Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 20 décembre 2012, n° 12/02982

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 20 déc. 2012, n° 12/02982
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/02982
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 30 janvier 2014, 2012/02982
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : GUERLAIN ; SHALIMAR ; GIVENCHY ; PI GIVENCHY ; KENZO ; EAU DE FLEUR de soie, silk KENZO ; EAU DE FLEUR de magnolia KENZO
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1314761 ; 1254131 ; 1307017 ; 98714867 ; 1714335 ; 3654548 ; 3654549
Classification internationale des marques : CL01 ; CL02 ; CL03 ; CL04 ; CL05 ; CL06 ; CL07 ; CL08 ; CL09 ; CL10 ; CL11 ; CL12 ; CL13 ; CL14 ; CL15 ; CL16 ; CL17 ; CL18 ; CL19 ; CL20 ; CL21 ; CL22 ; CL23 ; CL24 ; CL25 ; CL26 ; CL27 ; CL28 ; CL29 ; CL30 ; CL31 ; CL32 ; CL33 ; CL34 ; CL35 ; CL36 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL40 ; CL41 ; CL42 ; CL43 ; CL44 ; CL45
Référence INPI : M20120666
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Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 20 Décembre 2012

3e chambre 1re section N° RG : 12/02982

DEMANDERESSES PARFUMS CHRISTIAN DIOR SA […] 75008 PARIS

GUERLAIN SA […] 75008 PARIS

LVMH Fragrance Brands SA anciennement dénomme Parfums Givenchy et venant aux droits de la Société Kenzo Parfums […] 92300 LEVALLOIS PERRET

KENZO SA […] 75002 PARIS représentées par Me Eric DEUBEL, avocat au barreau de PARIS vestiaire #T06

DÉFENDERESSE EL MEHDI SARL […] 93320 LES PAVILLONS SOUS BOIS représentée par Me Alain BARBIER – SCPA B FRENKIAN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #J042 et plaidant par Me Christian B, avocat au barreau de PONTOISE

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C. Vice Présidente Thérèse A, Vice Présidente Cécile VITON, Juge assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DEBATS A l’audience du 12 Novembre 2012 tenue publiquement

JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE -

Les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, LVMH Fragrance Brands (anciennement dénommée Parfums Givenchy et venant aux droits de la société Kenzo Parfums) et Kenzo conçoivent, fabriquent et commercialisent des parfums et des produits de beauté. Ce sont des personnes morales indépendantes même si elles appartiennent au groupe LVMH et elles sont chacunes propriétaires, à titre de marques de fabrique et de commerce, de diverses dénominations couvrant notamment les parfums et produits de beauté en classe 3 et désignant notamment les produits de parfumerie et de cosmétique. La société Guerlain est propriétaire :

- de la marque verbale « Guerlain », déposée à l’INPI à Paris le 2 juillet 1985 en renouvellement d’un précédent dépôt du 30 septembre 1975 enregistré sous le numéro 934071, enregistrée sous le numéro 1314761 et renouvelée le 22 avril 2005 ;

- de la marque verbale « Shalimar », déposée à l’INPI à Paris le 22 septembre 1983 en renouvellement d’un précédent dépôt du 30 octobre 1973 enregistré sous le numéro 885831, enregistrée sous le numéro 1254131 et renouvelée en 2003. La société LVMH Fragrance Brands, anciennement dénommée Parfums Givenchy, est propriétaire :

- de la marque verbale « Givenchy », déposée à l’INPI à Paris le 24 avril 1985 en renouvellement d’un précédent dépôt du 10 juin 1975 enregistré sous le numéro 921033, enregistrée sous le numéro 1307017 et renouvelée 14 juin 2005 ;

- de la marque semi figurative « n GIVENCHY » déposée à l’INPI à Paris le 27 janvier 1998, enregistrée sous le numéro 98714867 et renouvelée le 5 décembre 2007. Enfin, la société Kenzo est quant à elle propriétaire des marques suivantes :

- la marque verbale « Kenzo » déposée à l’INPI à Paris le 24 décembre 1991 en renouvellement d’un précédent dépôt du 16 avril 1982 enregistré sous le numéro 1205111, enregistrée sous le numéro 1714335 et renouvelée le 17 février 2012 ;

- la marque semi-figurative « Eau de Fleur de Soie, silk Kenzo » déposée à PINPI à Paris le 29 juin 2009 et enregistrée sous le numéro 3654548;

- la marque semi-figurative « Eau de Fleur de magnolia Kenzo » déposée à l’INPI à Paris le 29 juin 2009 et enregistrée sous le numéro 3654549. Les sociétés demanderesses commercialisent leurs produits dans le cadre de réseaux de distribution sélective. Les contrats liant les sociétés à leurs distributeurs agréés disposent notamment que ceux-ci s’interdisent de vendre leurs produits à d’autres que des particuliers et en dehors du point de vente qui a été

agréé ou, le cas échéant, de leur site internet également agréé, sauf l’exception leur permettant de vendre les produits à d’autres distributeurs eux-mêmes agréés au sein de l’Union Européenne. La société EL MEHDI a pour activité Pimport, P export, le commerce de gros ainsi que le négoce de tous produits non réglementés et particulièrement de tous produits cosmétiques. Par télécopie du 24 mai 2011, la société Guerlain a été informée par la Brigade de Surveillance intérieure (BSI) de Halluin-Reckem dépendant de la direction régionale des douanes de Lille que « 100flacons d’eau de toilette Guerlain Shalimar de 50ml » susceptibles de constituer une contrefaçon de sa marque avaient fait l’objet d’une mesure de retenue en vertu de l’article L. 716-8 du Code de la propriété intellectuelle. Autorisée par ordonnance sur requête rendue le 30 mai 2011 par Monsieur le Président du tribunal dé grande instance de Lille, la société Guerlain a fait procéder le 3 juin 2011 à une saisie- contrefaçon des marchandises retenues en douanes laquelle a révélé l’identité du destinataire : la société EL MEHDI, domiciliée 16 bd Président Kennedy 95110 Sannois. En recherchant des informations complémentaires sur le destinataire des marchandises, il a été constaté sur le site internet infogreffe.fr, l’existence d’une société à responsabilité limitée, immatriculée sous le numéro 513 811 695 registre du commerce de Bobignv, avant pour dénomination sociale « EL Mehdi SARL » et son siège social situé au […] à Les Pavillons sous Bois (93320), mais aucune immatriculation d’un établissement secondaire notamment à Sannois. Par exploit d’huissier en date du 28 juin 2011, la société Guerlain a fait assigner la société EL Mehdi à son siège de Pavillons sous Bois, selon les formes de l’article 659 du code de procédure civile, devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d’obtenir la cessation des actes de contrefaçon de ses marques Guerlain et Shalimar commis par celle-ci et la réparation du préjudice subi à ce titre. Le 4 avril 2012 une radiation a été ordonnée pour défaut de diligence des parties et une copie en a été délivrée aux parties le 5 avril 2012. Par ailleurs, les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Kenzo ont constaté que la société EL MEHDI avait diffusé trois annonces sur le site internet www.destockandco.com ainsi qu’une annonce sur le site internet globizz.fr. Autorisées par ordonnance sur requête rendue le 21 juin 2011 par Monsieur le Président du tribunal de Commerce de Pontoise au visa de l’article 145 du Code de procédure civile , elles ont fait procéder le

même jour à un procès-verbal de constat dans l’entrepôt de la société EL MEHDI à Sannois. L’huissier a constaté la présence des produits suivants :

- 58 flacons de parfums KENZO E de Soie,
- 100 bouteilles de parfum GUERLAIN Shalimar, sous forme de vaporisateur, ainsi que 12 parfums IDYLLE de marque GUERLAIN, Eau de Toilette. En outre, l’huissier instrumentais a relevé la présence de plus de 150 factures relatives à la vente de plusieurs centaines de produits Dior, Guerlain, Kenzo et Givenchy et couvrant la seule période de mars à mai 2011. Fin juillet 2011, les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Kenzo ont constaté que des produits de parfumerie et des cosmétiques Dior, Givenchy, Kenzo et Guerlain ou du moins présentés comme tels étaient offerts à la vente sur un site internet dénommé « www.mon-parfum-discount.com », dont notamment :

- de Dior : « Hypriotic Poison » 50ml, « Dior Me, Dior Me N» 50ml, « Miss Dior Chérie Eau de Printemps » 50ml, « Miss Dior Chérie » 100ml, « Dior Homme Sport »100ml et « Dior Higher Energy» 50ml;

- de Givenchy : « Very Irrésistible Summer » 50ml, « Ange ou Démon Tender » 50ml, un coffret « Play Intense » 100ml, un coffret « Very Irrésistible Fresh Attitude » 50mlet une lotion après rasage « Play» 100ml ;

- de Guerlain : « Acqua Allegoria C Blossom » 125ml, « Acqua Allegoria » 75ml,
- de Kenzo : « Eau de Fleur de Magnolia » 50ml, « Eau de Fleur de Soie » 50ml, « Champs Elysées » 50ml, « L’instant » 125ml, « Guerlain Homme » 80ml et « Habit Rouge » 100ml ; « Flower » 50ml, « Amour Floral » 85ml et « Power » 60ml. Elles ont fait procéder à l’achat d’un produit « Miss Dior Chérie » auprès de cet annonceur sur ce site au prix de 49 euros (plus 5 euros de frais de port) réglé par l’intermédiaire du service de paiement proposé par la société Paypal. Il est alors apparu sur la page « détails de la transaction » sur le site Paypal que le bénéficiaire du paiement était une société DPMSARL, ayant un compte Paypal associé à l’adresse électronique « contact@mon-parfum-discount.com ». L’extrait k-bis de cette société DPM SARL précise qu’elle est immatriculée sous le numéro 522 947175 R.C.S. Mulhouse (TI), a pour objet social notamment « toute opération commerciale de gros ou de détail, de produits cosmétiques, de beauté, de prêt-à-porter, d’objets d’ameublement et de décoration ainsi que d’accessoires et de produits utilitaires à la vie de tous les jours » et un siège situé […].

Les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Kenzo ont sollicité de Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Mulhouse par requête sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile et compte tenu du risque existant de dépérissement de la preuve, l’autorisation de faire pratiquer une mesure d’instruction par un huissier de justice afin de déterminer la nature et l’étendue du commerce portant sur leurs produits mis en oeuvre par la SARL DPM et notamment l’origine, la destination, la nature et les quantités de produits Dior, Guerlain, Kenzo ou Givenchy ou présentés comme tels importés, acquis, détenus ou vendus par cette dernière. La mesure a été autorisée par ordonnance du 8 septembre 2011 et il résulte notamment du procès-verbal de constat dressé le 13 septembre 2011 que la société DPM SARL ayant pour. gérant Monsieur Guillaume M a notamment et principalement pour fournisseur « la SARL El Mehdi […] depuis le début de l’activité » ainsi que ce dernier l’a déclaré à l’huissier instrumentaire, lequel a effectivement annexé à son procès-verbal 20 factures émises par la société Le Mehdi SARL à l’attention de DPM SARL / M Guillaume, pour un montant de 5.465,15€ sur les seuls produits Dior, Kenzo, Givenchy et Guerlain sur un total de 20.910,46€. C’est dans ces conditions que par acte du 10 novembre 2011, les sociétés Parfums Christian Dior, LVMH Fragrance Brands et Kenzo ont assigné la société EL MEHDI pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Dans leurs dernières e-conclusions du 26 septembre 2012 que les sociétés demanderesses ont sollicité du tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de : Déclarer les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Kenzo recevables et bien fondées en leurs demandes ; Dire et juger que la société EL Mehdi SARL a commis des actes de contrefaçon des marques « Guerlain » n°1314761 et « Shalimar » n° 1254131 appartenant à la société Guerlain, au pr éjudice de cette dernière ; Dire et juger que la société EL Mehdi SARL a commis des actes de contrefaçon des marques « Kenzo » n° 1714335, « Eau de Fleur de Soie, silk Kenzo » n°3654548 et « Eau de Fleur de m agnolia Kenzo » n°3654549 appartenant à la société Kenzo SA, au pré judice de cette dernière ; Dire et juger que la société EL Mehdi SARL a commis des actes de contrefaçon des marques « Givenchy » n°1307017 et « pi Givenchy » n°98714867 appartenant à la société LVMH Fragranc e Brands, au préjudice de cette dernière ;

Dire et juger que la société EL Mehdi SARL a commis des actes de concurrence déloyale ; En conséquence,

Interdire à la société EL Mehdi SARL la commercialisation de produits de parfumerie et de cosmétiques Dior, Kenzo, Guerlain ou Givenchy, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ; Condamner la société EL Mehdi SARL à payer aux sociétés Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Kenzo, chacune, une somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon de leurs marques ; Condamner la société EL Mehdi SARL à payer aux sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands, chacune, une somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts au titré de la concurrence déloyale ; Ordonner la destruction des marchandises Shalimar de Guerlain retenues par les douanes, aux frais de la SARL EL Mehdi ; Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou périodiques au choix des sociétés demanderesses, dans la limite de ' 6.000 euros hors taxes par insertion, aux frais avancés de la société EL Mehdi SARL; Condamner la société EL Mehdi SARL à payer à chacune des sociétés demanderesses une somme de 6.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ; Débouter la société EL Mehdi SARL de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; Condamner la société EL Mehdi SARL aux entiers dépens. Elles font valoir.que la SARL EL Mehdi a commis des actes de contrefaçon à un double titre : en important, en vue de leur commercialisation sur le territoire français, des produits Guerlain et Givenchy d’origine extra-communautaire ainsi qu’en offrant à la vente des produits Kenzo sur lesquels le code barre apposé sur l’emballage par le fabricant permettant d’identifier l’origine du produit a été supprimé et remplacé par un autre. Elles précisent que selon une jurisprudence constante, la charge de la preuve de l’épuisement des droits du titulaire de la marque pèse sur celui qui l’invoque, à savoir la société EL MEHDI en l’espèce et qu’ elle ne démontre pas s’approvisionner dans l’espace économique européen ; que la seule existence d’un réseau de distribution sélective ne saurait faire présumer un risque de cloisonnement des marchés et que la suppression et l’apposition de codes-barres sur des produits Kenzo porte atteinte aux fonctions de garantie, d’authenticité et de qualité des marques «Kenzo», «Eau de Fleur de magnolia Kenzo» et «Eau de Fleur de Soie, silk Kenzo». En outre, elles considèrent que la société défenderesse a commis de multiples fautes distinctes de la contrefaçon et soutiennent à ce titre :

- qu’elle a porté atteinte à l’image de marque des produits des sociétés,
- que ne faisant pas partie du réseau de distribution sélective, la société défenderesse a réalisé un acte de publicité trompeuse,

— qu’elle a refusé de révéler ses sources d’approvisionnement et ne justifie aucunement se fournir auprès de la société Suisse Simex Trading qui elle-même s’approvisionnerait auprès d’un distributeur agréé établi dans l’Union Européenne et dont on ignore tout,
- qu’elle a commis des actes constitutifs de parasitisme économique en développant un commerce massif parallèle de produits Dior, Guerlain, Givenchy et Kenzo, et en s’affranchissant des contraintes liées à leur distribution Dans ses dernières e-écritures signifiées le 16 avril 2012, la société EL MEHDI a demandé au tribunal de : A titre principal
- CONSTATER l’épuisement du droit sur les marques SHALIMAR n°1254131, GUERLAIN n°1314761, KENZO n°1714335, Eau de Fleur de soie, s ilk Kenzo n°365448, Givenchy n° 130717 et pi givenchy n°98714 867 sur les produits litigieux
- DIRE que la SARL EL MEHDI n’a commis aucun acte de contrefaçon en important les produits litigieux
- DIRE que la SARL EL MEHDI n’a commis aucun acte de concurrence déloyale en important les produits litigieux
- DÉBOUTER les sociétés demanderesses dé l’intégralité de leurs demandes
- CONDAMNER chacune des sociétés demanderesses à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNER les sociétés demanderesses aux entiers dépens A titre subsidiaire,
- RÉDUIRE le montant des réparations mises à la charge de la SARL EL MEHDI à de plus justes proportions La société EL MEHDI soutient, en vertu de la liberté du commerce et de l’industrie ainsi que de la libre circulation des marchandises, que les droits des sociétés demanderesses sur leurs marques sont épuisés, au motif qu’elle s’approvisionne via un fournisseur agréé, implanté en Suisse, la société Simex Trading AG s’approvisionnant elle-même au sein de l’espace économique européen, auprès d’un partenaire faisant partie du réseau de distribution agréée par la société Guerlain et dont la facturation serait assurée par sa filiale la société Oriental Distribution dont le siège est situé à Singapour. Elle prétend également qu’elle est contrainte de taire ses sources d’approvisionnement d’une part, en raison de l’existence d’une procédure pénale qui concerne les mêmes faits de contrefaçon et l’empêcherait de faire état des documents couverts par le secret de l’instruction et d’autre part, car la révélation de ces sources créerait un risque de voir le groupe LVMH exercer des pressions sur les maillons européens de son réseau de distribution agréé et de tarir les sources d’approvisionnement parallèles, ceci au détriment du principe communautaire de libre circulation des marchandises.

Elle affirme qu’en toute hypothèse, la charge de la preuve de l’épuisement des droits pèse sur les sociétés demanderesses du fait que les produits litigieux soient commercialisés dans le cadre de réseaux de distribution sélective créant ainsi un risque de cloisonnement du marché communautaire, bloquant les importations parallèles et favorisant les différences de prix entre États Membres.

En outre, elle ajoute que l’existence des réseaux de distribution sélective et le caractère prestigieux des produits n’ont pas vocation à faire échec à la règle de l’épuisement des droits et ne justifient pas que les sociétés demanderesses s’opposent à la commercialisation de ces produits. Elle considère qu’il n’y a pas atteinte à l’intérêt du consommateur en ce que les produits sont authentiques, qu’ils ne sont pas reconditionnés et qu’ils ne sont revendus qu’à des professionnels lesquels sont les seuls responsables de la présentation des produits au consommateur final. Elle ajoute au surplus que l’apposition de code-barres ne nuit pas à la fonction de garantie, d’authenticité et de qualité puisqu’il s’agit d’un code EAN (European Article Numbering) destiné à l’identification univoque des produits et que celui-ci n’a fait l’objet d’aucune altération. Elle sollicite le débouté des demandes fondées sur la concurrence déloyale au motif que les demanderesses n’excipent en rien d’actes distincts de ceux invoqués dans le cadre de la demande en contrefaçon et souligne que les contrats du réseaux de distribution sélective comprenant une clause interdisant au partenaire du réseau de distribution agréée de revendre à une société non agréée lui sont inopposables. En tout état de cause, elle précise à cet effet que l’action en concurrence déloyale invoquée par les demanderesses est irrecevable en vertu de l’adage « nul ne plaide par procureur » en ce que seuls les partenaires du réseau agréé, et non les sociétés demanderesses, seraient le cas échéant susceptibles de mettre enjeu la responsabilité civile délictuelle de la concluante sur ce fondement. L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2012.

MOTIFS Le tribunal relève que : *une ordonnance de radiation a été rendue dans le litige enrôlé sous le n° 11/10603 opposant la seule société GUERLAIN à la société EL MEHDI de sorte que la saisie-contrefaçon du 3 juin 2011 n’est plus suivie d’aucune assignation dans le délai d’un mois.

♦ les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Kenzo qui ont assigné la société EL MEHDI par acte du 10 novembre 2011, n’ont pas respecté la règle de procédure d’ordre public relative à l’interdiction de procéder par voie de « class action » puisqu’elles sont des sociétés indépendantes disposant de titres distincts et que le seul lien de connexité entre les différents litiges réside en la personne de la société défenderesse. Ainsi les actes de contrefaçon reprochés à la société EL MEHDI par la société GUERLAIN sont totalement distincts des actes de contrefaçon reprochés par la société Kenzo ou de la société LVMH ; de plus aucun acte de contrefaçon n’est reproché à la société défenderesse par la société Christian Dior PARFUMS mais seulement des actes de concurrence déloyale découverts à l’occasion d’un procès-verbal de constat dressé au sein d’une société tierce qui n’est pas attraitè dans la cause, procès-verbal de constat qui n’a pas été signifié à la société EL MEHDI. ♦Pour les mêmes raisons, chaque société forme une demande indemnitaire distincte tant sur le fondement de la contrefaçon que de la concurrence déloyale même si le quantum proposé en est chaque fois le même. Conformément aux dispositions des article 120 et 125 du Code de procédure civile, le motif tiré de la nullité de l’acte de procédure que constitue l’assignation doit être soulevé d’office de même que celui tiré de la recevabilité des demandes formées par les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Kenzo. De plus, le tribunal constate que les opérations de constat réalisées au visa de l’article 145 du Code de procédure civile pour identifier l’origine des produits, selon ordonnance sur requête présentée au président du tribunal de commerce de Pontoise ou selon ordonnance sur requête présentée au président du tribunal de grande instance de Mulhouse, ont été effectuées en présence de deux salariés des sociétés requérantes alors d’une part que la première ordonnance n’autorisait pas la présence d’un mandataire des sociétés requérantes et d’autre part que la seconde ordonnance autorisait la présence de mandataires des sociétés et non de salariés ; que ces procès-verbaux de constat ont eux aussi été diligentes à la requête commune de personnes morales distinctes pour des faits distincts et qu’enfin, sollicités à la suite de la saisie-contrefaçon effectuée entre les mains des Douanes de Lille, ils constituent des saisies-contrefaçon déguisées qui sont d’ailleurs à l’origine de demandes de contrefaçon de marques formées par les sociétés demanderesses. Ces faits constituent des nullités de pièces versées au débat pour établir la matérialité des actes de contrefaçon et le tribunal souhaite recueillir les explications des parties sur ce point

II convient donc de rouvrir les débats, de rabattre l’ordonnance de clôture pour permettre aux parties de donner leurs explications sur ces points de droit et de fait afin de respecter le principe du contradictoire conformément aux dispositions de l’article 442 du Code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant par remise au greffe, par jugement contradictoire susceptible d’appel seulement avec le jugement rendu au fond, Ordonne la réouverture des débats. Ordonne le rabat de l’ordonnance de clôture prononcée le 24 octobre 2012.

Enjoint aux parties de bien vouloir conclure sur la validité de l’assignation, la recevabilité des demandes des sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Kenzo et sur la validité des opérations de constat des 21 juin .2011 et 13 septembre 2011. ' Renvoie l’affaire à l’audience de plaidoiries du 12 février 2013 à 10H30 pour conclusions des sociétés demanderesses sur ces points (à notifier par RPVA pour le 8 février 2013). Réserve les dépens.

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