Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 18 décembre 2015, n° 14/00569

  • Convention collective de l'industrie pharmaceutique·
  • Dépôt ou délivrance d'un brevet·
  • Exploitation de l'invention·
  • Rémunération supplémentaire·
  • Convention collective·
  • Invention de mission·
  • Invention de salarié·
  • Droit international·
  • Contrat de travail·
  • Régime applicable

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le contrat de travail international conclu entre un inventeur salarié français et une société monégasque est régi par la loi monégasque. La loi applicable au contrat de travail est en principe celle du lieu de son exécution. En l’espèce, les parties n’ont pas fait de déclaration expresse quant à la loi devant régir leur relation contractuelle et le contrat a été exécuté pendant toute sa durée à Monaco. S’il est fait référence dans la lettre d’embauche à l’engagement du salarié « avec tous les droits contractuels établis par la Convention collective de l’industrie pharmaceutique », ce seul renvoi ne peut s’interpréter comme une volonté expresse de soumettre le contrat à la loi française. Il ressort de l’article 12 de l’avenant Cadres de la convention collective de l’industrie pharmaceutique, incorporé au contrat de travail liant les parties, que « si dans le délai de cinq ans consécutif à la prise du brevet, celui-ci a donné lieu à une exploitation commerciale, le salarié dont le nom est mentionné sur le brevet a droit à une rémunération en rapport avec la valeur de l’invention, et ceci même dans le cas où le salarié serait à la retraite ou ne serait plus au service de l’employeur ». En l’espèce, l’exploitation commerciale des brevets français et européens dont le salarié est co-inventeur n’est pas intervenue dans les cinq ans de leur dépôt et le brevet américain n’est pas exploité. Le salarié n’est donc pas fondé à solliciter une rémunération supplémentaire. Par ailleurs, l’exploitation commerciale du brevet au sens de la clause précitée ne peut s’entendre du démarrage des étapes préalables à toute vente, à savoir les essais cliniques et les différentes demandes d’autorisations de commercialisation. En effet, la référence à une « exploitation commerciale » est claire et doit s’entendre de la mise en vente au public du produit breveté.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 18 déc. 2015, n° 14/00569
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/00569
Publication : PIBD 2016, 1046, IIIB-227
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 9 mars 2012, 2011/00283 (en réquisition) Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 24 mai 2013, 2011/00283
  • Cour d'appel de Paris, 4 décembre 2013, 2012/09804
  • Cour d'appel de Paris, 11 décembre 2013, 2013/12507
  • Cour de cassation, 10 juin 2015, Q/2014/15180
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : FR9612239 ; EP0956022 ; EP1334725 ; WO0130355 ; EP2020236
Titre du brevet : Nouvelle composition hormonale et son utilisation ; Composition hormonale constituée d'un composé estrogène et d'un composé progestatif ; Utilisation d'une composition estrogrogestative en tant que contraceptif oral ; Médicament contraceptif à base d'un progestatif et d'un estrogène et son mode de préparation ; Méthode contraceptive à base d'un progestatif et d'un estrogéne
Classification internationale des brevets : A61K ; A61P ; Y10S ; C07J
Référence INPI : B20150173
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 18 décembre 2015

3e chambre 2e section N° RG : 14/00569

Assignation du 30 décembre 2010

DEMANDEUR Monsieur .Jacques PARIS représenté par Me Benoît LE BARS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0184

DÉFENDERESSE Société LABORATOIRE THERAMEX 4. […] II 98007 MONACO CEDEX représentée par Me Jacques-Antoine ROBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0031

COMPOSITION DU TRIBUNAL François A 1er Vice-Président Adjoint Françoise B. Vice-Président Julien S. Vice-Président assistés de Jeanine ROSTAL FF Greffier

DEBATS A l’audience du 29 octobre 2015 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS. PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Monsieur Jacques P a été employé du 1er mai 1969 jusqu’à son départ à la retraite le 31 janvier 2004 par la société de droit monégasque LABORATOIRE THERAMEX (ci-dessous désignée le LABORATOIRE THERAMEX). Il expose avoir animé et dirigé le laboratoire d’histologie et d’anatomie-pathologie, avant d’être successivement Directeur Recherche & développement puis Directeur des Affaires Scientifiques. Il ajoute qu’il a, à ce titre, participé comme inventeur ou co-inventeur à plusieurs inventions brevetées par ladite société. Estimant en particulier avoir élaboré et mis au point une pilule contraceptive sous le nom commercial « Zoely » ayant fait l’objet de plusieurs brevets d’invention, et avoir droit à ce titre au bénéfice du régime français des inventeurs salariés du secteur privé tel que prévu par l’article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle, il a, par acte

d’huissier en date 30 décembre 2010, enregistré sous le numéro RG 11/00283, fait assigner le LABORATOIRE THERAMEX devant le tribunal de grande instance de PARIS aux fins de le voir notamment condamner au paiement d’une somme de 75 000 000 euros à titre de rémunération supplémentaire de son invention de salarié outre la somme de 500 000 euros à titre de préjudice moral et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 50 000 euros, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire. Par décision du 9 mars 2012, le juge de la mise en état, faisant application du privilège de juridiction prévu à l’article 14 du code civil, a rejeté l’exception d’incompétence territoriale soulevée par le LABORATOIRE THERAMEX au profit des juridictions monégasques. Ayant interjeté appel de cette ordonnance, le LABORATOIRE THERAMEX a sollicité devant le juge de la mise en état le sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel. Par ordonnance du 24 mai 2013, le juge de la mise en état a fait droit à cette demande mais a condamné le LABORATOIRE THERAMEX au paiement d’une provision de 50 000 euros à verser sur le compte CARPA du cabinet LAZAREFF LE BARS AARPI. Le LABORATOIRE THERAMEX a également interjeté appel de cette décision s’agissant de l’octroi de la provision.

Par arrêt du 4 décembre 2013, la cour d’appel de PARIS a confirmé l’ordonnance du 9 mars 2012 et considéré que le tribunal de grande instance de Paris était bien compétent pour statuer sur le litige en application de l’article 14 du code civil et D 211-6 du code de l’organisation judiciaire. Le pourvoi diligente contre cet arrêt a été rejeté par une décision de la Cour de cassation du 10 juin 2015. Par arrêt du 11 décembre 2013, la cour d’appel de PARIS, statuant sur l’appel interjeté par le LABORATOIRE THERAMEX qui contestait l’octroi d’une provision de 50 000 euros à Monsieur Jacques P, a également confirmé l’ordonnance du 24 mai 2013 en ce qu’elle avait attribué cette provision. Le pourvoi diligente contre cet arrêt a été rejeté par une décision de la Cour de cassation du 10 juin 2015, la Cour estimant que la décision allouant une provision n’ayant pas mis tin à l’instance engagée devant le tribunal, le pourvoi n’était pas immédiatement recevable.

Par conclusions notifiées le 8 janvier 2014, Monsieur Jacques P a sollicité le rétablissement de l’affaire.

L’affaire a été rétablie au rôle sous le numéro RG 14/00569.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 mai 2015. Monsieur Jacques P demande au tribunal, au visa notamment des articles L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle et L. 2261 -22 du code du travail, de la convention collective UNIPHAR

et ses avenants, et des articles 2224 du code civil et L. 3245-1 (ancien) du code du travail, de :

À TITRE PRINCIPAL. Sur le droit applicable.

— CONSTATER que la loi française est applicable à la présente affaire :

-À titre subsidiaire, CONSTATER que les dispositions du Code de la propriété intellectuelle relative au régime des inventions de salariés sont applicables à la présente affaire ;

Sur la prescription.

— CONSTATER que l’action du Dr P n’est pas prescrite :

Sur le fond.

-DIRE ET JUGER que les conditions posées par l’article 12 de l’avenant cadre de la convention collective UNIPHAR subordonnant la rémunération des inventions de salarié à une exploitation commerciale de f invention clans un délai de cinq ans consécutifs à la prise de brevet sont contraires au droit français d’ordre public sur la rémunération des inventions de salariés et doivent en conséquence être réputées non-écrites :

-À titre subsidiaire, DIRE ET JUGER que les conditions posées par l’article 12 de l’avenant cadre de la convention collective UNIPHAR subordonnant la rémunération des inventions de salarié à une exploitation commerciale de l’invention clans un délai de cinq ans consécutifs à la prise de brevet sont remplies en l’espèce :

-DIRE ET JUGER que la société LABORATOIRE THERAMEX n’a jamais rémunéré Monsieur Jacques P pour ses inventions et notamment celles relatives à la pilule « Zocly » protégée par les brevets européens EP 1 334 725 m et EP 0 956 022 Bl, la demande de brevet européen EP 2 020 236 Al et le brevet américain 7 749 987 B2 :

En conséquence :

— CONDAMNER la société LABORATOIRE THERAMEX à payer à Monsieur Jacques P la somme de 9 900 000 euros à titre de rémunération supplémentaire pour ses inventions de salarie relatives à la pilule « Zoely » : À TITRE SUBSIDIAIRE.

— CONSTATER que la convention collective UNIPHAR prévoit un droit à rémunération des salariés pour leurs inventions ;

-DIRE ET JUGER que les conditions posées par l’article 12 de l’avenant cadre de la convention collective UNIPHAR subordonnant la rémunération des inventions de salariés à une exploitation commerciale de l’invention clans un délai de cinq ans consécutifs à la prise de brevet sont remplies en l’espèce ;

- DIRE ET JUGER que la société LABORATOIRE THERAMEX n’a jamais rémunéré Monsieur Jacques P pour ses inventions et notamment celles relatives à la pilule « Zoely » protégée par les brevets européens n° EP 1 334 725 Bl et EP 0 956 022 Bl. la demande de brevet européen n° EP 2 020 236 Al et le brevet américain n° 7 749 987 B2:.

En conséquence

— CONDAMNER la société LABORATOIRE THERAMEX à payer à Monsieur Jacques P la somme de 9 900 000 euros à titre de rémunération supplémentaire pour ses inventions de salarié relatives à la pilule « Zoely » ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE.

- DIRE ET JUGER que la société LABORATOIRE THERAMEX, en ignorant pendant plus de trente-quatre années consécutives le principe même de la rémunération à laquelle Monsieur Jacques P avait droit a délibérément porté atteinte à son droit moral d’inventeur ;

- En conséquence, CONDAMNER la société LABORATOIRE THERAMEX à payer à Monsieur Jacques P la somme de 500 000 euros au titre de son préjudice moral ;

-AUTORISER Monsieur Jacques P à faire afficher, par extrait, le jugement à intervenir au siège de la société LABORATOIRE THERAMEX ;

-AUTORISER Monsieur Jacques P à faire publier, par extrait, le jugement à intervenir dans cinq journaux, périodiques ou magazines français ou étrangers de son choix, aux frais exclusifs de la société LABORATOIRE THERAMEX, à concurrence de 7 000 euros hors taxes par insertion :

-ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir, notamment en ce qui concerne le paiement des dommages et intérêts, nonobstant appel et sans constitution de garanties ou mesure de séquestre :

— CONDAMNER la société LABORATOIRE THERAMEX à verser à Monsieur Jacques P la somme de 100 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

-CONDAMNER la société LABORATOIRE THERAMEX aux entiers dépens de l’instance avec application de l’article 699 du Code de Procédure Civile au profit de l’association LAZAREFF LE BARS, avocats, sur son affirmation de droit ;

— DEBOUTER la société LABORATOIRE THERAMEX en toutes ses demandes, fins et conclusions. Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 septembre 2015, le LABORATOIRE THERAMEX entend voir, au visa notamment des articles L.611-7 du code de la propriété intellectuelle et L. 2261-22 du code du Travail, de la loi monégasque n° 739 du 16 mars 1963, de l’article 989 du code civil monégasque :

À titre principal Dire et juger que la relation de travail entre Théramex et le Docteur Jacques P était soumise au droit monégasque. Dire et juger qu’en application de la loi monégasque, les demandes du Docteur Jacques P sont prescrites. Débouter ainsi le Docteur Jacques P de l’ensemble de ses demandes et ordonner la restitution de la provision versée en exécution de l’Ordonnance du Juge de la mise en état en date du 24 mai 2013.

À titre subsidiaire

Dire et juger que le Docteur Jacques P a déjà été indemnisé. Dire et juger que les conditions contractuelles permettant l’attribution d’une rémunération complémentaire ne sont pas réunies. Débouter ainsi le Docteur Jacques P de l’ensemble de ses demandes et ordonner la restitution de la provision versée en exécution de l’Ordonnance du Juge de la mise en état en date du 24 mai 2013.

À titre infiniment subsidiaire

Dire et juger que le Docteur P ne justifie pas du montant de ses demandes.

Dire et juger que les brevets en cause sont, soit inexploités, soit sans valeur économique.

Dire et juger que le montant de la rémunération supplémentaire au titre des brevets de la famille C 46 et la famille C 52 ne saurait être supérieur à : o C 46 : 500 euros o C 52 : 750 euros

Dire et juger que les demandes du Docteur Jacques P au titre du préjudice moral sont infondées. Dire n’y avoir lieu aux mesures d’affichage et de publication. Dire n’y avoir lieu à exécution provisoire ou, à tout le moins, d’ordonner le dépôt de la somme à la Caisse des dépôts et Consignations ou de les consigner entre les mains de Monsieur l de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris constitué en tant que séquestre, à charge pour lui de les verser à qui ces sommes reviendront à l’issue de la présente procédure, toutes voies de recours épuisées.

Débouter le Docteur Jacques P de l’ensemble de ses demandes à ce titre et ordonner la restitution de la provision versée en exécution de l’Ordonnance du Juge de la mise en état en date du 24 mai 2013. En tout état de cause

Condamner le Docteur Jacques P à payer à la société Laboratoire Théramex une somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamner le Docteur Jacques P aux dépens, dont distraction au profil de Maître Jacques-Antoine Robert, selon les dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la loi applicable au contrat de travail Monsieur Jacques P considère que seule la loi française est applicable à ce litige, qui porte bien selon lui sur un contrat de travail international, dès lors que ce choix découle du fait que les parties ont entendu soumettre leur relation à la convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, ci-dessous désignée « convention UNIPHAR», et que celle-ci fait également expressément référence au droit français. Il estime qu’en optant pour l’application de la convention collective française UNIPHAR les parties ont implicitement mais nécessairement opté pour l’application de l’ensemble du droit français, plus favorable au salarié, pour régir leur relation, il considère qu’en toute hypothèse, même si l’on devait considérer que les parties n’ont pas fait

expressément ou implicitement le choix d’appliquer le droit français à leurs relations contractuelles, la loi française devra être considérée comme applicable, la relation de travail entre les parties ayant des liens plus étroits avec la France qu’avec Monaco en raison notamment de ce que les parties ont expressément choisi d’appliquer une convention collective française qui elle-même se réfère expressément au droit français ; qu’il travaillait 39 heures par semaine conformément à la législation française du travail ; que sa rémunération était en francs» que sa lettre d’embauché du 3 mars 1969 a été rédigée en langue française ; qu’il a été domicilié en permanence en France dès 1971 (à Nice depuis 1975) et pendant toute la durée de son contrat de travail et a régulièrement effectué des missions en France pour le compte de son employeur, qu’il a cotisé aux caisses françaises des ASSEDIC et de l’APEC : qu’il était résident fiscal en France où il vivait avec sa femme et son fils et payait donc ses impôts en France : que le LABORATOIRE THERAMEX était affilié à l’URSSAF de Nice puisqu’il employait des salariés, tels que le Dr P, relevant de la législation française de sécurité sociale.

À titre subsidiaire, Monsieur Jacques P expose qu’à supposer que le contrat de travail ne soit pas soumis dans son ensemble à la loi française, les dispositions relatives aux inventions de salariés de cette loi seraient tout de même applicables en l’espèce dès lors qu’il est en effet expressément renvoyé à la loi française sur les brevets d’inventions et les inventions de salariés (depuis codifiée à l’article L. 611-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle), par la convention collective UNIPI1AR à laquelle a explicitement adhéré le LABORATOIRE THERAMEX. Il estime en outre que le régime des inventions de salariés organisé par la loi française est une loi de police qui doit nécessairement s’appliquer et que le droit monégasque est contraire à l’ordre public international français en ce qu’il ne prévoit pas de rémunération supplémentaire au profit de l’inventeur salarié et qu’il méconnaît ainsi l’article 27.2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Le LABORATOIRE THERAMEX fait valoir en défense que la loi monégasque est applicable au présent litige afin de savoir si Monsieur Jacques P a droit à une rémunération supplémentaire au titre des inventions auxquelles il a contribué durant sa carrière concernant une pilule contraceptive dès lors que le contrat de travail qui le liait à Monsieur Jacques P n’était pas un contrat international, la nationalité différente des parties étant à cet égard insuffisante. Le LABORATOIRE THERAMEX précise à cet égard que le contrat a été exécuté à Monaco, au siège de la société, conformément aux conditions liées à l’embauche posées par le droit monégasque et que Monsieur Jacques P a été immatriculé auprès des organismes sociaux monégasques pendant toute la durée du contrat, dont la durée hebdomadaire de travail était conforme à la loi de la principauté (et non les 35h00 applicable en France). Il estime que le droit monégasque a toujours été appliqué entre les parties, le seul renvoi à

la convention collective UNIPHAR, et plus précisément « aux droits contractuels établis par la Convention Collective », n’étant pas de nature à emporter application de la loi française mais seulement à faire bénéficier au salarié d’avantages déterminés par cette convention, sans que dans sa globalité, la loi française soit applicable. Le LABORATOIRE THERAMEX ajoute que le régime des inventions de salariés ne peut être qualifié de loi de police, faute d’une part, de toute précision en ce sens dans l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle et d’autre part, de relever d’une loi dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale, ou économique du pays ou dont le respect est crucial pour la sauvegarde des intérêts publics. Il considère en outre que la loi monégasque ne peut être considérée comme contraire à l’ordre public international français, cette notion n’ayant vocation à écarter la loi étrangère applicable que lorsque cette loi méconnaît des principes de justice universelle doués d’une valeur internationale absolue étant observé par ailleurs que l’article 27.2 de la DUDH n’est pas une disposition contraignante mais seulement une recommandation de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Sur ce.

Sur la nature internationale du contrat de travail Un contrat est international lorsqu’il a des liens avec plusieurs systèmes juridiques à raison notamment du lieu de sa conclusion ou de son exécution, ou encore, de la situation des parties quant à leur nationalité ou leur domicile. En l’espèce, il est constant que le contrat de travail liant les parties a été conclu entre Monsieur Jacques P, ressortissant de nationalité française et domicilié en Franco et la société de droit monégasque LABORATOIRE THERAMEX ayant son siège à Monaco. Le contrat de travail peut dès lors être qualifié de contrat de travail international de telle sorte que pour déterminer la loi à laquelle il est soumis, il convient de faire application de la règle de conflit de lois applicable.

Sur la règle de conflit de lois applicable Le contrat de travail ayant été conclu en 1969, la loi applicable à ce contrat doit être déterminée en référence au droit applicable avant l’entrée en vigueur de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, et ce faisant, à défaut de déclaration expresse des parties, d’après l’économie du contrat et les circonstances de la cause. S’agissant plus particulièrement d’un contrat de travail, celui-ci doit être en principe régi par la loi du lieu do son exécution, laquelle ne peut être écartée qu’au profit d’une loi plus favorable au salarié.

En l’espèce, les parties n’ont pas fait de déclaration expresse quant à loi devant régir leur relation contractuelle dans la lettre d’embauché du 3 mars 1969. À cet égard, s’il est fait référence à l’engagement de M. P « avec tous les droits contractuels établis par la Convention Collective de l’industrie pharmaceutique », ce seul renvoi ne peut s’interpréter comme une volonté expresse de soumettre le contrat à la loi française, et ce alors que cette même lettre d’embauché évoque aussi une rémunération forfaitaire brut mensuelle « tenant compte de la durée hebdomadaire de travail effectif dans l’Entreprise », laquelle était dépendante de la loi monégasque, ou encore le fait que Monsieur Jacques P bénéficierait du « régime de retraite des Cadres supérieurs », laissant ainsi suggérer aussi une volonté des parties de faire application de la loi locale, à savoir la loi monégasque. En l’absence de déclaration expresse, il y a lieu de considérer que ce contrat est régi par la loi monégasque, le contrat ayant été exécuté pendant toute sa durée, soit entre 1969 et 2004, à Monaco, sans que ce point ne soit réellement contesté par le demandeur en dépit des quelques missions et ou réunions invoquées par ce dernier et effectuées en France, lesquelles s’inscrivent cependant dans la dimension internationale du contrat de travail revendiquée au demeurant par Monsieur Jacques P et sont inhérentes aux fonctions de direction exercées par celui-ci, dans un domaine – la recherche médicale et scientifique – où les tels déplacements sont habituels, sans que cela puisse emporter on l’espèce, en raison de leur caractère ponctuel, une délocalisation du lieu d’exécution du contrat de travail à prendre en compte pour modifier la loi applicable au contrat. Ce lieu d’exécution confère à la relation contractuelle des liens étroits avec Monaco. En revanche, il doit être considéré qu’en précisant que Monsieur Jacques P était embauché « avec tous les droits contractuels établis par la Convention Collective de l’industrie pharmaceutique », les parties ont manifestement entendu incorporer à leur relation contractuelle les bénéfices et avantages reconnus par cette Convention Collective, dont il devra être tenu compte pour l’exécution du contrat de travail et notamment s’agissant des droits reconnus au profit du salarié inventeur par cette Convention. Sur l’application de la loi française sur les inventions de salariés en tant que loi de police Une loi de police est celle dont le champ d’application dans l’espace ne dépend pas d’une règle de conflit de lois et qui a vocation à s’appliquer immédiatement au litige afin que, pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée, elle puisse réglementer l’ensemble des situations rentrant dans son périmètre, quand bien même celles-ci comportent une dimension internationale.

La loi de police a ainsi vocation à s’appliquer indépendamment de la loi désignée par la règle de conflit de lois parce que son respect est considéré comme crucial par un État pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale, ou économique au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application.

À cet égard, il y a lieu de rappeler que les articles L. 611-7 et suivants du code de la propriété intellectuelle sont issus de la loi numéro 78- 742 du 13 juillet 1978 modifiée par la loi du 26 novembre 1990 et qu’ils ont vocation à intégrer les inventions brevetables dans la relation de travail afin de garantir un certain équilibre entre d’une part, le droit des brevets qui, en protégeant l’innovation technologique entend favoriser la recherche scientifique et technique et ainsi contribuer au développement industriel et, d’autre part, le droit du travail, animé par un principe de justice sociale.

En garantissant au salarié un complément de rémunération en contrepartie du travail accompli et du bénéfice que son invention a procuré à son employeur, ces dispositions s’inscrivent cependant principalement dans la défense des intérêts des salariés. Elles ne participent pas directement de la mise en œuvre ou la défense d’un intérêt public, à l’instar de celui auquel renvoient les droits de propriété industrielle à raison du monopole qu’ils confèrent à leur titulaire en méconnaissance du principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Ce faisant, s’il doit être considéré comme justifié et légitime d’appliquer pour les salariés liés par un contrat de travail soumis à la loi française les dispositions des articles L. 611-7 et suivants, nonobstant toutes dispositions contractuelles contraires afin de garantir leur application homogène et égalitaire au profit des salariés engagés dans une telle relation de travail, et ainsi assurer la sauvegarde des intérêts sociaux protégés par la loi, une telle justification peine à être trouvée lorsque le contrat de travail est régi par une loi étrangère et ne présente de lien avec la France qu’en raison de la nationalité française du salarié, le bénéfice de ces dispositions étant inhérent à l’exécution d’un contrat de-travail et ainsi à la relation particulière entre un employeur et son salarié, faite de droits et d’obligations et ne pouvant être dépendante du seul statut personnel du salarié, lui permettant d’en bénéficier en toutes circonstances indépendamment du contrat. En conséquence, le caractère d’ordre public des dispositions précitées, ne suffît pas à en faire une loi de police au sens du droit international privé. Ce moyen sera en conséquence rejeté. Sur la contrariété de la loi monégasque à l’ordre public international français

Une loi étrangère est contraire à l’ordre public international français lorsqu’elle heurte un principe de justice universelle ou qu’elle méconnaît un principe essentiel du droit français, telles que des valeurs qui façonnent l’ordre juridique français, soit parce qu’elles en sont le fondement, soit parce qu’elles en déterminent le fonctionnement. L’octroi d’une rémunération supplémentaire au bénéfice de l’inventeur salarié, si important fût-il pour la reconnaissance du travail accompli par le salarié, ne paraît cependant pas relever d’un tel principe dès lors que cette disposition s’adresse à une catégorie relativement limitée de salariés évoluant dans le domaine au surplus particulier des sciences et techniques et qu’il ne paraît pas ainsi de « l’essence » du droit français, caractérisé par la défense de certaines valeurs françaises en lien avec les choix de la société française. Ainsi, l’application d’une telle loi étrangère qui ne proposerait pas de dispositif similaire, sans toutefois faire obstacle à sa mise en œuvre si les parties à un contrat en dispose autrement, n’est pas de nature à fragiliser le droit ou la société française au point qu’il soit nécessaire d’en écarter l’application lorsqu’elle est désignée par la règle de conflit. En l’espèce, l’absence de dispositions au profit des salariés inventeurs dans la loi monégasque ne peut être considéré comme contraire à l’ordre public international français et ce d’autant qu’il n’est pas contesté par les parties, que si celles-ci le prévoient dans le cadre de leurs relations contractuelles, au besoin par renvoi à une Convention collective, le droit monégasque ne s’oppose pas à sa mise en œuvre. Ce moyen sera en conséquence rejeté. 2- La fin de non-recevoir tirée de la prescription Le LABORATOIRE THERAMEX expose qu’en application de l’article 2092 bis du code civil monégasque, les demandes relatives aux salaires se prescrivent par 5 ans, ce délai devant courir à compter du départ à la retraite du salarié de telle sorte que le contrat de travail entre les parties ayant pris fin le 15 janvier 2004 et l’assignation ayant été engagée le 30 décembre 2010, cette action est prescrite depuis le 15 janvier 2009.

Monsieur Jacques P conclut au rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription aux motifs que l’article 2092 bis du code civil monégasque invoqué par la défenderesse n’est pas applicable au présent litige, qui est soumis à la loi française de telle sorte qu’il convient de faire application de l’article 2224 du code civil issu de la réforme du 17 juin 2008 (par renvoi de l’article L. 3245-1 du code de travail), lequel fixe le point de départ du délai de 5 ans pour agir à la date à laquelle le salarié a eu connaissance de l’exploitation par le LABORATOIRE THERAMEX du brevet issu de son invention, soit en l’espèce, s’agissant de l’exploitation de la pilule contraceptive connue

sous le nom commercial « Zoely », à compter de la fin de l’année 2011.

Sur ce. L’action engagée par Monsieur Jacques P tend à obtenir le paiement d’une rémunération supplémentaire et s’appuie en l’espèce sur les dispositions contractuelles conclues entre les parties qui renvoient aux dispositions de la Convention Collective UNIPHAR, et plus précisément, en vertu de l’article 4 de l’avenant « personnel d’encadrement », s’agissant en l’espèce de la situation d’un membre du personnel d’encadrement investi d’une mission inventive, à l’article 12 de « l’avenant Cadres » de ladite convention. Cet article 12 précise ainsi que « si dans le délai de cinq ans consécutif à la prise du brevet, celui-ci a donné lieu à une exploitation commerciale, le salarié dont le nom est mentionné sur le brevet a droit à une rémunération en rapport avec la valeur de l’invention, et ceci même dans le cas où le salarié serait à la retraite ou ne serait plus au service de l’employeur ».

Cet article instaure un droit à une rémunération, que l’on peut ainsi assimiler à un salaire.

L’action en paiement de cette rémunération doit en conséquence être soumise au délai de prescription applicable en droit monégasque au paiement des créances salariales.

Cette règle, prévue à l’article 2092 bis du code civil monégasque, texte demeurant applicable au présent litige en application des dispositions transitoires issues de la loi nouvelle monégasque du 5 décembre 2013 relative à la prescription civile, dispose que « l’action des ouvriers, gens de travail et domestiques, pour le paiement de leurs salaires, indemnité et fournitures, se prescrit par 5 ans ».

Toutefois, cet article doit s’interpréter à la lumière du principe plus général, admis en droit monégasque avant même l’introduction de cette disposition dans l’article 2045 du code civil monégasque par la loi du 5 décembre 2013 précitée, selon lequel aucune prescription ne peut commencer à courir à l’égard d’un droit qui n’est pas encore né ou qui ne donne pas lieu à une créance exigible. Ce faisant, l’action en paiement ne saurait être considérée comme prescrite, comme l’affirme la défenderesse, du seul fait de l’expiration du délai de 5 ans à compter du départ à la retraite de son salarié. En effet, en l’espèce, le droit à une rémunération de Monsieur Jacques P sur les inventions brevetées ne peut être considéré comme né qu’à compter de l’exploitation commerciale des brevets portant sur les inventions dont il est à l’origine, sous réserve que cette exploitation commerciale soit intervenue dans le délai de 5 ans « consécutif à la prise du brevet ».

À cet égard, il n’est pas contesté par le LABORATOIRE THERAMEX que l’exploitation commerciale s’agissant des brevets pour lesquels Monsieur Jacques P sollicite une rémunération supplémentaire a débuté en Europe en 2011, comme cela ressort de ses propres écritures, et celles de Monsieur Jacques P. En conséquence, l’action en paiement de Monsieur Jacques P, qui a été engagée en 2010, ne saurait être considérée comme prescrite. La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera donc rejetée. 3- La demande de rémunération supplémentaire Monsieur Jacques P considère que l’article 12 alinéa 2 de la Convention UNIPHAR qui pose des conditions restrictives au versement d’une rémunération au salarié doit être écarté en ce qu’il est contraire à l’article L. 611 -7 du code de la propriété intellectuelle qui est d’ordre public. Il estime à titre subsidiaire que les conditions posées par cet article 12 sont remplies en l’espèce dès lors que l’exigence d’une commercialisation de l’invention dans les cinq ans de la prise de brevet doit s’entendre du démarrage des étapes préalables à toute vente de l’invention, à savoir le lancement d’essais cliniques en vue de la commercialisation et les différentes demandes d’autorisations de commercialisation, et non d’une vente au public à défaut de quoi les conditions posées par cet article ne seraient jamais réalisées en matière pharmaceutique, des essais pré cliniques et cliniques et l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché étant nécessaires et pouvant prendre plusieurs années. S’agissant du montant de ses demandes, il précise que la somme qu’il a touchée à son départ à la retraite ne saurait nullement être qualifiée de « paiement d’une rémunération supplémentaire » alors que cette somme était une indemnité de départ globale calculée sur la base de l’ancienneté et pour tenir compte de son départ anticipé de 5 ans à l’âge de 60 ans, conformément aux dispositions de l’article 9 de la convention collective UNIPHAR. Il précise que les conditions d’application de l’article L 611-7 du code de la propriété intellectuelle sont réunies puisqu’il justifie avoir été salarié du LABORATOIRE THERAMEX à partir du Ie1 mai 1969 et être à l’origine des inventions brevetées ayant donné lieu à la pilule « Zoely » protégées par plusieurs brevets en Europe comme aux États-Unis. Pour évaluer sa rémunération. Monsieur Jacques P expose qu’il produit le rapport d’un expert financier indépendant, le cabinet PARIS CORPORATE FINANCE, qui a déterminé le chiffre d’affaires prévisionnel réalisé avec la pilule contraceptive Zoely en prenant en compte la date de début de commercialisation de la pilule « Zoely » et de fin de la protection des différentes inventions relatives à cette pilule par les brevets et certificats complémentaires de protection, laquelle a été fixée pour l’Europe en 2023, date d’expiration des éventuels certificats complémentaires de protection qui devront être délivrés

pour le brevet européen n° EP 0 956 022 Bl et, pour les États-Unis, en 2017. Il expose que le cabinet PARIS CORPORATE FINANCE a ainsi évalué le chiffre d’affaires qui sera réalisé avec la pilule Zoely à 383 millions d’euros en Europe ; et 173 millions d’euros aux États-Unis. Il précise ensuite que pour déterminer le montant de la rémunération supplémentaire, il convient de s’inspirer des dispositions de l’article R. 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle applicable aux salariés inventeurs du secteur public, qui prévoient que l’inventeur salarié du secteur public a droit à un pourcentage allant de 25% à 50% « du produit hors taxes des revenus perçus chaque année au titre de l’invention par la personne publique ». Il ajoute que prenant en compte l’ensemble des paramètres précédemment décrits, le cabinet PARIS CORPORATE FINANCE conclut à une rémunération de 9,9 millions d’euros (8,4 millions d’euros, correspondant aux ventes en Europe et 1,5 millions d’euros, correspondant aux ventes aux États-Unis). Monsieur Jacques P ajoute qu’il a subi un préjudice moral du fait qu’il n’a jamais reçu, de la part de son employeur, la moindre rémunération complémentaire au titre de ses inventions et notamment de la pilule « Zoely », constituant un manque de reconnaissance évident d’autant plus choquant qu’il a participé, en toute bonne foi, à toutes les démarches visant à breveter les inventions qu’il a réalisées pendant plus de 34 ans de carrière au service du LABORATOIRE THERAMEX. Il considère qu’en agissant de la sorte, celui-ci a profité, à la fois, de la méconnaissance des propres droits d’inventeur-salarié du demandeur et du lien de subordination dans lequel il se trouvait au moment des dépôts de demande de brevet, qui le dissuadait de solliciter auprès de son employeur la rémunération supplémentaire qui lui était due à l’occasion de chaque nouveau dépôt.

Le LABORATOIRE THERAMEX conclut au rejet de cette demande, estimant à titre subsidiaire que si la prescription n’était pas acquise, la prime exceptionnelle qui lui a été versée de 40 145 euros (qui est distincte de son indemnité de départ à la retraite qui s’est élevée à 60 216,75 euros) lors de la négociation de son départ à la retraite doit être qualifiée de paiement d’une rémunération supplémentaire de telle sorte que sa demande a déjà été satisfaite. Il ajoute que ni les dispositions du droit monégasque des brevets ni celles du droit monégasque du travail ne prévoient une rémunération supplémentaire en cas de découverte faite par un salarié de telle sorte que le droit de percevoir une telle indemnité ne pourrait résulter que du contrat et du renvoi à la convention collective UNIPHAR. À cet égard, le LABORATOIRE THERAMEX expose que Monsieur P étant cadre, seules les dispositions de l’article 12 de l’Avenant Cadre peuvent lui ouvrir conventionnellement un droit à une rémunération supplémentaire, à l’exclusion des autres dispositions de la Convention collective relatives aux inventions des salariés, et qu’en application de ce texte, il doit démontrer que l’invention dont il souhaite se prévaloir, a donné lieu, dans les 5 ans de la prise du brevet, à une exploitation commerciale, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’invention et les

brevets dont se prévaut le demandeur ayant pour origine un premier dépôt de brevet en 1996, et une exploitation commerciale ayant débuté uniquement en 2011, soit plus de 15 ans après la prise du brevet. À titre subsidiaire, le LABORATOIRE THERAMEX indique que la rémunération supplémentaire des inventeurs-salariés est accordée au regard des circonstances concrètes et personnelles de chaque espèce, et que le montant de cette dernière est fonction de l’intérêt scientifique et économique de l’invention, des difficultés rencontrées lors du développement de l’invention, de la contribution personnelle de l’inventeur et des coûts supportés par l’entreprise. À cet égard, il rappelle que seul le brevet EP 1 334 725 est actuellement exploité. Il ajoute qu’il ressort du rapport d’expertise établi par la société Deloitte finance SAS en date du 26 février 2015 que le rapport produit par Monsieur Jacques P présente des informations soit erronées, soit incomplètes sur le marché de la pilule contraceptive ZOELY, surévalue de manière flagrante le chiffre d’affaires prévisionnel de ZOELY, et applique un taux de marée brute et un taux d’actualisation inadaptés. Ainsi, le LABORATOIRE THERAMEX, qui conteste la méthode de calcul s’inspirant de ce qui est prévu par l’article R 611-14 du code de la propriété intellectuelle, considère que sur les 9.9 millions d’euros aujourd’hui demandés, il convient de retirer 1.5 million d’euros pour le marché américain, ZOELY n’étant pas commercialisé aux États-Unis dès 2013, mais aussi de retirer la somme de 4,55 millions d’euros qui résulte d’un calcul artificiel lié à des modifications de la parité dollar/euro (les revenus tirés de la pilule ZOELY par Théramex étant tous libellés en euros, il n’y a pas lieu d’appliquer un effet de change). Il ajoute que le solde de 4 millions d’euros est obtenu, d’une part, en s’appuyant sur des chiffres qui ne sont pas à jour, et d’autre part, en omettant d’appliquer les principes fondamentaux d’évaluation financière (décote de 30% des sociétés cotées non appliquée, et taux d’actualisation d’équivalent certain de 3% appliqué de manière non- justifiée). Le LABORATOIRE THERAMEX estime qu’en ce qui concerne la famille des brevets « C 52 ». il conviendrait, en appliquant une prime moyenne de 1.500 euros, d’attribuer au demandeur la somme de 750 euros, soit 50% de 1.500 euros, l’abattement de 50% représentant sa part contributive à cette famille de brevets étant co- inventeur avec Monsieur T. Il ajoute que s’agissant des brevet de la famille « C 46 », la part contributive de Monsieur Jacques P ne peut pas excéder 33,33% dès lors qu’ils sont trois inventeurs mentionnés et qu’au regard de la perte économique actuelle de la pilule ZOELY pour la période 2012 à 2032 qui s’élève à 16 907 000 euros et compte tenu de l’évolution du marché et des frais de recherche, développement et de promotion déjà enregistrés, une perte économique pour son employeur, il n’y a pas lieu d’octroyer à Monsieur P une rémunération supplémentaire basée sur l’intérêt économique de l’invention, sauf à lui accorder une prime forfaitaire de 1.500 euros sur laquelle il convient d’appliquer un abattement de

66.66%, s’agissant d’une invention avec deux autres co-inventeurs, soit une prime de 500 euros. Il conteste enfin tout préjudice moral subi par le demandeur.

Sur ce. Il ressort de l’article 12 de « l’avenant Cadres » de la convention collective UNIPHAR, incorporé au contrat de travail liant les parties, que « 57 dans le délai de cinq ans consécutif à la prise du brevet, celui-ci a donné lieu à une exploitation commerciale, le salarié dont le nom est mentionné sur le brevet a droit à une rémunération en rapport avec-la valeur de l’invention, et ceci même dans le cas où le salarié serait à la retraite ou ne serait plus au service de l’employeur ».

Le droit à la rémunération de Monsieur Jacques P suppose d’apprécier en premier lieu la date de la « prise » des brevets qu’il convient d’assimiler à la date à laquelle le brevet a été déposé et ensuite la date à laquelle l’exploitation commerciale a été lancée. À cet égard, il ressort des pièces versées que les inventions auxquelles Monsieur Jacques P, a participé et dont il indique qu’elles sont à l’origine de la pilule contraceptive « ZOELY » ont fait l’objet des dépôts de brevets suivants :

-La demande de brevet 2 754 179 déposée à l’INPI le 8 octobre 1996 mentionnant Monsieur Jacques P comme co-inventeur d’une « nouvelle composition hormonale et son utilisation ». Le brevet EP 0 956 022 Bl déposé le 8 octobre 1997 (sous priorité française) et publié le 23 avril 2003 mentionnant Monsieur Jacques P comme co-inventeur et portant sur une «composition hormonale constituée d’un composé estrogène et d’un composé progestatif». Le brevet EP 1 334 725 Bl déposé le 8 octobre 1997 (sous priorité française) et publié le 14 février 2007 mentionnant Monsieur Jacques P comme co-inventeur et portant sur « l’utilisation d’une composition estroprogestative en tant que contraceptif Oral ». La demande PCTWO 01/30355 A1 déposée le 25 octobre 1999 mentionnant Monsieur Jacques P comme co-inventeur d’un « médicament contraceptif à base d’un progestatif et d’un estrogène et son mode de préparation ». La demande de brevet européen EP 2 020 236 Al déposée le 24 octobre 2000 mentionnant M. Jacques P comme co-inventeur et portant sur un « médicament contraceptif à base d’un progestatif et d’un estrogène, son mode de préparation et son utilisation ». Le brevet US 7 749 987 132 déposé le 3 janvier 2007 et publie-le 6 juillet 2010 mentionnant Monsieur Jacques P comme co-inventeur.

Monsieur Jacques P indique par ailleurs que l’exploitation commerciale de ces brevets a débuté en Europe en 2011, ce qui est corroboré par le LABORATOIRE THERAMEX.

S’agissant de l’exploitation commerciale aux États-Unis, il n’est pas contesté que celle-ci n’a pas débuté.

À cet égard, Monsieur Jacques P ne peut être suivi lorsqu’il soutient que l’exploitation commerciale du brevet au sens de cette clause doit s’entendre, non pas de sa mise en vente au public mais du démarrage des étapes préalables à toute vente, à savoir les essais cliniques et les différentes demandes d’autorisations de commercialisation. En effet, alors que la référence à une « exploitation commerciale » est claire et doit s’entendre de la mise en vente au public du produit breveté, toute autre interprétation serait de nature à dénaturer cette clause contractuelle. Il en résulte que pour chacun des brevets considérés, l’exploitation commerciale n’étant pas intervenue dans les 5 ans de la prise des brevets, les conditions posées par l’article 12 susvisées incorporées au contrat ne sont pas remplies. Tel est le cas pour le brevet français et les brevets européens dont l’exploitation est intervenue plus de 5 ans après leur dépôt. Tel est également le cas du brevet américain, dont il n’est pas contesté par Monsieur P aux termes de ses écritures que, bien que déposé en 2007, il n’a toujours pas fait l’objet d’une exploitation commerciale, le LABORATOIRE THERAMEX expliquant en outre que tel ne sera pas le cas.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que Monsieur Jacques P n’est pas fondé à solliciter en vertu des dispositions contractuelles le liant avec le LABORATOIRE THERAMEX une rémunération supplémentaire et qu’il sera en conséquence débouté de ses demandes et sera condamné à restituer au LABORATOIRE THERAMEX la provision de 50 000 euros dont il avait pu bénéficier en application de l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 24 mai 2013. 4 - Sur la demande formée au titre du préjudice moral Monsieur Jacques P invoquant à l’appui de sa demande fondée sur son préjudice moral le fait qu’il n’a obtenu de la part de son employeur aucune rémunération complémentaire, ne peut être accueilli de ce chef, les conditions de versement de cette rémunération, contractuellement prévue, n’étant pas été réunies. Il ne peut dès lors en être déduit un manque de reconnaissance de son employeur, et ce alors qu’il convient de préciser que le nom de Monsieur Jacques P figure bien comme co-inventeur sur ces brevets, conformément à la clause 12 précitée. Ce faisant, cette demande de dommages et intérêt n’est pas justifiée et sera donc rejetée.

5- Sur les autres demandes Il y a lieu de condamner Monsieur Jacques P, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. En outre, il doit être condamné à verser au LABORATOIRE THERAMEX, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe, et en premier ressort ; DIT que le contrat de travail conclu entre Monsieur Jacques P et le LABORATOIRE THERAMEX est un contrat de travail international

DIT que ce contrat de travail est régi par la loi de la principauté de MONACO : REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

DEBOUTE Monsieur Jacques P de ses demandes ; CONDAMNE Monsieur Jacques P à restituer au LABORATOIRE THERAMEX la somme de 50 000 euros versée à titre de provision dans le cadre du présent litige en exécution de l’ordonnance du juge de la mise en état du 24 mai 2013 : CONDAMNE Monsieur Jacques P à payer au LABORATOIRE THERAMEX la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile : CONDAMNE Monsieur Jacques P aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 18 décembre 2015, n° 14/00569