Tribunal de grande instance de Paris, 23 mai 2018, n° 17/60922

  • Marque·
  • Sociétés·
  • Distribution·
  • Distributeur·
  • Propriété intellectuelle·
  • Contrefaçon·
  • Réseau·
  • Produit·
  • Vente·
  • Interdiction

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 23 mai 2018, n° 17/60922
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 17/60922

Texte intégral

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S

N° RG 17/60922

BF/N° : 1

Assignation du : 30 Octobre 2017

1

Copies exécutoires délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 23 mai 2018

par B C, Vice-Présidente au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Z A, faisant fonction de Greffier.

DEMANDERESSE

S.A.R.L. FOREVER LIVING PRODUCTS FRANCE […]

représentée par Me Dominique SPRIMONT, avocat au barreau de DOUAI – […]

DÉFENDERESSE

Société NOTINO FRANCE […]

représentée par Me Pierre GALMICHE, avocat au barreau de PARIS – #K0186

DÉBATS

A l’audience du 21 Février 2018, tenue publiquement, présidée par B C, Vice-Présidente, assistée de Juliette JARRY, Greffier,

Page 1



Nous, Président,

Vu l’assignation délivrée le 30 octobre 2017 pour l’audience du 20 décembre 2017 au visa des articles L 716-6 du code de la propriété intellectuelle et 809 du code de procédure civile à la requête de la société Forever Living Products France par laquelle elle sollicite:

–qu’il soit enjoint à la société Notino France de supprimer de ses ventes en ligne l’ensemble des produits sous marque "Forever" à compter du 3 ème jour de la signification de l’ordonnance à intervenir sous astreinte de 1000 euro par jour et par infraction constatée ;

–qu’il soit dit que la juridiction se réserve de liquider l’astreinte;

–la condamnation de la société Notino France à la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu le renvoi ordonné à l’audience du 21 février 2018 à la requête de la société demanderesse ;

Vu les conclusions n° 2 de la société Notino France déposées le 21 février 2018 sollicitant, au visa des articles 809 du code de procédure civile, L 442-6 du code de commerce, L713, L 716-5 et L 716-6 du code de la propriété intellectuelle le débouté de la société Forever Living Products France de l’ensemble de ses demandes ainsi que sa condamnation à lui verser la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Vu les conclusions en réplique de la société Forever Living Products France déposées le 21 février 2018, sollicitant, au visa des articles 873 du code de procédure civile, L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, L 442-6 6 ème du code de commerce:

–que soit dite fondée la qualité pour agir en contrefaçon de la société FLP à l’encontre de la société Notino France qui vend les produits Forever en toute irrégularité ;

–qu’il soit fait interdiction à la société Notino France de mettre en vente les produits Forever dans son circuit commercial sur Internet ;

–qu’il soit enjoint à la société Notino France de supprimer de ses ventes en ligne l’ensemble des produits sous marque "Forever" à compter du 3ème jour de la signification de l’ordonnance à intervenir sous astreinte de 1000 euros par jour et par infraction constatée ;

–qu’il soit dit que la juridiction se réserve expressément le pouvoir de liquider l’astreinte ;

–la condamnation de la société Notino France à verser à la société Forever Living Products France la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Les conseils des parties ont été entendus en leurs observations à l’audience du 21 février 2018 ;

A l’issue de l’audience, il leur a été indiqué que la présente décision serait rendue le 23 mai 2018, par mise à disposition au greffe.

[…]

Page 2


FAITS ET PROCEDURE :

La société Forever Living Products France expose qu’elle a pour objet social la promotion, la vente, la distribution de produits nutritionnels, diététiques, parapharmaceutiques et cosmétiques et se trouve bénéficiaire à titre exclusif depuis le 1er décembre 2008 d’un contrat de commercialisation et de licence conclu avec le propriétaire de la marque déposée « Forever », la société Aloé Vera of America (AVA), portant non seulement sur cette marque mais sur toutes les marques déposées associées, en vertu duquel elle s’acquitte chaque mois de royalties ; que pour les besoins de la distribution des produits s’effectuant exclusivement à domicile, elle conclut un contrat avec des vendeurs à domicile indépendants agréés ( dits FBO) dont le statut est régi par les articles L 135-1 et suivants du code de commerce, lesquels perçoivent des commissions et sont chaque mois classés en fonction de leur niveau de professionnalisation lié à leur activité, constituant un réseau de distribution.

La société Forever Living Products France précise être également bénéficiaire d’un contrat exclusif d’achat et de fournitures des produits à la marque « Forever » depuis le 1er décembre 2008 conclu avec la société Forever Direct E.U BV, elle-même bénéficiaire d’un accord commercial de fourniture exclusive concédé par le fabriquant, la société A.V.A.

Elle souligne que l’exclusivité de la marque et du nom commercial « Forever » concédé dans le cadre de son « marketing de réseau », s’accompagne de l’interdiction formelle de la vente des produits à partir de boutiques en ligne ou de sites de vente sur la toile, la seule démarche commerciale autorisée étant la vente directe permettant une présentation et des explications relatives aux produits, strictement encadrée par le « compagny policy ».

Elle expose qu’ayant constaté l’affichage de produits sous la marque « Forever Living » sur les sites : https://www.notino.fr/forever/forever-living/?f=2-1-17778 et https://www.notino.fr/forever/forever-living/, le conseil de la société Forever Living Products France adressait un courriel le 9 mai 2017 au président de la société Notino rappelant l’interdiction formelle de la vente des produits à partir de boutiques en ligne ou de sites de vente sur la toile et mettant en demeure la société Notino de mettre fin à l’affichage et à la vente de tout produit identifié sous la marque protégée Forever appartenant à la société Forever Living Products France tels qu’ils apparaissaient selon les liens susvisés, portant atteinte aux intérêts commerciaux et moraux de la société F.L.P.F et de ses distributeurs agréés, qualifié de trouble manifestement illicite à l’origine d’un dommage certain.

Par un courriel en date du 12 mai 2017 une réponse lui était apportée au nom de la société Notino France SAS, filiale de la société Notino sollicitant la preuve des droits sur la marque dont elle se prévalait et faisant valoir que les produits vendus par la société Notino France l’étaient légalement s’agissant de produits placés sur le marché européen, conformément à la doctrine de l’épuisement des droits conférés par la marque. Il proposait en outre un partenariat entre les deux sociétés.

Page 3



Par un courriel en date du 22 mai 2017 le conseil de la société Forever Living Products France communiquait les documents juridiques justifiant la protection de la marque Forever apposée sur les produits cosmétiques et nutritionnels que la Société Forever Living Products France vend à ses distributeurs agréés selon contrat d’agrément joint et confirmait les termes de son mail du 9 mai 2017.

C’est dans ces conditions que devant la persistance de la mise en vente de ces produits par la société Notino laquelle se présentait en outre selon elle comme l’ambassadrice attitrée de marque, la Société Forever Living Products France faisait délivrer l’assignation en référé dont se trouve saisie la juridiction de céans après l’avoir assignée aux mêmes fins le 20 juin 2017 devant le tribunal de commerce et que celui-ci se soit déclaré incompétent selon ordonnance du 5 octobre 2017 pour connaître d’une affaire affectant le droit des marques et relevant de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris, la Société Forever Living Products France se prévalait de « l’atteinte portée aux droits de la société Forever Living Products France sur sa marque et aux intérêts commerciaux de ses distributeurs aggréés ».

La société Notino, laquelle estime être recevable à agir pour contester la validité du contrat de distribution au regard du droit de la concurrence dès lors qu’elle est poursuivie sur le fondement de l’article L 442-6.I.6° du code de commerce et qu’il s’agit au surplus d’une nullité absolue pouvant être invoquée par tout tiers, lui oppose l’absence de violation d’un réseau de distribution sélectif exempté faute de démonstration de l’existence d’un réseau de distribution, exclusive ou sélective, et de son caractère licite- soit exempté au titre du droit de la concurrence conformément aux règles de concurrence en application du Règlement « vertical » de la Commission n°330/2010 du 20 avril 2010- dès lors que :

–le « Compagny Policy » auquel le distributeur accepte de se soumettre contiendrait des restrictions caractérisées au vu de « clauses noires », particulièrement de l’interdiction des fournitures croisées entre distributeurs agréés, de l’interdiction de la revente par internet par le FBO, de l’interdiction des exportations, de l’imposition d’un prix de revente minimum ;

–d’une manière plus générale, en mettant en place un tel réseau, FLP a violé le droit de la concurrence (art L 420-1 du code de commerce et art 101 TFUE).

La société Notino oppose également à la société Forever Living Products France son défaut de qualité à agir à raison d’une contrefaçon de la marque dont elle n’est pas le titulaire ni le bénéficiaire ayant mis en demeure le titulaire d’agir, l’accord de licence dont elle se prévaut n’ayant pas été publié, et lui étant inopposable, ainsi que l’absence de démonstration de contrefaçon de marque, l’épuisement des droits de la marque étant invoqué en application de l’article L 713-4 du code de la propriété intellectuelle, et la charge de la preuve du caractère illicite de la vente par Notino des produits dont s’agit pesant sur la société FLP, tandis que le « Compagny Policy » prévoyant une interdiction des exportations risque d’aboutir à un cloisonnement des marchés, le droit primaire de l’union européenne (art 101 TFUE) devant primer sur le droit secondaire d’où résulte le droit à la marque et la charge de la preuve du caractère illicite de la vente par Notino des produits dont s’agit pesant sur la société FLP.

Page 4


DISCUSSION :

Aux termes de l’article 809 alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile, le Président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Le trouble manifestement illicite visé par cet article désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ;

Si l’existence d’une contestation sérieuse ne s’oppose pas en tant que telle à la mise en oeuvre de l’article 809 alinéa 1, il n’en reste pas moins que le trouble illicite allégué doit être manifeste et que le juge des référés ne peut se prononcer qu’au regard d’une évidence s’imposant à lui, s’agissant de prendre des mesures destinées à y mettre un terme. Les mesures destinées à prévenir un dommage imminent doivent être nécessaires et de nature à le prévenir.

L’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle dispose : « Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon… saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente…»

L’article L 442-6 6ème du code de commerce dispose : « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé, le fait…. de participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un contrat de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence…. ».

La procédure spécifique de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ne peut être utilisée dans le cas d’actes de concurrence déloyale, même connexes à des actes de contrefaçon ;

La société Notino France conclut et fait plaider qu’en l’espèce l’évidence requise devant le juge des référés ne serait pas caractérisée ni concernant l’application du droit de la distribution et particulièrement de L 442-6 du code de commerce, ni concernant l’exercice d’une action en contrefaçon.

Page 5



Au vu des moyens développés par la société Notino France, force est de constater que l’existence d’un trouble manifestement illicite ne résulte pas des éléments produits avec l’évidence requise en référé qu’il s’agisse d’un trouble résultant de la méconnaissance des règles de la concurrence et de la distribution conduisant à l’application du droit commun ou des éléments de preuve raisonnablement accessibles au demandeur, rendant vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente au sens de l’article L 716-6 susvisé de la propriété intellectuelle au regard de la contrefaçon alléguée dès lors :

–que la société Forever Living Products France ne justifie pas de sa recevabilité à agir en contrefaçon sur le fondement d’une marque dont elle n’est pas titulaire et sans avoir mis en demeure le titulaire de la marque d’agir, la société A.V.A conformément aux articles L 716-6 et L 716-5 du code de la propriété intellectuelle;

–que les demandes procédant des règles y compris communautaires relatives à la distribution, tirées d’une atteinte aux « aux intérêts commerciaux de ses distributeurs agréés » et fondées sur l 'existence contestée d’un réseau de distribution dont la société Forever Living Products France serait la tête, impliquent que soit appréciée :

– outre l’existence même d’un tel réseau, à partir d’un rapport établi le 18 mars 2016 par M. X Y à la demande de la société Forever Living Products France aux fins de décrire, sur la base d’un procès-verbal de constat en date du 20 janvier 2016, les rémunérations globales des distributeurs français par niveau et en activité sur l’année 2014, ainsi que le processus de constitution de ces rémunérations (pièce n°11 en demande), alors que le contrat d’agrément produit (pièce n°9 en demande) par lequel « le distributeur s’engage à ne pas vendre, présenter ou exposer les produits matériels et documents commerciaux de FLP France dans les lieux publics y compris internet, sans l’accord préalable et écrit de FLP France » n’est qu’un contrat type non signé ;

–la licéité de ce réseau, ce qui suppose une interprétation des clauses de l’acte intitulé « Compagny Policy » (pièce n° 6 en demande) au regard du droit européen et particulièrement du point de savoir si elles sont restrictives et si une exemption est établie.

L’appréciation de la méconnaissance du droit de la distribution suppose également l’interprétation de l’accord exclusif d’achat et de fourniture entré en vigueur le 1er décembre 2008 entre la société Forever Living Products France et la société anonyme de droit néerlandais FOREVER DIRECT E.U B.V. ayant obtenu les droits exclusifs d’acheter, d’entreposer, de vendre, de commercialiser et de distribuer certains produits ( connus sous le nom de produits FLP) du fabriquant Aloe Vera of America In, paraissant ne pas exclure la distribution des produits à d’autres parties que les filiales du groupe, l’illicéité de l’approvisionnement de la société défenderesse devant être débattue au fond, au vu d’une appréciation du risque de cloisonnement des marchés.

Dans ces conditions il n’y a pas lieu à référé sur les demandes de la société Forever Living Products France .

Sur l’indemnisation des frais irrépétibles et les dépens :

Les circonstances de l’espèce ne commandent pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Forever Living Products France , qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Page 6


PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Vu les articles L 716-6 du code de la propriété intellectuelle et 809 du code de procédure civile,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Forever Living Products France ;

Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société Forever Living Products France aux dépens.

Fait à Paris le 23 mai 2018

Le Greffier, Le Président,

Z A B C

Page 7

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, 23 mai 2018, n° 17/60922