Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 19 décembre 2008, n° 07/13257

  • Brevetabilité de l'invention ou validité du brevet·
  • Absence d'exploitation sur le territoire français·
  • Atteinte à la valeur patrimoniale de la marque·
  • Identification du modèle argué de contrefaçon·
  • Antériorité de toutes pièces·
  • Similitude intellectuelle·
  • Mot d'attaque identique·
  • Contrefaçon de marque·
  • Contrefaçon de modèle·
  • Validité de la marque

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 19 déc. 2008, n° 07/13257
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 07/13257
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 22 octobre 2010, 2009/10365
Domaine propriété intellectuelle : BREVET ; MARQUE ; DESSIN ET MODELE
Marques : NuBra
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP1386548 ; 2988632 ; 000127386-0001 ; 000127386-0007 ; 000377866-0001 ; 000441258-0001 ; 000127394-0001 ; 000180393-0002 ; 000127394-0004 ; 000180393-0001
Titre du brevet : Soutien-gorge sans dos et sans bretelles
Classification internationale des brevets : A41C
Brevets cités autres que les brevets mis en cause : WO0158291 ; US0021620 ; US5755611
Classification internationale des marques : CL03 ; CL10 ; CL25
Classification internationale des dessins et modèles : CL02-01 ; CL09-03
Référence INPI : B20080178
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS 3e chambre 2e section N °R G: 07/13257 JUGEMENT rendu le 19 Décembre 2008 DEMANDERESSE Société BRAGELS INERATIONAL INC 3383 Pomona Blvd, Pomona Californie 91768 UNITED STATES OF AMERICA représentée par Me Bernard MANDEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire W.06

DEFENDERESSE S.A.R.L. GILSA […] représentée par Me Isabelle MARCUS MANDEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R 275

COMPOSITION DU TRIBUNAL Véronique R, Vice-Président, signataire de la décision Christine R. Vice-Présidente Guillaume MEUNIER, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DÉBATS A l’audience du 13 Novembre 2008 tenue en audience publique devant Christine R, Guillaume MEUNIER, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE La société BRAGEL INTERNATIONAL est une entreprise américaine qui commercialise des articles de lingerie dans de nombreux pays, dont des modèles de soutiens-gorge sans dos ni bretelles, à coques autocollantes, pour lesquels elle détient un brevet européen enregistré à l’Office européen des brevets sous le n°EP 1 3666 681 B1, publié au Bulletin européen des brevets n°2006/18 du 3 mai 2006, et dont la traduction française a été publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle n°06/45 du 10 novembre 2006. Elle est également titulaire de la marque communautaire semi-figurative « Nu Bra », déposée le 23 décembre 2002 auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), enregistrée le 3 juin 2004 sous le numéro 002988632, en classes de produits 3, 10 et 25 désignant les adhésifs (matières collantes) à usage cosmétique;adhésifs fixant des coussinets pour les seins et prothèses mammaires dans des soutiens-gorge, robes, vêtements et maillots de bain. Prothèses mammaires, coussinets pour les seins et coussinets rembourrés pour les seins. Vêtements; lingerie et accessoires de lingerie; soutiens-gorge, soutiens-gorge rembourrés, bandeaux, gaines, corselets, corsets, combinaisons avec soutiens-gorge, bretelles de soutiens-gorge. Bustiers. Cache-corset. Slips. Soutiens-gorge de sport, corsages, combinaisons, combinés; vêtements de bain; coussinets cosmétiques pour insertion dans des soutiens-gorge. La société BRAGEL INTERNATIONAL fait encore état de divers dépôts à l’OHMI en vue de la protection du design de ses systèmes de coques pour seins et de leurs emballages, les 8 janvier 2004, 7 juillet 2005 et 15 novembre 2005 pour les modèles de coques pour seins, et les 8 janvier 2004, 7 mai 2005, 18 mai 2005 et 18 mai 2006 pour les emballages plastiques et carton.

La société GILSA a pour principale activité la distribution et l’importation d’articles textiles et notamment d’accessoires de lingerie non traditionnels. Au cours des années 2003 et 2004, la société BRAGEL INTERNATIONAL a vendu à la société GILSA des lots de son modèle « Nu Bra » à des fins de distribution sur le territoire français, pour un montant total de 287.630 euros. Avertie de la vente irrégulière sur le marché de modèles contrefaisants en France, la société BRAGEL INTERNATIONAL a mandaté un premier huissier en février 2006 puis un second en juin 2007. Les constats dressés établissent la commercialisation par la société GILSA de soutiens-gorge sans dos ni bretelles dont certains modèles sous la marque « Nu D bra ». C’est dans ces conditions qu’après avoir vu ses demandes rejetées par le juge des référés dans une ordonnance du 16 octobre 2007, la société BRAGEL INTERNATIONAL, sur une assignation délivrée le 21 juillet 2007 et par dernières écritures récapitulatives signifiées le 29 septembre 2008, auxquelles il est expressément référé, au visa des articles L 613-3, L615-I, L 716-3, L 717-1 du code de la propriété intellectuelle, du règlement CE 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires, des articles 1382 et 1383 du code civil, demande au Tribunal de :

— dire que la société GILSA a commis des actes constitutifs de contrefaçon de brevet, contrefaçon de marque, contrefaçon de dessins et modèles et de concurrence déloyale;

- interdire à la société GILSA de commercialiser des modèles de coques pour seins entrant dans le champ du brevet de la société BRAGEL INTERNATIONAL enregistré à l’OHMI sous le n°1366681 et dont la tr aduction française a été publiée au BOPI n°06/45 du 10 novembre 2006, et ce sous astrei nte de 10.000 euros par infraction constatée à compter du prononcé de la décision;

- interdire à la société GILSA de faire usage de la dénomination « Nu D Bra » ou de tout signe pouvant créer un risque de confusion et contrefaisant la marque « Nu bra » déposée par la société BRAGEL INTERNATIONAL auprès de l’OHM! sous le n°b02988632, et ce sous astreinte de Ï6.660 euros par infraction constatée à compter du prononcé de la décision;

- interdire à la société GILSA de commercialiser des modèles de coques pour seins similaires à ceux déposés à titre de dessins et modèles par la société BRAGEL INTERNATIONAL à l’OHMI sous les n°000127386- 0001 à 000127386-0007, 000377866-0001 et 000441258-0001 et ce sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à compter du prononcé de la décision;

- interdire à la société GILSA de faire usage de conditionnements de même format et de même illustration que ceux de la société BRAGEL INTERNATIONAL protégés par dépôt des dessins et modèles à l’OHMI sous les n°000127394-0001 à 000127394-0003, 000180393-0002, 000127394-0004 et 000180393-0001 et 000539473-000, et ce sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à compter du prononcé de la décision;

- condamner la société GILSA à verser à la société BRAGEL à titre de dommages et intérêts:

—  750.000 euros à titre d’indemnité réparatrice du préjudice économique subi du fait des actes de contrefaçon;

- 300.000 euros à titre d’indemnité réparatrice du préjudice économique subi du fait des actes de concurrence déloyale;

- 500.000 euros à titre d’indemnité réparatrice du préjudice d’image.

— ordonner la publication du dispositif de la présente décision sur le site Internet de la société GILSA, pendant une durée de deux mois, en première page, et en caractère de police 12, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard commençant à courir dix jours après signification du jugement à intervenir.

- ordonner la publication du dispositif du jugement dans les magazines « Marions nous », « Elle » et « Marie-Claire », aux frais de GILSA, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard commençant à courir trois mois après signification du jugement à intervenir.

- condamner la société GILSA à verser à la société BRAGEL INTERNATIONAL la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

— prononcer l’exécution provisoire;

- condamner la société GILSA aux entiers dépens lesquels comprendront notamment les frais de constats d’huissiers, dont distraction au profit de Maître Bernard Mandeville, avocat. Dans ses dernières écritures récapitulatives signifiées le 26 juin 2008, auxquelles il est expressément référé, la société GILSA demande au Tribunal, au visa des articles L613-3 et suivants, L716-3 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, du Règlement communautaire du 12 décembre 2001, et de l’article 1382 du Code Civil, de :

Sur la demande en contrefaçon de brevet,
- dire le brevet EP 1 366 681 de la société BRAGEL INTERNATIONAL nul pour défaut de nouveauté et ou d’activité inventive;

— subsidiairement, dire que la société GILSA n’a pas contrefait le brevet EP 1 366 681 de la société BRAGEL INTERNATIONAL; En conséquence, débouter la société BRAGEL INTERNATIONAL de l’intégralité de ses demandes formulées au titre de la contrefaçon de brevet;

Sur la demande en contrefaçon de marque,
- dire que la marque « Nu Bra » de la société BRAGEL INTERNATIONAL est dépourvue de caractère distinctif; En conséquence, prononcer la nullité de la marque communautaire « Nu Bra » enregistrée le 3 juin 2004 à l’OHMI sous le numéro 0029 88 63 ;

- subsidiairement, dire que la société GILSA n’a pas contrefait la marque « NuBra » appartenant à la société BRAGEL INTERNATIONAL;

- infiniment subsidiairement, dire que la société BRAGEL INTERNATIONAL ne justifie nullement de l’exploitation de sa marque sur le territoire français; En conséquence, débouter la société BRAGEL INTERNATIONAL de l’intégralité de ses demandes formulées au titre de la contrefaçon de marque;

Sur la demande en contrefaçon de dessins et modèles,
- déclarer la société BRAGEL INTERNATIONAL irrecevable en ses demandes formulées au titre de la contrefaçon de dessin et modèle sur le fondement des dépôts communautaires n°000127386-000 1 au n°000127386-0001- 0007, n°000127394-0001 au n°000127394-0004, n°00018 0393-0002, n°000377866-0001, n°000539473-0003, n°000539473-000 4, et n°000539473-0005, en l’absence de certificats d’enr egistrements officiels émanant de l’OHMI;

— débouter la société BRAGEL INTERNATIONAL de l’intégralité de ses demandes formulées au titre de la contrefaçon de dessin et modèle. Sur la concurrence déloyale, elle conclut au débouté de la société BRAGEL en l’absence d’actes lui étant imputables à ce titre. Dans tous les cas, elle réclame la somme de 15.000 euros du chef de l’article 700 du Code de procédure civile. L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 octobre 2008.

Motifs I. Sur le brevet européen n°EP 1 3666 681 B1 Aux termes de l’article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle et, selon l’article L.613-3 du dit code, sont interdites sans le consentement du propriétaire du brevet, la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation ou bien l’importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet. Pour être comprise dans l’état de la technique et privée de nouveauté, l’invention doit se trouver tout entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique. A l’appui de sa demande de condamnation de la société GILSA pour atteinte à ses droits exclusifs, la société BRAGEL INTERNATIONAL expose être titulaire d’un brevet européen n°EP 1 3666 681 B1 publié le 3 mai 2006, dont la demande a été déposée le 3 mars 2003, protégeant, sous couvert de dix revendications, un « système attachable d’augmentation de la poitrine ». Au soutien de sa demande de nullité du brevet, la société GILSA souligne que les revendications alléguées sont dépourvues soit de nouveauté soit d’activité inventive.

- !a portée du brevet EP 1 3666 681 B1 L’invention revendiquée par la société BRAGEL INTERNATIONAL consiste en un système de coques pour seins sans bretelles, dos nu, destiné à être porté à la place d’un soutien-gorge traditionnel. La partie descriptive rappelle que les soutiens-gorge connus, dos nus et sans bretelles, n’offrent que des moyens limités pour augmenter la taille de la poitrine. L’invention propose un système amélioré en ce que les coques comportent un adhésif intérieur sensible à la pression ainsi qu’une attache réglable reliant l’une à l’autre, permettant à l’utilisatrice de moduler la position et la forme de ses seins. Il n’est pas contesté que l’invention est susceptible d’application industrielle.

La société BRAGEL INTERNATIONAL se réclame des revendications 1 à 6 du brevet, la société GILSA demande en défense la nullité de l’intégralité des revendications du brevet.

— Sur la validité du brevet ° s’agissant de la revendication n"1 Cette revendication porte sur les caractéristiques suivantes "un système de coques pour seins sans bretelles, dos nu, destiné à être porté à la place d’un soutien- gorge traditionnel et comprenant une paire de coques pour seins, dans lequel chaque coque pour sein comprend:
- "un volume de gel de silicone enfermé dans un matériau en film thermoplastique;
- une surface intérieure tournée vers la poitrine d’une utilisatrice et possédant une couche d’adhésif sensible à la pression pour relier les coques pour seins à la poitrine de l’utilisatrice; et - une attache adaptée à joindre les coques pour seins ensemble, l’attache étant positionnée entre les côtés intérieurs de chacune des coques pour seins". Il résulte des pièces produites que la première caractéristique du système de coques pour seins sans bretelle, dos nu, se substituant au soutien-gorge traditionnel, ne présente pas un caractère nouveau en raison d’un brevet antérieur US 5755611 publié en 1998, portant sur un système comparable. En effet, ce dernier système est également décrit comme un appareil de bonnets de poitrine auto-soutenu, offrant le soutien nécessaire à la poitrine sans utilisation de crochets ni de bretelles et mettant en valeur le port de tenues sans bretelles ou dos nus. La seconde caractéristique porte sur l’intégration dans chacune des coques, d’un volume de gel de silicone. Selon les descriptions effectuées par le déposant, lesquelles permettent d’interpréter ses revendications, une large gamme de matériaux ou structures est susceptible d’être employée dans l’invention aux fins d’assurer l’augmentation externe de la poitrine de l’utilisatrice, « par exemple une mousse de caoutchouc tendre, une étoffe, un non tissé, moulé, de fibres, ou un plastique ». Or, il résulte, d’une part, du descriptif effectué par le déposant lui-même, qu’un « type répandu de coque pour sein est fabriqué à partir d’un gel de silicone qui est complètement enfermé dans un matériau en film plastique », d’autre part, d’un brevet publié le 16 août 2001 sous les références PCT WO 01/58291 A1 que ce même matériau est employé pour la fabrication d’un soutien-gorge destiné à améliorer la silhouette et le décolleté. Cette caractéristique de la revendication est dépourvue d’activité inventive en ce que, en l’état de la technique, tout homme du métier, entendu en l’espèce comme un fabriquant de sous vêtements pour femmes ou plus précisément de soutiens-gorge, gaines, corsets et bustiers, pouvait, de manière évidente, employer dans la fabrication de la coque tout matériau usuel contribuant à l’effet recherché, notamment le gel de silicone.

La troisième caractéristique est constituée par l’emploi d’un adhésif sur la surface intérieure de la coque pour permettre son adhésion à la poitrine de l’utilisatrice.

Il ressort d’un second brevet US 2001/0021620, portant également sur un système de coques adhésives pour la poitrine, publié le 13 septembre 2001, donc antérieurement au brevet revendiqué par le demandeur, que la fixation aux seins de l’utilisatrice peut être réalisée par une ruban adhésif double face placé le long d’une arête aplatie ou « appliqué à la surface interne de chaque bonnet si nécessaire ». Il en résulte que la technique consistant à employer un adhésif sur la surface interne de la coque est dépourvue de nouveauté au regard du brevet précité. Il en est de même, en considération de la caractéristique plus générale consistant, quelque soit son positionnement, à employer un adhésif au contact de la poitrine pour assurer le maintien des coques sans brettelles. Cette caractéristique est en effet antériorisée par le brevet US 5755611, qui repose sur l’emploi d’une couche adhésive, pressée contre la poitrine, recouvrant la surface intérieure des bonnets, et par le brevet US 2001/0021620, prévoyant selon la même conception l’usage d’un ruban adhésif dermique jetable double face. La quatrième caractéristique, qui résulte de l’emploi d’une attache pour joindre les deux coques ensemble, était également antériorisée à la date du dépôt par le brevet US 5755611 précité, qui prévoit un élément de couplage des deux bonnets par une bande de dentelle. Il y a donc lieu de constater qu’en aucune de ses caractéristiques, la revendication 1 n’était susceptible de protection au titre de la législation relative aux brevets et de prononcer dès lors la nullité de la revendication n°1 pour défaut de nouveauté ou d’activité inventive. a. s’agissant de la revendication n°2 La revendication nc2 porte sur "un système de coques pour seins selon la revendication 1, dans lequel l’attache comprend une première portion attachée à l’une des coques pour seins et une seconde portion attachée à l’autre des coques pour seins, et la première portion et la seconde portion sont adaptées à s’engager en coopération". Il convient de relever que le brevet américain US 5755611 précité décrit également un dispositif de couplage des deux bonnets consistant en deux bandes liées chacune à un bonnet et pouvant être reliées entre elles. Il en résulte que le système consistant à réunir, par quelque moyen que ce soit permettant d’en assurer la coopération, deux bandes respectivement accrochées aux coques afin d’assurer la cohésion du soutien-gorge ne présente pas de caractère de nouveauté. b. s’agissant des autres revendications

La revendication n°3 a pour objet "un système de coque pour seins selon la revendication 2, dans lequel la première portion inclut une agrafe et la seconde portion inclut une pluralité de boucles adaptées à recevoir l’agrafe". La société BRAGEL se borne, sans autres précisions, à relever que ces caractéristiques sont reproduites par la société GILSA. Le tribunal constate que la mise en oeuvre d’un système d’attache, de boucle et d’agrafe pour assurer la jonction amovible de coques ou de bonnets soutenant la poitrine ne présente pas de caractère inventif pour l’homme du métier tel que décrit plus haut.

La revendication n°4 a pour objet "un système de coque pour seins selon la revendication 2, dans lequel le première portion et la seconde portion sont attachées de façon amovible sur les coques pour seins". Pour les motifs identiques à ceux exposés au titre de la revendication n°3, le tribunal constate que cette revendication est dépourvue d’activité inventive eu égard aux connaissances de l’homme du métier ci-dessus décrit. La revendication n°5 a pour objet "un système de coque pour seins selon la revendication 2, dans lequel la première portion et la seconde portion sont des parties appariées d’une bande Velcro". Là encore, le tribunal observe, pour les motifs déjà exposés à la revendication n°3, que cette revendication est dépo urvue d’activité inventive eu égard aux connaissances de l’homme du métier ci-dessus décrit. La revendication n°6 a pour objet "un système de coque pour seins selon la revendication 1, dans lequel l’attache est une unité unique adaptée à engager les surfaces latérales intérieures des coques pour seins". Le tribunal observe, pour les motifs déjà exposés à la revendication n°3, que cette revendication est dépourvue d’activité inventive eu égard aux connaissances de l’homme du métier ci-dessus décrit. Il n’y a pas lieu d’examiner la validité des revendications 7 à 10 non opposées par le demandeur. Il convient en conséquence de prononcer la nullité de la revendication 1 pour défaut de nouveauté ou d’activité inventive, de la revendication 2 pour défaut de nouveauté, des revendications 3, 4, 5 et 6 pour défaut d’activité inventive, du brevet européen n°EP 1 3666 681 B1 publié le 3 mai 2006.

II. Sur la marque communautaire semi-figurative « Nu Bras » n° 002988632
- sur la nullité de la marque pour défaut de distinctivité L’article 7 c) du règlement communautaire n°40/94 d u 20 décembre 1993 refuse à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. » constituées de « signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service. » La société GILSA pour soutenir le défaut de distinctivité de la marque « Nu Bra » rappelle que le vocable « bra » en anglais désigne le soutien-gorge et le vocable « nude » la nudité. Elle prétend dès lors que la marque déposée signifierait en langue anglaise « soutien-gorge invisible », de sorte que le produit vendu sous ce signe consistant en un « soutien-gorge invisible », la marque aurait un caractère purement descriptif correspondant exactement à la caractéristique du produit.

Cependant, et après avoir observé qu’en langue anglaise, le terme « Nu » n’existe pas, il ne peut qu’être constaté qu’en langue française, le terme « Bra » est dénué de sens et il ne saurait être valablement affirmé sans autre démonstration que le public français en connaîtrait la traduction. Dès lors le signe « Nu Bra » revêt bien un caractère arbitraire non descriptif du produit et est à ce titre éligible à la protection du droit des marques défini par le règlement communautaire du 20 décembre 1993. La demande de nullité pour défaut de distinctivité de la marque communautaire semi-figurative « Nu Bras » n° 0 02998632 dont la société BRAGEL INTERNATIONAL est titulaire sera en conséquence rejetée.

- sur la contrefaçon La représentation graphique de la marque dont la société BRAGEL INTERNATIONAL est propriétaire se distingue par une écriture faisant ressortir la lettre majuscule « B » de « Bra » ce vocable étant souligné d’une ligne courbe. Il résulte des pièces versées aux débats que la société GILSA fait usage du signe « Nu D BRA ». Les signes en présence étant différents, c’est au regard de l’article 9, § 1 du règlement (CE) n°40/94 du 20 décembre 1993 qu’il co nvient d’apprécier la demande en contrefaçon. Selon ce texte, "la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires: (..) b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque", Il importe de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Les produits commercialisés sous le signe « Nu D Bras » sont identiques ou à tout le moins similaires à ceux visés dans l’enregistrement de la marque « Nu Bra », s’agissant de soutiens-gorge sans bretelles munis de coques ou coussinets en silicone. L’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. Ainsi, d’un point de vue visuel, le signe incriminé emploie également une consonne, le « D », en majuscule stylisée, comme manuscrite, tel le « B » de la marque protégée; ces deux lettres, pleines et rondes, chacune située au milieu du signe, renvoient à la représentation du sein. De même, les deux signes présentent des attaques et des finales semblables. Contrairement à ce qui est soutenu en défense la mention « Gilsa Paris » n’apparaît pas à proximité immédiate du signe incriminé. Dès lors, le consommateur normalement attentif, ne disposant pas des deux signes concomitamment sous les yeux, sera amené à considérer que les produits ont une origine commune.

Enfin, intellectuellement, les deux signes renvoient à la nudité. Il résulte de ces éléments que l’identité ou la similarité des produits concernés alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d’attention moyenne étant amené à attribuer une origine commune aux produits proposés. Aussi la contrefaçon par imitation est-elle caractérisée.

III. Sur la contrefaçon des dessins et modèles Le règlement CE 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires dispose dans son article 19.1 que « le dessin ou modèle enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins ».

La demanderesse soutient que les modèles de coques pour seins commercialisés par la défenderesse porteraient atteinte à ses droits exclusifs résultant du dépôt de, selon ses termes, divers modèles enregistrés à l’OHMI sous les n°000127386-0001 à 000127386-0007, 0003778 66-0001 et 00044125860001. Pour autant, et ainsi que le lui oppose la partie adverse, elle ne justifie pas de la titularité de l’ensemble des droits qu’elle allègue. En effet, seuls sont versés aux débats, en dépit des observations en ce sens de la société GILSA, sept certificats d’enregistrement auprès de l’OHMI, non traduits, ainsi, deux certificats du 14 juin 2006, relatifs aux dépôts n°000552153-0002 et 000552153-0001 pour des modèles de soutiens-gorge et cinq certificats des 7 mai 2004, 9 juin 2006 et 18 mai 2006, pour des modèles d’emballages en plastique et carton déposés sous les numéros 0001180393-000 1, 000548276-0001, 000548276-0002, 000539473-0001 et 000539473-0002. Enfin, s’agissant du n°000441258 -0001, seul le certificat est versé mais non la reproduction du modèle déposé. Pour le reste, il n’est produit que des pages HTML du site internet de l’OHMI, dépourvues de la force probante requise. Dès lors, et tel que soutenu en défense, le Tribunal ne pourra examiner les actes allégués de contrefaçon qu’à l’égard des sept modèles précités dont le certificat d’enregistrement est versé avec la reproduction du modèle afférent en annexe. Or, ici encore la partie demanderesse a failli dans la démonstration dont elle a la charge. En effet, et tel qu’également opposé par la partie adverse, la société BRAGEL INTERNATIONAL a omis de procéder à la comparaison des modèles en présence. Ainsi, s’agissant des emballages en carton, elle se limite à une description très générale mais en tout état de cause à propos de modèles dont elle n’a pas produit les certificats d’enregistrement.

S’agissant du modèle n°000180393-0001, consistant e n des emballages en plastique destinés à recevoir les coques de silicone, elle se limite à reprocher à la société GILSA d’utiliser des produits de forme identique. Il lui appartenait cependant, face aux arguments adverses, à tout le moins de décrire les emballages en cause et de définir leurs caractères, faute de quoi, la contrefaçon ne saurait être caractérisée. Enfin, elle se livre dans ses écritures à une description d’un personnage féminin qui correspondrait au dessin apposé sur l’emballage en carton du modèle déposé sous le n°000539473-0001, ce, dans les terme s suivants : (…) un personnage féminin portant le système de coques pour seins avec un bras derrière la tête (…). Or, cette représentation ne correspond pas au modèle enregistré, en effet, dans celui-ci, le personnage féminin ne place pas son bras derrière la tête.

Elle se limite sinon, en termes généraux, à faire état de « grandes similitudes entre les modèles et emballages des produits BRAGEL et GILSA ». Il résulte de ce qui précède que la société BRAGEL INTERNATIONAL, en l’état des éléments soumis à l’appréciation du Tribunal, doit être déboutée de ses demandes du chef de la contrefaçon de dessins et modèles.

IV. Sur la concurrence déloyale Aux termes de l’article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. La société BRAGEL INTERNATIONAL qui rappelle que la société GILSA a été son distributeur dans le courant des années 2003 et 2004, fait grief à cette dernière de distribuer des coques pour seins, semblables à ses modèles avec un même type d’emballages, dans des points de vente stratégiques et d’occuper ainsi une place de choix sur le marché l’empêchant de placer elle-même un nouveau distributeur pour ses produits sur le territoire français. Elle fait ainsi état d’actes de parasitisme et de détournement de clientèle à son détriment. Cependant, et sans aller plus avant dans la discussion, il ne peut qu’être constaté que la société BRAGEL INTERNATIONAL, sur laquelle pèse la charge d’établir, outre la faute de la société GILSA, le préjudice qui en résulterait pour elle, ne démontre pas qu’elle aurait tenté de s’implanter sur le marché français et y aurait échoué du fait de la place occupée par la défenderesse. Il lui appartenait de démontrer ses tentatives de commercialisation après la cessation des relations contractuelles avec la partie adverse, sans se limiter à faire état du placement en liquidation judiciaire, au surplus non démontré, de la société WALIMPEX, son distributeur entre 2005 et 2006. De même, il importe d’observer, à toutes fins, que les extraits qu’elle produit de compte-clients, non certifiés par son expert-comptable, non traduits et dont la devise n’est pas précisée, sont exclusivement relatifs à ses clients « GILSA » sur 2003 et 2004, et « WALIMPEX » sur 2005 et que ces seules pièces ne sont de nature en tout état de cause ni à établir l’évolution de ses ventes sur le marché français, ni à démontrer son impossibilité de s’y insérer.

Pour l’ensemble de ces motifs, et ici encore en l’état des seuls éléments soumis à l’appréciation du Tribunal, la société BRAGEL INTERNATIONAL qui a failli dans la démonstration qui lui incombait, doit être déboutée de ce chef.

V. Sur les mesures réparatrices II sera fait droit à la mesure d’interdiction dans les termes du dispositif.

II y a lieu, en l’absence d’éléments comptables probants, de retenir que la preuve n’est pas rapportée d’un dommage dont les conséquences dépasseraient celles résultant de l’atteinte portée à la marque de la société BRAGEL INTERNATIONAL, étant observé que celle-ci, au soutien de l’atteinte alléguée à l’image de sa marque, argue d’une qualité inférieure des produits concurrents vendus par la société GILSA, mais s’abstient ici encore de toute démonstration. Il convient donc d’allouer à la demanderesse la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice avéré né des actes de contrefaçon de la marque « Nu Bra » et de rejeter toutes prétentions plus amples. Le préjudice étant suffisamment réparé par les condamnations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’ordonner la publication sollicitée.

VI. Sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens L’équité justifie de condamner la société GILSA à payer à la société BRAGEL INTERNATIONAL la somme de 4.000 euros au titre de ses frais irrépétibles en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. La société BRAGEL INTERNATIONAL étant partiellement accueillie en ses prétentions, la société GILSA supportera les entiers dépens de l’instance.

VII. Sur l’exécution provisoire Il est compatible avec la nature de l’affaire, au sens de l’article 515 du Code de procédure civile, d’ordonner l’exécution provisoire.

Par ces motifs Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, en premier ressort :

- PRONONCE la nullité des revendications n°1 pour défaut de nouveauté ou d’activité inventive, n°2 pour défaut de nouveau té, n°3, 4, 5 et 6 pour défaut d’activité inventive du brevet européen enregistré à l’Office européen des brevets sous

le n°EP 1 3666 681 B1, publié au Bulletin européen des brevets n°2006/18 du 3 mai 2006 dont la société BRAGEL INTERNATIONAL est propriétaire. En conséquence,
- DEBOUTE la société BRAGEL INTERNATIONAL de ses demandes au titre de la contrefaçon de brevet.

- DEBOUTE la société BRAGEL INTERNATIONAL de ses demandes au titre de la contrefaçon de dessins et modèles.

— DEBOUTE la société BRAGEL INTERNATIONAL de ses demandes au titre de la concurrence déloyale.

- DEBOUTE la société GILSA de sa demande en nullité de la marque communautaire n°002988632 dont la société BRAGEL IN TERNATIONAL est titulaire.

- DIT qu’en commercialisant sous la dénomination « Nu D BRA » des articles de lingerie, la société GILSA s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de la marque communautaire semi-figurative « Nu Bra » n°002 988632 dont la société BRAGEL INTERNATIONAL est titulaire. En conséquence,
- FAIT INTERDICTION à la société GILSA de poursuivre de tels agissements, ce, sous astreinte de 200 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement.

- DIT que le Tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte.

- CONDAMNE la société GILSA à payer à la société BRAGEL INTERNATIONAL la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de la marque « Nu Bra » n°002988632.

- CONDAMNE la société GILSA à payer à la société BRAGEL INTERNATIONAL la somme de 4.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

- REJETTE toute autre demande.

- CONDAMNE la société GILSA aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Bernard MANDEVILLE, avocat, dans les conditions prescrites à l’article 699 du Code de procédure civile.

- ORDONNE l’exécution provisoire.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 19 décembre 2008, n° 07/13257