Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 10 mars 2017, n° 14/17981

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Blip · 8 mars 2022

Le simple choix de matériaux et de couleurs pour ‘revisiter' un genre ne peut suffire à conférer aux bijoux invoqués l'empreinte de la personnalité de leur auteur et justifier le bénéfice de la protection du droit d'auteur. Dans une récente décision (CA Paris, 15 février 2022, n° 19/12641), la Cour d'appel de Paris a rejeté une action en contrefaçon de droit d'auteur opposant deux créatrices de bijoux au motif que l'originalité des œuvres invoquées au soutien de l'action n'était pas démontrée. Si la solution ne surprend pas, car elle s'inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante …

 
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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 10 mars 2017, n° 14/17981
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/17981
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20170032
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le10 mars 2017

3e chambre 2e section N° RG : 14/17981

Assignation du 12 décembre 2014

DEMANDERESSES Société VAN CLEEF & ARPELS […] VILLARS SUR GLANE (SUISSE)

Société SOCIETE CARTIER (SC) […] 75002 PARIS Représentées par Maître Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0221

DEFENDERESSE Société CLIO BLUE […] 75003 PARIS Représentée par Me Corinne CHAMPAGNER KATZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1864

COMPOSITION DU TRIBUNAL François A, Premier Vice-Président adjoint Françoise BARUTEL, Vice-Présidente Aurélie JIMENEZ, Juge assistés de Jeanine R, Faisant fonction de Greffier,

DÉBATS À l’audience du 27 janvier 2017 tenue en audience publique devant François A, Françoise BARUTEL, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES La société VAN CLEEF & ARPELS SA (ci-après VAN CLEEF & ARPELS) se présente comme étant une société qui crée et fabrique des articles de joaillerie et de haute joaillerie sous la marque « VAN

CLEEF & ARPELS ». Elle revendique également être titulaire exclusif des droits de propriété intellectuelle attachés à ses créations, notamment sur le motif de trèfle quadrilobé dit ALHAMBRA (sous deux aspects VINTAGE et PURE), décliné dans la collection du même nom (VINTAGE ALHAMBRA, SWEET ALHAMBRA, MAGIC AHLAMBRA).

La société CARTIER commercialise les bijoux vendus sous la marque VAN CLEEF & ARPELS depuis un apport partiel d’actif du 1er juin 2010.

La société CLIO BLUE exerce une activité de création, de fabrication et de commercialisation de bijoux de fantaisie haut de gamme. Elle indique que certaines de ses collections telle que la collection référencée MADAME CLIO ont été créées et développées en interne, tandis que d’autres collections, notamment LA BARONNE, ont été acquises auprès de fournisseurs distincts.

En 2014, la société VAN CLEEF & ARPELS a découvert que la société CLIO BLUE commercialisait sous sa marque, dans son corner du Grand Magasin « PRINTEMPS HAUSSMANN » et par l’intermédiaire du site Internet http://www.linea-chic.fr, vers lequel pointe le site www.clioblue.fr, une collection de bijoux intitulée LA BARONNE ou LA BARONNE II.

Estimant que cette collection portait atteinte à ses droits sur le motif VINTAGE ALHAMBRA et les bijoux des collections ALHAMBRA, la société VAN CLEEF & ARPELS, a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon le 17 novembre 2014, au siège de la société CLIO BLUE après y avoir été autorisée par ordonnance du 5 novembre 2014.

À l’issue de ces opérations, les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et CARTIER ont par acte du 12 décembre 2015, assigné la société CLIO BLUE devant le Tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire.

Ayant constaté également que 3 autres modèles de bijoux litigieux de forme quadrilobée en nacre, au sein d’une collection EUGENIE et que d’autres modèles de bijoux litigieux intitulés LES INTEMPORELS / JOUR DE CHANCE étaient aussi susceptibles de porter atteintes à leurs droits, les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et CARTIER ont donc formé en cours d’instance des demandes additionnelles, relatives aux bijoux des gammes EUGENIE et LES INTEMPORELS / JOUR DE CHANCE qui reprennent selon elles la combinaison de caractéristiques de bijoux de la gamme ALHAMBRA de VAN CLEEF & ARPELS.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique en date du 30 novembre 2016, les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et CARTIER demandent au Tribunal, au visa notamment des articles L.lll-1 et

suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, L.335-2 à L.335-10 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, 1382 du Code civil (désormais art. 1240 du Code Civil). 70 du Code de procédure civile et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 novembre 2014 et ses annexes de:

— JUGER que les demandes des sociétés VAN CLEEF & ARPELS SA et SOCIETE CARTIER (SC) sont recevables ;

— JUGER que les motifs de trèfles quadrilobé VINTAGE ALHAMBRA, PURE ALHAMBRA et que les cinq bijoux VINTAGE ALHAMBRA, MAGIC ALHAMBRA, SWEET ALHAMBRA sont originaux et appropriables par le droit d’auteur et que la société VAN CLEEF & ARPELS SA est recevable à agir sur le fondement des Livres I et III du Code de la Propriété intellectuelle;

— JUGER que la société VAN CLEEF & ARPELS bénéficie de la présomption de titularité des droits d’auteur sur les motifs et les bijoux ALHAMBRA objet de la présente instance et qu’elle démontre être titulaire des droits sur ces créations.

— JUGER que la société CLIO BLUE s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de droit d’auteur en commercialisant en France les bijoux litigieux (dans tous les coloris proposés), portant les références B01318R*, B01318RH**, CO1801R**, CO1801RH**, C01826R**,C01826RH**, 11SL107R*, B01345R*, B01345RH**, 10SL108R*, BR1826R**. BR1826RH**, 12SL105R*, 12SL106R*, SAU1732R*, BO1270R*, BR1732R*, C01732R*, BO1405RH, BR1918RH, C01918RH et les « INTEMPORELS / JOUR DE CHANCE »B01440RH et BRI 987RH, et tout autre modèle de bijou qui reproduirait les caractéristiques originales des motifs VINTAGE ALHAMBRA ou PURE ALHAMBRA et/ou des cinq bijoux VINTAGE ALHAMBRA, MAGIC ALHAMBRA et SWEET ALHAMBRA de la société VAN CLEEF & ARPELS SA ;

— JUGER que la société CLIO BLUE s’est rendue coupable d’une faute civile du fait de la création d’un effet de gamme au préjudice de la société VAN CLEEF & ARPELS SA ou à titre subsidiaire de la société S.C.;

— JUGER que la société CLIO BLUE s’est rendue coupable d’actes de concurrence parasitaire au préjudice de la société SOCIETE CARTIER (SC) qui commercialise les bijoux ALHAMBRA.

En conséquence :

— ORDONNER l’arrêt immédiat de toute fabrication, reproduction, exposition ou vente des bijoux qui comporteraient un ou plusieurs motifs qui reprendrait la combinaison de caractéristiques des motifs VINTAGE ALHAMBRA, PURE ALHAMBRA et/ou des bijoux des

gammes VINTAGE ALHAMBRA, MAGIC ALHAMBRA, SWEET ALHAMBRA appartenant à la société VAN CLEEF ARPELS SA, et ce sous astreinte de 1.500 (mille cinq cents) euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir.

— ORDONNER la destruction, justifiée par Huissier de justice, aux frais de la société CLIO BLUE des exemplaires de bijoux contrefaits qui seraient en sa possession ou dans les stocks de ses distributeurs, sous astreinte de 150 (cent cinquante) euros par jour de retard, dans les quinze jours à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir.

— CONDAMNER la société CLIO BLUE à payer à la société VAN CLEEF & ARPELS SA la somme de 250.000 (deux cent cinquante mille) euros à titre de dommages et intérêts du chef de la contrefaçon de droit d’auteur.

— CONDMANER la société CLIO BLUE à payer à la société VAN CLEEF & ARPELS SA – ou à titre subsidiaire à la société S.C. – la somme de 150.000 (cent cinquante mille) euros à titre de dommages et intérêts du chef de la création d’un effet de gamme constitutive d’une faute civile.

- CONDAMNER la société CLIO BLUE à payer à la société SOCIETE CARTIER (SC) la somme de 250.000 (deux cent cinquante mille) euros à titre de dommages et intérêts du chef de la concurrence parasitaire.

— ORDONNER la publication du communiqué suivant dans 3 (trois) journaux ou magazines au choix de la société VAN CLEEF & ARPELS SA aux frais de la société CLIO BLUE sans que le coût de chacune de ces publications n’excède la somme de 5.000 (cinq mille) euros hors taxes.

« Par jugement du XXX le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que certains bijoux des collections « LA BARONNE », « EUGENIE » et « LES INTEMPORELS / JOUR DE CHANCE » vendus par la société CLIO BLUE, portaient atteinte aux droits de propriété intellectuelle que la société VAN CLEEF & ARPELS détient sur les motifs et les bijoux de la Collection ALHAMBRA.»

— CONDAMNER la société CLIO BLUE à payer à chacune des sociétés VAN CLEEF & ARPELS SA et SOCIETE CARTIER (SC) la somme de 45.000 (quarante-cinq mille) euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens y compris les frais et honoraires d’huissier relatifs aux opérations de saisie contrefaçon et de constats exposés.

— ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique en date du 19 décembre 2016, la société CLIO BLUE demande au Tribunal, au

visa notamment des dispositions des livres I et III du Code de la Propriété Intellectuelle, de l’article 9 du Code de procédure civile, l’article 1382 du Code civil (nouvellement numéroté 1240) de :

— Dire et juger la société CLIO BLUE recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions;

— Juger irrecevable les demandes additionnelles des demanderesses sur le fondement du motif PURE ALHAMBRA et de la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE ;

— Dire et juger que le procès-verbal de saisie contrefaçon diligente le 17 novembre 2014 au sein de la société CLIO BLUE est nul, l’huissier ayant outrepassé la mission qui lui était confiée ;

Sur le fondement du droit d’auteur :

— Déclarer la société VAN CLEEF & ARPELS irrecevable à agir sur le fondement du droit d’auteur, faute de justifier de la titularité de ses droits et de l’originalité des créations revendiquées,

— Dire et juger que les motifs PURE ALHAMBRA et VINTAGE ALHAMBRA ne sont pas originaux et ne bénéficient par conséquent pas de la protection du droit d’auteur ;

— Dire et juger que la société VAN CLEEF & ARPELS ne démontre pas l’originalité des cinq bijoux VINTAGE ALHAMBRA. MAGIC ALHAMBRA et SWEET ALHAMBRA revendiqués ;

— Dire et juger que la société CLIO BLUE n’a commis aucun acte de contrefaçon ;

Sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, nouvellement numéroté 1240 :

— Déclarer la société VAN CLEEF & ARPELS irrecevable à agir sur le fondement de la concurrence déloyale faute d’intérêt à agir ;

— Dire et juger que la société VAN CLEEF & ARPELS ne caractérise pas de faute distincte des actes de contrefaçon ;

— Déclarer la société CARTIER irrecevable à agir sur le fondement du parasitisme faute d’intérêt à agir ;

— Dire et juger que la société CLIO BLUE ne s’est pas rendue coupable d’actes de concurrence parasitaire au préjudice de la société SOCIETE CARTIER ;

— Dire et juger que les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et SOCIETE CARTIER ne justifient pas du préjudice qu’elles allèguent,

En conséquence,

— Débouter les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et SOCIETE CARTIER de l’intégralité de leurs demandes.

— Condamner les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et SOCIETE CARTIER in solidum à verser à la société CLIO BLUE la somme de 20.000 euros, au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile, sous bénéfice de l’exécution provisoire ;

— Condamner les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et SOCIETE CARTIER, in solidum, aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Corinne Champagner Katz ;

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2017

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les moyens tendant à l’irrecevabilité des demanderesses Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles (à propos de la collection EUGENIE et LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE)

La société CLIO BLUE soutient que le recours à un motif quadrilobé, seul point commun des collections objets du litige, ne saurait justifier à lui seul un lien suffisant avec les demandes originaires portant sur la collection LA BARONNE seule visée dans l’assignation. Concernant les produits de la collection EUGENIE, elle précise que les demandes étant fondées sur un modèle (PURE AHMAMBRA) non revendiqué dans l’acte d’assignation et à l’encontre de produits qui n’étaient pas visés dans l’assignation, celles-ci doivent s’analyser en des demandes additionnelles qui doivent être déclarées irrecevables par le tribunal, faute de lien suffisant avec les demandes initiales. Elle considère que dès lors que les prétendus faits de contrefaçon sont constatés postérieurement à l’assignation et ce pour des modèles distincts, les demandes formulées par le requérant doivent être écartées car nouvelles. /

En réponse, la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER soutiennent que les demandes additionnelles formées par voie de conclusions présentent un lien étroit avec les demandes formées dans l’assignation dès lors qu’elles sont formées entre les mêmes parties, qu’elles reposent sur le même fondement légal et tendent aux mêmes fins, qu’elles portent sur des bijoux commercialisés par la société CLIO BLUE similaires à ceux de la gamme la BARONNE visés dans l’assignation et qu’elles concernent les bijoux quadrilobés ALHAMBRA dont le motif PURE ALHAMBRA constitue une déclinaison et présente de nombreuses caractéristiques communes. Les concluantes considèrent également qu’il est de jurisprudence constante que des

demandes additionnelles portant sur des produits contrefaits non visés dans l’assignation peuvent être valablement formées en cours d’instance, dès lors qu’ils ne sont pas totalement distincts de ceux revendiqués initialement.

Sur ce,

En application de l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce, il ressort de l’assignation diligentée le 12 décembre 2014 par la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER que celle-ci portait sur la contrefaçon par la collection LA BARONNE ou LA BARONNE II du seul motif de trèfle quadrilobé VINTAGE ALHAMBRA et de cinq bijoux VINTAGE ALHAMBRA MAGIC ALHAMBRA ET SWEET ALHAMBRA.

Par conclusions notifiées par voie électronique du 31 juillet 2015, la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER ont complété leurs demandes et sollicité la condamnation de la société CLIO BLUE pour des actes de contrefaçon du motif « PURE ALHAMBRA » par les collections EUGENIE et LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE.

Il ressort de ces éléments que les faits reprochés sont distincts puisqu’ils portent sur des collections qui n’étaient pas visées dans l’assignation initiale et que la société VAN CLEEF & ARPELS invoque également à leur encontre des droits de propriété intellectuelle sur un motif également distinct, le motif PURE ALHAMBRA.

Cependant, les motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA présentent de nombreuses caractéristiques communes en ce qu’ils sont composés chacun de quatre lobes semi-circulaires symétriques constituant une forme de trèfle, d’une pierre et d’un contour en métal, le motif PURE ALFIAMBRA, créé en 2001, n’étant qu’une déclinaison du premier.

En, outre, si la société CLIO BLUE soutient que les bijoux de la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE présentent des différences telles avec le motif VINTAGE ALFIAMBRA qu’ils ne sauraient correspondre à un modèle portant atteinte aux droits d’auteur de la demanderesse, un tel argument ne relève pas d’une question de recevabilité mais de l’examen au fond de la demande.

En l’état de ces constatations, les demandes additionnelles portant sur les collections EUGENIE et LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE se fondant sur la contrefaçon d’un autre motif que celui invoqué initialement qui n’est que la déclinaison du motif VINTAGE AHLAMBRA visés dans les prétentions originaires, se rattachent par

un lien suffisant auxdites prétentions et doivent en conséquence être déclarées recevables.

Sur l’irrecevabilité pour défaut de titularité

La société CLIO BLUE conteste la titularité par la société VAN CLEEF & ARPELS, des droits d’auteur afférents aux motifs et bijoux revendiqués. Pour ce faire, elle considère dans un premier temps que la société ne peut se prévaloir de la présomption de titularité au motif notamment qu’elle n’exploite pas les bijoux VAN CLEEF & ARPEL et motifs revendiqués. Elle relève qu’il ressort de l’extrait KBIS de la société CARTIER que la marque VAN CLEEF & ARPELS est exploitée uniquement par cette dernière, ledit signe constituant par ailleurs son nom commercial et l’enseigne de certains de ses établissements secondaires. Elle considère ainsi, que faute de pouvoir bénéficier d’une telle présomption, la société demanderesse doit justifier d’une date certaine de création et /ou de divulgation. Elle expose que le traité d’apport de droits de propriété intellectuelle dont se prévaut la demanderesse ne permet pas de déterminer les modèles ayant fait l’objet de l’apport, dès lors qu’il fait uniquement référence « aux droits d’auteur identifiés dans le grand livre des œuvres collectives et qui se présente en 15 volumes reliés ». Elle ajoute que le procès-verbal de constat ne permet pas d’établir qu’il s’agit d’extraits de l’ouvrage dont il est fait état dans le traité d’apports de droits et qu’en toute hypothèse, il n’établit aucune certitude quant à l’acquisition des modèles revendiqués par la demanderesse et leur date de création.

En réponse, la société VAN CLEEF & ARPELS expose qu’elle est titulaire des droits d’auteur sur les modèles et motifs qu’elle revendique. Elle considère tout d’abord qu’elle bénéficie de la présomption de titularité dès lors que les pièces versées aux débats démontrent qu’elle exploite les bijoux ALHAMBRA publiquement et sereinement depuis plusieurs dizaines d’années et que ceux-ci sont désignés par les tiers sous le nom de VAN CLEEF & ARPELS. Elle se prévaut également, pour soutenir que lesdits bijoux sont rattachés à la société, de son droit de propriété sur des marques figuratives françaises et communautaires représentant les motifs ALHAMBRA, enregistrées pour les produits de la classe 14. Elle précise que les bijoux et motifs sur lesquels elle revendique des droits sont antérieurs aux bijoux en cause de la société CLIO BLUE et encore protégés par le droit d’auteur. Elle considère en effet que les constats d’huissier démontrent indiscutablement que les créations présentées dans le livre 5 des œuvres collectives parmi lesquels figure le motif VINTAGE ALHAMBRA avaient été réalisées à la date à laquelle l’huissier a apposé les mentions dans les livres (soit le 9 juin 1971 pour ledit motif), leur donnant ainsi une date certaine, jusqu’à l’inscription de ces constats en faux.

Sur ce.

En l’absence de toute revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant réalisé l’œuvre, les actes de possession de la personne morale qui l’exploite sous son nom font présumer, à l’égard des tiers contrefacteurs, que cette personne est titulaire sur l’œuvre, quelle que soit sa qualification, du droit de propriété incorporelle de l’auteur.

Caractérisent des actes de possession sur une œuvre sur laquelle sont revendiqués des droits de propriété intellectuelle, non pas seulement l’exploitation strictement commerciale de l’œuvre revendiquées mais aussi la détention ou la jouissance de cette œuvre par le possesseur ou même par un autre qui la tient ou l’exerce en son nom.

En l’espèce, la société VAN CLEEF & ARPELS, maison de joaillerie qui a célébré son centenaire en 2006, produit aux débats des extraits de ses registres de dépôts de modèles de bijoux, constatés notamment par un procès-verbal d’huissier en date du 17 octobre 2005, dont il ressort que figurent dans ces registres aux pages 142, 143, 144, et 147 les photographies des bijoux comportant le motif VINTAGE ALHAMBRA.

Aux termes d’un autre constat d’huissier dressé le 17 juillet 2015, l’huissier de justice constate sur les grands livres des œuvres collectives conservés dans les locaux de la société VAN CLEEF & ARPELS, plusieurs des modèles de bijoux reprenant le motif VINTAGE AHLAMBRA.

La société VAN CLEEF & ARPELS justifie également avoir déposé des dépôts en son nom de modèles internationaux n° DM 05564 en date du 7 mai 2001 et n° DM 067 922 en date du 14 juin 2006 portant sur les bijoux PURE ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA et être titulaire notamment de la marque de l’Union européenne « VAN CLEEF & ARPELS » n°3450772 déposée le 27 octobre 2003 sous laquelle les motifs AHLAMBRA et les bijoux le reprenant sont commercialisés et vendus, ainsi que de la marque française « ALHAMBRA » n° 3081930 déposée le 29 février 2001 pour divers produits et services de la classe 14 et notamment la joaillerie ou encore de la marque de l’Union européenne SWEET ALHAMBRA n°5989141 déposée le 11 juin 2007 pour divers produits et services de la classe 14 et notamment la joaillerie.

La société VAN CLEEF & ARPELS justifie enfin éditer des catalogues, dont certains sont datés de 2006, dans lesquels sont présentés ses bijoux qui reprennent le motif AHLAMBRA et de multiples articles de presse des années 2009, 2010 et 2011, dont il ressort sans équivoque que les motifs et bijoux revendiqués reprenant le motif ALHAMBRA ont été divulgués et présentés sous la marque VAN CLEEF & ARPELS, certains articles faisant état d’une date de création en 1972.

Si ces éléments ne caractérisent pas une commercialisation présente des créations revendiquées directement par la société VAN CLEEF & ARPELS, ils permettent de justifier d’actes de possession non équivoques propres à présumer la titularité de ses droits, nul autre auteur ne lui contestant cette titularité et la SOCIETE CARTIER, dont il n’est pas contesté qu’elle commercialise désormais lesdites créations, ne revendiquant pas de tels droits, agissant de concert avec la société VAN CLEEF & ARPELS dans la présente instance. Il convient dès lors de rejeter le moyen tiré du défaut de titularité des droits de la société VAN CLEEF & ARPELS soulevé par la société CLIO BLUE. Sur l’originalité des motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA et des bijoux

La société CLIO BLUE soutient que la société VAN CLEEF & ARPELS ne précise pas les caractéristiques originales que revêtiraient ses créations. S’agissant des motifs, elle relève que les deux motifs revendiqués présentent les mêmes caractéristiques et que le motif quadrilobé est un motif commun dans le domaine des arts décoratifs et de la joaillerie, de sorte que cette société ne peut prétendre à un monopole sur cette forme. Elle précise que les autres caractéristiques résultent d’exigences techniques liées au sertissage de la pierre et ne sauraient refléter la personnalité de l’auteur de ce motif. Concernant enfin l’originalité des bijoux revendiqués, la société CLIO BLUE considère que les caractéristiques décrites sont communes à de nombreux modèles et ne peuvent, par conséquent, être considérées comme fondant l’originalité de modèles distincts. Elle fait valoir que s’agissant des boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA, les caractéristiques du bijou sont en réalité parfaitement banales et communes à tous modèles de boucles d’oreilles associant, en longueur deux motifs, que s’agissant du collier SWEET ALHAMBRA, le montage revendiqué est le montage le plus classique en matière de bijouterie, afin de précisément suspendre le pendentif à la chaîne, s’agissant du bracelet SWEET ALHAMBRA, le type d’attache est couramment utilisé dans le domaine de la joaillerie, s’agissant du collier MAGIC ALHAMBRA, ce modèle est classique, la taille des motifs et leur disposition sont banals et s’agissant des Sautoirs VINTAGE ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA, la description des caractéristiques prétendument originales est identique s’agissant des trois modèles.

La société VAN CLEEF& ARPELS revendique la protection des motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA ainsi que de plusieurs modèles de bijoux. S’agissant plus particulièrement des bijoux, elle prétend en se fondant sur la jurisprudence que l’originalité d’un bijou peut résulter de la combinaison de ses caractéristiques et ce même si, celles-ci prises isolément appartiennent au domaine public. La demanderesse soutient que ses bijoux, par leurs agencements respectifs originaux, constituent une déclinaison originale du motif

VINTAGE ALHAMBRA. Concernant plus spécifiquement les motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA, la société VAN CLEEF & ARPELS soutient que les résultats auxquels elle est parvenue ne se limitent nullement à la reprise d’un motif commun dans le domaine des arts décoratifs comme le prétend la société CLIO BLUE, et revendique leur originalité notamment sur le choix de ce motif de trèfle stylisé, le choix de pierres dures (nacre, onyx, etc.) procédant de la même recherche esthétique et le choix d’un contour en métal précieux – perlé s’agissant de la version VINTAGE ALHAMBRA et lisse s’agissant de la version PURE ALHAMBRA – qui ne remplit aucune fonction technique et a un rôle purement esthétique.

La société VAN CLEEF & ARPELS soutient que tous ces choix n’ont eu d’autre finalité que de créer une forme d’un équilibre parfait et qui par une alliance des formes et des matières produit un effet esthétique saisissant. Elle souligne par ailleurs, que le caractère original des motifs et bijoux litigieux a déjà été reconnu par plusieurs décisions. Elle soutient également que contrairement à ce que prétend son adversaire, s’il existe de rares exemples d’usages d’un motif quadrilobé, aucun motif ne reprend la combinaison des caractéristiques revendiquées par elle.

Sur ce.

Les dispositions de l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d’auteur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales.

L’originalité de l’œuvre ressort notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires qui caractérisent un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Sur l’originalité des motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA

Aux fins de soutenir l’originalité des créations qu’elle revendique, la société VAN CLEEF & ARPELS se prévaut s’agissant des motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA des éléments suivants :

« - Le choix de ce motif de trèfle stylisé, s’inscrit parfaitement dans le style de la Maison VAN CLEEF & ARPELS dont l’attachement à la nature est notoire. Ce lien fort ressort tant de ses créations que de sa communication et de ses catalogues, qui contiennent de nombreux éléments représentant ou évoquant la nature (fleurs, feuilles, herbe, glace, etc.).

« - Le choix de pierres dures (nacre, onyx, etc.) procède de la même recherche esthétique et s’inscrit également dans l’esprit de la Maison. Il convient de souligner qu’un tel choix était particulièrement inhabituel

dans le domaine de la haute joaillerie. Le choix d’une telle matière a permis de transformer un végétal éphémère et périssable, en symbole intemporel;

« - Le choix d’un contour en métal précieux – perlé s’agissant de la version VINTAGE ALHAMBRA et lisse s’agissant de la version PURE ALHAMBRA – qui ne remplit aucune fonction technique et a un rôle purement esthétique – a permis de souligner délicatement la matière utilisée et défaire ressortir la forme du motif central ».

Il ressort de ces éléments que l’originalité des motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA réside dans la combinaison de plusieurs éléments caractérisés d’une part, par la présence de quatre lobes semi-circulaires symétriques constituant une forme stylisée de trèfle, d’autre part, par la présence d’un rebord légèrement surélevé en métal qui souligne les lignes du contour de la forme, délimite et encercle la pierre utilisée au centre du bijou et enfin, par la présence d’un contour en métal qui est perlé s’agissant du motif VINTAGE ALHAMBRA, permettant ainsi de créer un contraste avec le caractère lisse et poli de la pierre, et d’un contour en métal lisse au niveau de la pierre centrale légèrement bombée s’agissant du motif PURE ALHAMBRA, afin de renforcer la douceur et la géométrie du motif.

Il peut en outre être relevé, même si la société VAN CLEEF & ARPELS n’insiste pas spécialement sur ce point dans ses écritures, ainsi qu’il ressort des catalogues produits en pièce 2 que le contour du motif VINTAGE ALHAMBRA présente aussi cette spécificité d’être composé d’une surface perlée comme indiqué mais également d’un double rang perlé sur la tranche qui lui confère aussi une particularité participant de l’originalité de l’ensemble.

De même, comme cela ressort du catalogue produit en pièce 2, le motif PURE ALHAMBRA se caractérise par un serti «lisse et bombé » la pierre prenant une « forme arrondie pour plus de douceur et de modernité ».

L’ensemble de ces éléments caractéristiques, combinés entre eux, permet de justifier de l’originalité de ces deux motifs en ce qu’elle traduit un parti pris esthétique qui reflète la personnalité de leur auteur.

À cet égard, les exemples de motifs quadrilobés produits par la société CLIO BLUE, soit dans l’univers architectural, soit dans le monde de la mode (bagages Louis Vuitton) ou encore dans le secteur de la bijouterie, ne reprennent aucunement l’ensemble de ces éléments caractéristiques dans la combinaison créée par la société VAN CLEEF & ARPELS.

Il convient en conséquence de reconnaître un caractère original au sens du code de la propriété intellectuelle aux motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA.

Sur l’originalité des boucles d’oreilles, colliers et sautoirs MAGIC ALHAMBRA, du collier et bracelet SWEET ALHAMBRA et du sautoir VINTAGE ALHAMBRA ;

Au soutien de l’originalité de ces bijoux, la société VAN CLEEF & ARPELS fait valoir :

— S’agissant des Boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA, qu’elle « a choisi d’associer pour ce bijou, deux motifs VINTAGE ALHAMBRA de même couleur et de les relier par une courte chaîne en métal précieux, identique à celui utilisé pour le contour des motifs », ajoutant que les deux motifs sont d’une taille différente afin de « créer un effet visuel de perspective, renforcé par le fait que les deux motifs sont placés sur le même axe vertical » ;

— S’agissant du collier SWEET ALHAMBRA. que le bijou est utilisé seul sur une chaîne de même couleur, « afin défaire ressortir la pureté de ses lignes et de créer une unité harmonieuse avec le motif utilisé » et que « la bélière placée sur le lobe supérieur du motif crée un effet de suspension » ;

— S’agissant du bracelet SWEET ALHAMBRA, qu’il est également utilisé seul sur une chaîne de même couleur, afin de faire ressortir la pureté de ses lignes et de créer une unité harmonieuse avec le motif utilisé et qu’il « intègre deux boucles de fixation de petite taille, placées sur les deux bords opposés du motif, créant ainsi, à l’inverse d’une breloque (ou du collier) un effet de grande stabilité » ;

— S’agissant du collier MAGIC ALHAMBRA, que son originalité résulte de sa composition complexe comportant « trois motifs fixés par les extrémités de deux des lobes (…) égraines sur la partie supérieure de la chaîne », « sur le motif central, deux courtes chaînes (qui) partent de la jonction des lobes et se terminent par deux motifs Alhambra, suspendus par le lobe supérieur », l’un « des motifs est d’une taille largement supérieure à ceux qui sont égrainés sur la chaîne, l’autre d’une taille égale ». Elle ajoute que ce « bijou présente une composition particulière et ludique, jouant avec des motifs de taille différente et un motif central qui constitue le point de convergence » ;

— S’agissant des sautoirs VINTAGE ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA, qu’ils « présentent une multitude de motifs ALHAMBRA égrainés sur une chaîne et tous fixés par l’extrémité de deux lobes opposés, créant ainsi une impression de stabilité, à la différence d’un motif qui serait fixé par une bélière placée sur le lobe supérieur ».

Il ressort de l’ensemble de ces éléments ainsi caractérisés, combinés avec l’originalité déjà constatée des motifs ALHAMBRA précités et introduits dans ces bijoux, que la société VAN CLEEF & ARPELS

justifie d’un effort créatif pour chacun de ces bijoux, qui traduit l’empreinte de la personnalité de leur auteur.

Il convient en conséquence de considérer que ces bijoux sont originaux au sens du code de la propriété intellectuelle et de rejeter le moyen invoqué par la société CLIO BLUE.

Sur la contrefaçon

Sur la nullité des opérations de saisie-contrefaçon

La société CLIO BLUE soutient qu’en étendant ses constatations à la collection MADAME CLIO, l’huissier de justice a manifestement outrepassé la mission qui lui était confiée. Elle rappelle à cet égard que doit être annulée une saisie-contrefaçon au motif que les produits saisis ne présentaient aucune similitude avec les titres énoncés dans la requête et repris dans l’ordonnance, l’huissier instrumentaire outrepassant ainsi ses pouvoirs et que ce dépassement de mission constitue une irrégularité de fond affectant la validité de la saisie réelle. Elle considère en l’espèce que l’ordonnance présidentielle autorisait l’huissier de justice à diligenter des opérations de saisie contrefaçon relatives aux seuls bijoux CLIO B de la collection « LA BARONNE » présentés en pages 4, 5 et 7 du Catalogue CLIO B Automne 2014 ou « tout autre modèle qui porterait atteinte aux droits d’auteur afférents à la combinaison originale du motif VINTAGE ALHAMBRA créé par VAN CLEEF & ARPELS » et que l’huissier de Justice instrumentaire a immédiatement commencé ses opérations endressant des constatations relatives à une collection distincte de la collection litigieuse LA BARONNE, la collection dénommée « MADAME CLIO » qui est composée de bijoux comportant un motif quadrilobé certes, mais sans comparaison possible avec le motif VINTAGE ALHAMBRA revendiqué par la société VAN CLEEF & ARPELS. Elle estime donc qu’en étendant ses constatations à une collection sans rapport avec le litige, l’Huissier de justice a manifestement outrepassé la mission qui lui était confiée de telle sorte que les opérations de saisie contrefaçon diligentées le 17 novembre 2014 doivent être annulées.

En réponse, la société VAN CLEEF & ARPELS considère qu’aux termes de l’ordonnance présidentielle, les opérations de l’huissier n’étaient nullement limitées aux seuls bijoux LA BARONNE et qu’il existe une forte ressemblance entre les bijoux de la collection MADAME CLIO, LA BARONE et les bijoux ALHAMBRA, qui étaient couverts par la requête, de sorte qu’il ne peut être reproché à l’huissier d’avoir photographié les modèles MADAME CLIO.

Sur ce,

Il ressort de l’ordonnance rendue par le juge des requêtes par délégation du président du tribunal de grande instance de PARIS le 5 novembre 2014 que la société VAN CLEEF & ARPELS a été

autorisée à faire procéder par tout huissier de son choix à la « constatation de la détention et de l’offre à la vente des bijoux CLIO B de la collection « LA BARONNE » (…) et de tout autre produit qui porterait atteinte aux droits d’auteur afférents à la combinaison originale du motif et des bijoux ALHAMBRA».

Aux termes de cette ordonnance, l’huissier de justice était en outre autorisé notamment à « photographier les modèles de bijoux CLIO B de la collection LA BARONNE et de tout autre produit qui porterait atteinte aux droits d’auteur afférents à la combinaison originale du motif VINTAGE ALHAMBRA ».

Il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 17 novembre 2014 que l’huissier de justice après avoir constaté la présence dans une vitrine de modèles de bijoux comportant un motif composé de quatre lobes semi-circulaires symétriques, et qu’ayant sollicité le responsable des achats sur place, celui-ci lui a indiqué « qu’il s’agit de la collection « LA BARONNE » dont une autre déclinaison est présentée dans la boutique en rez-de-chaussée ».

S’il s’est ensuite avéré que dans cette vitrine, les modèles présentées portaient sur la collection « MADAME CLIO » et non « LA BARONNE », cette circonstance ne saurait affecter la validité des opérations de saisie-contrefaçon par l’huissier dès lors d’une part, que sa mission lui donnait la possibilité de constater la détention et de l’offre à la vente des bijoux CLIO B de la collection « LA BARONNE » mais aussi de tout autre produit qui porterait atteinte aux droits d’auteur afférents à la combinaison originale du motif VINTAGE ALHAMBRA et que, d’autre part, avant de procéder auxdites constatations, l’huissier a bien mentionné avoir sollicité l’avis du responsable des achats surplace et constaté lui-même que lesdits bijoux reprenaient le motif quadrilobé symétrique revendiqué.

Au regard de ces éléments, il convient de rejeter le moyen tiré de la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 17 novembre 2014.

Sur les actes de contrefaçon

La société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER soutiennent que les motifs insérés dans les bijoux de la société CLIO BLUE sont identiques aux motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA. Elles considèrent en effet que le bijou CLIO B reprend la combinaison des caractéristiques du motif VINTAGE ALHAMBRA (quatre lobes semi-circulaires, rebord légèrement surélevé en métal et perlé). Elle précise que la forme du motif ALHAMBRA et celui des gammes LA BARONNE et les INTEMPOREL/JOUR DE CHANCE est identique, les quatre éléments de sertissage des bijoux LA BARONNE ayant en outre été placés aux mêmes endroits. Elle ajoute que les bijoux de la collection EUGENIE présentent un motif quadrilobé en nacre blanche,

cerclé par un rebord de métal lisse et reprennent les caractéristiques des motifs PURE ALHAMBRA. Elles font valoir que les différences soulevées par la société CLIO BLUE sont insignifiantes, qu’elles n’altèrent en rien l’apparence d’ensemble et ne parviennent donc pas à dissimuler le fait que les caractéristiques du motif ALHAMBRA ont été reprises sur les bijoux de la défenderesse.

La société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER prétendent par ailleurs que les bijoux de la société CLIO BLUE reprennent la combinaison des caractéristiques propres aux bijoux VINTAGE ALHAMBRA, MAGIC ALHAMBRA et SWEET ALHAMBRA. Elles exposent qu’il existe entre les bijoux en cause des points communs qui démontrent que la défenderesse a repris le style esthétique, le code ADN de la maison. Elles soutiennent ainsi que les boucles d’oreilles CLIO B reprennent outre le motif ALHAMBRA VINTAGE, la combinaison des caractéristiques des boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA et que la seule différence liée à la longueur de la chaîne est insignifiante. Elles ajoutent que le collier CLIO B reprend outre le motif ALHAMBRA VINTAGE, la combinaison des caractéristiques du collier MAGIC ALHAMBRA et que la seule différence liée à l’absence du plus petit des deux motifs rattachés au motif central n’est pas signifiante d’autant qu’elle s’explique par la difficulté de réalisation de cet ajout, la société VAN CLEEF & ARPELS expose que les sautoirs et les colliers CLIO B, outre le motif ALHAMBRA VPNTAGE, reprennent la combinaison des caractéristiques des sautoirs VPNTAGE ALHAMBRA et des colliers MAGIC ALHAMBRA et SWEET ALHAMBRA. Elles font enfin valoir que les bracelets CLIO B reprennent la combinaison de caractéristiques du bracelet SWEET ALHAMBRA.

La société CLIO BLUE conteste en premier lieu la preuve de la matérialité des faits (reproduction des caractéristiques des motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA) concernant les collections EUGENIE et LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE, aucune preuve de la commercialisation des modèles argués de contrefaçon n’étant rapportée, de simples photos extraites de sites internet ou de book étant insuffisantes. Elle précise que s’agissant de la collection EUGENIE, la société VAN CLEEF & ARPELS se borne à invoquer un book de collection interne non destiné à être divulgué qui ne permet pas d’identifier clairement les caractéristiques du motif argué de contrefaçon et que les extraits de site internet pour la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE sont aussi insuffisants pour établir la contrefaçon.

La société CLIO BLUE conteste ensuite la contrefaçon du motif VINTAGE ALHAMBRA s’agissant de la collection LA BARONNE et de la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE. Ainsi pour la collection la BARONNE, la défenderesse soutient qu’il existe des différences notables et notamment que la seule reprise du quadrilobe par CLIO B ne peut en soi caractériser un acte de contrefaçon, dès

lors qu’il est un élément connu du fonds commun des arts décoratifs. Elle précise que si le motif VINTAGE ALHAMBRA se distingue par le caractère poli et lisse de la pierre, cette caractéristique prétendument originale ne se retrouve absolument pas dans la collection LA BARONNE, qu’à l’inverse du motif VINTAGE ALHAMBRA, le contour des bijoux la BARONNE présente en surface, un double rang perlé et sur la tranche du bijou, un simple rang perlé, que le sertissage de la pierre est également clairement distinct, le motif VINTAGE ALHAMBRA se caractérisant par un serti clos, de telle sorte qu’aucun espace n’apparaît entre le contour et la pierre alors que la pierre des bijoux la BARONNE est maintenue au centre du motif par quatre griffes, de telle sorte qu’un jour apparaît distinctement entre le contour et la pierre. Elle ajoute que la forme même du quadrilobe est différente, les arcs de cercle étant nettement marqués dans le motif VINTAGE ALHAMBRA, tandis qu’ils se fondent avec l’aspect général de la forme dans la collection LA BARONNE.

Concernant la collection les INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE, la société CLIO BLUE revendique notamment les différences suivantes avec le motif VINTAGE ALHAMBRA : Le contour des bijoux LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE présente en surface un simple rang de brillants et sur la tranche du bijou, un bord lisse et épais ; le motif de la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE est entouré d’un rebord en métal serti de brillants et n’est pas surélevé mais au contraire plus bas que le motif qu’il entoure de manière à le faire ressortir davantage ; le choix d’une matière argent ou blanche selon les modèles et non de nacre confère au motif de la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE une impression d’ensemble nettement différente de celle produite par le motif VINTAGE ALHAMBRA, le motif de la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE se distingue du motif VINTAGE ALHAMBRA par la présence au sein de la forme quadrilobée de 5 petits brillants ; le choix de positionner ces brillants non au centre de la forme quadrilobée mais en décalé, à proximité de deux des pétales du motif, crée une impression d’irrégularité de taille entre les différentes pétales du trèfle, effet inexistant dans le motif VINTAGE ALHAMBRA qui n’est nullement agrémenté de brillants ou d’un quelconque motif. À titre subsidiaire, elle conteste la contrefaçon du motif PURE ALHAMBRA par la collection EUGENIE en faisant valoir que cette dernière se caractérise par un rebord large et plat agrémenté de brillants, à l’inverse du motif PURE ALHAMBRA dont le rebord en métal lisse n’est nullement agrémenté de quelconques brillants ou motifs ; un rebord légèrement bombé quand le rebord du motif PURE ALHAMBRA est lui exactement au même niveau que la pierre centrale et ajoute que la pierre centrale du motif de la collection EUGENIE n’est nullement bombée en son centre contrairement à ce qui est revendiqué pour le motif PURE ALHAMBRA.

La société CLIO BLUE conteste enfin la contrefaçon des cinq bijoux revendiqués par la société VAN CLEEF & ARPELS en faisant valoir

que ses bijoux ne reprennent pas les caractéristiques des bijoux de la société VAN CLEEF& ARPEL. Elle fait ainsi valoir sur la comparaison des boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA et des boucles d’oreilles BO 1318 R/B01318RH que les boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA se caractérisent par deux motifs quadrilobés reliés entre eux par une petite chaînette, conférant ainsi au modèle une mobilité que n’a pas le modèle BO 1318 R/B01318RH de la société CLIO BLUE dépourvu de toute chaînette.

Elle précise s’agissant de la comparaison du collier MAGIC ALHAMBRA et du collier CO1801R et CO1801RH, que le collier MAGIC ALHAMBRA contient cinq motifs quadrilobés, positionnés sur une chaîne de façon asymétrique, tandis que le collier LA BARONNE est composé de quatre motifs quadrilobés, dont trois sont positionnés, de manière symétrique sur la chaîne principale, à laquelle est relié le quatrième motif, en guise de pendentif. Elle indique que s’agissant de la comparaison des sautoirs LA BARONNE VINTAGE ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA et des sautoirs 11SL107 R et SAU 1732 R. la société VAN CLEEF & ARPELS ne peut revendiquer de droits que sur une combinaison préexistante et non associer plusieurs modèles afin d’étendre son monopole. Elle ajoute que les sautoirs LA BARONNE se distinguent des modèles ALHAMBRA par le positionnement des motifs sur la chaîne, la combinaison des pierres de couleurs et le caractère évidé de certains motifs.

La société CLIO BLUE expose s’agissant de la comparaison des colliers VINTAGE ALHAMBRA / SWEET ALHAMBRA et des colliers CA 1826 R et CO 1732R que les colliers revendiqués sont constitués de simples pendentifs sur une chaînette, et que le collier LA BARONNE s’en distingue par l’ajout, au niveau du fermoir, d’une chaînette avec le rappel de la marque CLIO BLUE en forme de petit poisson. S’agissant de la comparaison du bracelet SWEET ALHAMBRA et des bracelets BR 1826 R et BR 1732 R, la société CLIO BLUE expose que le bracelet revendiqué est constitué d’une simple chaînette reliant le motif et que celui de la collection LA BARONNE s’en distingue par l’ajout, au niveau du fermoir, d’une chaînette avec le rappel de la marque CLIO BLUE en forme de petit poisson.

La société CLIO BLUE ajoute que les différences ainsi invoqués ne sont pas insignifiantes alors qu’elles portent sur les mêmes éléments que ceux cités par les demanderesses au titre de l’originalité des bijoux qu’elles revendiquent de telle sorte qu’à l’exception de la forme quadrilobée que les demanderesses ne sauraient prétendre s’approprier, les caractéristiques prétendument originales dont elles se prévalent ne sont pas reproduites dans les produits litigieux.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».

Il sera rappelé en outre que la contrefaçon s’établit par les ressemblances résultant de la reprise des éléments caractéristiques de l’œuvre concernée.

Cependant, l’impression d’ensemble qui émane d’une analyse globale ne saurait suffire à établir la contrefaçon et dispenser d’une comparaison précise entre les œuvres revendiquées et de celles arguées de contrefaçon étant rappelé que dès lors que l’originalité résulte d’une combinaison d’éléments, la contrefaçon ne saurait être établie que si on retrouve la même combinaison ou tout au moins une combinaison reprenant dans un agencement identique ou similaire les éléments les plus caractéristiques.

Il appartient au demandeur d’apporter la preuve de la reprise de ces éléments. S’il n’est pas contraint de produire des exemplaires originaux en trois dimensions ni des photographies des créations protégées et des produits argués de contrefaçon, il lui appartient de produire des éléments suffisamment clairs et précis pour permettre au tribunal d’apprécier la contrefaçon par un travail de comparaison qui doit faire ressortir la reprise ou non des éléments caractéristiques de l’œuvre revendiquée.

En l’espèce, il convient de noter que la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER ont fait le choix de ne produire aucun motif en trois dimensions ni d’exemple de bijoux reproduisant les motifs revendiqués, pas même en fac-similé, pas plus que ne sont produits aux débats les bijoux argués de contrefaçon à l’exception de deux bijoux de la collection LA BARONNE. Sur la contrefaçon du motif VINTAGE ALHAMBRA par la collection LA BARONNE et la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE.

Il convient de rappeler que la société VAN CLEEF & ARPELS peut se prévaloir de droit d’auteur sur le motif VINTAGE ALHAMBRA dès lors qu’il comporte la combinaison suivante : — un motif de trèfle stylisé, — le choix de pierres dures (nacre, onyx, etc.). — un contour en métal précieux perlé surélevé (et une tranche doublement perlée) contrastant avec le caractère lisse et poli de la pierre

Sur la comparaison du motif VINTAGE ALHAMBRA avec la collection LA BARONNE et LA BARONNE II ;

La société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER considèrent que les bijoux suivants caractérisent une contrefaçon du motif ALHAMBRA :

- Boucles d’oreilles La BARONNE II référencés B01345 R, B01345RH, 10SL108R, B01270R, B01318R, B01318RH,
- Bracelets LA BARONNE II référencés BR1826R, BR1826RH, BR1732R, 12SL105R
- Sautoirs LA BARONNE II référencés 11SL107R, SAU1732R,
- Colliers LA BARONNE II référencés CO1801R et CO1801RH, C01826R et 1826RH

Pour justifier de la reprise de ces éléments caractéristiques, la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER produisent un exemplaire de bijou de la collection LA BARONNE, acquis selon procès-verbal de constat d’achat du 29 août 2014, ainsi que deux boucles d’oreilles acquises selon procès-verbal de constat du 20 mai 2016, le tribunal devant ainsi procéder pour le surplus des bijoux de cette collection à cette comparaison sur la base de photographies.

Si ce bijou et les différentes photographies des bijoux de la collection LA BARONNE ou LA BARONNE II permettent de constater que le motif du trèfle à quatre feuilles a été repris, ainsi que la présence d’un rebord perlé, il ne ressort nullement de ces photos que d’une part, ce rebord présente aussi la particularité d’être surélevé et que d’autre part, a été repris la combinaison entre une pierre lisse et poli et le rebord perlé alors que la pierre utilisée dans les bijoux produit aux débats est une pierre à facettes, qui n’est donc nullement lisse.

De même, les bijoux de la collection LA BARONNE et LA BARONNE II se caractérisent par la présence d’un rebord comportant deux rangés de perle, contrairement au motif VINTAGE ALHAMBRA qui ne revendique qu’une seule rangée de perle sur le rebord.

Enfin, si les quatre éléments de sertissage sont placés au même endroit, il peut être noté que ceux-ci sont d’une forme très différente, puisqu’ils sont caractérisés par une perle s’agissant du motif revendiqué alors qu’ils se présentent sous la forme de griffes pour les bijoux de la collection LA BARONNE et LA BARONNE II.

En l’état de ces différences, qui contrairement à ce que soutiennent la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER ne sont pas insignifiantes au regard des éléments caractéristiques revendiqués constituant l’originalité du motif VINTAGE ALHAMBRA, fondement indispensable à une action en contrefaçon, il convient de considérer que la contrefaçon n’est pas suffisamment établie.

Sur la comparaison du motif VINTAGE ALHAMBRA avec les bijoux de la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE ;

La société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER considèrent que les bijoux suivants caractérisent une contrefaçon du motif ALHAMBRA :

— Boucles d’oreilles BO11440RH,
- Bracelet BRI987RH
- Bague T52

Seul est produit aux débats un catalogue dans lequel figure une représentation des bijoux de cette collection dont les caractéristiques permettent de constater la reprise du motif du trèfle à quatre feuilles et un rebord, qui cependant n’apparaît pas « perlé », mais formé de brillants.

En outre, le catalogue ainsi produit ne permet pas de faire ressortir le caractère surélevé du rebord, ni la configuration de la tranche de ce bijou si bien que le tribunal n’est pas en mesure de constater si celui- ci comporte aussi une tranche avec une ou deux rangées de perles.

Enfin, ce bijou comporte 5 brillants greffés sur la pierre, de manière décalée par rapport à son centre, lui conférant une spécificité que l’on ne retrouve nullement dans le motif revendiqué et dont il résulte une différence significative.

En l’état de ces différences qui contrairement à ce que soutiennent la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER ne sont pas insignifiantes, la contrefaçon n’est pas caractérisée. Sur la contrefaçon du motif PURE ALHAMBRA s’agissant de ta collection EUGENIE ;

Il convient de rappeler que l’originalité du motif PURE ALHAMBRA a été reconnue en ce que ce motif comporte les éléments caractéristiques combinés suivants :

— un motif de trèfle stylisé,
- le choix de pierres dures (nacre, onyx, etc.),
- un contour en métal précieux «lisse et bombé », la pierre prenant une « forme arrondie pour plus de douceur et de modernité ».

Il convient d’observer que les photographies des bijoux de la collection EUGENIE argués de contrefaçon (n° BO1405RH. BR1918RH, CO1918RH) issues du catalogue LOOK BOOK – hiver 2014 sont d’une qualité médiocre et ne permettent pas d’apprécier précisément la structure et les éléments composant ces bijoux. Si ces bijoux ont une forme de trèfle, ils se distinguent du motif PURE ALHAMBRA par un rebord dont l’apparence est manifestement plus

large et grossier, ce rebord n’étant en outre pas lisse puisque des brillants ont été ajoutés sur l’une des feuilles du trèfle. De même, la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER ne parviennent pas à établir la reprise de l’aspect bombé de la pierre centrale, la société CLIO BLUE précisant que son bijou est d’aspect plat et ce alors que la société VAN CLEEF & ARPELS a mis en avant la forme arrondie de la pierre du motif PURE ALHAMBRA afin de donner une impression de douceur et de modernité.

La reprise de l’ensemble des caractéristiques revendiqué par la société VAN CLEEF & ARPELS n’est ainsi pas établie de telle sorte que la contrefaçon du motif PURE ALHAMBRA par les bijoux de la collection EUGENIE sera rejetée.

Sur la contrefaçon des bijoux revendiqués par la société VAN CLEEF & ARPELS ;

Indépendamment de l’absence de contrefaçon caractérisée des motifs en eux-mêmes, il convient désormais d’apprécier la contrefaçon alléguée des bijoux revendiqués par la société VAN CLEEF & ARPELS.

Sur la contrefaçon des boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA par les boucles d’oreilles référencées BO1318R et B01318RH ;

Les boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA se caractérisent par l’association sur un même bijou de deux motifs VINTAGE ALHAMBRA de même couleur mais de taille différente (le motif situé dans la partie inférieure étant plus grand que le motif placé dans la partie supérieure), reliés sur le même axe vertical par une courte chaîne en métal précieux, identique à celui utilisé pour le contour des motifs.

Les boucles d’oreilles de la société CLIO BLUE référencées B01318R et B01318RH reprennent l’association de deux bijoux en forme de trèfles à quatre feuilles sertis d’un rebord perlé, l’un des motifs situé en partie supérieur étant plus petit que le motif inférieur et les deux étant reliés sur le même axe central par deux anneaux. Si comme le fait observer la société CLIO BLUE, ses bijoux n’ont pas une chaîne de même longueur que celle des boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA, cette différence est insignifiante et ce alors que l’ensemble des autres caractéristiques revendiquées par la société VAN CLEEF & ARPELS est repris à savoir l’association de deux motifs quadrilobés en forme de trèfle de taille différente, sertis d’un rebord perlé et reliés l’un à l’autre.

La contrefaçon des boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA par les bijoux référencées BO1318R et BO1318RH de la société CLIO BLUE est ainsi établie.

Sur la contrefaçon du collier MAGIC ALHAMBRA par le collier référencé CO 1801R et COI 801RH

Le collier MAGIC ALHAMBRA se caractérise par la combinaison de trois motifs quadrilobés dans la partie supérieure du collier placés à des distances non symétriques, et sur le motif central, de deux courtes chaînes partant de la jonction des lobes et se terminant par deux motifs ALHAMBRA suspendus par le lobe supérieur, l’un des motifs étant d’une taille supérieure à ceux qui sont égrainés sur la chaîne, l’autre de taille égale étant précisé que ces deux motifs sont reliés par des chaînes de taille différente créant une asymétrie particulièrement significative.

Le bijou de la société CLIO BLUE référencé CO 1801R et CO 1801 RH comprend 4 motifs de trèfles à quatre feuilles, deux en partie supérieure et un central de même taille sur lequel est suspendu un dernier trèfle de plus grande taille, en guise de pendentif. Cependant, comme le fait observer ajuste titre la société CLIO BLUE, ce collier ne reprend pas l’asymétrie recherchée par le collier MAGIC ALHAMBRA dont il s’en distingue dès lors nettement.

Ce faisant, la contrefaçon n’est pas établie alors que la caractéristique asymétrique de la combinaison du collier MAGIC ALHAMBRA qui est dominante n’est pas reprise dans le collier de la société CLIO BLUE, et que contrairement à ce que soutiennent la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER, cette différence n’est pas insignifiante.

Sur la contrefaçon des sautoirs VINTAGE ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA avec les bijoux 11SL107 R et SA U 1732 R ;

La société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER font valoir que les sautoirs ALHAMBRA présentent une multitude de motifs ALHAMBRA égrainés sur une chaîne et tous fixés par l’extrémité de deux lobes opposés, à la différence d’un motif qui serait fixé par une bélière placée sur le lobe supérieur.

Cependant, les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et CARTIER invoquent deux sautoirs différents, l’un reprenant des motifs AHLAMBRA de même taille à intervalles réguliers et l’autre reprenant ces mêmes motifs mais à intervalles irréguliers et de taille et de couleurs différentes.

Le sautoirs de la société CLIO BLUE référencés 11SL107R se caractérisent par la présence de 6 motifs de trèfles à quatre feuilles de taille identique, de couleurs différentes et avec un positionnement que l’on ne retrouve pas sur le sautoir VINTAGE ALHAMBRA qui se caractérise par la présence d’une multitude de motifs ALHAMBRA de même couleur et de même taille, ni sur le sautoir MAGIC ALHAMBRA

qui se caractérise par des motifs AHLAMBRA de taille et de couleurs différentes.

De même le sautoir référencé SAU1732R comporte seulement 4 motifs de trèfles à quatre feuilles, deux bleus, deux blancs, de même taille, reliés grâce à une bélière sur chacun des lobes inférieurs et supérieurs des motifs par une chaîne. Celui-ci ne reprend pas les caractéristiques du collier VINTAGE ALHAMBRA (dont les couleurs sont identiques) ou même du collier MAGIC ALHAMBRA dont les motifs sont de couleurs différentes et de tailles différentes.

Il ressort de la comparaison ainsi effectuée que la contrefaçon n’est pas caractérisée.

Sur la contrefaçon des colliers VINTAGE ALHAMBRA / SWEET ALHAMBRA avec les bijoux référencés CO 1826 R, CO 1826 RH et CO J732R ;

Le collier SWEET ALHAMBRA se caractérise par l’utilisation d’un seul motif ALHAMBRA sur une chaîne de même couleur et d’une bélière placée sur le lobe supérieur du motif créant un effet de suspension, renforcé par la longueur de la chaîne.

Le collier VINTAGE ALHAMBRA se caractérise par l’utilisation d’un seul motif ALHAMBRA sur une chaîne de même couleur et de deux bélières placée de part et d’autre du lobe supérieur du motif.

Les colliers de la société CLIO BLUE référencés CO 1826 R, CO 1826 RH CO 1732R se caractérisent également par l’utilisation d’un seul motif de trèfle à quatre feuilles suspendu à une chaîne de même couleur à l’aide d’un anneau placé sur le lobe supérieur du trèfle. Ces bijoux reprennent ainsi les caractéristiques des colliers de la société VAN CLEEF & ARPELS et s’ils s’en distinguent par l’ajout, au niveau du fermoir, d’une chaînette avec le rappel de la marque CLIO BLUE en forme de petit poisson, cet ajout ne constitue pas une différence signifiante permettant de faire disparaître la contrefaçon.

La contrefaçon des colliers VINTAGE ALHAMBRA / SWEET ALHAMBRA par les bijoux référencés CO 1826 R, CO 1826 RH et CO 1732R est donc caractérisée.

Sur la contrefaçon du bracelet SWEET ALHAMBRA par les bracelets référencés BRI 732R et BR1826R et BR 1826 RH ;

Le bracelet SWEET ALHAMBRA se caractérise par l’utilisation d’un seul motif ALHAMBRA sur une chaîne de même couleur et de deux boucles de fixation de petite taille, placées sur les deux bords opposés du motif.

Les bracelets référencés BR1732R et BR1826R et BR 1826 RH reprennent l’association d’un seul bijou de forme quadrilobé et d’une chaîne comportant deux boucles sur les deux bords du motif et ainsi reprennent les mêmes caractéristiques que celles revendiquées par la société VAN CLEEF & ARPELS de telle sorte que la contrefaçon est en l’espèce établie, la seule différence résultant de l’ajout au niveau du fermoir, d’une chaînette avec le rappel de la marque CLIO BLUE en forme de petit poisson, n’étant pas signifiante pour exclure la contrefaçon.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la contrefaçon est établie pour :

— les boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA par les bijoux référencés B01318Ret B01318RH ;

- les colliers VINTAGE ALHAMBRA / SWEET ALHAMBRA par les bijoux référencés CO 1826 R, CO 1826 RH et CO 1732R ;

- le bracelet SWEET ALHAMBRA par les bracelets référencés BRI 732R et BRI 826R et BR 1826 RH

Pour le surplus, l’action en contrefaçon sera rejetée.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme

La société VAN CLEEF & ARPELS considère que le fait pour la société de commercialiser simultanément plusieurs bijoux au surplus dans 10 coloris différents qui constituent une contrefaçon de ses droits, crée un effet de gamme et constitue de ce fait une faute civile, de nature à lui causer un préjudice. À titre subsidiaire, elle expose que si le Tribunal devait considérer que l’effet de gamme ne peut être invoqué que par la société qui commercialise ces bijoux, il lui serait demandé de juger que la faute a été commise au préjudice de la société CARTIER.

La société CARTIER ajoute que les actes de contrefaçon commis au préjudice de la société VAN CLEEF & ARPELS constituent une faute civile préjudiciable à son égard. Elle précise que la société CLIO BLUE a profité de la notoriété attachée aux bijoux qu’elle commercialise, afin de valoriser ses produits et son image. Elle ajoute que le fait pour la société défenderesse de se présenter comme la « maison CLIO BLUE » à l’instar des grandes maisons de joaillerie et de vendre des collections « intemporelles » conforte cette intention parasitaire. La société CARTIER précise qu’elle a exposé entre le 31 mars 2009 et le 31 mars 2014, des montants supérieurs à 12.000.000 € et entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2016 des montants supérieurs à 9.000.000 € pour la promotion des produits VAN CLEEF & ARPELS. Elle ajoute que de nombreuses publications françaises et internationales (Paris Match, Madame F, Femina, Le Nouvel Observateur, Le Point, Glamour, Cosmopolitain, Gala, Elle, etc.) ont

souligné à plusieurs reprises le caractère emblématique, voire mythique, de ce motif quadrilobe et/ou de la collection ALHAMBRA.

En réponse, la société CLIO BLUE soulève dans un premier temps l’absence d’intérêt à agir de la société VAN CLEEF & ARPELS dès lors qu’elle n’est pas celle qui commercialise les produits et qu’elle n’est donc pas en situation de concurrence avec la défenderesse et ne peut donc lui reprocher des agissement de concurrence déloyale. Elle fait toutefois valoir, dans l’hypothèse où le tribunal déclarerait son action recevable, que la société VAN CLEEF & ARPELS, dès lors qu’elle lui reproche de commercialiser des bijoux qui constituent une contrefaçon de ses droits, n’invoque aucun fait distinct de ceux sur lesquels elle s’était fondée pour la contrefaçon. Elle précise par ailleurs qu’il ne saurait lui être reproché de décliner ses modèles en plusieurs coloris, cette pratique étant courante dans le secteur.

Concernant la société CARTIER, la défenderesse soutient qu’elle n’a pas plus d’intérêt à agir dès lors qu’elle ne justifie pas de sa qualité de distributeur des bijoux et motifs revendiqués. La société CLIO BLUE considère en effet qu’aucun des éléments ne permet de connaître l’étendue de l’apport partiel d’actifs invoqué et que les attestations versées au débat ne distinguent pas les motifs, des bijoux revendiqués. Elle fait également valoir, dans l’hypothèse où le tribunal déclarerait son action recevable, que la société CARTIER ne produit aucun élément probant de nature à justifier de quelques investissements pour la promotion du motif revendiqué.

Sur ce.

Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil (anciennement 1382 et 1383 du code civil) que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de liberté du commerce qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.

Le parasitisme, qui s’apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d’un savoir- faire ou d’un travail intellectuel d’autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

En l’espèce, il ressort des pièces versées et des débats que la société CLIO ÉLUE commercialise plusieurs bijoux dans des coloris différents et sous des formats différents (colliers, bracelets, sautoirs) qui reprennent tous un motif de trèfle à quatre feuilles sertis de perle, qui sans être la reproduction servile du motif ALHAMBRA, crée un effet de gamme de nature à générer sciemment une confusion dans l’esprit de la clientèle, laquelle est au demeurant avérée par les commentaires des internautes produits par la société VAN CLEEF & ARPELS qui mettent en avant la reprise du style de la maison VAN CLEEF & ARPELS et la proximité avec la collection ALHAMBRA pour faciliter la revente des boucles d’oreilles commercialisées par la société CLIO BLUE.

Le caractère répétitif et systématique, décliné sur plusieurs collections et types de bijoux (colliers, bracelets, sautoirs) de la reprise des principales caractéristiques de la collection ALHAMBRA qui, au regard des nombreuses publications produites, constitue une collection emblématique de la société VAN CLEEF &ARPELS, caractérise ainsi une faute, dont cependant seule la société CARTIER est recevable à solliciter la réparation dès lors qu’il n’est pas contesté que la société VAN CLEEF & ARPELS ne commercialise pas directement les produits VAN CLEEF& ARPELS et que le préjudice qu’elle a pu subir du fait de l’atteinte à son image est inclus dans celui réparé au titre de la contrefaçon.

De même, en agissant ainsi, la société CLIO BLUE s’est volontairement mise dans le sillage de la société CARTIER, afin de bénéficier de la réputation, du savoir-faire et des investissements de celle-ci pour promouvoir la commercialisation de ses propres bijoux, étant observé que celle-ci justifie de sa qualité de distributeur des produits VAN CLEEF & ARPELS à la suite d’un apport partiel d’actifs de la société VAN CLEEF & ARPELS FRANCE intervenu le 1er juin 2010, conformément à l’extrait Kbis produit ainsi qu’aux extraits de la convention d’apport portant sur la branche d’activité ayant pour objet la vente au détail de produits de joaillerie et d’horlogerie en France.

À cet égard, la SOCIETE CARTIER verse une attestation de son directeur général évoquant un chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’euros entre 2010 et 2014 pour la vente des produits joailliers et horlogers de la collection ALHAMBRA corroborée par le commissaire au compte, élément suffisant pour justifier de la commercialisation des

produits cette collection en ce compris ceux visés dans la présente procédure, ainsi qu’une attestation précisant le montant des dépenses de publicité et de promotion des produits de joaillerie et d’horlogerie commercialisés en France à hauteur de plus de 12 000 000 d’euros entre 2011 et 2014 et de 9 000 000 d’euros pour les années 2015 et 2016.

Les agissements fautifs à rencontre de la société CARTIER sont ainsi caractérisés.

Sur la réparation du préjudice

La société VAN CLEEF & ARPELS se prévaut d’un préjudice subi au titre de la contrefaçon de droit d’auteur, qu’elle estime à 250 000 euros. Pour évaluer le préjudice subi au titre de l’atteinte porté à son droit, elle prend en considération les conséquences économiques négatives qu’elle a subies du fait des actes de contrefaçon qui ont eu pour effet de porter atteinte à son monopole d’exploitation et de diluer ses droits de propriété intellectuelle. Elle souligne notamment le fait que l’offre à la vente de ces bijoux dans des coloris qui n’ont pas été choisis par la société, altère davantage le lien existant entre ces modèles de bijoux et la maison VAN CLEEF & ARPELS et que la popularisation du motif dans une version de mauvaise qualité détournera mécaniquement une partie de sa clientèle.

La demanderesse prend également en compte les bénéfices indûment réalisés par la société qui en se fondant sur les documents de la partie adverse se situe entre 140 514 euros et 619 539 euros et auquel elle ajoute le chiffre d’affaire réalisé pour la vente des bijoux des collections EUGENIE et INTEMPORELS pour lesquels aucune donnée n’a été fournie ainsi que les bénéfices d’image et les économies d’investissements dont la société a bénéficié. Enfin, la société inclut le préjudice moral et d’image qu’elle a subi du fait de la commercialisation des bijoux litigieux.

La société CARTIER soutient avoir subi un préjudice au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, qu’elle évalue à 250.000 euros. Elle considère que la société CLIO BLUE a économisé les frais importants pour la promotion des produits VAN CLEEF & ARPELS. Elle ajoute que ces agissements ont porté atteinte à l’image de luxe des bijoux de la Maison VAN CLEEF & ARPELS et ont ruiné les efforts de valorisation et de promotion qu’elle a réalisés.

En réponse aux arguments adverses, la société CLIO BLUE indique dans un premier temps qu’elle a immédiatement après les opérations de saisie-contrefaçon, retiré de ses catalogues et cessé la vente de la collection LA BARONNE. Elle souligne que les demanderesses n’ont pas assigné les fournisseurs auprès desquels elle s’était approvisionnée, ce qui démontre leur volonté de sanctionner un concurrent. Elle fait grief à la demanderesse d’avoir tardé à diligenter

les opérations de saisie-contrefaçon et par conséquent d’avoir laissé perdurer la vente des produits litigieux. Elle soutient également qu’elle n’a pas économisé de frais d’investissements de création dès lors qu’elle s’est approvisionnée auprès de différents fournisseurs. Elle soutient également que le préjudice d’image dont se prévaut la demanderesse a déjà été invoqué au titre des conséquences économiques négatives. Elle ajoute enfin que la demanderesse ne justifie nullement du quantum de ses demandes, ni de la part d’investissements qu’elle prétend avoir engagés pour les modèles revendiqués.

Sur ce

Sur le préjudice de la société VAN CLEEF & ARPELS au titre de la contrefaçon

En application de l’article L. 331-3-1 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

En l’espèce, la société VAN CLEEF & ARPELS ne justifie pas d’un manque à gagner ou de perte subi et ce d’autant qu’elle ne commercialise pas elle-même ses créations.

En revanche, elle peut prétendre aux bénéfices réalisés par la société CLIO BLUE.

Il ressort ainsi des pièces versées et notamment des factures d’achat produites par la société CLIO BLUE que parmi les produits référencés visés dans l’assignation, les quantités suivantes ont été acquises par cette dernière : CO1801RH : 42 11SL107R: 109 1

2SL105R : 128 12SL106R : 53 C01732R : 704

Soit un total de 1036 pièces.

Cependant, parmi ces références, la contrefaçon n’a été retenue que pour les colliers référencés C01732R, soit 704 pièces, dont prix est, aux termes du procès-verbal de saisie-contrefaçon de 66 euros, ce qui représente un chiffre d’affaires de 46 464 euros, acquis auprès de la société DAVERI pour un prix à l’unité de 3,49 euros, soit une marge de 62,50 euros, et un bénéfice réalisé de 44 000 euros sur ces seuls produits.

Faute de production des factures d’achat des autres produits contrefaisants, le préjudice de la société VAN CLEEF & ARPELS sera calculé sur la base d’une moyenne de 200 pièces par produit (1036 pièces divisés par 5 produits référencés) en retenant un prix plancher de 66 euros également, soit un chiffre d’affaires de 13 200 euros par produit, et un bénéfice, calculé sur la base d’un prix d’achat moyen de 2 euros compte tenu des factures produites pour des produits similaires, de 12 800 euros tant pour les boucles d’oreilles référencés BO1318R et BO1318RH que pour les bracelets référencés BRI 732R et BRI 826R et BR 1826 RH, soit un total de 25 600 euros.

Le préjudice de la société VAN CLEEF & ARPELS sera ainsi évalué à une somme de 69 600 euros, auquel peut être ajouté le préjudice lié à l’image des produits de la société VAN CLEEF & ARPELS, nécessairement altérée par la mise sur le marché de produits similaires de qualité moindre qualité, qui ont pour effet de diluer ses droits de propriété intellectuelle, qui peut être évalué à la somme de 30 000 euros, soit un total de 99 600 euros. Sur le préjudice de la société CARTIER au titre de la concurrence déloyale et parasitaire

Au regard des investissements importants de la société CARTIER, son préjudice résultant de la mise sur le marché de produits portant atteinte à l’exclusivité et la renommée des bijoux qu’elle commercialise, il lui sera accordé une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts étant observé que faute de justifier d’une perte subie réelle du fait des agissements de la société CLIO BLUE, le surplus de la demande sera rejeté.

Sur les autres mesures réparatrices,

Afin de faire cesser les agissements de contrefaçon, il sera fait interdiction à la société CLIO BLUE de les poursuivre sous astreinte et ordonné à la société CLIO BLUE de procéder à la destruction à ses frais des bijoux contrefaits. En outre, une mesure de publication sera

également ordonnée dans les conditions précisées par le dispositif de la présente décision.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de condamner la société CLIO BLUE, partie perdante, aux dépens, en ceux compris le coût du procès-verbal de saisie- contrefaçon du 17 novembre 2014.

En outre, elle doit être condamnée à verser à la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 40 000 euros.

Compte tenu de l’ancienneté du litige, il convient d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire qui apparaît compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort ;

REJETTE le moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes additionnelles formées par la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER et du défaut de titularité des droits de la société VAN CLEEF & ARPELS;

DIT que les motifs VINTAGE ALHAMBRA et PURE ALHAMBRA sont originaux et accessibles à la protection au titre des droits d’auteur ainsi que les boucles d’oreilles, colliers et sautoirs MAGIC ALHAMBRA, collier et bracelet SWEET ALHAMBRA et le sautoir VINTAGE ALHAMBRA ;

DEBOUTE la société CLIO BLUE de sa demande en nullité du procès- verbal de saisie-contrefaçon du 17 novembre 2014 ;

DEBOUTE la société VAN CLEEF & ARPELS de son action en contrefaçon du motif VINTAGE ALHAMBRA par les bijoux de la collection LA BARONNE, LA BARONNE II référencés B01345 R, B01345RH, 10SL108R, B01270R, B01318R, B01318RH, BRI 826R, BR1826RH,BR1732R, 12SL105R, 11SL107R, SAU1732R,CO1801 R et CO 1801RH, CO 1826R et 1826RH et par les bijoux de la collection LES INTEMPORELS/JOUR DE CHANCE référencés B011440RH, BR1987RH et Bague T52 ;

DEBOUTE la société VAN CLEEF & ARPELS de son action en contrefaçon du motif PURE ALHAMBRA par les bijoux de la référencés BO1405RH, BR1918RH. C01918RH de la collection EUGENIE ;

DEBOUTE la société VAN CLEEF & ARPELS de son action en contrefaçon du collier MAGIC ALHAMBRA par le collier référencé CO 1801RetCO1801RH ;

DEBOUTE la société VAN CLEEF & ARPELS de son action en contrefaçon des sautoirs VINTAGE ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA par les bijoux HSL107Ret SAU 1732 R;

DECLARE la société VAN CLEEF & ARPELS irrecevable sur sa demande de réparation fondée la création d’un effet de gamme ;

DIT qu’en commercialisant en France les boucles d’oreilles référencées BO1318R et BO1318RH ; des colliers référencés CO 1826 R, CO 1826 RH et CO 1732R et des bracelets référencés BR1732R et BRI 826R et BR 1826 RH, la société CLIO BLUE a commis des actes de contrefaçon des boucles d’oreilles MAGIC ALHAMBRA, des colliers VINTAGE ALHAMBRA / SWEET ALHAMBRA et du bracelet SWEET ALHAMBRA sur lesquels la société VAN CLEEF & ARPELS est titulaire de droit d’auteurs ;

DIT que la société CLIO BLUE s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la SOCIETE CARTIER ;

En conséquence : ORDONNE l’arrêt immédiat de toute fabrication, reproduction, exposition ou vente des bijoux référencés BO1318R, BO1318RH, CO 1826 R, CO 1826 RH, CO 1732R, BRI 732R et BRI 826R et BR 1826 RH et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 1 mois après la signification de la présente décision et ce pendant un délai de 5 mois ;

ORDONNE la destruction, justifiée par Huissier de justice, aux frais de la société CLIO BLUE des exemplaires de bijoux précités contrefaits qui seraient en sa possession ou dans les stocks de ses distributeurs, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé un délai de 1 mois après la signification de la présente décision et ce pendant un délai de 5 mois ;

DIT que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte ;

CONDAMNE la société CLIO BLUE à payer à la société VAN CLEEF & ARPELS SA la somme de 99 600 euros à titre de dommages et intérêts du chef de la contrefaçon de droit d’auteur.

CONDAMNE la société CLIO BLUE à payer à la société SOCIETE CARTIER la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de la concurrence déloyale et parasitaire ;

ORDONNE la publication du communiqué suivant dans trois journaux ou magazines au choix de la société VAN CLEEF & ARPELS SA aux frais de la société CLIO BLUE sans que le coût de chacune de ces publications n’excède la somme de 3 500 euros hors taxes :

« Par jugement du 10 mars 2017 le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que certains bijoux des collections « LA BARONNE », vendus par la société CLIO BLUE, portaient atteinte aux droits de propriété intellectuelle que la société VAN CLEEF & ARPELS détient sur les bijoux de la Collection ALHAMBRA.»

CONDAMNE la société CLIO BLUE à payer à la société VAN CLEEF & ARPELS SA et la SOCIETE CARTIER la somme globale de 40 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens y compris les frais et honoraires d’huissier relatifs aux opérations de saisie contrefaçon du 17 novembre 2014 ;

DEBOUTE la société VAN CLEEF & ARPELS et la société CARTIER pour le surplus de leurs demandes ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la décision à intervenir sauf en ce qui concerne la mesure de publication.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 10 mars 2017, n° 14/17981