Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 15 décembre 1999

  • Demande d'autorisation judiciaire a accorder une licence·
  • Article l 613-29 e) code de la propriété intellectuelle·
  • Article l 613-29 code de la propriété intellectuelle·
  • Article l 614-13 code de la propriété intellectuelle·
  • Coproprietaire et licencie exclusif potentiel·
  • Notification d'un projet de cession·
  • Contrat de licence exclusive·
  • Demande reconventionnelle·
  • Autorisation judiciaire·
  • Remboursement d'un prêt

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Brevet europeen 220 097, brevets d’invention, brevet 8 901 945, brevet 9 509 661, brevet us 4 820 299, brevet jp 3 103 253, brevet us 5 123 918

brevet europeen dans sa partie francaise s’etant substitue au brevet francais dont le demandeur etait coproprietaire

autorisation judiciaire se limitant a passer outre le refus injustifie d’un coproprietaire a un contrat de licence exclusive

en l’espece, projet de contrat traitant le defendeur comme une partie a l’acte et mettant a sa charge des obligations

mention du pret et des modalites de remboursement dans un protocole d’accord fixant les relations entre les coproprietaires

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 15 déc. 1999
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP220097;FR8901945;FR9509661;US4820299;JP3103253;US5123918
Titre du brevet : VALVE CARDIAQUE PROTHETIQUE, PROTHESE VALVULAIRE MECANIQUE A MODE DE FERMETURE OPTIMISE
Classification internationale des brevets : A61F;A61M
Référence INPI : B19990229
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Au début des années 1980, Didier L, médecin spécialiste en chirurgie cardiaque, a approché la Société DASSAULT AVIATION pour le développement de ses travaux de recherches. Leur collaboration a abouti à la création d’une valve cardiaque prothétique à trois volets dont Didier L et Philippe P, ingénieur chez DASSAULT, ont été déclarés inventeurs aux termes de trois brevets d’invention français, étendus par la suite à divers autres pays, à savoir :

- le brevet n° 85.14051 du 23 septembre 1985 auquel s’est substitué le brevet européen 0.220.097. B1 du 22 septembre 1986 visant la France,
- le brevet n° 89.01945 du 15 février 1989,
- le brevet n° 95.09661 du 9 août 1995. Didier L et la Société DASSAULT AVIATION ont cherché à négocier ensemble, avec trois grands fabricants de valves cardiaques, une licence d’exploitation exclusive des brevets dont ils sont copropriétaires et ils ont posé les bases de leurs relations dans ce cadre par un protocole d’accord en date du 23 décembre 1992. Courant février 1996, devant le refus des licenciés potentiels pressentis et arguant des sommes considérables qu’elle avait déjà investies dans le projet pour un résultat manifestement incertain, la Société DASSAULT AVIATION a fait savoir à Didier L qu’elle arrêtait toute dépense nouvelle. Elle a subordonné l’utilisation par Didier L de « tout l’acquis de DASSAULT AVIATION », études, dessins valves prototypes etc., à la conclusion d’un nouvel accord et au paiement d’un montant forfaitaire de 21.000.000 F hors taxe. Elle a rappelé au mandataire de Didier L qu’un prêt de 500.000 F qu’elle lui avait consenti n’était toujours pas remboursé et lui a indiqué que : « il ne peut être question de considérer les dépenses DASSAULT AVIATION c’est à dire toutes les heures d’ingénieur pour les études, les plans des valves, les calculs, la fabrication et le contrôle des outillages et des valves, le suivi et l’organisation des tâches pour le développement et l’industrialisation etc. comme restant à la seule charge de DASSAULT AVIATION ». Didier L a poursuivi, sans la Société DASSAULT AVIATION, le développement des travaux sur la valve cardiaque prothétique en s’assurant le concours de tiers avec lesquels il a créé la Société américaine de droit californien TRIFLO MEDICAL, ci-après TRIFLO, dont il est le président et directeur des affaires médicales et de la recherche. Le 5 juin 1998, Didier L a déposé aux USA, avec un membre de l’équipe TRIFLO, une demande de brevet d’invention ayant pour objet une « Tri-valve cardiaque mécanique améliorée ». Il a par la suite tenté de négocier avec la Société DASSAULT AVIATION le rachat de sa part de copropriété ou son accord sur une licence exclusive d’exploitation de leurs brevets communs au bénéfice de la Société TRIFLO.

Par courrier du 3 mai 1999, la Société DASSAULT AVIATION a refusé le projet de contrat de licence exclusive, entre elle et Didier L d’une part, la Société TRIFLO d’autre part, qui lui avait été proposé par courrier du 2 avril précédent en invoquant « les risques découlant (pour elle) des législations relatives à la responsabilité du fait du produit notamment aux USA ». Elle a conclu son courrier en ces termes : « En revanche, nous proposons la cession à la Société TRIFLO de la quote-part des droits de propriété détenus par DASSAULT AVIATION dans les trois brevets protégeant la Valve cardiaque ainsi que leurs extensions à l’étranger, pour un montant de 28.000.000 F. Cette offre a une durée de validité d’un mois à compter de la première présentation qui vous est faite de ce courrier. Dans l’hypothèse où notre proposition conviendrait à la Société TRIFLO, nous pourrons établir l’acte de cession ». Par courrier du 22 mai suivant, Didier L a pris acte de l’offre de cession par la Société DASSAULT AVIATION de sa quote-part de propriété à la Société TRIFLO et a déclaré exercer le droit de préemption prévu par l’article L 613-29 e) du Code de la propriété intellectuelle. Il a contesté le prix de 28.000.000 F réclamé et a offert un prix de 1.500.000 F en se réservant le droit d’en demander la fixation judiciaire. Par courrier du 28 mai 1999, la Société TRIFLO a indiqué à la Société DASSAULT AVIATION qu’elle attendait de plus amples informations sur l’exercice par Didier L de son droit de préemption et qu’en tout état de cause elle estimait l’offre de prix excessive. Aucun accord n’a pu être trouvé entre les parties, en dépit d’une tentative de négociation. Par acte du 26 août 1999, Didier L, se prévalant de sa qualité de copropriétaire des brevets en cause et faisant état des exigences financières, selon lui, injustifiées de la Société DASSAULT AVIATION ainsi que de la situation de blocage qu’elle crée et qui empêche notamment la Société TRIFLO d’obtenir l’exclusivité des droits nécessaire à la recherche d’investisseurs potentiels pour l’exploitation de la technologie brevetée, a régulièrement assigné à jour fixe la Société DASSAULT AVIATION,
- d’une part, sur le fondement de l’article L 613-29 e) du Code de la propriété intellectuelle, pour voir :

- constater l’offre de cession par la Société DASSAULT AVIATION à la Société TRIFLO de sa quote-part dans le brevet européen désignant la France n° 0.220.097. B1 et déposé sous priorité du brevet français n° 85.14051, dans le brevet français n° 89.01945 et dans « la demande » de brevet français n° 95.09661 ainsi que leurs extensions internationales,
- constater l’exercice de son droit de préemption et le défaut d’accord sur le prix entre lui et DASSAULT AVIATION,
- fixer le prix de cession à 1.500.000 F,
- désigner subsidiairement un expert aux frais avancés de DASSAULT AVIATION,
- d’autre part, sur le fondement de L 613-29 d) du Code de la propriété intellectuelle, pour voir en tout état de cause :

— constater que la concession d’une licence exclusive d’exploitation du brevet européen désignant la France n° 0.220.097. B1, déposé sous priorité du brevet français n° 85.14051, du brevet français n° 89.01945 et de la demande de brevet français n° 95.09661 ainsi que de leurs extensions internationales, est, en l’état, le seul moyen de permettre au projet de développement de la Valve d’aboutir,
- en conséquence autoriser la conclusion du contrat de licence notifié à la Société DASSAULT AVIATION le 2 avril 1999 dans les mêmes termes. Il sollicite l’exécution provisoire et la condamnation de la Société DASSAULT AVIATION à lui payer 150.000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Société TRIFLO intervient volontairement à l’instance par conclusions du 8 octobre 1999 en priant le tribunal de lui donner acte de son accord pour conclure le contrat de licence transmis à la Société DASSAULT AVIATION par Didier L le 2 avril 1999 et d’autoriser la conclusion de ce contrat tel que notifié à cette date. Dans ses dernières écritures du 24 novembre 1999, la Société DASSAULT AVIATION relève que le tribunal est saisi de deux demandes distinctes reposant chacune sur un texte et des faits différents et qu’il doit faire application à cet égard de l’article 12 du nouveau Code de procédure civile. Elle soulève l’irrecevabilité des demandes en ce qu’elles portent sur le brevet français n° 85.14051 et son extension américaine n° 4.820.299 ainsi que sur les extensions japonaise n° 3.103.253 et américaine n° 5.123.918 du brevet français n° 89.01945 dont Didier L ne justifie pas être copropriétaire. Plus généralement, elle invoque l’irrecevabilité de la demande sur le fondement de l’article L 613-29 d) du Code de la propriété intellectuelle pour défaut de preuve d’un intérêt légitime à agir. La Société DASSAULT AVIATION conclut pour le surplus :

- au débouté de Didier L en sa demande de préemption au motif que l’article L 613-29 e) du Code de la propriété intellectuelle est sans application dans un litige qui oppose deux copropriétaires entre eux, où il n’y a pas de tiers ni aucun projet de cession,
- au débouté de Didier L et de la Société TRIFLO en leur demande d’autorisation de concession d’un contrat de licence exclusive au motif que l’article L 613-29 d) du Code de la propriété intellectuelle n’instaure pas un droit à une concession de licence exclusive mais une faculté appréciée souverainement par les tribunaux en fonction des intérêts en présence et qu’au surplus, ce texte ne permet pas aux tribunaux d’imposer à un copropriétaire la conclusion d’un contrat ; que Didier L n’est pas fondé à solliciter la conclusion d’un contrat de licence au nom de la Société TRIFLO et que la demande de celle-ci n’est qu’un artifice destiné à permettre à Didier L de s’emparer à moindre coût de la totalité des droits sur les titres en cause ; qu’en tout état de cause, le refus qu’elle oppose à la concession de licence exclusive est justifié par les risques de voir sa

responsabilité engagée à ce titre aux USA ainsi que cela résulte de deux avis motivés qui lui ont été donnés par des cabinets américains. Reconventionnellement, elle argue de l’abus de droit pour solliciter la condamnation in solidum de Didier L et de la Société TRIFLO à lui payer 1.000.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle demande, en outre, la condamnation de Didier L à lui rembourser le prêt de 500.000 F qu’elle lui a consenti en exécution du protocole d’accord du 23 décembre 1992, avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 1999, l’exécution provisoire sur le tout et 150.000 F par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Didier L et la Société TRIFLO développent leur argumentation initiale et rappellent notamment que la Société DASSAULT AVIATION, qui a retenu abusivement la totalité du savoir-faire développé en commun avec Didier L, souhaite les contraindre à racheter ses parts de copropriété à un prix sans lien avec la valeur réelle en bloquant sans motifs légitimes l’exploitation de la technologie développée les privant ainsi du fruit de leur recherches. Ils s’opposent à la fin de non recevoir tirée de leur prétendu défaut d’intérêt légitime à agir et font valoir que les dispositions de l’article L 613-29 e) et d) qu’ils invoquent sont parfaitement applicables en l’espèce ; Ils soutiennent relativement à chacun des deux chefs de demande :

- que l’offre de cession a bien été notifiée par la Société DASSAULT AVIATION à un tiers, la Société TRIFLO, et que cette offre ferme s’analyse en un projet de cession déclenchant le mécanisme prévu par l’article L 613-29 e) ; que l’applicabilité de cette disposition n’a du reste pas été contestée par la Société DASSAULT AVIATION puisque celle-ci est revenue vers Didier L en lui proposant un prix, engageant ainsi la discussion prévue par la loi ;

- que rien ne s’oppose à ce que l’autorisation judiciaire de conclure le contrat de licence exclusive soit demandée par le copropriétaire ; que l’intervention volontaire de la Société TRIFLO n’a pas eu pour but de purger un vice mais de rappeler l’acceptation par celle-ci du contrat ; que la demande de Didier L ne vise pas à imposer à la Société DASSAULT AVIATION la conclusion d’un contrat mais à être autorisée à conclure ce contrat malgré son opposition et à mettre fin au chantage exercé ; que le motif avancé par la Société DASSAULT AVIATION, des risques de mise en cause de sa responsabilité pour expliquer son refus de consentir à une indispensable licence exclusive, est nouveau et artificiel. Ils maintiennent l’intégralité des demandes initiales et concluent au rejet de la demande reconventionnelle pour procédure abusive. Didier L conclut, en outre pour sa part, au mal fondé de la demande reconventionnelle en remboursement du prêt au motif que la Société DASSAULT AVIATION ne justifie pas du versement de la somme ; qu’en tout état de cause, cette somme n’est pas exigible faute

pour la Société DASSAULT AVIATION d’avoir sollicité la définition de l’échéancier et des modalités de remboursement et d’avoir respecté la disposition du protocole d’accord du 23 décembre 1992 prévoyant une résolution amiable des différends. Il précise que si une telle somme était due, elle se compenserait par l’indemnisation qu’il est en droit de réclamer à la Société DASSAULT AVIATION du fait de son comportement.

DECISION I – SUR LES FINS DE NON RECEVOIR Attendu que Didier L, qui a la charge de cette preuve, ne justifie effectivement pas avoir la qualité de copropriétaire de l’extension américaine n° 4.820.299 du brevet français n° 85.14051 ainsi que des extensions japonaise n° 3.103.253 et américaine n° 5.123.918 du brevet français n° 89.01945 ; Qu’il est dès lors irrecevable à agir relativement à ces titres sur le fondement de l’article L 613-29 du Code de la propriété intellectuelle ; Attendu qu’en revanche, en l’état des pièces produites et des explications des parties, la partie française du brevet européen 0.220.097. B1 dont la Société DASSAULT AVIATION et Didier L sont copropriétaires n’a pu que se substituer, par application de l’article L 614-13 du Code de la propriété intellectuelle, au brevet français n° 85.14051 qui a dès lors cessé de produire ses effets ; Que de fait, la demande de Didier L n’a aucunement trait à ce brevet français mais au brevet européen correspondant ; Attendu que l’irrecevabilité tirée du défaut de qualité à agir de Didier L en tant que copropriétaire de ce brevet français n° 85.14051 est en conséquence mal fondée et sera rejetée ; Attendu que pour le surplus, Didier L a qualité, en tant que copropriétaire avec la Société DASSAULT AVIATION des autres titres en cause, pour voir judiciairement autoriser la licence d’exploitation exclusive qu’il envisage et à laquelle il est nécessairement partie ; Attendu que Didier L et la Société TRIFLO, licencié exclusif pressenti des brevets en copropriété entre Didier L et la Société DASSAULT AVIATION, ont un intérêt légitime à tenter de faire trancher judiciairement la difficulté tenant pour eux au refus de la Société DASSAULT AVIATION de consentir à la Société TRIFLO une telle licence exclusive, dans la mesure où il est établi que la licence exclusive est effectivement envisagée et que la Société DASSAULT AVIATION s’y refuse ;

Attendu qu’il importe peu à ce stade que la Société TRIFLO ait été créée par Didier L qui la considère comme « sa » Société ; que la Société TRIFLO, juridiquement distincte de Didier L, est un tiers ; qu’elle indique accepter de conclure le contrat de licence communiqué en projet à la Société DASSAULT AVIATION le 2 avril 1999 ; Attendu que Didier L et la Société TRIFLO qui ont qualité, sous réserve de ce qui est dit plus haut pour Didier L, et intérêt légitime à agir, sont recevables en leurs demandes ; Qu’il convient d’examiner s’ils sont bien fondés. II – SUR LE DROIT DE PREEMPTION Attendu que l’article L 613-29 du Code de la propriété intellectuelle régit seul, à défaut de dispositions contractuelles contraires, la copropriété des brevets : Qu’il dispose dans son point e) que : Chaque copropriétaire peut, à tout moment, céder sa quote-part. Les copropriétaires disposent d’un droit de préemption pendant un délai de trois mois à compter de la notification du projet de cession. A défaut d’accord sur le prix, celui-ci est fixé par le tribunal de grande instance. Les parties disposent d’un délai d’un mois à compter de la notification du jugement ou, en cas d’appel, de l’arrêt, pour renoncer à la vente ou à l’achat de la part de copropriété sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent être dus ; les dépens sont à la charge de la partie qui renonce. Attendu que la Société DASSAULT AVIATION doit être suivie quand elle fait valoir que le droit de préemption de l’article L 613-29 e) se définit comme le droit pour un copropriétaire de se substituer à un tiers acquéreur, à qui l’autre propriétaire entend céder sa quote-part et que l’exercice de ce droit permet au copropriétaire qui en use d’évincer un tiers de la copropriété ; Attendu qu’en l’espèce, la Société DASSAULT AVIATION a fait le 3 mai 1999 une offre de cession à la Société TRIFLO de sa quote-part de propriété des brevets pour un prix de 28.000.000 F ; Que cette offre a été refusée par la Société TRIFLO le 28 mai 1999 ; Attendu que si de brèves négociations sur le montant du prix de cession ont eu lieu par la suite directement entre les deux copropriétaires, il demeure que la Société DASSAULT AVIATION et la Société TRIFLO ne sont parvenues à aucun accord sur un projet de cession ; Attendu que Didier L assimile à tort l’offre qui a été faite par la Société DASSAULT AVIATION à la Société TRIFLO qui ne l’a pas acceptée et le projet de cession visé par l’article L 613-29 e) ;

Attendu qu’en l’absence de projet de cession notifié, Didier L n’a dès lors pu exercer valablement son droit de préemption ; Que c’est vainement qu’il invoque, pour obtenir la fixation du prix de la quote-part de la Société DASSAULT AVIATION, les dispositions de l’article L 613-29 e) qui sont sans application en l’espèce ; Que sa demande, mal fondée de ce chef, sera rejetée. III – SUR LA LICENCE EXCLUSIVE D’EXPLOITATION Attendu que l’article L 613-29 du Code de la propriété intellectuelle dispose dans son point d) que : Une licence d’exploitation exclusive ne peut être accordée qu’avec l’accord de tous les copropriétaires ou par autorisation de justice ; Attendu que cette disposition fait suite au principe également posé par l’article L 613-29 selon lequel : c)Chacun des copropriétaires peut concéder à un tiers une licence d’exploitation non exclusive à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n’exploitent pas personnellement l’invention ou qui n’ont pas concédé de licence d’exploitation. A défaut d’accord amiable, cette indemnité est fixée par le tribunal de grande instance… ; Attendu qu’il ressort dès lors de l’article L 613-29 qu’un copropriétaire de brevet peut concéder une licence d’exploitation à un tiers, sans l’accord des autres copropriétaires, lorsqu’il s’agit d’une licence d’exploitation non exclusive, mais qu’il ne le peut, qu’avec l’accord de tous, lorsque cette licence d’exploitation est exclusive ; Attendu que l’autorisation judiciaire n’a pour but et effet que de permettre de passer outre le refus injustifié d’un copropriétaire à la concession de licence exclusive envisagée par un autre copropriétaire ; Qu’une telle autorisation ne peut conduire à imposer au copropriétaire en désaccord avec le projet de contrat de licence exclusive, qu’il devienne partie à l’acte même auquel il s’oppose et à mettre autoritairement à sa charge des obligations, auxquelles il ne consent pas, autres que celles découlant pour lui du respect de la décision judiciaire autorisant la concession de licence exclusive ; Attendu qu’en l’espèce, Didier L et la Société TRIFLO demandent expressément que soit autorisée la conclusion du contrat de licence notifié à la Société DASSAULT AVIATION le 2 avril 1999 dans les mêmes termes ;

Attendu que ce projet de contrat considère la Société DASSAULT AVIATION comme l’une des parties à l’acte ; Qu’il présente en préambule comme constants des faits dont la Société DASSAULT AVIATION conteste pour partie la réalité dans le cadre de la présente instance ; Qu’il mentionne que « DASSAULT et le Dr L ont décidé d’accorder à TRIFLO une licence exclusive sur les Brevets, dans les conditions et termes définis ci-après, le préambule faisant partie intégrante de l’acte » et le fait que « DASSAULT … concèdent à TRIFLO une licence exclusive d’exploitation des brevets et les droits exclusifs subséquents » en imposant à la Société DASSAULT AVIATION seule, et non à Didier L, l’interdiction de développer, fabriquer, utiliser, exploiter ou vendre les brevets et valves résultant des brevets pendant toute la durée du présent contrat (article 1) ; Qu’il met à la charge de la Société DASSAULT AVIATION diverses obligations positives dont, à titre d’exemples :

- …, DASSAULT … s’engagent à s’informer mutuellement par lettre recommandée avec accusé de réception de toutes atteintes aux droits sur les brevets dont ils auraient connaissance. DASSAULT … autorisent d’ores et déjà expressément TRIFLO à initier toute action judiciaire en défense des Brevets à l’encontre de tiers contrefacteurs… (article 9)
- Il est expressément convenu qu’au cas où DASSAULT … souhaiteraient céder leur quote-part respective dans les brevets, DASSAULT … s’engagent à notifier à TRIFLO, par lettre recommandée avec avis de réception, tout projet de vente en indiquant le prix de cession, les modalités de paiement et les conditions de vente. TRIFLO disposera alors d’un délai d’un mois pour faire connaître son intention d’achat dans les mêmes formes et aux mêmes conditions… En cas de refus ou de silence de TRIFLO dans le délai d’un mois de la notification faite au Concédant, celui-ci pourra céder librement les brevets en cause sous réserve – que le prix… ne soient pas plus favorables que ceux précédemment soumis à TRIFLO – qu’il impose aux tiers acquéreur de respecter et de poursuivre la présente licence dans toutes ses dispositions (article 10) ; Attendu qu’il suffit en conséquence pour le tribunal de constater dès l’abord que l’autorisation judiciaire sollicitée par Didier L et la Société TRIFLO de conclure un tel contrat de licence outrepasse le cadre de l’autorisation judiciaire qu’il est possible de donner par application de l’article L 613-29 d) du Code de la propriété intellectuelle ; Qu’en l’état des demandes qu’ils formulent, Didier L et la Société TRIFLO ne peuvent qu’en être déboutés. IV – SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE Attendu que la Société DASSAULT AVIATION ne justifie d’aucun fait imputable à Didier L et à la Société TRIFLO susceptible de faire dégénérer en abus leur droit d’agir en justice ;

Qu’elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ; Attendu que la Société DASSAULT AVIATION invoque à l’appui de la demande de remboursement de 500.000 F qu’elle forme à l’encontre de Didier L d’une part, l’article 4 du protocole d’accord en date du 23 décembre 1992 conclu entre eux et aux termes duquel elle lui a donné son accord pour un prêt de 500.000 F remboursable, soit par déduction du prix payé cash sur sa part, soit dans le cas où il n’y aurait pas de prix payé cash, selon un échéancier et des modalités à définir entre eux en temps opportun, d’autre part, l’absence de réponse au rappel qu’elle a fait dans son courrier du 14 février 1999 du non remboursement de ce prêt ; Mais attendu que la Société DASSAULT AVIATION, qui a la charge de cette preuve, n’établit pas avoir versé la somme convenue le 23 décembre 1992 ; Qu’elle sera déboutée de sa demande en paiement. V – SUR LES DEPENS ET L’ARTICLE 700 DU N.C.P.C. Attendu que l’équité conduit à rejeter la demande de la Société DASSAULT AVIATION au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Que Didier L, succombant et condamné aux dépens, verra également sa demande à ce titre rejetée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Déclare Didier L irrecevable à agir relativement à l’extension américaine n° 4.820.299 du brevet français n° 85.14051 ainsi qu’aux extensions japonaise n° 3.103.253 et américaine n° 5.123.918 du brevet français n° 89.01945 ; Rejette pour le surplus les fins de non recevoir tirées du défaut de qualité et d’intérêt légitime à agir ; Déboute Didier L de sa demande sur le fondement de l’article L 613-29 e) du Code de la propriété intellectuelle ; Déboute Didier L et la Société TRIFLO MEDICAL de leurs demandes sur le fondement de l’article L 613-29 d) du même Code, tendant à voir autoriser la conclusion du contrat de licence tel que notifié à la Société DASSAULT AVIATION le 2 avril 1999 ; Déboute la Société DASSAULT AVIATION de sa demande reconventionnelle ; Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne Didier L et la Société TRIFLO aux dépens et admet la SCP CLERY, DE LA M MORY et MONÉGIER DU SORBIER au bénéfice de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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