Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 3e section, 3 novembre 2008, n° 06/17727

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. 3e sect., 3 nov. 2008, n° 06/17727
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 06/17727

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1re chambre 3e section

N° RG :

06/17727

N° MINUTE :

Assignation du :

24 novembre 2006

6 et 7 décembre 2007

PAIEMENT

Après expertise du

Docteur X

[…]

[…]

JUGEMENT

rendu le 3 novembre 2008

DEMANDERESSE

Madame E Z

[…]

[…]

représentée par Me Etienne RIONDET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R24

DÉFENDEURS

[…]

[…]

[…]

représenté par Me Françoise BESSIS HELLMANN (Cabinet HELLMANN) avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.001

C.P.A.M DU VAL D’OISE

[…]

[…]

[…]

représentée par Me E O P, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D 1328

Docteur H B-A

[…]

[…]

représenté par Me Hélène FABRE (Association FABRE GUEUGNOT SAVARY) avocat au barreau de PARIS, vestiaire R44

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence LAGEMI, Vice-Président

Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Vice-Président

L-M N, Vice-Président

GREFFIER

F G

DÉBATS

A l’audience du 22 septembre 2008, tenue en audience publique

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 3 novembre 2008.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

En premier ressort

Sous la rédaction de L-M N

Mme E Z qui présentait des varices des membres inférieurs avec une sensation de compression de la cheville et une gêne esthétique et qui était suivie par le docteur Y à l’Hôpital Privé Nord Parisien depuis 2001, a subi un écho-doppler veineux en 2003 qui a montré une incontinence ostiale de la veine saphène externe droite et de la saphène interne gauche .

Une opération a été préconisée et Mme Z a été opérée le 3 février 2004, sous anesthésie loco-régionale, par le docteur H B- A qui a procédé à un stripping (éveinage) saphène interne gauche et à un stripping saphène externe droit.

Madame Z qui a souffert, dans les heures qui ont suivi l’intervention, d’une complication tenant à la paralysie du nerf sciatique poplité externe droit, a subi le 6 février 2004 un électromyogramme qui a conclu à une sidération du nerf par compression temporaire.

Elle est sortie de la clinique le 7 février 2004, le docteur B lui ayant prescrit 40 séances de kinésithérapie.

Les troubles liés à la paralysie de ce nerf ayant persisté, Madame Z a sollicité en référé la désignation d’un expert ; par ordonnance du 8 juillet 2005, le docteur I J a été désigné.

Le docteur K X, désigné pour le remplacer, après avoir procédé à ses opérations d’expertise, a clos son rapport le 7 juillet 2006.

Par acte délivré les 24 novembre, 6 et 7 décembre 2007, Madame E Z a assigné l’Hôpital Privé Nord Parisien et le docteur H B-A, en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Val d’Oise, en déclaration de responsabilité et indemnisation.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2007, Madame E Z qui expose que le docteur B et l’Hôpital Privé Nord Parisien sont responsables des dommages qu’elle a subis, sollicite leur condamnation avec exécution provisoire au paiement des sommes suivantes :

—  6.575 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence,

—  3.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

—  2.000 euros au titre des souffrances endurées,

—  2.000 euros au titre du préjudice d’agrément,

—  298 euros en remboursement des frais d’un voyage prévu avant son opération et qu’elle a été contrainte d’annuler,

—  550 euros au titre des frais d’assistance par un médecin conseil,

— outre 5.223,19 euros au titre de ses pertes de revenus dont elle réclame paiement aux défendeurs dans les motifs de ses écritures.

Elle sollicite enfin la condamnation des défendeurs à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

A l’appui de ses demandes, Madame Z souligne qu’il ressort du rapport d’expertise que le nerf sciatique, qui est un nerf particulièrement sensible à la moindre compression, a été trop longtemps comprimé en post-opératoire immédiat par les bandes compressives mises en place lors de l’intervention du 3 février 2004 et que la paralysie est ainsi en lien direct avec cette intervention.

Elle reproche au docteur B de ne pas s’être déplacé le lendemain de l’intervention lorsqu’il a eu connaissance de cet incident et relève que l’expert a retenu sa responsabilité à hauteur de 20 %.

S’agissant de l’Hôpital privé, Mme Z fait valoir que l’expert a considéré que sa responsabilité était presque totale dans la mesure où cette paralysie est en rapport avec une compression prolongée par une bande, compression qui n’a pas été levée en temps utile par le personnel infirmier alors que les signes de paralysie existaient et avaient été signalés à l’infirmière en charge de Madame Z.

Dans ses conclusions signifiées le 14 mars 2008, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Val d’Oise demande au tribunal de condamner in solidum, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, le docteur B-A et l'[…] au paiement des sommes suivantes :

—  1.641,11 euros en remboursement des prestations en nature prises en charge avec intérêts de droit à compter du 22 juin 2007, date de sa première demande, sous réserve des prestations non connues et de celles qui pourraient être versées ultérieurement,

—  20.493,30 euros en remboursement des indemnités journalières versées avec intérêts de droit à compter du 22 juin 2007, date de sa première demande en justice,

—  941 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de l’article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale.

La caisse qui sollicite également la condamnation des défendeurs à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, précise qu’elle exerce son recours pour les prestations en nature sur le poste “dépenses de santé” et pour les indemnités journalières sur le poste “pertes de revenus”.

Dans ses conclusions signifiées le 16 mai 2008, le docteur H B -A, faisant valoir, à titre principal, qu’il n’a commis aucune faute en lien causal avec le dommage subi par Madame Z conclut au débouté de la totalité des demandes de cette dernière et sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Subsidiairement, il sollicite la condamnation de l’Hôpital Privé Nord Parisien à le relever et le garantir de l’intégralité des condamnations en principal, intérêts et frais en faisant valoir que les fautes des préposés de l’hôpital ont faire perdre toutes chances à Mme Z d’éviter les séquelles de l’intervention.

Très subsidiairement, si une faute était retenue à son encontre en lien causal avec le dommage, le concluant demande au tribunal de juger que cette faute est à l’origine d’une perte de chance minime qui ne saurait excéder 10%, la part de 20 % telle que retenue par l’expert apparaissant excessive au vu des constatations opérées au cours de l’expertise .

Le docteur B- A sollicite que les postes de préjudice de Mme Z soient ainsi fixés :

—  1.591,57 euros au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation,

—  49,54 euros au titre des frais d’appareillage devant revenir à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie,

—  3.964,08 euros au titre de la perte de gains,

-13.630,40 euros au titre des indemnités journalières devant revenir à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie,

—  4.940 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

—  2.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

—  1.000 euros au titre du pretium doloris,

—  500 euros au titre du préjudice d’agrément,

le docteur B- A concluant au débouté du surplus des demandes au titre des frais restés à charge et de l’annulation du voyage à Venise.

Il sollicite la condamnation de l’Hôpital Privé Nord à le relever et le garantir de toute condamnation excédant sa part de responsabilité.

Le concluant souligne notamment que l’expert a retenu que la paralysie du nerf sciatique qui a récupéré, a pour seule origine une compression du nerf par les bandes en post-opératoire immédiat et a exclu toute maladresse opératoire, l’expert soulignant également qu’il ne pouvait être reproché au chirurgien d’avoir trop serré les bandes et ce, afin d’éviter les hématomes, dès lors que sur la feuille de prescription post-opératoire il était prévu que les bandes soient desserrées à 17 heures.

Il fait valoir que le fait qu’il ne soit pas venu au chevet de sa patiente le lendemain n’a rien changé à l’évolution de la complication.

Il soutient que la totalité de la responsabilité doit incomber à l’Hôpital dont le personnel infirmier n’a pas respecté ses prescriptions et ne l’a pas alerté immédiatement, lui ou le médecin de garde, quand les premiers signes de la paralysie ont été constatés.

Dans ses conclusions signifiées le 7 avril 2008, l'[…] soutient que sa responsabilité ne peut pas être retenue en ce qui concerne les soins dispensés par son personnel salarié et conclut au débouté de l’intégralité des demandes de Madame Z.

Subsidiairement, il expose que sa responsabilité ne pourrait être retenue que pour une part résiduelle.

Il conclut ainsi sur les préjudices et sollicite :

— le débouté de Madame Z de ses demandes relatives aux frais médicaux non remboursés dont il indique qu’ils ne sont pas justifiés, de ses demandes au titre des pertes de salaires également non justifiées et dont il demande subsidiairement qu’elles soient limitées à l’année 2004, de même que de sa demande relative au manque à gagner sur la prime d’intéressement et de participation ; il conclut également au débouté de la demande en remboursement du voyage à Venise en exposant que cette demande n’est pas justifiée.

Sur le surplus, l’Hôpital demande que les préjudices soient ainsi indemnisés :

—  2.475 euros au titre de la période d’incapacité temporaire totale et 375 euros au titre de la période d’incapacité temporaire partielle à 50%,

—  1.000 euros au titre de l’incapacité permanente partielle,

—  1.000 euros au titre des souffrances,

—  200 euros au titre du préjudice d’agrément très léger.

Très subsidiairement, le concluant demande au tribunal de retenir à tout le moins la responsabilité du docteur B-A dans une proportion de 20% dans l’hypothèse où il retiendrait la responsabilité de l’établissement de soins pour une part autre que résiduelle et conclut au débouté de l’appel en garantie du chirurgien.

En tout état de cause, l’Hôpital Privé Nord Parisien sollicite la condamnation de Madame Z ou de tout succombant à lui verser une somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles et conclut au débouté ou, à tout le moins, à la réduction de toutes les demandes faites à ce titre par les autres parties à l’instance.

Pour l’essentiel de ses explications, l’Hôpital Privé fait valoir qu’au vu du cahier infirmier la bande BIFLEX élastique, la plus externe, a bien été desserrée par l’infirmière à 17 heures puis vers 22 heures 30 pour la deuxième fois, la prescription du docteur B- A ne mentionnant nullement de desserrer la bande Velpeau.

L’Hôpital ajoute que le fait de ne pas avoir appelé le médecin de garde le soir même de l’intervention n’a rien changé, la lésion compressive étant déjà constituée.

L’ordonnance de clôture est en date du 15 septembre 2008.

MOTIFS

Sur la responsabilité :

Le contrat médical conclu entre le médecin et son patient met à la charge du médecin l’obligation de dispenser au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science médicale à la date de son intervention, cette obligation concernant tant l’indication du traitement que sa réalisation et son suivi.

Tout manquement à cette obligation qui n’est que de moyens, ne peut entraîner la responsabilité du médecin que s’il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.

L’établissement de soins, dans le cadre du contrat qui le lie au patient hospitalisé, est également tenu par l’intermédiaire de son personnel salarié, de lui prodiguer des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science.

Il ressort du rapport d’expertise non discuté à cet égard que :

— le nerf sciatique poplité externe est un nerf particulièrement sensible à la moindre compression, notamment parce qu’il passe autour du col du péroné,

— les différents électro-myogrammes et les examens cliniques montrent que Madame Z a été affectée par une paralysie tronculaire du nerf sciatique poplité externe très transitoire “puisqu’elle a récupéré rapidement”,

— la récupération quasi-totale de cette paralysie sciatique externe élimine toute section du nerf et tout traumatisme par un instrument chirurgical,

— “le mécanisme de loin le plus probable est une compression par les bandes en post-opératoire immédiat”, l’expert soulignant qu’en faveur de cet élément on relève que la patiente dès la fin de l’anesthésie a indiqué qu’elle se sentait comprimée au niveau du creux poplité.

L’expert a ainsi pu justement conclure que “la paralysie du nerf sciatique poplité externe droit de Madame Z est en relation directe et certaine avec l’intervention du 3 février 2004".

Madame Z a indiqué au cours des opérations d’expertise et dans ses conclusions qu’après être revenue dans sa chambre, vers 17 heures, “elle ne tenait pas debout à la marche” et qu’elle a constaté que le pied droit tombait avec impossibilité de le relever ; que vers 22 heures l’engourdissement de l’orteil droit était important, qu’elle avait mal derrière le genou, qu’elle avait l’impression que la bande mise en place en fin d’intervention était trop serrée et que surtout elle était dans l’incapacité de se lever.

Elle a précisé qu’elle avait insisté auprès des infirmières pour dire qu’elle avait mal et que la bande était trop serrée mais que l’infirmière n’ayant retiré que la bande biflex (c’est-à-dire élastique) en refusant d’enlever la bande Velpeau, elle avait dormi en sentant une gêne dans la jambe et dans le pied.

Les mentions portées sur le cahier infirmier ne permettent pas d’établir, contrairement à ce que prétend l’Hôpital Privé Nord Parisien, que les bandes auraient été effectivement et suffisamment desserrées à 17 heures dès lors qu’il est inscrit à la date de l’intervention

Bloc ce jour.

Retour à 15h15

DESSERER Ban à 17 h”, et non Bandes desserrées à 17 H,

Premier lever à 19h30"

Ce faisant, le personnel infirmier, présent tant durant l’après midi que pendant la nuit, n’a pas respecté les prescriptions du médecin et n’a pas réagi aux signes évocateurs d’un début de paralysie qui n’ont pourtant pu lui échapper puisqu’il n’est pas contesté que Madame Z n’a pas réussi à marcher que ce soit tant en tout début de soirée qu’un peu plus tard vers 22 heures ; l’infirmière, de garde pendant la nuit du 3 au 4 février, a d’ailleurs noté sur le cahier à propos de Madame Z la mention suivante “dit ne (pas )avoir récupére(r) le pied DT complètement” , étant rappelé par l’expert, ce qui n’est pas discuté, que “la paralysie du sciatique poplité externe se traduisant par un pied tombant, fait partie des diagnostics infirmiers”.

Dès lors, comme l’a justement souligné l’expert, le personnel infirmier salarié de l’Hôpital Privé Nord Parisien a commis plusieurs fautes .

D’une part il n’a qu’incomplètement desserré les deux bandes alors même qu’une prescription médicale demandait de desserrer les bandes élastiques à 17 heures, l’expert soulignant, en réponse au dire du docteur C, médecin conseil de l’Hôpital Privé Nord Parisien que l’infirmière aurait dû desserrer non seulement la bande superficielle qui est élastique et peu compressive mais aussi la bande Velpeau profonde qui est très compressive car elle sert à éviter les hématomes.

L’expert reproche d’autre part à l’infirmière en charge de cette patiente, alors même qu’elle ne pouvait ignorer les symptômes visibles de la paralysie du sciatique poplité externe, notamment quand il avait été tenté de lever la patiente, de ne pas avoir su reconnaître la paralysie du sciatique poplité dont le diagnostic relevait de sa compétence, de ne pas avoir alors immédiatement engagé le desserrement des bandes et de n’avoir ni prévenu la surveillante, ni le docteur B, ni le médecin de garde sur place et ce d’autant plus si l’infirmière avait une interrogation sur la conduite à tenir quant au maintien de la bande VELPEAU dont l’expert a indiqué qu’elle était également “ très compressive”.

L’expert a ajouté que “si la bande avait été desserrée immédiatement à 17 heures, probablement la paralysie du sciatique poplité externe n’aurait pas existé ou aurait régressé encore plus rapidement” , l’expert indiquant en page suivante de son rapport que “la levée totale de la compression sans attendre le lendemain aurait très probablement fait disparaître la paralysie du SPE”; il est constant que la bande Velpeau qui était restée en place n’a été retirée par l’infirmier de service qu’à 11 heures le lendemain matin 4 février et que celui-ci, constatant que le pied droit de Madame Z qui tombait était toujours paralysé, n’ a qu’alors alerté le médecin.

En conséquence, la responsabilité de l’Hôpital Privé Nord Parisien responsable des fautes commises par son personnel salarié, est engagée à l’égard de Madame Z pour les complications qu’elle a subies à la suite de la compression prolongée du nerf sciatique poplité.

Par contre, à l’égard du médecin, quand bien même l’expert a retenu à son encontre une part de responsabilité à hauteur de 20 %, ce qui ne ressortait d’ailleurs pas de sa mission, cet avis ne liant nullement le tribunal, il ne ressort pas de l’expertise qu’une faute en lien avec le préjudice soit suffisamment caractérisée à son encontre.

En effet outre que l’expert, sans être contredit par les parties, a totalement écarté la possibilité d’une maladresse opératoire, il a également indiqué qu’il ne pouvait être reproché au docteur B d’avoir exagérément serré les bandes d’autant qu’il précise aussi que la compression sert à éviter les hématomes.

L’expert a retenu en tout état de cause que la levée totale de la compression sans attendre le lendemain, au besoin après un avis médical compte tenu des symptômes de paralysie qui apparaissaient, aurait “très probablement” fait disparaître la paralysie.

Si l’expert a considéré qu’il pouvait être reproché au chirurgien de ne pas être venu voir sa patiente le lendemain de l’intervention quand il a été informé de ce problème de paralysie et de ne pas avoir alors demandé un examen par un neurologue et un orthopédiste, l’expert précise aussi que “sa présence n’aurait rien changé à l’évolution”, un avis à un orthopédiste ayant d’ailleurs été demandé dès le 4 février, les effets négatifs de la compression étant constitués à cette date.

En conséquence, la responsabilité du docteur B-A ne peut être engagée ; seul l’Hôpital Privé Nord Parisien engage sa responsabilité à l’égard de Madame Z et devra l’indemniser des préjudices subis en conséquence.

La demande de garantie du docteur B-A devient sans objet.

Sur les préjudices :

Il ressort du rapport d’expertise dont les conclusions sur l’évaluation des préjudices ne sont pas contestées que :

— Madame Z a présenté, à la suite de la paralysie du nerf sciatique poplité externe, un engourdissement du membre inférieur droit s’accompagnant d’une impotence qui a petit à petit régressé comme il a été constaté au cours des différents électromyogrammes qui ont été pratiqués jusqu’en décembre 2004, date à laquelle, il a été constaté que le nerf sciatique poplité externe droit était normal,

— Madame Z a porté une attelle afin de réduire l’équin du pied, elle a suivi de très nombreuses séances de rééducation (120 séances), elle a pendant plusieurs mois dû marcher à l’extérieur avec une canne dont elle n’a commencé à se passer qu’à compter du mois d’août 2004 ; elle n’a pu reprendre enfin progressivement la conduite automobile qui lui était auparavant interdite, qu’à compter du mois de septembre 2004,

— l’incapacité temporaire totale a été de 252 jours du 7 février au 14 octobre 2004, étant précisé que Madame Z a repris son travail à mi-temps à compter du 16 octobre 2004,

- une incapacité temporaire partielle à 50 % a été retenue jusqu’au 31 décembre 2004, l’expert estimant que le mi-temps thérapeutique prescrit jusqu’au 31 août 2005 ne pouvait être justifié comme étant en rapport avec le préjudice au delà du 31 décembre 2004,

— une incapacité permanente partielle minime a été évaluée “au maximum” selon l’expert à 2% et correspondant à des douleurs mentionnées par la patiente,

— la consolidation a été fixée au jour de l’expertise, soit le 7 décembre 2005,

— des souffrances évaluées à 2/7 incluant le retentissement psychologique et le port nécessaire d’une attelle durant quelques mois ont été retenues,

— aucun préjudice esthétique n’a été caractérisé, l’expert ayant constaté à l’examen clinique de Madame Z que la marche était strictement normale,

— il a retenu un préjudice d’agrément très léger.

Il conviendra de réparer le préjudice de Madame Z de la façon suivante, étant observé qu’en l’application de l’article 25 de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006 le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge à l’exclusion des préjudices à caractère personnel étant toutefois précisé que le recours sur un poste de préjudice personnel peut s’exercer si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel.

Préjudices pour lesquels il a été versé des prestations par l’organisme social

Frais médicaux et frais d’appareillage :

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Val d’Oise qui produit un relevé des prestations en nature exposées dans l’intérêt de Madame Z et une attestation d’imputabilité qui détaille précisément la nature de ces frais qui représentent notamment le coût des électromyogrammes, les frais d’orthèse et de consultations, justifie suffisamment du lien entre la complication subie et la somme de 1641,11 euros réclamée et qui n’est d’ailleurs pas contestée en défense.

Madame Z ne justifie pas par contre de la somme de 118,21 euros qu’elle indique avoir conservé à sa charge au titre des frais médicaux et toute demande à ce titre devra être rejetée.

Pertes de revenus :

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie réclame à ce titre le paiement d’une somme totale de 20.493,30 euros qui représente le montant des indemnités journalières versées à Madame Z du 29 février 2004 au 31 août 2005.

Cependant, il est constant que l’expert a expressément indiqué que la durée de l’incapacité temporaire partielle telle que prescrite par les médecins qui ont accordé un mi-temps thérapeutique était anormalement longue pour une telle paralysie du nerf sciatique poplité externe qui a régressé rapidement ; l’expert a en effet relevé que “le 10 septembre 2004, la kinésithérapeute écrivait que Madame Z avait une force musculaire normale, qu’elle marchait sans releveur tant à l’extérieur qu’à domicile et que la reprise de la conduite automobile était possible et progressive” et qu’en outre “le 16 décembre 2004 il n’existait aucune atteinte électromyographique”.

En conséquence, le remboursement des indemnités journalières versées à compter du 1er janvier 2005 ne saurait être supporté par l’Hôpital Privé Nord Parisien qui ne pourra être condamné qu’au paiement de la somme totale de 13.630,40 euros qui représente le montant des indemnités journalières versées jusqu’au 31 décembre 2004.

S’agissant de la perte de revenus alléguée par Madame Z sur l’année 2004 à hauteur de la somme de 1.256,75 euros d’après le tableau qu’elle produit, cette demande, contestée par l’Hôpital Privé Nord Parisien, ne pourra être accueillie dès lors qu’elle n’est pas suffisamment justifiée ; en effet Madame Z ne fournit pas d’éléments établissant le salaire qu’elle percevait précédemment à cet arrêt de travail, ne justifiant pas en conséquence l’étendue de ses pertes de revenus résiduelles après paiement des indemnités journalières.

Madame Z justifie par contre suffisamment par l’attestation de son employeur de la perte subie au titre de la prime d’intéressement et de participation qui lui a été versée mais pour une somme moins importante que si elle avait travaillé aux mêmes conditions que précédemment.

Il lui sera alloué à ce titre, pour la seule année 2004, la somme de 2.707,33 euros, aucune somme ne pouvant être retenue pour l’année 2005 pour les motifs ci-dessus exposés.

Préjudices pour lesquels il n’a été versé aucune prestation par l’organisme social :

Déficit fonctionnel temporaire :

Madame Z ne sollicite l’indemnisation que de la gêne dans les actes de la vie courante qu’elle a ressentie du 7 février 2004 au 14 octobre 2004, soit 8 mois et 7 jours, étant souligné que durant cette période elle a été particulièrement gênée pour s’occuper de ses jeunes enfants âgés pour deux d’entre eux de cinq et six ans ; il lui sera alloué à ce titre la somme de 5.800 euros.

L’Hôpital Privé Nord Parisien demandant en outre au tribunal de retenir une somme de 375 euros au titre de la période d’incapacité temporaire partielle à 50 % calculée jusqu’au 31 décembre 2004, cette somme sera retenue dans l’évaluation du préjudice de Madame Z.

Déficit fonctionnel permanent :

L’expert l’a qualifié de particulièrement minime et l’a retenu à hauteur de 2% ; compte tenu de l’âge de Madame Z à la date de la consolidation (47 ans), il lui sera alloué une somme de 2.000 euros.

Souffrances endurées

Evaluées à 2/7 par l’expert, elles seront indemnisées par l’allocation de la somme de 2000 euros sollicitée par Madame Z.

Préjudice d’agrément :

Qualifié de très léger par l’expert, il correspond au préjudice subi par la demanderesse après consolidation ; cette dernière ne peut donc invoquer la gêne certes incontestable qu’elle a ressentie pour s’occuper de ses jeunes enfants âgés mais qui a été indemnisée au titre de la gêne fonctionnelle et de la perte de qualité de vie subies durant la période indemnisée au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Compte tenu du taux de déficit fonctionnel permanent retenu et des constatations faites par l’expert, elle ne peut alléguer la persistance de cette gêne après consolidation.

Il lui sera alloué au titre de ce préjudice une somme de 500 euros.

Frais d’annulation de voyage :

Si Madame Z justifie effectivement qu’elle avait réservé, à une date non précisée, un voyage à Venise prévu du 4 au 8 juin 2004 pour deux personnes pour une somme totale de 596 euros et qu’elle a annulé ce voyage en raison de la complication survenue à la suite de l’intervention du 3 février 2004, celle-ci, qui affirme que l’acompte qu’elle a versé ne lui a pas été remboursé, ne verse aux débats aucune pièce justifiant de la réalité de ce préjudice.

En effet la lettre établie par le comité d’entreprise organisant le voyage si elle justifie de l’annulation de la réservation de Madame D à sa demande, sur production d’un certificat médical, ne fournit aucune précision sur les frais restés à la charge de Madame Z.

Madame Z qui produit un reçu établi le 17 mars 2004 par son employeur pour attester du règlement de la somme de 596 euros au titre de ce voyage aurait pu sans difficulté, dès lors que cette demande était contestée en défense, justifier par le même procédé qu’aucun remboursement n’avait été effectué, d’autant qu’il est courant en la matière de souscrire une assurance annulation.

La demande de Madame Z ne saurait donc être accueillie.

Frais d’assistance par un médecin conseil :

Ces frais d’assistance à l’expertise de Madame Z par un médecin conseil dont les notes d’honoraires, à hauteur de la somme totale de 550 euros, sont produites tant pour l’examen préalable de Madame Z que pour l’assistance à l’expertise judiciaire, seront indemnisés au titre des frais irrépétibles.

En conséquence, l’Hôpital Privé Nord Parisien sera condamné au paiement des sommes suivantes :

—  13.382,33 euros à Madame Z, ces sommes indemnitaires portant intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

—  15.271,51 euros à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Val d’Oise, cette somme, en application de l’article 1153 du Code Civil, portant intérêts au taux légal à compter de la première demande en paiement présentée à cet effet.

Sur les autres demandes :

L’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.

La demande de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie au titre de l’indemnité forfaitaire dont le versement est prévu par les dispositions de l’article L 376 -1 du Code de la Sécurité Sociale sera accueillie.

Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de Madame Z et de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Val d’Oise la totalité des frais exposés dans la procédure et non compris dans les dépens ; l’Hôpital Privé Nord Parisien sera condamné à leur verser respectivement la somme de 2.550 euros, en ce compris les frais que Madame Z a dû exposer pour se faire assister d’un médecin conseil à l’expertise et celle de 800 euros.

Il n’y a pas lieu à application de ces dispositions au bénéfice du docteur B A, étant souligné que Madame Z l’a assigné dans la présente instance au vu des conclusions expertales.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant en audience publique par jugement contradictoire et en premier ressort

Déclare l’Hôpital Privé Nord Parisien entièrement responsable des conséquences dommageables de la compression du nerf sciatique poplité externe, intervenue dans les suites de l’intervention pratiquée le 3 février 2004 sur la personne de Madame E Z,

Dit que le docteur B-A n’a pas engagé sa responsabilité à l’égard de Madame E Z et déboute cette dernière de toutes ses demandes à son encontre,

Condamne en conséquence l’Hôpital Privé Nord Parisien à verser :

à Madame E Z la somme de 13.382,33 euros (treize mille trois cent quatre vingt-deux euros trente trois centimes) avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Val d’Oise la somme de 15.271,51 euros (quinze mille deux cent soixante et onze euros cinquante et un centimes), au titre des prestations en nature et des indemnités journalières, sous réserve des prestations non connues à ce jour, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2007 ainsi que la somme de 941 euros (neuf cent quarante et un euros) au titre de l’indemnité forfaitaire,

Ordonne l’exécution provisoire,

Condamne l’Hôpital Privé Nord Parisien, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, à verser à Mme E Z la somme de 2.550 euros (deux mille cinq cent cinquante euros) et celle de 800 euros (huit cents euros) à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Val d’Oise,

Dit le recours en garantie du docteur B- A sans objet,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne l’Hôpital Privé Nord Parisien au paiement des dépens qui comprendront notamment le coût de l’expertise judiciaire, à l’exception des dépens relatifs à la mise en cause du docteur B-A qui resteront à la charge de Madame E Z,

Accorde à Maître E O-P le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Fait et jugé à Paris le 3 novembre 2008

Le Greffier Le Président

E. G F. LAGEMI

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Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 3e section, 3 novembre 2008, n° 06/17727