longs, imprécis et donc inadéquats. Les sociétés HUREL DUBOIS maintiennent leur demande d’expertise, formée dans le but d’éclairer le tribunal compte tenu des divergences techniques des analyses développées par les parties. Elles rappellent sur le brevet français, qu’elles contestent précisément la réalité du résultat produit par la structure du fond de porte de leur dispositif, en situation de porte ouverte, sur le pilotage de la nappe déviée. Elles précisent que des essais de soufflerie ne seraient à effectuer que dans l’hypothèse où l’expert estimerait ne pouvoir décrire l’effet du dispositif par sa seule géométrie et qu’elles ne seraient pas opposées par principe à d’autres techniques ; que l’objection tirée de l’absence de saisie réelle n’a pas lieu d’être compte tenu de la précision des saisies descriptives et du fait qu’il s’agit d’inverseurs homologués en exploitation sur l’A330. Elles ajoutent que l’expertise est également nécessaire compte tenu des analyses techniques contradictoires soumises par les parties au tribunal quant à l’existence ou l’absence d’une cavité au sens du brevet européen n'0301955 et quant à la fonction de la semelle interne de la structure déflectrice à aubes dans le dispositif litigieux. La société HISPANO SUIZA insiste sur le caractère dilatoire d’une demande d’expertise formée plus d’un an et demi après le début de la procédure. Elle fait valoir que les défenderesses dénaturent la portée des brevets invoqués ; que ces brevets "ne couvrent pas une fonction en ce qu’elle permet d’obtenir un résultat particulier, mais uniquement une structure permettant de réaliser une fonction ; que la contrefaçon existe dès lors que la structure est reproduite et la fonction réalisée dans sa nature indépendamment de son degré" ; que la structure brevetée étant reproduite, la contrefaçon est réalisée et l’expertise sollicitée sans objet.

DECISION Il ne peut être statué sur la demande d’expertise sans définir préalablement les points de divergence des analyses techniques des parties. La société HISPANO SUIZA rappelle que ses deux brevets ont pour objet des inverseurs de poussée de turboréacteur et un dispositif redresseur de flux. Elle explique que le moteur à réaction comporte une turbine carénée autour de laquelle existe un anneau d’air froid circulant dans le canal formé par le capot extérieur et la turbine carénée ;

- que l’air froid qui, en position de vol, entre par l’avant du capot extérieur et sort par l’arrière, doit pouvoir, pour éviter toute perturbation en vol, s’engouffrer sans rencontrer d’irrégularités dans le canal ; que la veine d’air doit être lisse ;

- que l’air froid est également utilisé pour contribuer au freinage de l’avion, par inversion du flux ; qu’il est, par basculement des portes d’inverseur, dévié pour être dirigé vers l’avant. Ainsi, lorsque la porte de l’inverseur est ouverte, son fond intérieur détermine avec les bords fixes du canal interne, un puits d’inversion à travers lequel est évacué le flux d’air. Que le brevet français propose un procédé et un ensemble de moyens simples permettant d’assurer un contrôle précis des caractéristiques physiques et notamment de l’orientation et de la configuration de la nappe de jet dévié. Que les revendications 9 et 10 prévoient de contrôler le flux d’air par la forme particulière donnée au fond de la porte : la revendication 9 prévoit que « l’épaisseur du fond de porte varie d’un bord latéral à l’autre » et la revendication 10 que « par rapport à l’axe longitudinal médian de la porte, l’épaisseur du fond de porte varie symétriquement ». La demanderesse parle en ce dernier cas de forme en « aile de mouette ». La demanderesse soutient que le fond mobile de la porte dans le dispositif des défenderesses, a, en position d’ouverture de porte, un profil en « aile de mouette » en raison d’un écart du bord du volet par rapport au panneau inférieur de la porte d’inversion, écart qui varie de quelques millimètres au centre de la porte jusqu’à un centimètre environ en direction des deux bords latéraux de la porte ; que le moyen breveté est reproduit. Les défenderesses contestent cette analyse. Elles exposent d’une part que la variation de l’épaisseur qui résulte dans leur dispositif de la forme prise par les volets mobiles en situation de porte ouverte, est insignifiante et impropre à exercer un effet de contrôle sur l’orientation et la configuration du jet dévié. Elles précisent que, dans leur dispositif, la fonction de contrôle de la configuration du flux dévié est assurée par une structure déflectrice à aubes. Elles exposent d’autre part que la géométrie du fond mobile, qui en situation de porte ouverte est escamoté contre le fond fixe de la porte, est déterminée par la fonction de ce fond mobile en situation de porte fermée ; qu’en effet, en situation de porte fermée, le

fond mobile, soulevé par rapport au fond fixe, permet de boucher la cavité ou espace qui interrompt la continuité de la paroi du canal d’éjection de flux d’air et donc la veine d’air ; que la forme prise par l’ensemble des deux volets d’une porte, en situation de porte ouverte, n’est ainsi que la conséquence géométrique inévitable de leur forme en situation de porte fermée et de leurs caractéristiques d’articulation. La demanderesse réplique sur le premier point que selon le brevet, toute modification de la section du fond de porte est susceptible d’entraîner une modification de la direction du flux d’air, et sur le second point qu’il importe peu que lorsque la porte est fermée, le fond mobile assure une autre fonction : celle de lissage de la veine d’air, dès lors que lorsque la porte est ouverte, le fond mobile a pour fonction de participer au guidage du flux d’air en inversion ; qu’il n’importe pas davantage que la structure déflectrice à aubes participe au contrôle du flux de l’air, du moment que le moyen breveté est reproduit. Les divergences entre les parties apparaissent en partie de même nature lorsqu’elles invoquent ou contestent la contrefaçon du brevet européen. Ce brevet a pour objet d’apporter une solution au problème posé par l’existence de la « cavité » formée entre la paroi interne de la porte et la paroi théorique de la veine définie par la ligne théorique qui prolonge la paroi aérodynamique de veine du flux d’air froid constituée par la paroi fixe extérieure amont du canal d’air froid. Cette cavité, nécessaire au bon fonctionnement en inversion de jet (porte ouverte), attire l’écoulement de l’air lorsque la porte se trouve en position fermée, engendrant des pertes aérodynamiques néfastes au rendement du turboréacteur dans les phases de fonctionnement correspondant à la poussée directe. La demanderesse précise qu’afin d’assurer le lissage de la veine en position de jet direct, la revendication 1 de son brevet prévoit de placer un déflecteur en aval d’un bord de déviation fixe, ce déflecteur comportant, à son extrémité, une partie profilée orientée en direction aval suivant un profil voisin de la ligne théorique de délimitation aérodynamique de la veine d’air froid. En position de porte fermée, la partie profilée bouche en partie la cavité. Elle ajoute que les revendications dépendantes 2 et 3 prévoient des moyens complémentaires du jet d’air froid en position d’ouverture de la porte, et ce, au moyen d’ouvertures ou d’ouies pratiquées dans le déflecteur. Elle soutient que le dispositif saisi décrit reproduit ces trois revendications. Les sociétés HUREL DUBOIS font valoir que dans leur dispositif, le problème posé par l’existence d’une cavité n’existe pas car en position de porte fermée, le fond mobile de la porte complète la paroi du canal d’éjection de l’air ; que certaines portes comportent, afin de piloter la nappe de gaz dévié en inversion de poussée (porte ouverte), une structure déflectrice à aubes constituée d’un ensemble formé par une semelle externe solidarisée au fond fixe de porte et par des aubes fixées par une extrémité à cette semelle et par l’autre extrémité à une deuxième semelle dite interne ; qu’il a fallu, afin de loger ladite structure,

raccourcir les volets mobiles, de sorte que le bord amont des volets ne s’étend pas jusqu’au bord amont de la porte, sans pour autant créer une cavité au sens du brevet invoqué, que la demanderesse n’est pas fondée à soutenir que la semelle interne a pour fonction de participer au lissage de la veine d’air alors que cette semelle a pour fonction de contribuer à assurer la tenue des aubes et que sa disposition dans l’espace libéré par le raccourcissement du volet est la seule techniquement acceptable. La société HISPANO SUIZA réplique que, si la semelle interne contribue à la rigidification de la structure déflectrice à aubes, elle constitue également un élément correspondant à la partie profilée du déflecteur et permet de recouvrir la partie de cavité non couverte par les volets mobiles ; qu’elle joue ainsi une fonction identique au déflecteur comportant à son extrémité une partie profilée de la revendication 1 de son brevet. Il résulte des explications techniques développées par chacune des parties :

- qu’aucun point de désaccord ne les opposent sur la structure même des dispositifs saisis décrits ;

- qu’en revanche, selon la demanderesse, la structure, identique entre les dispositifs des parties, qui permet d’obtenir le résultat recherché par le brevet, joue la fonction du brevet ; que les moyens brevetés sont reproduits dans les dispositifs incriminés, en vue d’exercer ou plus exactement de contribuer à exercer la même fonction que dans les inventions, tout en assurant également par ailleurs d’autres fonctions. La demanderesse pose ainsi la question de l’existence de la contrefaçon lorsqu’une fonction n’est que partiellement reproduite.

- que selon les défenderesses, les moyens argués de contrefaçon n’exercent pas la fonction des moyens brevetés, et s’agissant du brevet français, sont impropres à l’exercer. Malgré ces divergences d’analyse, l’expertise sollicitée par les sociétés HUREL DUBOIS apparaît, en l’état du dossier, à tout le moins prématurée. Il ne peut en effet être tenu pour acquis que le tribunal ne soit pas en mesure de statuer, au vu des procès-verbaux de saisie et des éléments techniques déjà communiqués ou encore susceptibles de l’être par les parties. Il sera également observé que les défenderesses qui fabriquent et commercialisent les inverseurs incriminés apparaissent de ce fait, elles-mêmes en mesure de produire toute documentation technique et études ou simulations relatives à ces dispositifs. Au surplus, une mission technique ne pourrait, le cas échéant, être utilement confiée à un expert qu’après appréciation par le tribunal de la portée des brevets en cause et de l’étendue de la protection conférée par les revendications invoquées.

Les sociétés HUREL DUBOIS doivent pour ces motifs être déboutées de leur demande d’expertise et condamnées aux dépens de l’incident. PAR CES MOTIFS : Statuant contradictoirement ; Déboutons la société de construction des avions HUREL DUBOIS et la société HUREL DUBOIS UK LTD de leur demande d’expertise. Renvoyons les parties à l’audience de mise en état du 20 FEVRIER 1998 à 13 heures pour conclusions en défense au fond. Condamnons in solidum la société de construction des avions HUREL DUBOIS et la société HUREL DUBOIS UK LTD aux dépens de l’incident.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre ordonnance du juge de la mise en etat, 12 décembre 1997