Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 15 décembre 1999

  • Boissons aux jus de fruits concentres et à l'arome de cacao·
  • Article l 714-6 a) code de la propriété intellectuelle·
  • Atteinte aux droits privatifs sur la marque·
  • Circuits de distribution identiques·
  • Désignation nécessaire et generique·
  • Numero d'enregistrement 1 279 889·
  • Article 3 loi 31 décembre 1964·
  • Éléments pris en considération·
  • Reproduction quasi-servile·
  • Similarité des produits

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 15 déc. 1999
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : PINA COLADA
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1279889
Classification internationale des marques : CL33
Liste des produits ou services désignés : Boissons alcoolisees (a l'exception des bieres) - boissons aux jus de fruits concentres et a l'arome de cacao
Référence INPI : M19991072
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société BARDINET est propriétaire de la marque dénominative « PINA COLADA » déposée le 30 mai 1984 en renouvellement d’un précédent dépôt du 31 mai 1974, enregistrée sous le n 1.279.889, renouvelée par déclaration du 26 janvier 1994, pour désigner les « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » relevant de la classe 33. Elle a appris que la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE commercialisait en France sous la dénomination « PINACOLADA » une boisson aux jus concentrés et à l’arôme de coco. La société BARDINET a dans ces conditions, après avoir fait dresser un procès-verbal de constat le 6 novembre 1998, assigné, par acte du 3 décembre 1998, la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE aux fins de constatation judiciaire de la contrefaçon. Elle sollicite, outre les mesures habituelles d’interdiction, de destruction sous astreinte et de publication, une somme de 150.000 francs à titre de dommages et intérêts provisionnels, l’exécution provisoire sur le tout et 50.000 francs au titre de ses frais irrépétibles. La société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE conclut le 4 juin 1999 à la nullité de la marque n 1 279 889, constituée, selon elle, de termes génériques en ce qu’ils sont la désignation usuelle des produits visés au dépôt, et se prévaut de l’article 36 du Traité de Rome. Elle demande subsidiairement au tribunal de prononcer la déchéance des droits de la société BARDINET par application de l’article L714-6 a) du CODE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, et conteste très subsidiairement la contrefaçon reprochée en l’absence de similarité entre les produits opposés. Elle réclame 20.000 francs par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société BARDINET a par conclusions signifiées le 6 août 1999 contesté le bien-fondé de cette argumentation et réitéré les demandes contenues dans son actes introductif d’instance. Elle estime que sa marque est valable et que la déchéance ne peut être prononcée dès lors qu’elle justifie intervenir de manière systématique auprès des déposants et utilisateurs afin de faire respecter ses droits. Elle maintient son action en contrefaçon faisant valoir que les produits opposés sont bien similaires et que la reproduction quasi-servile de sa marque peut entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public.

DECISION I – SUR LA VALIDITE DE LA MARQUE PINA COLADA N 1.279.889 : Attendu qu’à l’appui de sa demande de nullité, la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE fait valoir que depuis 1974, les termes PINA C servent à désigner un cocktail de jus d’ananas, de lait, de noix de coco et de rhum blanc ; qu’en espagnol, ces termes sont purement descriptifs et génériques ; qu’admettre le contraire, reviendrait à contrevenir à l’article 36 du Traité de Rome relatif à la libre circulation des marchandises en permettant à BARDINET de s’opposer à l’importation en France de PINA C provenant d’Espagne ; Attendu que la société BARDINET réplique que la preuve du caractère générique de la dénomination n’est pas rapportée, sa signification devant s’apprécier au regard de la langue française ; que l’article 36 du traité de Rome, qui s’applique à l’exercice des droits de propriété intellectuelle et non à leur existence, est sans effet en l’espèce ; Attendu, ces positions étant rappelées, que la marque revendiquée ayant été déposée le 31 mai 1974, sa validité doit être appréciée au regard de la loi en vigueur à cette date, c’est à dire celle du 31 décembre 1964 ; Attendu que selon l’article 3 de cette loi, ne peuvent être considérées comme marques celles qui sont constituées exclusivement de la « désignation nécessaire ou générique » du produit et du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public ; Attendu qu’en l’espèce les documents versés aux débats par la défenderesse sont tous postérieurs à la date du dépôt de la marque revendiquée ; qu’ils n’établissent pas qu’en 1974, l’expression PINA C était utilisée par une large fraction du public pour désigner une boisson alcoolisée et avait un caractère générique ; que contrairement à ce que soutient la défenderesse, il n’est pas démontré que ces termes seraient purement descriptifs, même en espagnol, les extraits de dictionnaires espagnol- français produits, au demeurant non datés, donnant au mot Colada des significations sans rapport avec une boisson ; que le fait qu’un cocktail PINA C ait été crée en 1963 dans l’île de Porto-Rico, comme le révèle une émission de variétés du 15 février 1997, ne signifie pas que ces termes constituaient la désignation usuelle d’une telle boisson au moment du dépôt ; Attendu que la preuve du caractère générique de la dénomination à la date du dépôt n’étant pas rapportée, la demande de nullité de la marque « PINA COLADA » n 1.279.889 ne pourra qu’être rejetée ; II – SUR LA DECHEANCE DE LA MARQUE N 1.279.889 :

Attendu que la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE soutient que la demanderesse a fait preuve de passivité à l’égard des nombreux concurrents qui utilisent les termes PINA C pour commercialiser des boissons sur le territoire français sans être inquiétés, et que dans l’esprit du public cette dénomination est devenue générique et sert de nom commun pour désigner un cocktail de fruits ; Attendu que la société BARDINET réplique qu’au contraire elle intervient systématiquement pour faire respecter ses droits ; Attendu que l’article L714-6 a) du Code de la propriété intellectuelle dispose qu’encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ; Attendu qu’en l’espèce, s’il est constant que les termes PINA C sont, depuis au moins 1992, fréquemment utilisés pour désigner un cocktail de fruits alcoolisé, la défenderesse ne produit aucune pièce de nature à établir que la société BARDINET a encouragé ou toléré cet usage ; que celle-ci démontre au contraire par ses nombreuses mises en demeure adressées à compter du mois d’août 1995 à des sociétés qui ont déposé des marques reproduisant la dénomination PINA COLADA, ou l’ont employée, qu’elle a défendu sa marque ; qu’elle établit le retrait de plusieurs dépôts litigieux et la conclusion de transactions ; Attendu que la défenderesse ne rapporte donc pas la preuve que la marque PINA COLADA serait devenue du fait de la société BARDINET la désignation usuelle de boissons alcoolisées, et sera déboutée de ce chef de demande ; III – SUR LA CONTREFAÇON : Attendu que la marque PINA COLADA n 1.279.889 sert à désigner en classe 33 les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) ». Attendu que la dénomination PINACOLADA utilisée par la défenderesse en constitue la reproduction quasi-identique, la seule différence tenant au fait qu’elle est présentée en un seul mot ; Attendu par ailleurs que les boissons à base de jus de fruits, non alcoolisées, peuvent être considérés comme similaires aux boissons alcoolisées couvertes par le dépôt : qu’il s’agit en effet dans les deux cas de boissons, ayant vocation à être consommées dans les mêmes occasions, par exemple à l’apéritif, et commercialisées dans les mêmes circuits de distribution ; Attendu qu’il existe, pour le consommateur d’attention moyenne n’ayant pas les deux signes en même temps sous les yeux, un risque de confusion certain ;

Attendu dès lors qu’en faisant usage de la dénomination PINACOLADA, pour désigner des produits similaires à ceux couverts par le dépôt de la marque n 1.279.889, la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société BARDINET ; IV – SUR LES MESURES REPARATRICES : Attendu qu’il y a lieu de faire droit à aux demandes d’interdiction dans les termes du dispositif ; que cette mesure suffit à mettre un terme à la contrefaçon reprochée, et que les mesures de destruction sollicitées ne seront pas prononcées ; Attendu que le préjudice subi par la société BARDINET tient à l’atteinte portée à ses droits privatifs sur la marque PINA COLADA ainsi qu’au trouble commercial résultant de la vente par la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE de boissons au jus de fruit sous la dénomination contrefaisante PINACOLADA ; que le tribunal peut, au vu des éléments dont il dispose, évaluer ce préjudice à la somme de 80.000 francs, sans qu’il qu’il y ait lieu de recourir à une mesure d’expertise ; Attendu qu’il convient d’ordonner, à titre d’indemnisation complémentaire, la publication réclamée dans les termes du dispositif ; Attendu que l’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, est nécessaire et sera ordonnée, pour les seules mesures d’interdiction ; Attendu que l’équité commande d’allouer à la société BARDINET 15.000 francs au titre de ses frais irrépétibles ; que la défenderesse qui succombe, sera déboutée de ce chef de demande ; PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Rejette la demande d’annulation de la marque PINA COLADA n 1 279 889, et la demande tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la société BARDINET sur le fondement de l’article L714-6 du Code de la propriété intellectuelle ; Dit qu’en fabriquant et en commercialisant des cocktails de jus de fruits portant la dénomination PINACOLADA et en faisant usage de cette dénomination, sans l’autorisation de la société BARDINET, la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE a commis des actes de contrefaçon de la marque « PINA COLADA » n 1.279.889 dont la société BARDINET est propriétaire ;

Interdit à la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE de faire usage de la dénomination « PINA COLADA » pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés par l’enregistrement de la marque n 1 279 889, dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, sous peine passé ce délai d’une astreinte de 500 francs par infraction constatée ; Dit que le tribunal sera compétent pour liquider les astreintes ordonnées ; Condamne la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE à verser à la société BARDINET la somme de 80.000 francs de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon ; Autorise la société BARDINET à faire publier le présent dispositif du jugement dans son entier ou par extraits dans deux journaux ou revues de son choix, aux frais de la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE le coût global de ces insertions ne pouvant excéder à sa charge la somme de 40.000 francs hors taxes ; Ordonne l’exécution provisoire des mesures d’interdiction ; Condamne la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE à verser à la société BARDINET la somme de 15.000 francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la société MC CAIN SUNNYLAND FRANCE aux dépens qui seront recouvrés par la SCP CLERY, de LA M MORY, & MONEGIER du SORBIER société d’avocats, conformément à l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

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