Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 4e section, 29 octobre 2009, n° 09/01493

  • Détournement du droit des marques·
  • Rejet d'une action en contrefaçon·
  • Atteinte à la marque de renommée·
  • Produits ou services opposés·
  • Date d'expiration du délai·
  • Demande reconventionnelle·
  • Déchéance de la marque·
  • Portée de la renommée·
  • Validité de la marque·
  • Demande en déchéance

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le signe DYPTIQUE, déposé à titre de marque pour des boissons alcooliques, ne constitue pas une atteinte à la marque antérieure DIPTYQUE déposée pour des produits de consommation courante (bougies, parfums…). En effet, l’enregistrement antérieur d’un signe à titre de marque pour des produits de consommation courante ne le rend pas indisponible pour des boissons alcooliques au seul motif que l’usage du premier signe serait susceptible de constituer une publicité indirecte en faveur des boissons alcooliques soumise aux restrictions du Code de la santé publique (articles L. 3323-2 et L. 3323-3). En l’espèce, l’usage qui a été fait de la marque antérieure depuis de nombreuses années ne rappelle nullement au consommateur les cognacs du défendeur apparus depuis peu sur le marché, les produits en cause étant très éloignés tant par leur présentation que par les circuits de distribution. En outre, l’usage du signe DIPTYQUE par le défendeur fait directement référence au sens premier de ce terme puisqu’il l’utilise sur un coffret à deux volets composé de deux flacons de cognac.

Commentaire1

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www.nomosparis.com · 15 décembre 2011

CA Paris, Pôle 5 Ch. 1, 26 octobre 2011 Enregistrer une marque pour des boissons alcoolisées nécessite le respect des dispositions du Code de la santé publique. Ces dernières encadrent la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques. L'article L 3323-3 du Code de la santé publique dispose en effet « qu'est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, …

 
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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 4e sect., 29 oct. 2009, n° 09/01493
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/01493
Publication : PIBD 2010, 910, IIIM-64
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 26 octobre 2011, 2009/23375
  • Cour de cassation, 5 juillet 2012, Y/2012/11753
  • Cour de cassation, 20 novembre 2012, Y/2012/11753
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : DIPTYQUE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1680475 ; 4292652 ; 3565540
Classification internationale des marques : CL03 ; CL04 ; CL14 ; CL18 ; CL21 ; CL24 ; CL25 ; CL33 ; CL35
Référence INPI : M20090614
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 29 Octobre 2009

3e chambre 4e section N° RG : 09/01493

DEMANDERESSE S.A.S DIPTYQUE […] 75005 PARIS représentée par Me Damien REGNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0451

DÉFENDERESSE S.C.S JAS HENNESSY & Cie […] 16100 COGNAC représentée par Me Xavier BUFFET DELMAS-HOGAN &HATSON MNP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire J 068

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Claude H, Vice-Présidente Agnès MARCADE, Juge Rémy MONCORGE, Juge assistés de Léoncia BELLON, Greffier

DEBATS

A l’audience du 18 Septembre 2009 tenue publiquement

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

La Société DIPTYQUE a pour activité la fabrication de bougies parfumées et d’eaux de toilette.

Elle est titulaire:

- d’une marque française verbale DIPTYQUE déposée le 27 novembre 1981 et enregistrée sous le numéro 1 680 475 pour des produits des classes 3, 14, 18, 21, 24 et 25 et régulièrement renouvelée;

- d’une marque communautaire verbale DIPTYQUE déposée le 11 février 2005 sous le numéro 00 4 292 652 pour les produits et services des classes 3, 4 et 35.

Elle a eu connaissance du dépôt, par la société JAS HENNESSY le 28 mars 2008, de la dénomination DIPTYQUE à titre de marque enregistrée sous le numéro 08 3 565 540 pour désigner des boissons alcooliques en classe 33.

La société JAS HENNESSY ayant refusé de procéder au retrait de sa marque et de retirer du marché les cognac qu’elle commercialise sous le nom DIPTYQUE, la société DIPTYQUE l’a faite assigner devant le tribunal de grande instance de Paris par acte en date du 16 septembre 2008 pour atteinte à sa marque de renommée en application de l’article L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, atteinte à ses marques antérieures en application de l’article L 711-4 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article L 3323-3 du Code de la santé publique ainsi qu’en nullité de la marque numéro 08 3 565 540 . Elle sollicite, outre des mesures d’interdiction, les sommes de 30.000 € de dommages et intérêts et 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

Par dernières conclusions signifiées le 10 juin 2009, la société DIPTYQUE maintient l’ensemble de ses demandes et porte celle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à la somme de 12.000€.

Par conclusions en date du 8 septembre 2009, la société JAS HENNESSY sollicite du Tribunal de:

-prononcer la déchéance partielle de la marque française numéro 1 680 475 avec effet au 23 avril 1987 pour l’ensemble des produits visés au dépôt hormis les produits de parfumerie et cosmétiques en ce qu’ils comprennent les préparations et substances pour le conditionnement, le soin et l’apparence de la peau, du corps et du visage les produits de bain et les lotions avant et après rasage et les lotions pour les cheveux ;

- annuler partiellement la marque communautaire numéro 00 4 292 652 pour l’ensemble des produits hormis les parfums eaux de parfum, eaux de toilette, parfums d’ambiance, encens, extraits de plantes aromatiques ;

- rejeter les demandes fondées sur la base de la marque renommée et du Code de la santé publique;

- la condamnation de la société DIPTYQUE à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir, sur la déchéance de la marque française,-que la société demanderesse n’en démontre pas un usage sérieux pour les produits autres que les parfums, cosmétiques ou lotions pour les cheveux.

Elle soutient que le dépôt de la marque communautaire a été effectué de mauvaise foi car il vise à éviter la déchéance encourue par la marque française.

Elle ajoute que la société DIPTYQUE ne démontre pas la renommée de sa marque auprès du grand public, qui est le public concerné par les produits en cause, même s’il s’agit de produits de luxe.

Selon elle, à supposer que le Tribunal reconnaisse la renommée de la marque DIPTYQUE, son usage pour du Cognac ne porte pas préjudice à la société demanderesse car le public ne fera pas de lien entre les produits et il n’y aura pas de préjudice lié à la dilution ou au ternissement du signe. Elle remarque qu’aucun

élément n’est fourni pour démontrer la modification du comportement économique du consommateur

S’agissant de l’application de la L EVIN, elle soutient que les produits commercialisés avant le 1er janvier 1990 bénéficient de l’exemption de l’article L 3323-3 du Code de la santé publique. Pour ceux commercialisés postérieurement à cette date, elle estime que la commercialisation des produits en cause ne rappelle pas le Cognac et ne tombe pas sous le coup de l’interdiction du Code de la santé publique. Enfin, elle fait valoir que ce motif n’est pas une cause de nullité de la marque par elle déposée.

En réponse à la demande de déchéance de sa marque française, la société DIPTYQUE oppose le défaut d’intérêt à agir de la société JAS HENNESSY car, selon elle, même en cas de déchéance partielle, elle pourrait toujours agir sur le fondement de l’article L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article L 3323-3 du Code de la santé publique.

Elle estime en outre que la marque française et la marque communautaire sont deux titres distincts et autonomes et qu’aucune fraude n’est démontrée dans le cadre du dépôt de la marque communautaire.

Pour démontrer la renommée de sa marque, elle invoque son usage ancien et son succès auprès d’une clientèle de prestige.

Elle fait enfin valoir qu’elle a lancé plusieurs produits après le 1 janvier 1990 et que les dispositions du Code de la santé publique peuvent lui être opposées, la communication faite dans la presse pour ses propres produits pouvant être considérée comme une publicité ou une propagande en faveur d’une boisson alcoolique. Elle en déduit que le dépôt de la marque DIPTYQUE pour des boissons alcooliques est de nature à paralyser l’usage de sa marque.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 10 septembre 2009.

MOTIFS

— Sur la déchéance de la marque française DIPTYQUE numéro 1 680 475

L’article L714-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit qu’encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui n’en a pas fait, sans justes motifs, un usage sérieux pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Selon les dispositions de l’article précité, la déchéance ne peut être demandée que par une personne qui y a intérêt. En l’espèce, la société DIPTYQUE invoque à l’appui de ses demandes, l’ensemble des produits visés dans l’enregistrement de la marque française DIPTYQUE.

En conséquence, s’agissant d’une demande reconventionnelle à une action principale en contrefaçon et en application de l’article 70 du Code de procédure civile, la société JAS HENNESSY a intérêt à agir en déchéance de cette marques pour les produits qui lui sont opposés et ce quand bien même la société

demanderesse conserverait ses droits pour les produits de parfumerie, lotions pour les cheveux, cosmétiques, savons, huiles essentielles.

Il est constant que la preuve de l’usage sérieux de la marque incombe à son propriétaire et ce pour chacun des produits ou services désignés au dépôt, l’exploitation de la marque pour des produits ou services similaires ne faisant pas obstacle à la déchéance.

En l’espèce, la société JAS HENNESSY a sollicité la déchéance de la marque française DIPTYQUE dans ses conclusions signifiées Iel6 janvier 2009. La société DIPTYQUE doit donc, par application des dispositions de l’article L714-5 précitées, apporter la preuve d’une exploitation sérieuse de ses marques durant la période du 16 janvier 2004 au 16 janvier 2009.

La marque française DIPTYQUE est enregistrée pour les produits suivants : "préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir dégraisser et abraser ; savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices, métaux précieux et leurs alliages et objets en ces matières ou en plaqué (excepté coutellerie, fourchettes et cuillers) ; joaillerie, bijouterie en vrai ou en faux, perles, pierres précieuses, horlogerie et autres instruments chronométriques, cuir et imitation du cuir, articles en ces matières, peaux, ceintures, sacs à main et de voyage, malles et valises, parapluies, parasols et cannes, fouets, harnais et sellerie, objets personnels en cuir portés sur soi et notamment petite maroquinerie, portefeuilles, porte monnaie, étui à usage personnel, boîtes en cuir, petits ustensiles et récipients portatifs pour le ménage et la cuisine, peignes et éponges, brosses (à l’exception des pinceaux), nécessaires de toilette, matériaux pour la brosserie, instruments et matériel de nettoyage ; paille de fer, verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction), verrerie, porcelaine et faïence à usage ménager et pour la maison ; sulfures (bibelots); tissus, couvertures de lit et de table, linge de table et de maison, tissus d’ameublement, vêtements, chapeaux, casquettes, cravates, bottes, souliers et pantoufles".

Il ressort des éléments versés aux débats que le signe DIPTYQUE est exploité pour les bougies non désignées dans l’enregistrement en cause et pour les produits suivants : « parfumerie, cosmétiques, lotions pour les cheveux », sans qu’il soit besoin de distinguer au sein des produits cosmétiques, les soins du corps tels que laits ou crème, qui constituent des produits cosmétiques, sont en effet vendus sous la marque DIPTYQUE. L’exploitation de ce signe est également démontrée pour les « savons et huiles essentielles' », la marque étant utilisée pour les savons et gels de douche et les huiles pour le corps ou les essences à diffuser dans la maison.

En revanche, s’agissant des autres produits revendiqués au dépôt de la marque française en cause, la société DIPTYQUE n’apporte aux débats aucune pièce tendant à démontrer qu’elle exploite sa marque.

Il convient en conséquence de prononcer la déchéance partielle de l’enregistrement de la marque numéro 1 680 475 pour les produits suivants ''préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir dégraisser et abraser ; dentifrices, métaux précieux et leurs alliages et objets en ces matières ou en plaqué (excepté coutellerie, fourchettes et cuillers) ; joaillerie,

bijouterie en vrai ou en faux, perles, pierres précieuses, horlogerie et autres instruments chronométriques, cuir et imitation du cuir, articles en ces matières, peaux, ceintures, sacs à main et de voyage, malles et valises, parapluies, parasols et cannes, fouets, harnais et sellerie, objets personnels en cuir portés sur soi et notamment petite maroquinerie, portefeuilles, porte monnaie, étui à usage personnel, boîtes en cuir, petits ustensiles et récipients portatifs pour le ménage et la cuisine, peignes et éponges, brosses (à l’exception des pinceaux), nécessaires de toilette, matériaux pour la brosserie, instruments et matériel de nettoyage ; paille de fer, verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction), verrerie, porcelaine et faïence à usage ménager et pour la maison ; sulfures (bibelots); tissus, couvertures de lit et de table, linge de table et de maison, tissus d’ameublement, vêtements, chapeaux, casquettes, cravates, bottes, souliers et pantoufles'" et ce, à compter du 29 décembre 1996, soit 5 ans après l’entrée en vigueur de la loi du 4 janvierl991, transposant la directive CE 89/104 sur les marques.

— Sur la nullité de la marque communautaire DIPTYQUE numéro 00 4 292 652

Selon l’article 51 1 b) du règlement n° 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, « La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. »

La société défenderesse soutient que la marque communautaire DIPTYQUE numéro 00 4 292 652, déposée le 11 février 2005, l’a été de mauvaise foi car ce dépôt avait, selon elle, pour seule finalité de contourner la déchéance de la marque française DIPTYQUE non exploitée pour certains produits.

Toutefois, ainsi que le fait valoir la société DIPTYQUE, la marque communautaire est un titre ayant une portée différente de celle de la marque française notamment quant à sa portée géographique. Dès lors, la société DIPTYQUE ne saurait être considérée comme de mauvaise foi lorsqu’elle a procédé au dépôt de la marque communautaire en cause, la marque communautaire n’ayant pas vocation à se substituer à la marque française.

La demande de nullité partielle de la marque communautaire n° 00 4 292 652 est rejetée.

— Sur la renommée de la marque DIPTYQUE

Selon l’article L 713-5, alinéa premier, du Code de la propriété intellectuel le, l’emploi d’un marque jouissant d’une renommée pour les produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une utilisation injustifiée de cette dernière.

L’article 9 § 1 du règlement (CE) n° 40/94 du 20 dé cembre 1993, devenu règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009, prévoit que " la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, défaire usage dans la vie des affaires : (…) c) d’un

signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice".

Il est constant que la marque renommée au sens des dispositions précitées est une marque connue d’une partie significative du public concerné par les produits et services qu’elle désigne.

La société DIPTYQUE invoque l’ancienneté de l’usage de sa marque et son succès auprès d’une clientèle de prestige et en déduit qu’elle est connue d’une partie significative du public concerné par les produits couverts par elle.

En l’espèce, la marque française enregistrée DIPTYQUE désigne les produits de parfumerie, les cosmétiques, les huiles essentielles ainsi que les savons. La marque communautaire DIPTYQUE désigne quant à elle notamment les produits de beauté, les produits de parfumerie, les bougies et les parfums d’ambiance. Le public concerné ainsi que le soutient pertinemment la société défenderesse doit donc se définir comme le grand public.

Il ressort des pièces versées aux débats par la demanderesse que la marque DIPTYQUE, fait l’objet d’une publicité régulière dans la presse nationale (Madame F, ELLE, MARIE C, VOGUE, MARIE F) depuis plusieurs années et est présentée, dans les magazines VOGUE de juin 2000 et Marie C Maison de Mai 2006 comme « Le mythe DIPTYQUE », dans la publication DS comme « mieux qu’une marque, ils ont créé le monde » et dans L’EXPRESS STYLES du 4 juin 2009, comme une marque cultissime. Un ouvrage intitulé DIPTYQUE consacré à la société du même nom a également été édité à la fin de l’année 2007.

S’il apparaît de ces éléments que le nom DIPTYQUE est utilisé depuis plusieurs années plus particulièrement pour des bougies parfumées et des parfums et que celui-ci fait l’objet des éloges de la presse, ceux-ci n’apparaissent pas assez significatifs pour avoir fait connaître du grand public cette marque qui peut être qualifiée de confidentielle car d’abord destinée à une clientèle spécifique de prestige ou d’initiés ainsi qu’en témoigne notamment le nombre de points de vente à Paris des produits en cause limité à deux adresses de choix, Saint Germain des Prés et Le Marais. En outre, aucun autre élément susceptible d’asseoir cette renommée tels que les parts de marché détenues, l’intensité des investissements réalisés pour promouvoir la marque ou des sondages d’opinion ne sont communiqués. Il n’est donc pas démontré par la demanderesse que la connaissance par le public de la marque DIPTYQUE s’est étendue au-delà de sa clientèle spécifique et exerce à elle seule un pouvoir d’attraction propre indépendamment des produits qu’elle désigne.

Les demandes fondées sur la marque renommée sont en conséquence rejetées.

— Sur l’atteinte portée à la marque antérieure DIPTYQUE en application des dispositions du Code de la santé publique et sur la nullité de la marque française DIPTYQUE numéro 08 3 565 540 déposée pour des boissons alcooliques

Selon les dispositions de l’article L 3323-2 Code de la santé publique, en vigueur à la date de l’assignation, la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement dans des cas limitativement énoncés aux 1° à 8° du dit article.

L’article L 3323-3 précise qu’est considérée comme propagande ou publicité indirecte, la propagande ou publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre qu’une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination, d’une marque, d’un emblème publicitaire ou d’un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique. Le deuxième alinéa de cet article précise que ces dispositions ne sont pas applicables à la propagande ou à la publicité en faveur d’un produit autre qu’une boisson alcoolique qui a été mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement ou financièrement distincte de toute entreprise qui fabrique, importe ou commercialise une boisson alcoolique.

La société DIPTYQUE considère que le dépôt à titre de marque et l’emploi par la société JAS HENNESSY du terme DIPTYQUE pour désigner des boissons alcooliques et plus particulièrement du Cognac est susceptible de l’empêcher d’effectuer toute propagande ou publicité en faveur des produits qu’elle a mis sur le marché depuis le 1er janvier 1990 ou des futurs produits qu’elle mettra sur le marché et est donc de nature à paralyser l’usage de sa marque. Elle en déduit que la société défenderesse porte atteinte à ses droits antérieurs et sollicite en conséquence l’allocation de dommages et intérêts ainsi que la nullité de la marque déposée par la société JAS HENNESSY.

Ainsi que le fait justement valoir la société JAS HENNESSY les dispositions du Code de la santé publique tirées de la loi Evin ont pour objet la lutte contre l’alcoolisme. Pour ce faire, la loi énumère notamment les cas dans lesquels la publicité en faveur des boissons alcooliques est exclusivement autorisée et ces dispositions n’ont pas pour effet de restreindre automatiquement toutes les publicités en faveur d’autres produits que des boissons alcooliques qui utiliseraient la marque d’une boisson alcoolique sans aucune volonté de promouvoir ladite boisson.

En effet, et ainsi qu’il ressort des travaux parlementaires de la loi relative à la lutte contre le tabagisme et à la lutte contre l’alcoolisme, si les dispositions issues de cette loi sont plus larges que les précédentes, il appartiendra pour autant au juge d’apprécier au cas par cas afin d’éviter une application absurde de ce texte compte tenu de l’inévitable fréquence de la référence involontaire à un produit alcoolique dans un pays comme la France et qu’il importe de bien cerner la notion de « publicité » ou « propagande » laquelle inclut nécessairement la volonté de faire passer un message destiné à vanter une boisson alcoolique.

En l’espèce, il ressort que la société JAS HENNESSY a déposé le 28 mars 2008 le signe DIPTYQUE à titre de marque pour des boissons alcooliques, qu’elle utilise pour commercialiser du Cognac de grande qualité présenté dans un coffret à deux volets.

Force est de constater que le signe déposé par la société défenderesse est identique à celui déposé antérieurement par la société DIPTYQUE pour des produits de consommation courante tels que les bougies, les parfums ou des produits cosmétiques.

Toutefois, il ne peut être déduit des dispositions précitées du Code de la santé publique que l’enregistrement antérieur d’un signe à titre de marque pour des produits de consommation courante le rend indisponible pour des boissons alcooliques pour le seul motif que l’usage de ce premier signe serait susceptible de contrevenir aux dispositions du Code précitées.

En décider ainsi reviendrait à rendre indisponible pour des boissons alcooliques tout signe antérieur déposé à titre de marque pour des produits de consommation courante ce qui n’était nullement l’intention du législateur telle que rappelée ci-avant.

En l’espèce, outre que les dispositions de l’article L 3323-3 du Code de la santé publique ne s’appliquent pas aux produits mis sur le marché par la société DIPTYQUE avant le 1er janvier 1990, à savoir des bougies et des parfums, toute publicité en faveur d’un produit mis sur le marché par cette société postérieurement au 1er janvier 1990 n’est susceptible de constituer une publicité indirecte pour les boissons alcooliques et, de ce fait, d’être soumise aux restrictions du Code de la santé publique qu’à condition que cette publicité rappelle une boisson alcoolique. Or, il ressort des éléments propres à la présente espèce que l’usage que la société DIPTYQUE fait de sa marque depuis de nombreuses années ne rappelle nullement au consommateur les cognacs de la société JAS HENNESSY apparus depuis peu sur le marché, les produits étant très éloignés tant par leur présentation que par leurs circuits de distribution, l’usage du signe DIPTYQUE par le société défenderesse faisant en outre directement référence au sens premier de ce terme puisqu’elle l’utilise sur un coffret à deux volets composé de deux flacons de cognac alors que la société DIPTYQUE ne fait aucunement référence dans sa communication à l’étymologie de ce mot.

En conséquence, les demandes de la société DIPTYQUE fondées sur l’atteinte à sa marque antérieure en application de l’article L 3323-3 du Code de la santé publique seront également rejetées.

— Sur les autres demandes

II y a lieu de condamner la société DIPTYQUE, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

En outre, elle doit être condamnée à verser à la société JAS HENNES S Y, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 10.000 €.

Au vu du sens de la présente décision, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement déposé au greffe, contradictoire, et en premier ressort

Prononce la déchéance partielle de la marque française DIPTYQUE enregistrée sous le numéro 1 680 475 pour les produits suivants : "préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir dégraisser et abraser ; dentifrices, métaux précieux et leurs alliages et objets en ces matières ou en plaqué (excepté coutellerie, fourchettes et cuillers) ; joaillerie, bijouterie en vrai ou en faux, perles, pierres précieuses, horlogerie et autres instruments chronométriques, cuir et imitation du cuir, articles en ces matières, peaux, ceintures, sacs à main et de voyage, malles et valises, parapluies, parasols et cannes, fouets, harnais et sellerie, objets personnels en cuir portés sur soi et notamment petite maroquinerie, portefeuilles, porte monnaie, étui à usage personnel, boîtes en cuir, petits ustensiles et récipients portatifs pour le ménage et la cuisine, peignes et éponges, brosses (à l’exception des pinceaux), nécessaires de toilette, matériaux pour la brosserie, instruments et matériel de nettoyage ; paille de fer, verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction), verrerie, porcelaine et faïence à usage ménager et pour la maison ; sulfures (bibelots); tissus, couvertures de lit et de table, linge de table et de maison, tissus d’ameublement, vêtements, chapeaux, casquettes, cravates, bottes, souliers et pantoufles'" et ce à compter du 29 décembre 1996.

Dit que la décision sera inscrite au Registre National des Marques à l’initiative de la partie la plus diligente, une fois la décision devenue définitive :

Déboute la société JAS HENNESSY de sa demande de nullité de la marque communautaire DIPTYQUE numéro 00 4 292 652 ;

Déboute la société DIPTYQUE de ses demandes fondées sur la renommée des marques française et communautaire DIPTYQUE;

Déboute la société DIPTYQUE de ses demandes fondées sur les dispositions de l’article L 3323-3 du Code de la santé publique ;

Déboute la société DIPTYQUE de sa demande de nullité de la marque française numéro 08 3 565 540 ; Condamne la société DIPTYQUE à payer à la société JAS HENNESSY la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société DIPTYQUE aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 29 Octobre 2009

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