Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 19 décembre 2003

  • Promotion d'un logiciel contrefaisant·
  • Offre de téléchargement·
  • Liberté d'expression·
  • Référence nécessaire·
  • Usage non commercial·
  • Interopérabilité·
  • Base de données·
  • Droits d'auteur·
  • Déverrouillage·
  • Site internet

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 19 déc. 2003
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : BYO ; CARTO EXPLOREUR
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3060186 ; 3061186
Classification internationale des marques : CL09
Référence INPI : M20030791
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Texte intégral

La Société BAYO a conçu et développé un logiciel dénommé « CARTO EXPLOREUR » dont l’objet est de permettre la visualisation sur ordinateur de fonds cartographiques. Elle a conclu avec l’Institut Géographique National (IGN) une convention de mise à disposition de fonds cartographiques pour les besoins du logiciel précité dont les fonctionnalités ont elles-mêmes été soumises à l’approbation de l’Institut. Pour s’assurer du respect des fonctionnalités limitées d’utilisation des fonds cartographiques, la Société BAYO a créé un format dénommée « BYO » lui permettant de crypter les données scannées sous ce format et de rendre nécessaire l’usage du logiciel. La dénomination « BYO » a été déposée à titre de marque comme celle de CARTO EXPLOREUR ; Or, elle a, le 3 mai 2002, fait constater que M. S, sur les sites « ericsibert.com » et « esibert.free.fr » offrait, selon elle, à toute personne qui se connectait sur son site, la possibilité de télécharger les sources du logiciel visualisateur permettant ainsi de lire les cartes IGN enregistrées sous ce format. M. S précisait que l’utilisateur devait s’assurer qu’il était autorisé à consulter les données « Carto Exploreur » Estimant que ce faisant, M. S avait commis des actes de contrefaçon des marques « BYO » et « Carto Exploreur », des actes de contrefaçon de droits d’auteur et des actes de concurrence déloyale en raison du dénigrement par M. S de la qualité de son logiciel, la Société BAYO a, par acte du 21 août 2002, fait assigner M. S pour voir ordonnée la publication de la présente décision et condamné M. S à lui verser les sommes de 15.244 Euros en réparation des actes de contrefaçon de marques, 15.244 Euros en réparation des actes de contrefaçon de droit d’auteur et 76.224,51 Euros en réparation des actes de dénigrement. M. S oppose en substance qu’il n’a pas pu réaliser une reproduction contrefaisante des marques de la Société BAYO en citant les produits de celles-ci, sous leurs marques, cette citation rentrant dans le cadre de la tolérance édictée par l’article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle. Quant aux droits d’auteur invoqués par la demanderesse, M. S souligne qu’il a développé lui-même un logiciel dénommé « Visualisateur », sans le commercialiser, destiné à servir d’accessoire au CD. Rom « Carto Exploreur » et ce, dans le seul but de permettre une exploitation plus satisfaisante des fonds cartographiques, sous le format de fichiers « BYO ». Il n’a agi, affirme-t-il, que dans les limites autorisées par l’article L. 122-6 du Code de la propriété intellectuelle en matière d’interopératibilité entre deux logiciels et dans le but d’améliorer le fonctionnement du logiciel « Carto Exploreur ». Il conteste enfin avoir commis des actes de dénigrement du produit de la Société BAYO dans la mesure où il s’est borné à faire une analyse technique de celui-ci et à émettre, en des termes mesurés, des réserves sur les capacités du logiciel « Carto Exploreur ». La Société BAYO a répliqué.

Attendu qu’il sera simplement rappelé que la Société BAYO fabrique un logiciel dénommé CARTOEXPLOREUR qui équipe chacun des CD ROM qu’elle commercialise

et pour la réalisation desquels l’IGN lui a concédé un droit d’utilisation limité d’une de ses bases de données et de divers fichiers, moyennant une rémunération annuelle et sous des conditions précisées au contrat du 25 octobre 2000 ; I – Sur la contrefaçon de droits d’auteur Attendu qu’il ressort du constat du 3 mai 2002 que M. S offrait aux personnes visitant son site, la possibilité de télécharger le logiciel « visualisateur » qu’il dit avoir créé, que les sources de ce dernier permettaient d’accéder et de lire les cartes IGN enregistrées au format BAYO et donc de déjouer les protections posées par la Société BAYO à la demande de l’IGN ; Attendu que M. S mesurait parfaitement les droits auxquels il portait atteinte comme en témoignent les termes de l’avertissement qu’il publiait sur son site ; « Le logiciel Visualisateur est distribué sous licence GPL. Ceci ne préjuge en rien de votre droit à consulter les données visualisables… Vous devez vous assurer que vous êtes autorisés à consulter les données »CARTO EXPLOREUR« … Dans le cas contraire, l’utilisation du logiciel visualisateur peut s’apparenter à de la contrefaçon.. » Attendu que cet avertissement était suivi des mentions, au choix de l’internaute, suivantes : « Je préfère ne pas prendre le risque » ou « Je suis pleinement conscient des problèmes ci- dessus et je télécharge »Visualisateur"« . Attendu que, pour réaliser ce logiciel et le mettre à la disposition du public, sous le couvert d’un avertissement d’usage, M. S a dû nécessairement procéder au »déverrouillage" du dispositif de protection mis en place par la demanderesse ; qu’il n’établit pas que ce dispositif – dont il précise qu’il ne relève pas d’une méthode connue – ne soit pas protégeable par le droit d’auteur ; Attendu, par ailleurs, que, pour justifier les opérations auxquelles il a procédé, M. S revendique le bénéfice des dispositions de l’article L. 122-6-1 sur les actes autorisés à des fins d’interopératibilité ; Attendu que ces dispositions supposent notamment que les actes considérés soient conformes à la destination du logiciel et (V) qu’ils ne portent pas atteinte à l’exploitation normale du logiciel ; que tel n’est à l’évidence pas le cas de l’espèce puisque M. S permettait à l’internaute en téléchargeant son logiciel « Visualisateur » d’avoir librement accès à des informations protégées par le logiciel « Carto Exploreur » et notamment aux cartes de l’IGN ; Attendu que M. S a donc commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur dont la demanderesse est titulaire ; II – Sur la base de données Attendu qu’il s’agit de fonds de cartes géographiques numérisés ; Attendu que le fonds de cartes géographiques est incontestablement celui que l’IGN a mis à la disposition de BAYO sans aucunement renoncer ou céder ses droits de propriété intellectuelle ; Attendu que si la demanderesse prétend que, nonobstant cette considération, elle a elle- même pu constituer une base de données protégeable dans les termes des articles L. 112- 3 ou L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle, il lui appartient d’établir que les prestations qu’elle a pu réaliser sont susceptibles d’être couvertes par ces dispositions ;

Attendu qu’en l’absence de toute précision sur ce point, ses prétentions ne peuvent donc qu’être rejetées ; III – Sur la contrefaçon de marques Attendu que la Société BAYO est titulaire des marques semi-figuratives « Carto Exploreur » n°003.060.186 déposée le 17 octobre 2000 et « BYO » n°003.061.186 déposée le 19 octobre 2000 pour désigner, la première « un outil de visualisation de cartes numérisées au format BYO sur ordinateur », la seconde « des fichiers informatiques de cartographie cryptée » ; Attendu que ces dénominations apparaissent à plusieurs reprises sur les pages du site incriminé, dans la forme « format des fichiers BYO ». Les CDs CartoExploreur contiennent plusieurs fichiers dont les fichiers byo… " etc. ; Attendu que ces marques ont ainsi été reprises sur le site de M. SIBERT pour promouvoir le logiciel « Visualisateur » dont il a été dit ci-avant qu’il portait atteinte aux droits d’auteur détenus par la Société BAYO ; Attendu qu’il est indifférent que M. S n’ait pas fait commerce de son logiciel ; Attendu que la reproduction des deux dénominations considérées qu’il a réalisée sans l’autorisation de leur titulaire, caractérise un acte de contrefaçon au sens de l’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ; que M. S n’est pas fondé à solliciter le bénéfice de l’article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle qui autorise la référence nécessaire à une marque, l’usage incriminé en l’espèce n’étant en effet aucunement nécessaire si ce n’est pour faire la promotion d’un produit contrefaisant ; IV – Sur les actes de dénigrements et la responsabilité délictuelle de M. S Attendu que M. S a procédé à une analyse commentée du logiciel « CartoExploreur » en concluant notamment que « ce produit doit encore s’améliorer » ; Attendu qu’il n’y a là que l’expression, en des termes mesurés, d’une appréciation critique et argumentée d’un produit que tout utilisateur qui a procédé à une analyse de celui-ci est libre de faire; Attendu que la Société BAYO incrimine en outre le fait d’avoir rendu accessible, sans restriction aucune, les fonds géographiques de l’IGN ou encore le fait de porter atteinte a son logiciel, en livrant notamment ses sources ; Attendu que ces faits ont déjà été appréciés dans le cadre des atteintes portées aux droits d’auteur de la Société BAYO et ne peuvent donc faire l’objet d’une incrimination supplémentaire sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ; V – Sur les mesures réparatrices Attendu que M. S a donc porté atteinte pendant plusieurs mois aux droits de la demanderesse ; Attendu que si l’on ignore le nombre d’internautes qui ont pu avoir accès aux informations contrefaisantes que M. S a rendu disponibles sur son site, il demeure que celui-ci n’avait pas d’activité commerciale et s’adressait plutôt à des spéléologues et à des marcheurs ; Attendu que M. S devra verser à titre de dommages intérêts à la Société BAYO les sommes de 5.000 Euros en réparation de l’atteinte aux droits d’auteur et 2.000 Euros en réparation de l’atteinte aux droits de marque ;

Attendu qu’il sera par ailleurs fait droit, dans les termes du dispositif ci-après, à la mesure de publication sollicitée ; Attendu qu’il n’est pas inéquitable de condamner M. S à verser en outre la somme de 3.000 Euros à la demanderesse sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile; PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ; Dit qu’en reproduisant les termes « BYO » et « CARTO EXPLOREUR » sur son site Internet, M. Eric S a commis des actes de contrefaçon des marques n°003.0060186 et 003.061.186 dont la Société BAYO est titulaire ; Dit qu’en procédant au déverrouillage des dispositifs de protection des programmes et des fichiers BYO et en offrant la possibilité d’en télécharger le contenu, M. S a porté atteinte aux droits de la Société BYO sur son logiciel ; En conséquence, Condamne M. S à verser à la Société BAYO les sommes de :

- CINQ MILLE EUROS (5.000 Euros) en réparation des actes de contrefaçon de droits d’auteur ;

- DEUX MILLE EUROS (2.000 Euros) en réparation des actes de contrefaçon des deux marques précitées ;

- TROIS MILLE EUROS (3.000 Euros) sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Autorise la demanderesse à faire publier le présent dispositif dans deux revues de son choix, sans que la part du coût de ces insertions supportée par M. S ne dépasse la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 Euros) par insertion ; Rejette toute autre demande ; Condamne M. S aux dépens qui seront recouvrés par M. A. B dans les termes de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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