Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 2e section, 3 avril 2014, n° 12/08787

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 5e ch. 2e sect., 3 avr. 2014, n° 12/08787
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/08787

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

5e chambre 2e section

N° RG :

12/08787

N° MINUTE :

Assignation du :

27 Avril 2012

JUGEMENT

rendu le 03 Avril 2014

DEMANDERESSE

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS (FGAO)

[…]

[…]

représentée par Maître Dominique CRESSEAUX de l’Association LECLERE & Associés, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #R075

DÉFENDEURS

S.A. C D, anciennement AGF IART

[…]

[…]

représentée par Maître Eric MANDIN de la SCP COMOLET MANDIN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #P0435

Maître E F de la SCP F J ès qualité de liquidateur de la société BOULOGNE B ANTILLES

[…]

[…]

[…]

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles L.212-2 du Code de l’Organisation Judiciaire et 801 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

M N, Vice-Président, statuant en juge unique.

assistée de K L, greffière,

DÉBATS

A l’audience du 19 Février 2014

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

réputé Contradictoire

en premier ressort

[…]

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 mai 2002, vers 5 heures du matin, Monsieur G X a été grièvement blessé par Monsieur H I lors d’une bagarre qui s’est déroulée sur le parking situé à proximité de l’établissement exploité par la société BB ANTILLES.

Monsieur X a été transporté à l’hôpital où fut diagnostiqué un traumatisme crânien qui a justifié son placement en réanimation où il est demeuré, dans le coma, pendant 7 mois.

Sur ordonnance de renvoi du juge d’instruction Monsieur Y a été cité devant le tribunal correctionnel de Nanterre.

Par jugement du 11 mai 2009, ce tribunal a déclaré Monsieur Y coupable de violence suivie de mutilation ou infirmité permanente sur la personne de Monsieur X , l’a condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis et l’a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables des faits .Le tribunal a par ailleurs déclaré recevable la constitution de partie civile de Monsieur X, déclaré Monsieur Y entièrement responsable des préjudices subis par Monsieur X et renvoyé l’affaire sur intérêts civils .

La commission d’indemnisation des victimes d’infractions saisie par Monsieur X a, par jugement du 6 février 2012 et sur la base de l’expertise médicale du docteur Z commis par elle, alloué à Monsieur X la somme de 1.020.228,25 € et sursis à statuer sur les autres demandes relatives aux aides techniques, à l’aménagement ou l’acquisition d’un véhicule et l’adaptation du logement de Monsieur X et commis Monsieur A en qualité d’expert.

Le Fonds de Garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (ci –après FGTI) a réglé les sommes allouées à Monsieur X.

Par acte du 27 avril 2012, le FGTI a fait assigner devant ce tribunal, la société C en sa qualité d’assureur au titre de la responsabilité civile professionnelle de la société BB ANTILLES prise en sa qualité d’employeur de Monsieur Y et Maître E B, en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société BB ANTILLES afin d’obtenir au visa des articles 1384alinéa5 du code civil , 706-11 du code de procédure pénale et L 124-3 du code des assurances , la condamnation de la société C à lui payer la somme de 1.021.228,25 € correspondant aux sommes déjà réglées à Monsieur X sauf à parfaire pour les aides techniques, l’aménagement du véhicule, l’adaptation du logement , les besoins en tierce personne après consolidation ainsi que tout autre poste dont la famille X pourrait obtenir réparation , le tout sous réserve des conséquences d’une éventuelle réformation de la décision du 6 février 2012.

Le FGTI sollicite également que le jugement à intervenir soit déclaré opposable à Maître B es qualité , qu’ injonction de donner tous les renseignements qui lui sont connus sur les circonstances du sinistre et les conditions d’assurance de son administrée lui soit faite et la condamnation de la société C à lui payer la somme de 4.000e au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile .

Par dernières conclusions signifiées le 22 mars 2013 , le FGTI réitère ses demandes et fait valoir que :

— sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du code civil, la société BB ANTILLES est responsable du dommage causé par Monsieur Y qui était son préposé et qui a agi dans l’exercice de ses fonctions de vigile chargé du maintien de l’ordre dans l’établissement qu’elle exploite ;

— il résulte de l’instruction du dossier par le tribunal correctionnel de Nanterre qu’au moment de l’agression, Monsieur X n’était plus dans l’établissement puisqu’il se rendait à sa voiture ;

— Monsieur X n’était donc plus lié à la société BB ANTILLES par un quelconque contrat avec la société BB ANTILLES –lorsqu’un fait dommageable constitue une infraction pénale, la victime peut agir contre l’auteur des faits sur le plan délictuel, faisant ainsi échec au principe du non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle;

— dans l’hypothèse où le tribunal retiendrait qu’au moment de son agression, Monsieur X était encore client de la société BB ANTILLES , il y a lieu alors de constater que cette société a commis une faute contractuelle à l’occasion de l’organisation de son établissement en faisant assurer le service d’ordre par des personnes de nationalité étrangère ignorante de la législation française au point qu’elles se sont crues obligées de violenter un client pour le maintenir à la disposition des services de police ;

— ce faisant, la société BB ANTILLES a manqué à son obligation contractuelle de surveillance et d’organisation ;

— la responsabilité de Monsieur Y a été tranchée par le tribunal correctionnel, elle ne peut donc être à nouveau discutée ;

— Monsieur Y a la qualité de salarié de la société BB ANTILLES, cette qualité figure dans les pièces de la procédure pénale;

— la société C ne peut lui opposer qu’elle n’assure pas la société BB ANTILLES dans son activité de discothèque mais uniquement dans son activité de restauration ;

— l’activité de discothèque n’est pas démontrée, la société BB ANTILLES organisant habituellement des soirées événementielles ;

— il est subrogé dans les droits de Monsieur X en vertu des dispositions de l’article 706.11 du code de procédure pénale.

Par conclusions signifiées pour l’audience de mise en état du 13 février 2013, la société C conclut au débouté du FGTI de l’ensemble de ses demandes et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 4.500€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

— les dispositions de l’article 1384 alinéa 5 du code civil sont inapplicables en l’espèce puisque l’agression s’étant déroulée sur le parking privatif de la société BB ANTILLES, Monsieur X et cette société étaient liés par un contrat, ce qui fait obstacle à toute demande fondée sur la responsabilité délictuelle ;

— au surplus, le FGTI ne démontre pas que les conditions d’application de l’article 1384 alinéa 5 du code civil sont réunies, le contrat de travail de Monsieur Y n’étant pas versé aux débats ;

— en outre, ce texte n’a pas vocation à s’appliquer lorsque les dommages sont causés en dehors du temps du travail ;

— sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société BB ANTILLES n’a commis aucune faute à l’égard de la victime, la circonstance que le service d’ordre soit assuré par des personnes de nationalité étrangère ne constitue pas une faute ;

— elle n’était liée à la société BB ANTILLES que par un contrat responsabilité civile des prestataires de service qui a pris effet le 3 mai 2002 ;

— la garantie concerne les dommages causés à l’occasion des activités professionnelles déclarées aux conditions particulières soit l’exploitation à quai d’un bateau à usage de restaurant avec organisation de soirées événementielles ;

— il ressort du réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel de Nanterre qu’en réalité l’activité exercée par la péniche BB ANTILLE était une activité de boîte de nuit, discothèque, activité qui n’a rien à voir avec l’activité de restauration déclarée et assurée;

— elle est donc bien fondée à opposer une non assurance au demandeur par application de l’article L112-6 du code des assurances ;

— le FGTI ne peut lui opposer qu’elle ne pouvait ignorer la réelle activité de son assuré puisqu’il n’existe aucune disposition lui faisant obligation de vérifier les déclarations faites par l’assuré ;

— les informations fournies par le Kbis sont indifférentes, puisque ne peuvent être prises en compte que les activités déclarées et acceptées par l’assureur.

— la société BB ANTILLES n’a pas proposé à l’assureur de garantir le risque attaché à l’exploitation d’une discothèque et l »assureur n’a jamais accepté de couvrir ce risque.

— elle est bien fondée à opposer en tout état de cause le plafond de garantie et les franchises du contrat

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2013.

Il y a lieu, pour un exposé détaillé des moyens des parties, de se reporter à leurs écritures signifiées aux dates ci-dessus visées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

Maître B, es qualité, n’a pas constitué avocat. Le jugement sera réputé contradictoire par application des dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.

MOTIFS DU JUGEMENT

La société BB ANTILLES qui met à la disposition exclusive de sa clientèle un espace dédié au stationnement des véhicules est tenue à son égard par une obligation de sécurité de moyen sur le fondement de sa responsabilité contractuelle.

En l’espèce il est constant que le dommage est survenu alors que Monsieur X se trouvait sur le parking privatif de la société BB ANTILLES sur lequel il avait stationné son véhicule, après avoir fréquenté la discothèque. Il se trouvait donc encore dans un lien contractuel avec la société BB ANTILLES.

Dès lors, le FGTI ne peut conclure à l’application des règles da responsabilité délictuelle de la société BB ANTILLES en sa qualité de commettant , aux relations entre la victime et elle , sans méconnaître la règle du non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle . Le FGTI doit donc rapporter la preuve d’une faute imputable à la société BB ANTILLES.

Le FGTI ne rapporte pas la preuve d’une faute imputable à la société BB ANTILLES, la circonstance que celle –ci a engagé des agents de sécurité de nationalité étrangère ne caractérise en rien un manquement à son obligation de sécurité à l’égard de sa clientèle.

Seul le comportement de Monsieur Y est à l’origine du dommage subi par Monsieur X.

Aux termes de l’article L124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité de la personne responsable.

En l’espèce ,le FGTI agit contre la société C en sa qualité d’assureur de la société BB ANTILLES dont elle recherche la responsabilité délictuelle sur le fondement des dispositions de l’article 1384 alinéa 5 du code civil à titre principal et la responsabilité contractuelle sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du même code, subsidiairement .

L’assureur lui oppose une exclusion de garantie .Il appartient donc au FGTI qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que le sinistre entre dans les prévisions du contrat d’assurance.

Il résulte des conditions particulières du contrat d’assurances responsabilité civile des prestataires de services n ° 36 131 008 souscrit par la société BB ANTILLES auprès de la société AGF aux droits de laquelle se trouve la société C que la société BB ANTILLES a déclaré comme activité professionnelle l’exploitation à quai d’un bateau à usage de restaurant avec organisation de soirées événementielles , la concession d’un quai comprenant un parking d’environ 30 places et l’installation d’une terrasse sur quai sous forme de restauration ou cocktail réception .

Les conventions spéciales stipulent en ce qui concerne le risque Responsabilité civile Exploitation que la garantie concerne les dommages causés à l’occasion des activités professionnelles déclarées aux conditions particulières.

La condition préalable de garantie, au titre du risque Exploitation est donc l’existence d’un dommage survenu en raison de l’activité de restauration.

Or, il ressort du réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel de Nanterre que des jugements de ce tribunal des 11 mai 2009 et 25 janvier 2010 que la bagarre au cours de laquelle Monsieur X a été blessé, s’est déroulée à la sortie de la péniche- discothèque de la société BB ANTILLES.

Le FGTI reconnait que l’heure de cette bagarre exclut que les faits aient pu se produire à l’occasion d’une activité de restauration.

Le FGTI sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre pas que les faits se sont déroulés à l’occasion d’une soirée événementielle ni qu’une soirée événementielle est assimilable à une activité de discothèque.

Au surplus il résulte de la proposition émise par la société FLUVIALE D’ASSURANCES, courtier que le risque Exploitation vise un restaurant avec organisation de soirées événementielles.

Les soirées événementielles ont été prises en compte par l’assureur dans son étude de contrat ainsi qu’il résulte du fax adressé par les AGF au courtier du 12 mars 2012 et la prise de garantie RC Exploitation par le courtier.

L’organisation de soirées événementielles est liée à l’activité de restauration pour laquelle a été souscrit le contrat d’assurance.

Le FGTI n’est pas fondé à opposer à l’assureur les mentions figurant sur le Kbis de la société BB ANTILLES à savoir restauration antillaise, dîners dansants, animations et spectacles, discothèque et entrepreneur de spectacle.

En effet par application des dispositions de l’article 1134 du code civil, l’assureur n’est tenu que dans les limites de son contrat et pour les seules activités expressément garanties et le FGTI ne rapporte pas la preuve que le risque lié à l’exploitation d’une discothèque est garanti dans le cadre du contrat responsabilité civile pour l’exploitation d’un restaurant avec organisation de soirées événementielles..

L’activité de discothèque n’entre pas dans le champ de la garantie souscrite auprès de l’assureur.

Le FGTI ne justifie ni d’un manquement de la société BB ANTILLES à son obligation contractuelle de sécurité à l’égard de sa clientèle ni de la réunion des conditions de mise en œuvre de la police d’assurance souscrite par la société BB ANTILLES auprès de la société C D .Il sera débouté de l’ensemble de ses demandes.

Succombant, le FGTI supportera la charge des dépens ainsi que celle d’une indemnité, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qu’il apparaît équitable de fixer à 2000€.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, prononcé en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;

Déboute le Fonds de Garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions de l’ensemble de ses demandes,

Condamne le Fonds de Garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions à payer à la société C D la somme de 2000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déclare le jugement opposable à Maître B, en sa qualité de mandataire à la liquidation de la société BB ANTILLES,

Condamne le Fonds de Garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions aux dépens qui pourront être recouvrés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par les avocats qui en auront fait la demande.

Fait et jugé à Paris le 03 Avril 2014

Le Greffier Le Président

K L M N

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