Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 30 janvier 2015, n° 13/03732

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 30 janv. 2015, n° 13/03732
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 13/03732
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20150199
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 30 janvier 2015

3e chambre 3e section N° RG: 13/03732

Assignation du 01 mars 2013

DEMANDERESSE Société TEO & CO Rue du clos Neuf – ZI Actiloire 45190 BEAUGENCY représentée par Me Corinne CHAMPAGNER KATZ, Cabinet CCK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1864

DÉFENDERESSES Société DESSINS JEAN ET JACQUES S […] 60200 COMPIEGNE représentée par Maître Guillaume DAUCHEL de la S CABINET SEVELLEC, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #W0009 ET Me Jean-Louis D de la Selarl DECOCQ BERTOLOTTI-TROUILLER, avocat au barreau de Compiègne, plaidant

Société CORA […] 75008 PARIS représentée par Maître Gaëtan CORDIER du PUK EVERSHEDS LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0014

Société LEFEBVRE TEXTILE […] 59113 SECLIN représentée par Maître Jacques MONTA de la S JACQUES MONTA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0546

COMPOSITION DU TRIBUNAL Bénédicte F, Premier Vice-Président adjoint Marie C, Vice-Président Carine GILLET. Vice-Président assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier.

DÉBATS À l’audience du 16 décembre 2014, tenue publiquement, devant Bénédicte F D, Carine GILLET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du code de procédure civile

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

La société ITX) & CO, exerçant sous le nom commercial TEO JASMIN a pour activité la création, la fabrication et la distribution d’objets de décoration intérieure, mobiliers, prêt à porter, qu’elle exploite au sein de boutiques à PARIS et sur son site internet.

Elle revendique des droits d’auteur sur un dessin intitulé « DOGGY RIDER » représentant un bouledogue, coiffé d’un casque de moto rayé, qu’elle commercialise par reproduction, sur les produits qu’elle diffuse.

Ayant constaté la commercialisation par les magasins à l’enseigne CORA, de parures de lit reproduisant le dessin Doggy Rider, la société TEO & CO a acquis une parure de lit le 02 janvier 2013, dans le magasin CORA d’A puis, autorisée par ordonnance sur requête du 28 janvier 2013, visant deux établissements secondaires de la société CORA (CROISSY-BEAUMONT et MARNE la VALLÉE), elle a fait procéder à une saisie contrefaçon dans les locaux situés à C BEAUMONT, suivant procès-verbal du 06 février 2013. Ces opérations ont révélé que la société LEFEBVRE TEXTILES située à SECLIN (59) est le fournisseur de ces articles, dont la commercialisation dans 59 magasins CORA a été annoncée du 26- 27 décembre 2012 au 05 janvier 2013, sur prospectus publicitaires diffusés à près de 3.8 millions exemplaires: que 1515 parures ont été vendues et qu’il demeure en stock 652 parures.

La société Jean et Jacques S s’est manifestée le 07 février 2013 auprès de la société CDESIGN, licencié de la société TEO & CO, revendiquant la création du dessin, après avoir acquis une photographie de chien sur le site Istock, qu’elle a agrémenté d’un casque.

Par actes des 28 février et 1er mars 2013, la société TEO & CO a fait assigner devant ce tribunal, les sociétés CORA. LEFEBVRE TEXTILE et DESSINS Jean et Jacques S en contrefaçon de droits d’auteur et subsidiairement, en parasitisme. Dans ses dernières écritures signifiées par voie électronique le 13 décembre 2013, la société TEO & CO demande au tribunal de :

- déclarer recevable et bien fondée la société TEO&CO en ses demandes. À titre principal
-dire et juger que le dessin « DOGGY RIDER’ ou »TEO R" revendiqué par la société TEO&CO est original et protégeable par les dispositions des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle,
-dire et juger que les sociétés défenderesses ont commis des actes de contrefaçon en réalisant, livrant et commercialisant les dessins et produits reproduisant sans autorisation le dessin litigieux,
-dire et juger que les défenderesses ont commis des actes de parasitisme au préjudice de la société TEO&CO, en reprenant sans bourse délier les éléments d’identification de la société TEO&CO.

En conséquence :

-condamner in solidum les sociétés défenderesses à versera la société TEO&CO *la somme de 19 882.55 euros au titre de son manque à gagner. *la somme forfaitaire et provisionnelle de 375 000 euros, sauf à parfaire, au titre de la dévalorisation et de la banalisation de son dessin. *la somme provisionnelle et forfaitaire de 50 000 euros, sauf à parfaire, au titre de son préjudice moral. En conséquence :

-interdire aux sociétés défenderesses ainsi qu’à l’ensemble de leurs filiales, établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants, et autres revendeurs de fabriquer, faire fabriquer, importer et/ou commercialiser tous produits reproduisant le dessin « DOGGY RIDER » de la société TEO&CO, et ce, sous astreinte définitive de 1.500 euros, par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider 1"astreinte directement,
-ordonner la destruction de l’ensemble des produits reproduisant le dessin « DOGGY RIDER » de la société TEO&CO et ce, tant au siège des sociétés CORA et LEFEBVRE TEXTILE qu’au sein de l’ensemble de leurs filiales, établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs, par un

huissier au choix de la demanderesse, aux frais avancés in solidum des défenderesses sur simple présentation des devis des huissiers,
-ordonner la confiscation des recettes réalisées par les sociétés défenderesses à hauteur de : *de la société CORA tirées de la contrefaçon à hauteur de 33 664.50 € HT, *de la société LEFEBVRE TEXTILE à hauteur de 22 506 € UT. *de la société SAUDEMONT à hauteur de 650 € HT, et ordonner leur remise au profit de la société TEO&CO,
-ordonner la publication du jugement à intervenir, dans son intégralité ou par extraits dans 10 journaux ou publications professionnels (y compris électroniques) au choix de la société TEO&CO et aux frais avancés in solidum des défenderesses qui en régleront le prix sur simple présentation des devis justificatifs, dans la limite de 8.000 euros HT, par insertion, soit la somme totale de 80.000 euros HT, À titre subsidiaire
-dire et juger que les défenderesses ont commis des actes de parasitisme au préjudice de la société TEO&CO, en reprenant sans bourse délier les éléments d’identification de la société TEO&CO.

En conséquence :

-condamner in solidum les défenderesses à verser à la société TEO&CO la somme forfaitaire de 150 000 euros, sauf à parfaire, au titre du préjudice subi du fait des actes de parasitisme,
-interdire aux mêmes, ainsi qu’à l’ensemble de leurs filiales, établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants, et autres revendeurs de fabriquer, faire fabriquer, importer et/ou commercialiser tous produits reproduisant le dessin « DOGGY RIDER » de la société TEO&CO et ce, sous astreinte définitive de 1.500 euros, par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l’astreinte directement, -ordonner la destruction de l’ensemble des produits reproduisant le dessin "DOGGY RIDER'* et ce, tant au siège de la société CORA et de la société LEFEBVRE TEXTILE qu’au sein de l’ensemble de leurs filiales, établissements secondaires, succursales, usines, sous- traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs, par un huissier au choix de la demanderesse, aux frais avancés in solidum des défenderesses sur simple présentation des devis des huissiers,
-ordonner la publication du jugement à intervenir, dans son intégralité ou par extraits dans 10 journaux ou publications professionnels (y compris électroniques) au choix de la société TEO&CO, aux frais avancés in solidum des défenderesses qui en régleront le prix sur simple présentation des devis justificatifs, dans la limite de 8.000 euros H.T par insertion. En tout état de cause :

-ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie.

— condamner in solidum les sociétés défenderesses à verser à la société TEO & CO la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner in solidum les sociétés défenderesses au remboursement des frais de constat et de saisie contrefaçon au profit de la société TEO&CO à hauteur de 2 447.70 euros.

-condamner les défenderesses in solidum aux dépens de l’instance, dont distraction au profit du Cabinet CCK AVOCATS ASSOCIES, en application de l’article 699 du code de procédure civile. Au soutien de ses prétentions, la société TEO & CO soutient que : Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon
-elle a obtenu deux ordonnances pour deux établissements distincts, qui se sont révélés, bien que figurant sur deux communes différentes, être mitoyens, de sorte que l’huissier mandaté pour celui de Marne la Vallée a sursis à ses opérations. Les opérations de saisie-contrefaçon sont parfaitement régulières, l’huissier étant autorisé à instrumenter y compris « dans tous les autres locaux, établissements ou centrales désignés par le répondant ». L’huissier pouvait également se faire accompagner de son collaborateur ainsi que d’un commissaire de police, bien que non prévus à l’ordonnance, lesquels n’ont pas participé aux opérations, en l’absence de grief invoqué par les défendeurs. La requête a été valablement signifiée à la personne se déclarant habilitée à recevoir l’acte pour la personne morale. L’huissier a régulièrement retranscrit les propos tenus et n’a pas à mentionner les questions qu’il a posées. La coquille dans la retranscription sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon de l’heure de la signification de l’ordonnance est sans incidence. Même annulé en tout état de cause, la demanderesse estime que d’autres éléments (achat du produit et prospectus) établissent la matérialité des faits. Sur la titularité des droits
-les défendeurs ne sont pas recevables à contester la régularité de l’acte de cession de droits consentie par la gérante de la société TEO à cette dernière.

-la société demanderesse bénéficie, du fait de l’exploitation sous son nom et l’exploitation non équivoque de la présomption de titularité des droits d’auteur. Sur la protection au titre des droits d’auteur
-le dessin DOGGY RIDER, original, compte tenu de ses caractéristiques, bénéficie de la protection au titre des droits d’auteur. Sur la contrefaçon
-Elle est caractérisée du fait de la reproduction des caractéristiques du dessin, sur les parures de lit mais également sur les prospectus. Sur les préjudices
- la contrefaçon porte sur une masse de 2530 parures de lit, vendues par LEFEBVRE TEXTILES à CORA aux prix selon les modèles de 6.58 euros. 9.40 euros et 12.40 euros, soit un chiffre d’affaires pour

LEEEBVRE TEXTILES de 22 506 euros et pour CORA de 33664,50 euros après revente des articles aux prix de 9.95 euros. 14,15 euros et de 18,30 euros et une perte de licence pour TEO & CO de 19 882.55 euros (fixée à 10 % du chiffre d’affaire de son licencié CDESIGN).

-compte tenu du volume de la commercialisation et de la publicité massive autour des produits litigieux, le dessin est banalisé et dévalorisé et la demanderesse supporte également un préjudice moral.

-la demanderesse sollicite la confiscation des recettes réalisées par chacun des défendeurs. Subsidiairement sur le parasitisme
-les défenderesses ont volontairement pillé l’élément d’identification de la société TEO & CO.

La société CORA dans ses dernières écritures signifiées le 10 mars 2014 par voie électronique soulève in limine litis, la nullité de la saisie-contrefaçon du 6 février 2013 et sollicite du tribunal de :

-dire et juger que la saisie-contrefaçon du 6 février 2013 est nulle,
-dire et juger que TEO & CO ne peut bénéficier de la présomption de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle,
-dire et juger que TEO & CO ne rapporte pas la preuve de sa qualité avancée d’auteur ou de titulaire des droits sur le dessin litigieux. En conséquence,
-débouter TEO & CO de l’intégralité de ses demandes en contrefaçon à l’encontre de Cora,
-dire et juger que la pièce adverse n° 4 est dénuée de toute force probante.

-dire et juger que le dessin litigieux est dénué d’originalité au sens des dispositions du code de la propriété intellectuelle et débouter TEO & CO de l’intégralité de ses demandes en contrefaçon à l’encontre de Cora.

-dire et juger que la parure de lit « BOULOT » prétendument commercialisée par Cora ne constitue pas la contrefaçon du dessin litigieux revendiqué par Teo & Co et débouter TEO & CO de l’intégralité de ses demandes en contrefaçon à l’encontre de Cora.

-dire et juger que TEO & CO n’apporte aucune preuve d’actes de parasitisme de Cora et débouter TEO & CO de l’intégralité de ses demandes au titre du parasitisme à l’encontre de Cora. À titre subsidiaire.

-dire et juger que TEO & CO ne démontre pas de préjudice,
-débouter TEO & CO de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de Cora.

-la condamner à régler à Cora la somme de 10.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. À titre infiniment subsidiaire.

-condamner Lefebvre Textile à garantir Cora de l’ensemble des condamnations qui seraient prononcées contre elle,
-condamner la même aux dépens.

La société CORA expose que :

-les opérations de saisie-contrefaçon sont nulles du fait de la violation par 1"huissier des termes de l’ordonnance, du fait de la présence non autorisée de son collaborateur et du dépassement de mission, en se rendant dans l’établissement de Marne la Vallée et en raison de l’absence de consignations des démarches de l’huissier (incohérence chronologique de sorte que le tribunal ne peut s’assurer du délai suffisant laissé au saisi pour prendre connaissance de l’ordonnance et apprécier la portée de la saisie-contrefaçon).

- la facture d’achat est dépourvue de valeur probante,
-la demanderesse ne justifie pas de la titularité de ses droits sur le dessin, ni de l’originalité de celui-ci.

-elle est de bonne foi et la preuve de l’élément intentionnel n’est pas rapportée.

-la contrefaçon n’est pas constituée car la parure de lits ne reproduit pas le môme dessin,
-le parasitisme n’est pas constitué, ni le préjudice financier en l’absence de commercialisation du dessin.

La société LEFEBVRE TEXTILES a fait signifier des écritures notifiées par voie électronique le 25 février 2014 et poursuit in limine litis, la nullité de la saisie contrefaçon pratiquée par TEO & CO et le débouté de l’intégralité des demandes de la société TEO & CO. Au fond, cette défenderesse conteste la qualité à agir de la demanderesse et soutient que le dessin réalisé par la société SAUDEMONT ne constitue pas une contrefaçon du dessin de TEO & CO, À titre infiniment subsidiaire, elle demande de dire que la société TEO & CO ne justifie pas d’un préjudice indemnisable et en conséquence la débouter de l’intégralité de ses demandes. En toute hypothèse, elle expose que la concurrence parasitaire n’est pas justifiée. En cas de condamnation au préjudice de la société LEFEBVRE TEXTILE, elle réclame la garantie de la société DESSINS Jean et Jacques S, au titre des dites condamnations tant en principal, intérêts, frais et accessoires. Elle réclame la condamnation de tout succombant à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les frais et dépens, dont distraction au profit de Me M conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Au soutien de ses prétentions, la société LEFEBVRE TEXTILES expose que :

-elle fournit les magasins CORA, en linge de maison et a fait appel à la société SAUDEMONT en qualité de dessinateur professionnel,
-elle invoque la nullité des opérations de saisie-contrefaçon pour les mêmes motifs (personne accompagnant l’huissier non autorisée,

absence de remise au saisi de l’ordonnance) et soutient que les autres preuves des faits sont irrecevables,
-elle conteste la qualité d’auteur de la gérante de la demanderesse, la recevabilité de l’action de la société TEO&CO et l’originalité du dessin revendiqué ainsi que la matérialisation de la contrefaçon en l’absence de reproductions des caractéristiques du dessin
-elle invoque sa bonne foi,
-elle critique les réclamations indemnitaires de la demanderesse indiquant que sa marge nette est de 3573 euros, que la demanderesse ne justifie pas de la commercialisation de tels articles sauf par l’intermédiaire de son licencié et que seule peut être invoquée une perte de chance de percevoir les redevances de licence,
-elle conteste l’existence de faits distincts de contrefaçon, caractérisant le parasitisme,
-elle sollicite la garantie de la société J et J S. Par conclusions du 14 novembre 2013 signifiées par voie électronique, la société SAUDEMONT sollicite du tribunal de : * In limine titis, de dire nulle la saisie contrefaçon pratiquée par TEO & CO et la débouter de l’intégralité de ses demandes. *À titre principal, de dire que TEO & CO ne justifie pas de sa qualité à agir et la débouter de toute demande. *À titre subsidiaire de dire que le dessin réalisé par la société SAUDEMONT ne constitue pas une contrefaçon du dessin de TEO& CO, *A titre infiniment subsidiaire, de dire que la société TEO&CO ne justifie pas d’un préjudice indemnisable et en conséquence, la débouter de l’intégralité de ses demandes, *En toute hypothèse, de dire qu’il n’y a pas concurrence parasitaire et débouter TEO&CO de l’intégralité de ses demandes de ce chef,
-condamner la société TEO&CO à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les frais et dépens. Cette défenderesse développe au soutien de ses prétentions les arguments suivants :

-les opérations de saisie-contrefaçon sont nulles, du fait du non- respect des termes de l’ordonnance l’autorisant quant à l’assistance de l’huissier et pour absence de remise au saisi de l’ordonnance, et soulève l’irrecevabilité des autres preuves,
-elle conteste la qualité d’auteur de la gérante et la recevabilité de l’action de la demanderesse.

-elle invoque l’absence d’originalité du dessin,
-elle conteste la contrefaçon et compare les deux dessins,
-elle s’oppose aux prétentions financières de la société TEO&CO, qui n’établit pas commercialiser de tels produits,
-elle expose que la demanderesse ne peut cumuler les demandes, au titre du parasitisme.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 juin 2014 et plaidée le 16 décembre 2014. MOTIFS DE LA DÉCISION
-validité des opérations de saisie-contrefaçon Les opérations de saisie-contrefaçon doivent se dérouler strictement conformément aux modalités fixées à l’ordonnance. La société TEO&CO a fait procéder par Me D, le 06 février 2013, suivant autorisation du 28 janvier 2013, à un procès-verbal de saisie- contrefaçon dans les locaux de l’établissement CORA de C BEAUBOURG (77). La validité des opérations est contestée du fait de la présence de personnes non visées à l’ordonnance, des conditions d’exécution de la saisie et du dépassement de mission par l’huissier. La requête et l’ordonnance ont été régulièrement signifiées à la société CORA, par remise de l’acte à une personne présente, en l’occurrence Marc O, qui s’est déclaré habilité à le recevoir pour le saisi. La société CORA, seule responsable de l’intervention, dans le cadre de la saisie, d’un salarié autre que celui ayant reçu l’acte, en l’occurrence Marc W, responsable du service déco-ménage, dûment désigné au procès verbal de saisie-contrefaçon, qui a répondu aux questions de l’huissier, ne peut se prévaloir de l’existence d’une irrégularité de ce chef.

Les contradictions des mentions relatives à l’heure de délivrance de cet acte à 9h15 (suivant les indications portées sur l’expédition) ou à 9h45 (suivant indications de la copie de ce document) sont sans incidence sur la validité des opérations, car le saisi, lequel au demeurant n’allègue aucun grief, a dans toutes les hypothèses, bénéficié avant le commencement des opérations à 10h30, d’un délai suffisant (de une heure quinze ou de trois-quarts d’heure) pour prendre connaissance des termes de l’ordonnance, avant que l’huissier ne procède à ses opérations. Le procès-verbal, qui fait foi jusqu’à inscription de faux, indique que Me D a effectué ses opérations au […] (77) et aucune pièce n’établit qu’il se serait rendu à une autre adresse, où il n’aurait pas été autorisé à instrumenter. Le procès-verbal de saisie-contrefaçon établit également que Fabien J, es qualité de collaborateur de Me D, a assisté l’huissier, tout comme le commandant de police POISSON. Toutefois, l’ordonnance autorise l’huissier à être accompagné de la force publique (9°/) et à défaut de mentions contraires de l’acte, il se déduit que le collaborateur de l’huissier n’a pas pris une part active aux constatations et la seule présence de celui-ci n’est donc pas de nature à affecter la validité de la saisie-contrefaçon.

En revanche, le procès-verbal ne retranscrit pas les questions posées par l’huissier, mais uniquement les réponses du saisi, libellées parfois au style indirect (" Mr W me dit que") ou en faisant usage de la première personne du singulier pour transcrire indistinctement, les déclarations du saisi {« Je vous remets… ») ou celles de l’huissier (« j’ai signifié… », « j’ai clôturé… »), ce qui confère à l’ensemble une absence totale de clarté et ne permet pas, en tout état de cause, de déterminer si l’huissier instrumentaire s’est limité au strict accomplissement de sa mission. Le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 06 février 2013 réalisé par Me D doit donc être annulé.

— valeur probante de l’achat du 02 janvier 2013

La société TFO&C’O produit une facture du 02 janvier 2013 au magasin CORA d’A, une « housse 140x 200 et 1 taie BOULOT » x 2, contre le prix de 23.80 euros (11.90 x 2). Outre que les circonstances de l’achat ne sont pas déterminées (identité de l’auteur, absence de manipulation) le seul ticket de caisse ne permet pas d’établir que les produits acquis ce jour-là, sont ceux communiqués (pièce 5) ou correspondent à ceux proposés sur la brochure publicitaire. Ce document est insuffisant à établir la matérialité de la contrefaçon.

- recevabilité des prétentions Il est contesté la force probante et la validité de la cession de droits intervenue entre Angeline B et la société demanderesse, ainsi que la recevabilité de l’action initiée par la société TFO & CO.

La personne morale qui exploite une œuvre sous son nom, bénéficie à l’égard des tiers recherchés en contrefaçon, en l’absence de revendication de l’auteur, d’une présomption simple de titularité des droits sur l’œuvre, sous réserve que la commercialisation soit non-équivoque, c’est à dire que la réalité de la divulgation ne fasse aucun doute et que la divulgation ait date certaine. À défaut, la société doit justifier des conditions dans lesquelles elle est investie de droits patrimoniaux. En l’occurrence, la société TEO&CO, qui exploite sous le nom commercial de TEO J, produit divers documents, notamment :

-un catalogue TEO J de septembre 2009, dont la page 21 reproduit des articles comportant le dessin Doggy rider et la facture d’imprimerie correspondante du 27 août 2009 portant sur le tirage de 4000 catalogues, qui établit que le document n’est pas demeuré à l’état de maquette.

-un extrait daté de 09 novembre 2012 du site internet de TEO J, présentant des tableaux dénommés TEO R, reproduisant l’animal casqué,

— des factures du 18 novembre 2009 et 18 janvier 2011 de commercialisation par la société TEO JASMIN, de produits Doggy Rider,
-un dépôt fidealis du 16 novembre 2010, au nom de TEOJASMIN, portant sur le même dessin,
-un contrat de licence du 20 mai 2011, consenti par la S.A.R.L. TEO J, au profit de la société C DESIGN Home. Ces documents établissent une exploitation, continue et non équivoque, du dessin objet du litige, sous le nom de la société TEO JASMIN, alors que les défenderesses ne rapportent aucun élément utile pour combattre la présomption précitée à l’égard des tiers présumés contrefacteurs et alors que cette présomption est confortée par l’attestation du 23 janvier 2013 établie par Angeline B, qui se déclare auteur du dessin et y affirme avoir cédé ses droits à la société TEO&CO. Les parties ne peuvent en outre invoquer l’irrégularité de cette cession, que seules les parties à l’acte peuvent contester. Sur l’originalité du modèle opposé L’œuvre quelle qu’elle soit, n’est protégée au titre des droits d’auteur, que pour autant qu’elle présente un caractère original. La société TEO&Co revendique la représentation humanisée et accessoirisée par le port d’un casque de moto rayé, d’un bouledogue stylisé de couleur blanche avec une tache noire à l’œil droit, présenté de face, avec un éclairage par le haut pour accentuer les traits du museau et du corps de bouledogue et mettre en avant les plis de l’animal, la patte droite étant positionnée en avant avec les quatre doigts des pattes bien démarqués. La combinaison de l’ensemble de ces éléments, associant la représentation d’un chien en position assise, de type bouledogue, avec un casque de moto, accessoire totalement étranger au monde des animaux, a pour effet de créer le personnage d’un animal humanisé, pilote de moto.

Cet assemblage inattendu procède d’un parti pris esthétique, révèle les choix propres de l’auteur, qui caractérisent la créativité et l’empreinte de la personnalité de l’auteur, peu important que pour ce faire, l’auteur ait utilisé l’assistance d’un ordinateur. Les pièces produites par les sociétés défenderesses, essentiellement constituées de clichés de chiens, pris de face, accessoirisés (chapeau, pipe, chaussures, perruques, lunettes, nœud papillon….) soit ne sont pas datées, soit sont postérieures à la divulgation en 2009 du dessin revendiqué par la demanderesse et ne sont pas de nature à altérer l’originalité du « personnage Doggy Rider ».

L’œuvre opposée étant originale par la combinaison des éléments ci-dessus, leur disposition et leur couleur, est protégeable au titre du droit d’auteur. Sur la contrefaçon L’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle déclare illicite/'toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause« . En l’espèce, le prospectus publicitaire diffusé par la société CORA à près de 3,8 millions exemplaires, offre à la vente, page 13, entre le 26 décembre au 05 janvier 2013, dans de nombreux magasins de l’enseigne (à l’exception selon le catalogue, d’une quinzaine ou de 26 d’entre eux) une parure de lit dénommée »Boulot", comprenant en partie centrale de la couette, une bande de grands carrés de couleur, comportant alternativement, la reproduction d’un chat muni d’un bonnet de nuit et d’un chien bouledogue allongé de face, coiffé d’un casque et sur chacune des taies, la reproduction des mêmes animaux, dans un unique carré de couleur. La reproduction du chien, portée sur les prospectus diffusés par CORA et sur les parures litigieuses, reprend dans une combinaison identique, les caractéristiques essentielles de l’œuvre exploitée par la société TEO &Co (bouledogue présenté de face, tache à l’œil, positionnement des pattes, coiffé d’un casque à rayures). Les différences alléguées par les défenderesses (couleur des rayures du casque, positions des yeux, des pattes, des ombres, animal allongé, collier…) tout comme l’intégration de ce dessin parmi d’autres éléments figuratifs (en l’occurrence, le chat) sont totalement secondaires au regard de ces ressemblances. Le dessin litigieux a été proposé par la société SAUDEMONT, à la société LEFEBVRE TEXTILES qui a livré à la société CORA les parures de lit. En reproduisant et en commercialisant sans autorisation, l’œuvre de la société TEO &CO, chacune de ces sociétés ont commis, dans le champ d’intervention qui était le leur, des actes de contrefaçon de droit d’auteur. Sur les mesures réparatrices Les différents acteurs d’une chaîne de contrefaçon, qu’ils soient fabricants, distributeurs, revendeurs, dès lors qu’ils ont participé aux faits de contrefaçon, sont tenus d’indemniser le préjudice de la victime des agissements et la bonne foi en la matière est inopérante. En vertu de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés

par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l’atteinte. Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. L’article L 331-1-4 in fine du même code autorise en outre la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par la contrefaçon au contrefacteur (….) qui seront remises à la partie lésée ou à ses ayants droit. La société LEFEBVRE TEXTILES indique avoir livré, suivant attestation de son commissaire aux comptes du 19 mars 2013, 2 530 parures à la société CORA, pour un prix de 22 506 euros, soit une marge brute de 3 500 euros, dont la vente aurait procuré à la société CORA, un chiffre d’affaires HT de près de 34 000 euros. La société TEO&CO. qui n’établit pas commercialiser directement ce type de produits, mais par l’intermédiaire de son licencié C DESIGN, aurait perçu à titre de redevances de licence, suivant contrat de licence dont il est justifié, une somme de 19 800 euros. La reproduction de manière quasi-servile du dessin protégé, qui s’il n’est pas le seul modèle exploité, n’en constitue pas moins l’un de ceux caractérisant l’identité visuelle de la société TEO&CO, entraine la banalisation du produit. Compte-tenu de ces éléments, le tribunal est en mesure de fixer à la somme de 20 000 euros, le montant de la réparation du préjudice subi par la société du fait de la contrefaçon et de la banalisation du dessin, au paiement de laquelle les parties défenderesses seront condamnées in solidum. La société TEO&CO sera déboutée de sa demande d’indemnisation au titre du droit moral, dont elle n’est pas titulaire et de sa demande tendant à la confiscation des recettes réalisées par les défenderesses, qui n’apparait pas justifiée. Compte tenu de l’ancienneté des faits, intervenus dans le cadre d’une campagne promotionnelle d’une durée limitée, la mesure d’interdiction de vente est sans objet. En outre, pour les mêmes raisons et alors que le dommage est suffisamment réparé par l’octroi des dommages-intérêts, il ne sera pas fait droit à la demande de publication.

Sur la demande de parasitisme La société TEO& CO forme cette réclamation, à titre principal avec la demande au titre de la contrefaçon ou seule à titre subsidiaire, mais n’établit toutefois pas l’existence de faits distincts de ceux de la

contrefaçon, caractérisant une faute des défenderesses, autre que celle constitutive de la contrefaçon et susceptible d’être indemnisée sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Sur les garanties de la société LEFEBVRE TEXTILES à l’égard de la société CORA et de la société DESSINS JEAN ET JACQUES S à l’égard de la société LEFEBVRE TEXTILES En application des dispositions des articles 1625 et 1626 du code civil, le vendeur est notamment tenu à garantir à son vendeur une jouissance paisible de la chose vendue, ainsi que des charges sur cet objet non déclarées lors de la vente. En l’occurrence, la société DESSINS JEAN ET JACQUES S a vendu à la société LEFEBVRE, un dessin que cette dernière a utilisé pour fournir à la société CORA, la commande de linge de maison. La société LEFEBVRE TEXTILES s’est engagée à l’égard de la société CORA, à lui fournir des produits authentiques, conformes à la réglementation en matière de propriété intellectuelle, libres de droit et à la garantir de toute action judiciaire en contrefaçon. La société CORA est donc fondée à se retourner contre son vendeur la société LEFEBVRE, laquelle doit à son tour être garantie par son vendeur, la société DESSINS JEAN ET JACQUES S. Sur l’exécution provisoire Il est nécessaire en l’espèce et compatible avec la nature de l’affaire d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision. Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile Les sociétés défenderesses qui succombent supporteront les dépens, à l’exclusion des frais du constat d’achat et de la procédure de saisie-contrefaçon, qui demeureront à la charge de la demanderesse. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, à payer à l’autre partie, au titre des frais non compris dans les dépens, la somme qu’il détermine, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. La somme de 3000 euros sera allouée à la demanderesse à ce titre.

PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement contradictoirement, en premier ressort et par jugement mis à disposition au greffe; Déclare nul le procès-verbal de constat de Me D, établi le 06 février 2013, Déclare recevable l’action de la société TEO&CO,

Dit que les sociétés CORA, LEFEBVRE TEXTILES et DESSINS JEAN ET JACQUES S ont commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur à rencontre de la société TEO&CO, en offrant à la vente sans l’autorisation de celle-ci, des parures de lit reproduisant les caractéristiques de l’œuvre dont la société TEO&CO détient les droits patrimoniaux. Condamne in solidum les sociétés CORA. LEFEBVRE TEXTILES et DESSINS JEAN ET JACQUES S à payer à titre de dommages-intérêts à la société TEO&CO, la somme de 20 000 euros pour atteinte à ses droits patrimoniaux et dépréciation de l’œuvre.

Dit n’y avoir lieu à publication du dispositif du jugement. Dit que la société DESSINS JEAN ET JACQUES S devra garantir la société LEFEBVRE TEXTILES de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre. Dit que la société LEFEBVRE TEXTILES devra garantir la société CORA de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre. Déboute les parties du surplus de leurs demandes. Ordonne l’exécution provisoire de la décision. Condamne les sociétés CORA, LEFEBVRE TEXTILES et DESSINS JEAN ET JACQUES S à verser à la société TEO&CO la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Condamne les sociétés CORA, LEFEBVRE TEXTILES et DESSINS JEAN ET JACQUES S aux dépens avec distraction au profit du Cabinet CCK avocats associés, en application de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 30 janvier 2015, n° 13/03732