Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 20 juin 2013, n° 13/53951

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, réf., 20 juin 2013, n° 13/53951
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 13/53951

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

N° RG :

13/53951

N° : 2/FF

Assignation du :

18 Avril 2013

(footnote: 1)

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 20 juin 2013

par Y Z, Juge au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de G H, Greffier.

DEMANDERESSE

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Patrick BOIRON, avocat au barreau de PARIS – #R0235

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. CADR’AVEN

[…]

[…]

représentée par Me Mikaëlle LE GRAND de la SELARL GOURVES D’ABOVILLE, avocat au barreau de QUIMPER – 3 Place de la Tour d’Auvergne – […]

DÉBATS

A l’audience du 23 Mai 2013, tenue publiquement, présidée par Y Z, Juge, assistée de Anissa SAICH, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

La société américaine Artisan House, qui exerce une activité de vente d’objets de décoration d’intérieur, se prétend titulaire de droits d’auteur sur les 15 sculptures suivantes :

— Interlink,

— Continuation,

— Albacore,

— Tropical Fish,

— Firmament,

— Kaléidoscope,

— Beijing Reeds,

— C D,

— Ebb Tide,

— Acrobatic,

— Time Machine,

— Pinwheel,

— Connexion,

— Cadence,

— Ignition,

toutes divulguées au public entre le 10 avril 2002 et le 17 avril 2010.

Elle précise que conformément au droit américain, elle est titulaire dès l’origine des droits d’auteur sur ces créations réalisées par ses employés.

La société Artisan House indique avoir découvert que la société Cadr’Aven, située à Pont-Aven et dont l’activité porte sur la vente de cadres, tableaux et autres produits décoratifs, offrait à la vente en France, sur son site internet www.cadraven.fr des sculptures qu’elle estime être identiques aux siennes.

Elle a fait procéder à un constat d’huissier sur ce site le 27 février 2013.

Elle a ensuite été autorisée par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris rendue le 10 avril 2013 à faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, qui ont été diligentées le 16 avril suivant au sein de la société Cadr’aven, amenant la découverte de 181 sculptures litigieuses et de factures portant sur 576 pièces en provenance de Chine pour un montant de 15 553,44 dollars ainsi que des preuves de commercialisation des sculptures à différents revendeurs sur le territoire national entre le 16 octobre 2012 et le 16 avril 2013.

Considérant être victime de contrefaçons de ses droits d’auteur, elle a fait assigner la société Cadr’Aven devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris par acte d’huissier délivré le 18 avril 2013.

L’affaire est venue à l’audience du 23 mai suivant, date à laquelle la société Artisan House, développant oralement ses observations écrites déposées à l’audience, a demandé au juge, sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile, de :

- DIRE les demandes de la société Artisan House recevables et bien fondées ;

- DIRE et JUGER que la commercialisation des produits litigieux constitue un trouble manifestement illicite ;

- DIRE et JUGER qu’il importe de faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue la commercialisation par la société Cadr’Aven des produits litigieux de son catalogue ;

En conséquence,

— INTERDIRE à la société Cadr’Aven de commercialiser, sous quelque forme que ce soit, les produits de son catalogue qui portent les références suivantes, reprises du catalogue de Cadr’Aven joint au procès-verbal de constat établi par Maître X, huissier le 27 février 2013: de 04.RE.0047 à 04.RE.0049 inclus; 04.RE.0052 ; 04.RE.0054 ; de 04.RE0056 à 04.RE.0065 inclus ; en particulier, sans que cette liste soit limitative, supprimer tous ces produits de tout catalogue, dépliants publicitaires ou promotionnels, dématérialisés ou sous forme tangible ; ne plus les offrir à la vente au public ou à des revendeurs, en boutique ou en ligne ; supprimer toute communication publicitaire ou promotionnelle concernant ces produits ;

et

- ORDONNER à la société Cadr’Aven la suppression immédiate de toutes références aux sculptures susmentionnées dans les textes et métadonnées de son site internet ou dans tout autre support sur lequel les sculptures apparaissent ;

- DIRE et JUGER que faute par la société Cadr’Aven d’exécuter la décision rendue par Madame ou Monsieur le Président du tribunal de céans, la société Cadr’Aven sera redevable envers la société Artisan House, à titre d’ astreinte provisoire, de la somme de 2 000 (deux mille) euros par jour de retard et par mesure ordonnée et non exécutée, à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- CONDAMNER la société Cadr’Aven à payer à la société Artisan House la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société Cadr’Aven au paiement des entiers dépens de la procédure.

A titre liminaire, la société ARTISAN HOUSE excipe de la compétence du tribunal de grande instance de Paris en raison du lieu de l’établissement du constat d’huissier sur le site internet de la défenderesse.

Au soutien de ses demandes de mesures provisoires, elle fait valoir que les sculptures proposées à la vente par la société Cadr’aven sont identiques ou à tout le moins très fortement similaires à ses quinze créations et en constituent donc la contrefaçon. Elle précise que le système d’accroche soudée est également identique ou similaire.

En réponse aux moyens soulevés par la défenderesse, elle affirme que ses sculptures sont des oeuvres originales et que les lois américaines sur le copyright lui confèrent la titularité des droits d’auteur dès leur date de création.

Elle prétend que les faits litigieux portent une atteinte à ses droits et intérêts légitimes et génèrent un tel manque à gagner qu’il est urgent de faire cesser ces agissements au regard des différences de prix pratiqués, de la masse contrefaisante, de la diffusion nationale du catalogue Cadr’aven par internet et sur support physique, du chiffre d’affaires d’au moins 66 840,61 € réalisé par la défenderesse en 7 mois et de l’existence d’un stock de 300 pièces.

Elle se plaint par ailleurs d’une atteinte à sa réputation et sollicite des mesures d’F sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile.

A l’audience, la société Cadr’aven a demandé au juge des référés de :

A titre principal :

— Rejeter toutes demandes, fins et conclusions de la société ARTISAN HOUSE INC,

A titre subsidiaire :

— Prendre acte que la société Cadr’aven, sans reconnaître l’existence d’un trouble manifestement illicite s’en remet à justice concernant la demande d’F de commercialisation des produits listées dans l’assignation de la société ARTISAN HOUSE du 18 avril 2013 et la suppression de toutes références auxdits produits de son site internet et dans tous autres supports ;

— Dire et juger que cette F provisoire et suppression devront être subordonnées à la constitution de garanties permettant de dédommager Cadr’aven contre laquelle ces mesures auront été prononcées à tort, si l’action en contrefaçon s’avère ultérieurement non fondée ;

— Débouter la société ARTISAN HOUSE de toutes autres demandes ;

En toute hypothèses,

— Débouter la société ARTISAN HOUSE de toutes demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

La société Cadr’aven indique avoir importé les marchandises litigieuses suite à une foire à Canton en novembre 2012 sans avoir eu connaissance jusqu’au jour de la saisie-contrefaçon de l’existence des produits de la société ARTISAN HOUSE.

Elle prétend que s’il peut exister certaines ressemblances entre ses produits et ceux de la société ARTISAN HOUSE, elles seraient en tout état de cause insuffisantes pour caractériser l’existence d’une contrefaçon.

Elle souligne notamment que l’originalité des produits de la société ARTISAN HOUSE ne peut être préjugée, que le marché est inondé de pièces ressemblantes, qu’aucune preuve n’est rapportée d’une divulgation de ces produits en France, que la preuve de la titularité des droits d’auteur n’est pas rapportée par la demanderesse, que les dates de dépôt à l’Office américain des droits d’auteur sont très récentes pour certaines pièces et que certaines sculptures sont manifestement peu ressemblantes.

Elle fait toutes réserves sur la divulgation des produits de la requérante sous son nom en France et sur la consultation de droit américain, versée au débat par la requérante.

A titre principal, la société Cadr’aven sollicite donc le rejet des demandes de la requérante et subsidiairement, sans reconnaître l’existence d’un trouble manifestement illicite, elle s’en remet à justice sur les mesures sollicités et réclame la constitution de garantie au cas où la contrefaçon ne serait pas établie.

La société Cadr’aven indique avoir cessé toute commercialisation des produits litigieux en cours de procédure de référé et s’être retournée vers son fournisseurs afin d’obtenir des informations sur la création des objets importés, qui aurait été créés entre 2000 et 2004.

Sur ce,

En vertu de l’article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La compétence de la présente juridiction n’est pas contestée.

La société ARTISAN HOUSE produit des certificats d’enregistrements délivrés par l’Office américain des droits d’auteur en date :

— du 24 décembre 2003 pour la sculpture intitulée Kaleidoscope faisant état d’une divulgation le 10 avril 2002 aux Etats-Unis ;

— du 25 octobre 2004 pour la sculpture intitulée Time Machine faisant état d’une divulgation le 1er octobre 2004 aux Etats-Unis;

— du 6 janvier 2004 pour la sculpture intitulée Albacore faisant état d’une divulgation le 15 octobre 2003 aux Etats-Unis ;

— du 3 janvier 2006 pour la sculpture intitulée Interlink faisant état d’une divulgation le 29 décembre 2005 aux Etats-Unis ;

— du 3 janvier 2006 pour la sculpture intitulée Beijing Reeds faisant état d’une divulgation le 15 avril 2004 aux Etats-Unis ;

— du 3 janvier 2006 pour la sculpture intitulée C D faisant état d’une divulgation le 15 avril 2004 aux Etats-Unis ;

— du 3 janvier 2006 pour la sculpture intitulée Ebb Tide faisant état d’une divulgation le 14 avril 2005 aux Etats-Unis ;

— du 15 décembre 2006 pour la sculpture intitulée Continuation faisant état d’une divulgation le 24 juillet 2006 aux Etats-Unis;

— du 27 août 2007 pour la sculpture intitulée Firmament faisant état d’une divulgation le 26 mars 2007 aux Etats-Unis;

— du 27 août 2007 pour la sculpture intitulée Acrobatic faisant état d’une divulgation le 26 mars 2007 aux Etats-Unis;

— du 13 mai 2008 pour la sculpture intitulée Tropical Fish faisant état d’une divulgation le 7 avril 2008 aux Etats-Unis;

— du 21 février 2013 pour la sculpture intitulée Pinwheel faisant état d’une divulgation le 17 avril 2010 aux Etats-Unis;

— du 21 février 2013 pour la sculpture intitulée Cadence faisant état d’une divulgation le 17 avril 2010 aux Etats-Unis;

— du 21 février 2013 pour la sculpture intitulée Ignition faisant état d’une divulgation le 17 avril 2010 aux Etats-Unis.

— du 21 février 2013 pour la sculpture intitulée Connexion faisant état d’une divulgation le 17 avril 2010 aux Etats-Unis.

Tous ces enregistrements mentionnent “work made for hire” et la requérante soutient, sans être utilement contredite, que selon le droit américain, la société ARTISAN HOUSE est titulaire de droits d’auteur dès la création des oeuvres. Elle verse aux débats un courrier d’un avocat, A B, qu’elle présente comme un avocat inscrit au barreau de Los Angeles, qui confirme la titularité des droits de l’employeur sur les objets créés dès leur création.

Elle produit en outre un catalogue de l’année 2010 mentionnant sa participation en France au Salon Maison et Objet qui présente ses produits, parmi lesquels ses sculptures Kaléidoscope, Time Machine, Ignition, Pinwheel, Cadence, Ebb Tide, Firmament, Connexion, Continuation, Interlink, Tropical Fish, Albacore et C D, ce qui, en l’absence de contestation, établit une exploitation des sculptures sous son nom depuis au moins cette date.

La défenderesse n’émet aucune contestation sérieuse sur la titularité des droits d’auteur dont la société ARTISAN HOUSE se prévaut ni sur l’originalité de ses créations, étant relevé que les trois impressions d’écran dont la date est postérieure non seulement à celle des faits litigieux mais encore à la date de divulgation aux états-Unis des objets sous le nom de la demanderesse sont insuffisantes à dénier manifestement toute originalité à ces oeuvres.

Il en est de même du courrier émanant prétendument du fournisseur chinois de la défenderesse, qui n’est accompagné d’aucun document officiel attestant de son existence ni de la qualité de son signataire et ne suffit donc pas en soi à rapporter la preuve d’une création par la société chinoise Anhui Qingfa Willowcraft Group Co. LTD antérieurement à la divulgation des sculptures de la société ARTISAN HOUSE sous son nom.

La défenderesse ne conteste pas plus utilement la contrefaçon et se contente de relever de manière indéterminée et sans les caractériser certaines différences entre certains produits.

Il en résulte que la société ARTISAN HOUSE est vraisemblablement titulaire des droits d’auteur sur les quinze sculptures énumérées ci-dessus et la commercialisation des articles litigieux par la société Cadr’aven postérieurement à la divulgation des sculptures de la requérante constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

La société Cadr’Aven prétend avoir cessé toute commercialisation des produits argués de contrefaçon en cours de procédure mais n’en justifie pas, le procès-verbal de constat d’huissier du 21 mai 2013 établissant uniquement le stockage des références litigieuses dans des cartons.

Il y a donc lieu d’ordonner en tant que de besoin une mesure d’F et ce, sous astreintes, dans les conditions fixées au dispositif ci-après.

Si la société ARTISAN HOUSE est effectivement une société étrangère, cette seule circonstance ne suffit pas à justifier une constitution de garantie, étant relevé qu’elle existe sur le territoire américain depuis 1996.

La société Cadr’aven, qui succombe, supportera les entiers dépens de la procédure de référé et doit être condamnée à payer à la société ARTISAN HOUSE la somme de 1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

E F à la société Cadr’Aven de commercialiser, sous quelque forme que ce soit, les produits de son catalogue qui portent les références suivantes dans son catalogue annexé au procès-verbal de constat établi par Maître X, huissier, le 27 février 2013: de 04.RE.0047 à 04.RE.0049 inclus; 04.RE.0052 ; 04.RE.0054 ; de 04.RE0056 à 04.RE.0065 inclus et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance ;

ENJOIGNONS à la société Cadr’Aven de supprimer tous ces produits et leurs références énumérées ci-dessus de tout catalogue, dépliants publicitaires ou promotionnels, dématérialisés ou sur support physique, de ne plus les offrir à la vente au public ou à des revendeurs, en boutique ou en ligne, de supprimer toute communication publicitaire ou promotionnelle, y compris sur son site internet, concernant ces produits sous astreinte de 300 € par jour de retard à expiration d’un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;

NOUS RESERVONS la liquidation des astreintes ainsi prononcées, qui seront limitées à TROIS MOIS ;

DEBOUTONS la société Cadr’Aven de sa demande de constitution de garantie ;

CONDAMNONS la société Cadr’Aven aux entiers dépens de la présente procédure ;

CONDAMNONS la société Cadr’Aven à payer à la société Artisan House la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELONS que la présente ordonnance est exécutoire de droit.

Fait à Paris le 20 juin 2013

Le Greffier, Le Président,

G H Y Z

FOOTNOTES

1:

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