Tribunal de grande instance de Paris, 9e chambre 2e section, 2 décembre 2016, n° 15/16959

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 9e ch. 2e sect., 2 déc. 2016, n° 15/16959
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/16959

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

9e chambre

2e section

N° RG : 15/16959

N° MINUTE :

Assignation du :

30 Juillet 2015

JUGEMENT

rendu le 02 Décembre 2016

DEMANDEUR

Monsieur Y X

[…]

[…]

représenté par Maître Pierre SAPPEY, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0286

DÉFENDEUR

Le Directeur Régional des Finances Publiques d’Île de France et du Département de Paris – Pôle Fiscal Parisien 2.

[…]

[…]

Représenté par son inspecteur, A B

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Xavier BLANC, Vice-Président

Anne REVIL, Vice-Présidente

Laurence CHAINTRON, Vice-Présidente

assistés de C-Claire BOUGEROL, faisant fonction de greffier lors des débats et C BOUNAIX, Greffier, lors de la mise à disposition

DÉBATS

A l’audience du 14 octobre 2016 tenue en audience publique devant Xavier BLANC, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

******************

FAITS ET PROCÉDURE :

M. Y X et Mme C D, son épouse, ont souscrit le 19 octobre 2012 une déclaration de contribution exceptionnelle sur la fortune pour l’année 2012, au titre de laquelle ils se sont acquittés de la somme de 725.629 euros après imputation de la somme de 308.987 euros dont ils s’étaient précédemment acquittés au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune de cette même année.

Par réclamation du 31 décembre 2014, M. X a sollicité le dégrèvement de la contribution exceptionnelle sur la fortune et de la cotisation d’impôt de solidarité sur la fortune pour l’année 2012 mises à sa charge, en ce que cette imposition ne serait pas compatible avec les stipulations de l’article 1 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Cette réclamation a fait l’objet d’une décision de rejet du 17 juin 2015.

M. X a ensuite fait assigner le directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris devant ce tribunal par acte d’huissier du 30 juillet 2015, qui constitue ses uniques écritures, aux termes desquelles il demande :

« - d’annuler la décision du 17 juin 2015 de rejet de la réclamation du 31 décembre 2014 de Monsieur Y X ;

- d’accorder à Monsieur Y X un dégrèvement d’ISF et de contribution exceptionnelle sur la fortune, à hauteur de 1 034 311 EUR au titre de l’année 2012 ;

- de condamner l’Etat aux entiers dépens de l’article 699 du Code de procédure civile ;

- de condamner l’Etat au remboursement des frais irrépétibles engagés par le contribuable au titre de la présente procédure en application de l’article 700 du Code de procédure civile, pour une somme de 10 000 € ».

M. X expose pour l’essentiel que :

— le montant total des impôts et prélèvements sociaux sur les revenus de l’année 2011 qu’il a acquittés en 2012 se sont élevés à la somme de 1.045.618 euros, représentant 8,4 fois le montant du revenu fiscal de référence de son foyer fiscal de l’année 2011, d’un montant de 124.860 euros,

— sur la notion d’impôt confiscatoire ou faisant peser une charge excessive sur le contribuable

— il résulte des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel qu’est prohibé, tant au plan conventionnel qu’au plan constitutionnel, tout impôt ayant un caractère confiscatoire ou ayant pour effet de faire peser sur le contribuable des charges excessives au regard de ses facultés contributives,

— le Conseil constitutionnel ne pouvant se livrer qu’à un contrôle in abstracto, le fait qu’il n’ait pas reconnu le caractère confiscatoire ou excessif d’un impôt dans le cadre de son contrôle a priori ou a posteriori n’exclut pas que le juge de l’impôt puisse reconnaître un tel caractère à cet impôt pour un contribuable donné,

— ainsi la Cour de cassation considère comme recevables des pourvois fondés sur le caractère confiscatoire ou excessif de l’impôt de solidarité sur la fortune, alors même que cet impôt est considéré comme conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel,

— il résulte de la décision n° 2012-662 DC du 9 décembre 2012 du Conseil constitutionnel en matière d’impôt de solidarité sur la fortune que l’appréciation du caractère excessif de cet impôt ne peut être décorrélée de l’évaluation des revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de l’année précédant le fait générateur de cet impôt,

— dans le même sens, les décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme s’agissant du caractère disproportionné des impôts mis en place par les Etats au regard de l’article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ne préjugent pas plus, compte tenu de leur caractère général et des règles de compétences en vigueur, des effets concrets des impositions sur lesquelles elles portent pour un contribuable particulier,

— réciproquement, l’appréciation au cas par cas auquel se livre le juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’un litige fiscal individuel, ne préjuge pas de la possibilité d’apporter la démonstration a priori du caractère confiscatoire d’une règle législative générale dont les effets réels sont susceptibles d’être chiffrés,

— sur l’application au cas d’espèce

- sur l’argument tiré de la conformité de la contribution exceptionnelle sur la fortune aux stipulations de l’article 1 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

— il n’a soulevé dans sa réclamation contentieuse aucun grief tiré de l’inconventionnalité intrinsèque de la contribution exceptionnelle sur la fortune mais se bornait à exciper du fait que l’application de cette contribution avait conduit, compte tenu des autres impositions mises à sa charge, à lui faire supporter un niveau global de prélèvement excessif au regard de ses capacités contributives, en violation du droit au respect des biens garanti par l’article 1 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

— l’administration se contente au demeurant de faire référence à des décisions rendues en matière d’impôt de solidarité sur la fortune, s’agissant de certains contribuables, avant de conclure de façon générale, et sans qu’aucune analyse logique ne soit développée à cet égard, à la conventionnalité intrinsèque de la contribution exceptionnelle sur la fortune,

- sur l’argument tiré du caractère non excessif de la charge pesant sur les redevables de la contribution exceptionnelle sur la fortune, en dépit de l’absence de mécanisme de plafonnement

— le raisonnement de l’administration fiscale ne répond pas aux arguments soulevés dans sa réclamation, qui excipait du fait que l’absence de mécanisme de plafonnement avait conduit, dans son cas particulier, à l’acquittement d’une charge globale d’impôt représentant près de 8,4 fois ses revenus disponibles, et ce en méconnaissance du droit au respect des biens garanti par l’article 1 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

— l’argumentation de l’administration fiscale constitue, pour une très large part, la reproduction de la solution dégagée le 9 août 2012 par le Conseil constitutionnel,

— or une telle solution ne préjuge aucunement du traitement applicable à chaque contribuable,

— il était au demeurant matériellement impossible pour le Conseil constitutionnel d’évaluer les effets de l’absence de plafonnement et de démontrer que la contribution exceptionnelle sur la fortune, en l’absence d’un tel plafonnement, portait atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques,

— la notion de faculté contributive recouvre les bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de l’année 2011,

— la circonstance que le Conseil constitutionnel n’ait pas conclu à l’inconstitutionnalité des dispositions instituant la contribution exceptionnelle sur la fortune, en dépit de l’absence de plafonnement, ne permettait pas, à elle seule, de conclure valablement au rejet de sa réclamation,

— l’appréciation du caractère confiscatoire ou excessif de la contribution exceptionnelle sur la fortune et des cotisations d’impôt de solidarité sur la fortune mises à sa charge au titre de l’année 2012 impliquait nécessairement d’effectuer un examen de sa situation financière et patrimoniale effective, et en particulier de tenir compte des revenus dont il avait disposé ou qu’ils avait réalisés au cours de l’année 2011,

- sur l’argument tiré de l’augmentation de son patrimoine entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013

— l’administration fiscale se contente d’affirmer que l’augmentation de son patrimoine serait la preuve qu’il n’aurait pas été dans l’obligation d’en aliéner une partie, sans jamais vérifier si, conformément à ses allégations, les impositions qu’il a supportées ont effectivement eu pour conséquence l’absorption de la totalité des revenus qu’il a réalisés ou dont il a disposé au cours de l’année 2011,

— or le montant des impôts acquittés au titre de la taxation de son patrimoine pour l’année 2012 a représenté, notamment en raison de l’absence de mécanisme de plafonnement, près de 8,4 fois le montant du revenu disponible de son foyer fiscal au titre de l’année 2011,

— à cet égard, la circonstance que la valeur nette de son patrimoine imposable à l’impôt de solidarité sur la fortune ait augmenté entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 paraît inopérante,

— ont été méconnus tant le principe de proportionnalité posé par la Cour européenne des droits de l’homme que le principe de prise en compte des facultés contributives découlant de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 23 mars 2016, le directeur général des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, demande au tribunal de confirmer la décision de rejet prononcée le 17 juin 2015, de condamner le demandeur à tous les dépens de l’instance et de rejeter la demande en condamnation de l’administration à l’article 700 du code de procédure civile.

Le défendeur fait notamment valoir que :

— la contribution instituée par l’article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 est exceptionnelle, autonome et ne s’est appliquée qu’une seule fois,

— il est par ailleurs prévu dans le dispositif que l’impôt de solidarité sur la fortune déjà acquitté au titre de l’année 2012 soit imputé sur le montant de la contribution exceptionnelle, de telle sorte que le total de la contribution exceptionnelle sur la fortune et de l’impôt de solidarité sur la fortune pour l’année 2012 corresponde à un montant d’impôt de solidarité sur la fortune calculé avec le barème appliqué en 2011,

— le Conseil constitutionnel, saisi de griefs relatifs au caractère rétroactif et confiscatoire de cette contribution, l’a déclarée conforme à la constitution,

— cette contribution n’est pas contraire aux stipulations de l’article 1 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantit le respect des biens, en ce que les Etats doivent seulement veiller, en matière fiscale, à maintenir un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu,

— en matière d’impôt de solidarité sur la fortune, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle que sa création répond à un évident souci d’intérêt général et que l’application de la règle du plafonnement et la détermination de son assiette relevaient de la marge d’appréciation reconnue à l’Etat,

— la Cour de cassation considère également que le caractère confiscatoire de l’impôt de solidarité sur la fortune ne saurait être établi dès lors qu’il ne conduit ni à l’absorption intégrale des revenus disponibles des contribuables, ni à l’aliénation forcée d’une partie de leur patrimoine, ni même à une diminution de celui-ci, ni à une expropriation quelconque,

— sur le moyen tiré du caractère confiscatoire de la contribution exceptionnelle

— la question de savoir si la contribution exceptionnelle sur la fortune est confiscatoire ou excessive appelle un examen qui tienne compte de l’ensemble des caractéristiques de l’impôt en cause, et notamment de son assiette, de son taux et de son caractère exceptionnel ou pérenne,

— compte tenu de son caractère non renouvelable, du fait que le montant à acquitter est calculé en déduisant le montant brut dû au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune en 2012 et du fait qu’en termes de trésorerie, les contribuables peuvent avoir un droit à restitution au titre du bouclier fiscal 2011 qu’ils peuvent imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune 2012, ce qui limite l’importance de la charge financière de cette contribution, qui ne peut donc être regardée comme confiscatoire ni comme faisant peser une charge excessive sur les contribuables,

— le plafonnement par rapport au revenu ne s’impose pas par principe à un impôt qui a pour objet de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine, indépendamment du niveau des revenus,

— au surplus, le Conseil constitutionnel a déclaré cette contribution conforme à la Constitution alors que cet examen a notamment porté sur l’absence de plafonnement,

— la contribution exceptionnelle sur la fortune payée par M. et Mme X ne peut être considérée comme excessive au regard de leurs capacités contributives,

— l’argument tiré de l’absorption intégrale des revenus disponibles n’est pas percutant, dès lors qu’en matière d’imposition du patrimoine, la capacité contributive ne s’apprécie pas par rapport aux seuls revenus fiscalisés, puisqu’en ce cas le niveau de taxation pourrait dépendre uniquement des choix de gestion des redevables,

— il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation que le simple fait que le paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune absorbe l’intégralité des revenus déclarés par les contribuables ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire d’un impôt sur le patrimoine,

— ces jurisprudences, rendues en matière d’impôt de solidarité sur la fortune, sont transposables à la contribution exceptionnelle sur la fortune,

— en l’espèce, l’addition de l’impôt de solidarité sur la fortune et de la contribution exceptionnelle sur la fortune correspond à 1,68 % du patrimoine déclaré imposable, ce qui ne caractérise pas la spoliation alléguée et ne peut être considéré comme une charge excessive,

— le demandeur ne démontre pas que pour le paiement des cotisations contestées il ait été contraint d’aliéner une partie de son patrimoine, alors que la valeur de son patrimoine brut a augmenté entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013,

— il n’est pas établi que ces impositions ont conduit à l’absorption des revenus, ni à l’aliénation forcée d’une partie du patrimoine, ni même à une diminution de celui-ci,

— en outre, le demandeur a pu déduire de la contribution exceptionnelle sur la fortune le montant de son impôt de solidarité sur la fortune, réduisant le montant de cette contribution à la somme de 725.629 euros, et il n’a pas eu à décaisser le montant de l’impôt de solidarité sur la fortune puisqu’il a bénéficié d’un droit à restitution au titre du bouclier fiscal,

— ces mécanismes modérateurs ont eu pour conséquence concrète de réduire les décaissements effectués et de limiter l’importance de la pression fiscale sur l’année 2012 pour le foyer fiscal,

— il apparaît une forte disproportion entre le patrimoine déclaré au 1er janvier 2012 et le peu de revenus fiscalisés au titre de l’année 2011, qui représentent seulement 0,20 % de cette base,

— les seuls revenus fiscalisés ne suffisent pas pour assurer le train de vie du demandeur,

— ces revenus n’apparaissent pas significatifs de réelles capacités contributives,

— le choix de l’investissement massif dans des contrats d’assurance-vie ou des investissements qui ne sont pas ou peu productifs de revenus disponibles immédiatement résulte d’un choix délibéré de gestion et de stratégie patrimoniale qui lui est inopposable,

— M. X n’allègue pas, ni a fortiori, n’établit avoir été contraint, pour le paiement des impositions contestées, d’aliéner une partie de son patrimoine, de sorte qu’il ne peut à l’évidence invoquer le caractère confiscatoire de la fiscalité patrimoniale,

— son patrimoine a au contraire augmenté entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013, de 62.131.528 euros à 64.143.562 euros,

— le paiement de la contribution exceptionnelle sur la fortune et de l’impôt sur la fortune n’a pas fondamentalement affecté la situation financière de M. X qui ne peut sérieusement alléguer d’une spoliation de son patrimoine.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 juin 2016. L’affaire a été plaidée le 14 octobre 2016 et les parties ont été avisées qu’elle était mise en délibéré au 2 décembre 2016, date à laquelle la présente décision a été rendue.

MOTIFS :

M. X soutient que l’imposition sur le patrimoine dont son foyer fiscal a fait l’objet au titre de l’année 2012, pour un montant total de 1.034.316 euros au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune puis de la contribution exceptionnelle sur la fortune serait contraire, d’une part, aux principes constitutionnels d’égalité devant les charges publiques et de prise en compte des facultés contributives issus de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et, d’autre part, au principe de proportionnalité résultant de l’article 1 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que cette imposition présenterait un caractère confiscatoire et excessif au regard de ces principes.

Il sera rappelé, en premier lieu, qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge judiciaire d’écarter l’application d’un texte législatif pour non- conformité à la Constitution, de sorte que le moyen tiré du caractère confiscatoire de l’imposition en litige au regard des principes constitutionnels invoqués par le demandeur est inopérant.

Il est en revanche de l’office du juge du fond de statuer sur la compatibilité de l’application d’une disposition de droit interne avec les stipulations de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales stipule que :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».

Si l’imposition fiscale constitue en principe une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de cet article, cette ingérence se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d’autres contributions. Ce deuxième alinéa doit toutefois se lire à la lumière du principe consacré par la première phrase de l’article et il s’ensuit qu’une mesure d’ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. Par conséquent, l’obligation financière née du prélèvement d’impôts ou de contributions peut léser la garantie consacrée par cette disposition si elle impose à la personne ou à l’entité en cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière.

S’agissant de l’article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative, dont l’application est plus particulièrement contestée dans le cadre du présent litige, il convient de rappeler que, souhaitant revenir sur l’allègement de l’impôt de solidarité sur la fortune accordé par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, le législateur a mis à la charge des personnes redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre de l’année 2012 une contribution exceptionnelle sur la fortune, calculée sur la base d’un barème progressif inspiré de celui qui était appliqué pour le calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l’année 2011. L’impôt de solidarité sur la fortune déjà acquitté au titre de l’année 2012 s’est imputé sur le montant de la contribution exceptionnelle et il s’agissait de faire en sorte que, pour les redevables de l’impôt en 2012, la somme de l’impôt de solidarité sur la fortune et de la contribution soit égale au montant de l’impôt de solidarité sur la fortune qui aurait été dû en 2012 si le barème fixé pour 2011 avait été conservé, étant cependant précisé que l’impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l’année 2011 faisait l’objet d’un plafonnement qui n’a pas été appliqué à la contribution exceptionnelle sur la fortune nouvellement instituée.

Au cas particulier, M. et Mme X, déclarant une base imposable d’un montant de 61.797.315 euros au 1er janvier 2012, se sont acquittés d’une contribution exceptionnelle sur la fortune d’un montant de 1.034.616 euros, partiellement par imputation de la somme de 308.987 euros correspondant à l’impôt de solidarité sur la fortune dont ils s’étaient acquittés au titre de l’année 2012.

Si cette imposition du patrimoine de M. et Mme X au 1er janvier 2012 a dépassé dans une très large mesure le revenu fiscal de référence déclaré par les intéressés à hauteur de 124.860 euros au titre de l’année 2011, il sera cependant relevé que la contribution exceptionnelle sur la fortune a présenté un caractère exceptionnel, pour avoir été instituée en 2012 et ne pas avoir été reconduite les années suivantes, qu’elle correspond au cas particulier à 1,67 % du patrimoine imposable déclaré par le foyer fiscal de M. X, que le revenu fiscal de référence du foyer fiscal n’a représenté, en 2011, que 0,20 % du patrimoine déclaré au 1er janvier 2012, ce qui relève manifestement de choix de gestion qui ne sauraient être opposés à l’administration pour l’évaluation de la faculté contributive, et que M. X ne justifie pas qu’il ait été contraint de céder une partie de son patrimoine pour s’acquitter de cette imposition, alors au demeurant qu’il ne verse aux débats aucun élément sur ses revenus de l’année 2012 au cours de laquelle il a dû supporter l’imposition en cause et que le patrimoine imposable du foyer fiscal a augmenté au cours de cette même année, pour atteindre 64.025.005 euros au 1er janvier 2013.

L’ensemble de ces éléments permet de juger l’imposition sur le patrimoine dont s’est acquitté M. X en 2012 au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune puis de la contribution exceptionnelle sur la fortune ne présente pas de caractère excessif et qu’aucune atteinte fondamentale à sa situation financière n’est établie au sens du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

M. X sera par conséquent débouté de l’ensemble de ses demandes et la décision de rejet du 17 juin 2015 sera confirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. X, partie perdante, sera condamné aux entiers dépens de l’instance par application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Il sera également débouté de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Par application des dispositions de l’article R*202-5 du livre des procédures fiscales, le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et publiquement par mise à disposition au greffe :

Déboute M. Y X de l’ensemble de ses demandes ;

Confirme la décision de rejet du 17 juin 2015 ;

Condamne M. Y X aux dépens ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire par provision.

Fait et jugé à Paris le 02 Décembre 2016

Le Greffier Le Président

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