Tribunal de grande instance de Paris, 4e chambre 1re section, 9 octobre 2017, n° 16/15990

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 4e ch. 1re sect., 9 oct. 2017, n° 16/15990
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 16/15990

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

4e chambre 1re section

N° RG :

16/15990

N° MINUTE :

Assignation du :

06 octobre 2016

JUGEMENT

rendu le 09 Octobre 2017

DEMANDERESSE

Madame B Y

[…]

[…]

représentée par Me Eléni LIPSOS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0313, Me Cédric DARROUS, avocat au barreau de GERS, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. EF INTERNATIONAL

[…]

[…]

représentée par Maître Didier DALIN de la SELARL CHEMOULI DALIN STOLOFF BOINET & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #P0349

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame ALBOU DUPOTY, Vice-Présidente

Madame ABBASSI-BARTEAU, Vice-président

Madame X, Juge

assistée de Moinécha ALI, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 11 septembre 2017 tenue en audience publique devant Madame ABBASSI-BARTEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition par le greffe

Contradictoire

En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame B Y, alors âgée de 19 ans, s’est inscrite à un programme de perfectionnement de langue anglaise auprès de la société Education First International (EF International) du 23 septembre 2011 au 1er juin 2012 dans les centres de New York, Honolulu et Miami.

Le 29 novembre 2011, la directrice de l’école EF International de New York a prononcé son exclusion définitive en raison de son faible taux d’assiduité aux cours et du fait d’actes de violences physiques engagés sur une autre étudiante.

Par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 décembre 2011, Madame Y, contestant ces motifs, a mis la société EF International en demeure de lui rembourser les sommes versées sous déduction des jours de présence à l’école ou de la réintégrer pour qu’elle poursuive le programme convenu ou encore de la transférer au centre linguistique de Londres.

La société EF International lui ayant répondu le 16 janvier 2012 qu’elle considérait la décision d’exclusion comme justifiée, c’est dans ce contexte que Madame Y, après une nouvelle mise en demeure de son avocat du 19 août 2016 demeurée vaine, a assigné la société EF International devant le tribunal de grande instance de Paris par acte d’huissier de justice délivré le 6 octobre 2016.

Aux termes de son assignation introductive d’instance, à laquelle il est expressément référé en l’absence de conclusions ultérieures, Madame B Y demande au tribunal de céans sur le fondement des article 1134 et 1147 du code civil et suivants du code civil, de condamner la société EF International, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement des sommes suivantes :

  • 14.712 euros au titre du remboursement des frais de séjour et de scolarité,
  • 955 euros au titre des frais d’inscription,
  • 1.086 euros au titre des frais de transports supportés comprenant les vols intérieurs entre New York, Honolulu et Miami,
  • 559,28 euros au titre de l’achat du billet New York/Paris du 31 novembre 2011,
  • 334 euros au titre des frais de Mutuelle World Pass souscrite spécifiquement pour le séjour,
  • 200 USD au titre des frais d’obtention du visa étudiant,
  • 2.436,60 euros représentant les frais d’emprunt auprès du LCL pour le financement,
  • 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
  • 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

A titre liminaire, Madame Y invoque à son profit un jugement prononcé par la juridiction de céans le 29 juin 2015 dans une affaire connexe concernant Madame D E.

Au fond, Madame Y dénonce une décision arbitraire, unilatérale et abusive de la société EF International qui l’a contrainte à immédiatement quitter le campus pour être jetée dans la rue. Elle argue que le taux de 27% d’assiduité allégué n’est pas démontré et affirme qu’elle n’a reçu aucun mail ni lettre d’avertissement. Elle conteste également avoir été l’auteure de l’altercation reprochée et soutient qu’au contraire, Madame Z s’est jetée sur elle après avoir pris à parti Madame D E.

Elle conteste avoir signé le contrat de séjour linguistique avec la société EF International et allègue qu’aucun contrat conforme aux articles R.211-4 et R.211-6 et suivants du code du tourisme ne lui a jamais été remis.

Elle ajoute qu’elle n’a pu discuter d’aucun élément, que la vidéo de surveillance n’a pas été visionnée, que Monsieur F G H témoin de la scène d’altercation n’a pas été entendu et que le cadre disciplinaire fixé dans le document interne au centre de langues n’a pas été respecté puisqu’elle n’a fait l’objet d’aucun avertissement oral ou écrit.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 avril 2017, auxquelles il est expressément référé, la société EF International demande au tribunal de céans de débouter Madame Y de l’ensemble de ses demandes et de la condamner aux dépens.

La société EF International fait en premier lieu valoir que Madame Y a explicitement accepté la décision en ne formulant aucune contestation à la suite du courrier circonstancié qui lui a été adressé en date du 16 janvier 2012. Elle ajoute que celle-ci ne peut se prévaloir d’un jugement rendu dans une autre affaire, une telle décision ne pouvant produire d’effets juridiques pour autrui.

En second lieu, elle souligne que Madame Y a expressément accepté les conditions générales, et affirme que la rupture est justifiée tant dans son principe que dans ses conséquences.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 avril 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, la société EF International prétend tirer argument du défaut de réaction de Madame Y pendant 5 ans à la suite de la lettre circonstanciée du 16 janvier 2012, mais elle n’en déduit aucune conséquence de sorte qu’il n’y a lieu d’examiner ce moyen inopérant.

Sur la signature d’un contrat et l’opposabilité des conditions générales du contrat

Aux termes de l’article R. 211-4 du code du tourisme, « à la conclusion du contrat, le vendeur doit communiquer au consommateur les informations sur les prix, les dates et les autres éléments constitutifs des prestations fournies à l’occasion du voyage ou du séjour […]. »

Aux termes de l’article R. 211-6 du code du tourisme, « le contrat conclu entre le vendeur et l’acheteur doit être écrit, établi en double exemplaire dont l’un est remis à l’acheteur, et signé par les deux parties. […] »

Madame Y a complété et signé, le 18 juillet 2011, le formulaire d’inscription au programme d’études à l’étranger proposé par la société EF International du 22 septembre 2011 au 1er juin 2012.

Elle a apposé sa signature sous la mention lisible indiquant : «Je soussigné déclare accepter les conditions générales décrites en page 73 et 74 de la brochure ».

Dès lors, Madame Y ne saurait soutenir qu’elle n’a pas signé de contrat conforme aux dispositions susvisés ni adhéré aux conditions générales, qui lui sont dès lors opposables comme le fait valoir la société EF International.

Sur la rupture des relations contractuelles

L’article 1134 du code civil dans ses dispositions antérieures à celles issues de l’ordonnance du 10 février 2016, dispose que :

“Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Conformément à l’ancien article 1184 alinéa 1 du code civil, la résolution d’un contrat doit alors être demandée en justice.

En application de ces dispositions, il est de principe que la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale mais à ses risques et périls.

Les conditions générales de vente de la société EF International ne sont pas versées aux débats.

Dans sa lettre du 29 novembre 2011 valant résiliation immédiate du contrat, exclusion de l’école et expulsion du campus, la directrice du centre de langues EF de New York a justifié sa décision par un taux d’assiduité de 27% considéré comme insuffisant d’une part et par une agression physique d’autre part. Il est également précisé dans cette lettre que Madame Y avait été interrogée sur cette altercation mais que sa version des faits n’était pas en adéquation avec la vidéo de la scène.

Dans sa lettre du 16 janvier 2012, la société EF International indiquait que selon les éléments transmis par la directrice du centre de langues de New York, la mesure prise le 29 novembre 2011 était justifiée au regard des dispositions contractuelles suivantes :

«En cas d’expulsion pour faute grave (évaluée par les codes de conduite signés par l’étudiant dans le centre EF), absences répétées, non assiduité (moins de 90%) ou 3 lettres d’avertissements, aucun remboursement ne sera accordé. Veuillez noter que votre visa est immédiatement annulé en cas d’expulsion de l’un de nos centres EF ».

Il ressort du code de conduite signé par les participants, versé au débat par la demanderesse, que la violation et le non-respect des règles qu’il énonce entraîne « une sanction disciplinaire à l’encontre de l’étudiant» et que : «Tout avertissement non pris en compte par l’intéressé est suivi d’un avertissement écrit dont une copie sera envoyée aux parents ou tuteur légal. Tout autre avertissement sera suivi d’un renvoi immédiat. En cas de délit sérieux, le renvoi vers le pays d’origine sera accompagné de la suppression du visa étudiant. »

Il résulte de ces stipulations contractuelles que le renvoi immédiat n’est prononcé qu’à la suite à un avertissement écrit.

Pourtant, s’agissant de l’absentéisme qui est reproché à Madame Y, si les rapports établissent une assiduité aux cours inférieure à 90%, la société EF International ne justifie pas lui avoir adressé d’avertissement, préalable au renvoi immédiat des étudiants en application des stipulations contractuelles. La procédure de rupture du contrat n’a donc pas été respectée.

S’agissant de l’altercation entre Madame Y, Madame D E, et Madame A ayant eu lieu dans la nuit du 17 au 18 novembre 2011, la société EF International ne produit aucune pièce pour établir l’existence d’une faute imputable à Madame Y nonobstant l’existence de rapports et d’un enregistrement vidéo visés dans les lettres susvisées du 29 novembre 2011 et du 16 janvier 2012. Or il ressort de déclaration de Monsieur F G-H, témoin oculaire de la scène, fournie par Madame Y, que Madame A a physiquement agressé cette dernière qui tentait de mettre fin à altercation l’opposant à son amie, Madame D E, et non le contraire comme allégué par la société défenderesse.

Il s’ensuit que, au regard de ces éléments, aucune faute grave imputable à Madame Y de nature à justifier une rupture unilatérale du contrat, ne peut être retenue.

Par conséquent, la rupture sera déclarée abusive et brutale.

Sur la demande de remboursement des frais afférents à la formation et à l’exclusion

Aux termes de l’article 1382 du code civil devenu l’article 1240 du même code à la suite de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

La résiliation abusive d’un contrat à exécution successive à durée déterminée engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur et donne lieu le cas échéant à l’octroi de dommages et intérêts.

En l’espèce, Madame Y sollicite le remboursement de l’intégralité des frais exposés pour le programme de formation (14.712 euros), les frais d’inscription (955 euros), les frais de mutuelle World Pass souscrite spécifiquement pour le séjour (334 euros), les frais d’obtention du visa étudiant (200 dollars), le prix des billets d’avion en vols intérieurs pour rejoindre les différents centres (1.086 euros plus les taxes pour 321,94 euros) et le prix du billet du vol retour New York/Paris (559,28 euros).

La société EF International ne conteste pas les sommes demandées.

La facture fournie fait état de dépenses d’un montant de 14.712 euros intégrant les frais d’inscription de 955 euros.

Toutefois, dans la mesure où Madame Y a suivi 2 mois de formation sur les 9 mois escomptés, une décote de 3.269 euros correspondant à 22,22% de la formation qui lui a effectivement été dispensée, sera appliquée. Il en résulte un différentiel en sa faveur de 11.443 euros au titre du coût du programme de formation.

La même décote de 22,22% sera appliquée sur les frais de l’assurance de santé spécifique souscrite pour la durée prévisible du séjour du 22 septembre 2011 au 03 juin 2012, soit 260 euros.

Concernant le prix des billets d’avion entre Paris, New York, Honolulu et Miami dont l’achat était nécessaire pour suivre le programme linguistique, si la dépense est justifiée à hauteur de 1.086 euros et de 321,94 euros au titre des taxes afférentes, il sera fait droit à la demande de Madame Y à hauteur de la somme de 300 euros, le surplus correspondant nécessairement au trajet aller retour Paris New York que la demanderesse devait supporter même pour un séjour plus bref, comme elle devait supporter les frais de visa qui étaient nécessaire pour entrer sur le territoire américain.

Il n’est pas justifié du surcoût resté à charge, en particulier du billet d’avion retour New York / Paris que Madame Y indique avoir payé une somme de 559,28 euros. Elle sera déboutée de ce chef de demande.

Par conséquent, la société EF International sera condamnée à payer à Madame Y les sommes suivantes :

—  11.443 euros au titre du coût du programme de formation,

—  260 euros au titre des frais d’assurance de santé spécifique,

—  300 euros au titre des billets d’avion.

Sur l’indemnisation du préjudice moral invoqué

Madame Y sollicite l’allocation de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour rupture brutale et vexatoire du contrat de séjour linguistique.

Elle soutient qu’à compter de la décision d’exclusion, elle n’a disposé que de quelques heures pour quitter le campus et qu’elle a, en raison de la brutalité de la décision, dû dormir dans le terminal de l’aéroport de Newark.

Il ressort de la décision d’expulsion que celle-ci a près effet immédiatement. La directrice a ainsi exigé que Madame Y quitte définitivement le campus le jour même à 17h.

Dans cette décision, la directrice a également menacé Madame Y de l’escorter hors du campus en cas d’inexécution de la décision.

Compte tenu du caractère brutal et vexatoire de la rupture, la société EF International sera condamnée à verser à Madame Y la somme de 500 euros en indemnisation de son préjudice moral.

Sur les frais et les dépens :

La société EF International succombant à l’instance sera condamnée aux dépens et à payer à Madame Y la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire et nécessaire au vu de l’ancienneté du litige. Elle sera prononcée.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et susceptible d’appel,

Condamne la société EF International à payer à Madame Y en réparation de son préjudice matériel, les sommes de 11.443 euros au titre du coût du programme de formation, 260 euros au titre des frais d’assurance de santé spécifique et 300 euros au titre des billets d’avion.

Condamne la société EF International à payer à Madame Y la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Condamne la société EF International à payer à Madame Y la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société EF International aux dépens.

Prononce l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 09 octobre 2017

Le Greffier Le Président

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