Tribunal de grande instance de Versailles, 20 novembre 1998, n° 98/07791

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Versailles, 20 nov. 1998, n° 98/07791
Juridiction : Tribunal de grande instance de Versailles
Numéro(s) : 98/07791

Sur les parties

Texte intégral

1 COPIE CERTIFIEE CON DÉLIVRÉE LE 05. 07. […]

895 t m

M E H T

A de FORUM des droits sur internet.

[…].

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VERSAILLES

CHAMBRE N°2

JUGEMENT RENDU LE 20 Novembre 1998

AUDIENCE PUBLIQUE

1

NUMERO DE R.G. : 98/07791

Audience du 20 Novembre 1998

Magistrat : B C D

Magistrat : Annie VAISSETTE

Magistrat : Patricia GRANDJEAN

Greffier : MAILLET Marie Christine

Débats : en audience publique le 19 Octobre 1998

Prononcé : jugement rendu le 20 NOVEMBRE 1998 par les mêmes magistrats

Affaire :

FGMM-CFDT

C/

Sa Y

DEMANDEUR

La FGMM-CFDT ayant son siège social […]

[…]

E F SELAFA G ET H AVOCAT I

ET PLAIDANT DU BARREAU DE VERSAILLES

COPIE EXÉCUTOIRE SAS PLASTI

COME CERTIFIÉE CONFORME A L’ORIGINAL DEFENDEUR :

[…]. La Sa Y ayant son siège social […]

[…]

DÉLIVRÉE LE 14.09 2000 DELIVRÉE LE 04.06.99 Ok Zu- u. 98 A me BENSOUSSAN L’HEBDO



E DE LA SCP BLARD VAN DE KERCKHOVE AVOCAT AU BARREAU

DE VERSAILLES ET F DUPUY ANNE-MARIE DU BARREAU DE

[…]

ACTE INITIAL: 05/08/1998 reçu au Greffe le 09/09/1998

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Magistrats ayant délibéré

B C D , VICE PRESIDENT Annie VAISSETTE, JUGE

Z A, JUGE

Greffier : MAILLET Marie Christine

DEBATS: A l’audience publique tenue le 19 Octobre 1998 les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries. Puis l’affaire a été mise en délibéré au

20 Novembre 1998.

FAITS PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Courant mars-avril 1997 la direction de la société Y a autorisé le syndicat CFE-CGC à mettre en place une base syndicale de données informatiques.

Le 19 Novembre 1997 les délégués syndicaux centraux de la CFDT ont demandé à la direction de Y SA l’autorisation de

créer une base d’information propre à la CFDT. Celle-ci a également demandé que toutes les organisations syndicales représentatives participent à une négociation sur l’accès des syndicats à l’outil informatique.

La direction n’ayant pas répondu, un nouveau courrier lui a été adressé le 05 Février 1998.

En réponse, la direction de Y a décidé de fermer la base d’information CFE-CGC le 19 Février 1998, fermeture qui sera effective le 24 Mars suivant.

C’est dans ces conditions que la FGMM-CFDT a fait assigner la SA Y le 05 août 1998 à jour fixe pour le 19 Octobre 1998 aux fins de voir :

CONSTATER la discrimination au préjudice de la FGMM CFDT en violation de l’article L. 412-2 alinéa 3 du Code du

Travail,

CONDAMNER la Société Y SA à verser à la FGMM-CFDT la somme de 100.000 Francs de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi,

CONSTATER que l’engagement unilatéral de la Société

-

Y SA de permettre l’ouverture d’une base de données par un syndicat n’a pas été régulièrement dénoncé et subsiste donc à ce jour,



ORDONNER à la Société Y SA l’ouverture de négociations l'ensemble des organisations syndicales avec représentatives dans l’entreprise sur le thème de l’accès des syndicats à l’outil informatique pour communiquer avec les salariés, et ce, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard,

ORDONNER 1'exécution provisoire de la décision à intervenir,

CONDAMNER la Société Y SA à verser à la FGMM-CFDT la somme de 15.000 Francs au titre de l’article 700 du Nouveau

Code de Procédure Civile,

Elle estime avoir été victime d’une discrimination de la part de la société Y qui a enfreint les dispositions de l’article L. 412-2 du Code du Travail.

Elle fait valoir qu’en autorisant la mise en place de la. base d’information de la CFE-CGC, BULL a pris un engagement unilatéral qui n’a pas été dénoncé dans les formes de sorte qu’elle est fondée aujourd’hui à en réclamer le bénéfice.

La Société Y s’oppose à ces demandes et sollicite la condamnation de la FGMM-CFDT à lui payer la somme de 15.000 Francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure

Civile.

Elle fait valoir que :

les pièces versées aux débats démontrent que l’expérimentation faite avec la base d’informations CFE/CGC n’a, en aucun cas, constitué un moyen de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale quelconque ;

qu’en effet, l’expérimentation acceptée par Y en réponse à l’initiative de la CFE/CGD a été conduite au vu et au su de toutes les organisations syndicales qui en ont suivi constamment le développement et que cette expérimentation, si elle avait réussi, aurait permis une évolution des moyens techniques mis par Y à la disposition de l’ensemble des organisations syndicales.

Elle soutient qu’il n’existe aucun doute sur la nature et la finalité de cette expérimentation, puisque celle-ci n’a suscité, au cours des sept premiers mois pendant lesquels elle s’est déroulée, aucune critique de la part d’aucune organisation syndicale et, en particulier, pas de la part de la CFDT.

Elle fait valoir qu’il est significatif qu’aucune autre organisation syndicale n’ait repris à son compte les allégations

de la CFDT. En particulier, il est révélateur de constater qu’aucune organisation syndicale ne s’est associée à l’action. engagée par la CFDT.

Elle fait observer que ce n’est qu’après avoir su que Y avait l’intention de mettre fin à l’expérimentation qu’elle a pour la première fois prétendu qu’elle avait été victime d’une discrimination.



Pour la société Y la nature juridique de l’acte dans lequel l’expérimentation de la base d’informations CFE/CGC prend sa source est incertaine :

les termes de la lettre de Monsieur X du 21 avril 1997 révèlent que si Y a pris le soin de préciser que c’était de

sa « seule volonté » qu’elle avait pris la décision d’autoriser l’ouverture de la base CFE/CGC il n’en demeure pas moins que la décision de Y est intervenue en réponse à une demande de la CFE/CGC. Les éléments du dossier permettent de soutenir que l’acte qui est à l’origine de l’expérimentation CFE/CGC était aussi bien bilatéral qu’unilatéral.

Elle soutient qu’en tout état de cause, l’acte qui est à l’origine de l’expérimentation CFE/CGC est aujourd’hui privé d’effet juridique, non pas parce qu’il aurait été dénoncé mais par application des conditions résolutoires qu’il prévoyait expressément :

La lettre de Monsieur X du 21 avril 1997 précisait que la base pourrait être fermée en cas de non respect des conditions suivantes :

ne pas être une tribune politique, ne pas mettre en cause personnellement un membre de

l’entreprise,

ne faire figurer dans la rubrique « NEWS » que des documents officiels déjà diffusés dans l’entreprise sauf autorisation préalable et spéciale de la direction.

Monsieur X a terminé sa lettre de la façon suivante :

« Si ces principes vous agréaient, notre aval prendrait effet à compter de ce jour »

La société Y précise que la lettre de Monsieur X faisait suite à la lettre de la CFE/CGC du 21 mars 1997 dans laquelle celle-ci indiquait que l’objectif de la base était un objectif d’animation et de communication au sein du groupe. Elle l’a elle même défini de la façon suivante :

« de faire participer le personnel à l’avenir et à la progressions du Groupe en lui fournissant des informations et des réflexions sur tous les sujets qui touchent Y. »

La société Y expose que dans sa lettre du 20 février 1998, Monsieur X a indiqué qu’il était conduit à fermer la base CFE/CGC parce que les conditions fixées dès l’origine et acceptées par la CFE/CGC n’avaient pas été respectées par cette dernière. Notamment, la base avait été utilisée à des fins de propagande syndicale :

intégration à la rubrique « NEWS » d’une pétition à teneur syndicale et ce sans autorisation préalable de la direction ;


mise en place dans la rubrique « NEWS » de document appelant à voter pour les candidats CFE/CGC à des élections.

Elle avait, également, servi à faire connaître dans

l’entreprise un article de presse mettant en cause l’ancien PDG du groupe.

La société Y soutient que pour toutes ces raisons, contrairement à ce qu’affirme inexactement la CFDT, l’acte sur le fondement duquel a été réalisée l’expérimentation de la base CFE/CGC se trouve privé d’effet juridique depuis le 20 février 1998.

MOTIFS :

[…] :

L’article L 412-2 alinéa 3 du Code du Travail dispose que "le chef d’entreprise ou ses représentants ne doivent employer

aucun moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale quelconque".

Pour déterminer ce qui est permis ou interdit à un employeur à l’égard des syndicats groupant les membres de son personnel il convient de considérer entre autre, le principe du pluralisme syndical qui s’oppose à ce que la liberté de choix entre les organisations syndicales se trouve diminuée en fait par les privilèges que l’employeur accorde à certains syndicats en les refusant à d’autres.

En l’espèce il est acquis aux débats que la direction de

BULL a acquiescé à la demande de la CGC, formalisée par un courrier du 21 mars 1997, de création d'« une base NOTES CFE/CGC du groupe Y » comprenant notamment, outre une présentation de la CFE/CGC du groupe Y, plusieurs rubriques qui permettent

d'obtenir "la position des salariés avant de rencontrer la direction sur les différents sujets". Dans son courrier du 21 avril 1997 la Direction de Y a autorisé la mise en place de cette base de données.

Dans la notice de présentation de la « base d’informations CFE/CGC du groupe Y » ouverte en avril 1997 il est indiqué notamment que la base contient :

- l’avis de la CFE/CGC sur les sujets en cours,

une présentation de la CFE/CGC,

"un forum PUBLIC ouvert au personnel de Y pour lui permettre de dialoguer en échangeant des informations et donner son avis sur les sujets d’actualités en cours ou sur des sujets de fonds",

des informations sur divers sujets (politique salariale et actionnariat, conditions et temps de travail, prévoyance et organisation et vie de Y) intéressantretraite,


particulièrement les salariés de Y.

Cette base de données constitue par conséquent un outil privilégié de communication offerte par la Direction de Y à la CGC.

Par courrier du 19 Novembre 1997 la CFDT a demandé à la direction de Y l’autorisation d’ouvrir une base d’information

CFDT sollicitant également l’extension de

ces bases à l’ensemble des organisations syndicalesd'informations représentées dans Y.

Se heurtant au silence de la Direction, la CFDT a demandé dans un nouveau courrier du 05 février 1998 la disposition d’une

base de communication pour chaque organisation. syndicale représentative. Cette demande a été rejetée par la Direction aux termes d’un courrier du 19 février 1998.

Excipant de quelques dérives, la Direction de Y a retiré le 20 février 1998 son autorisation à la CGC dont la base de données a été effectivement fermée le 24 mars 1998.

Il résulte de ces observations que la direction de Y a accordé pendant onze mois à la CGC un privilège qu’elle a refusé

à la CFDT.

L’octroi de cette base de données constitue un moyen de pression en faveur de la CGC qui a bénéficié du monopole de la communication informatique. Le refus d’accorder le même privilège à la CFDT qui le sollicitait au demeurant pour tous les syndicats représentés au sein de Y, est une discrimination à l’encontre de la CFDT et par la même une atteinte à la liberté syndicale.

La CFDT subit un préjudice certain du fait de la discrimination dont elle a été victime puisque l’utilisation de la base de données a donné à la seule CGC le monopole de la communication et de l’action syndicale sur l’outil informatique. La CGC a été la seule durant onze mois a recueillir les avis des salariés de Y, à leur donner des informations et à expliquer ses positions laissant croire aux salariés de Y qu’elle était le seul syndicat actif.

Il convient par conséquent de condamner la société Y à payer à la FGMM-CFDT la somme de 100.000 Francs de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi.

2) SUR LA NATURE DE L’ENGAGEMENT DE LA SOCIÉTÉ Y :

Dans sa lettre du 21 avril 1997 adressée à la CGC, la société Y indique :

« La décision de Vous autoriser à ouvrir cette base de données résulte de notre seule volonté. Aussi elle pourrait être suspendue à notre demande, de notre seule initiative et à tout moment, quelqu’en soit le motif ».

Il s’agit donc d’un engagement unilatéral de la direction de Y envers la CGC, ce qui a motivé la condamnation pour


discrimination.

La CGC n’a pas contesté la dénonciation de cet engagement par la société Y et ne s’est pas davantage jointe à la présente demande de la CFDT.

Celle-ci n'a pas qualité à agir en contestation de la dénonciation d’un engagement qui n’a pas été pris envers elle.

Les demandes de la CFDT de ce chef, sont donc irrecevables.

3) SUR LES AUTRES DEMANDES :

L’exécution provisoire n’est pas compatible avec la nature

de la cause ; il n’y a pas lieu de l’ordonner.

Compte tenu de la discrimination dont la CFDT a été victime, l’équité commande de faire droit à sa demande au titre de

l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à hauteur de

8.000 Francs.

La société Y sera déboutée de sa demande de ce chef et condamnée aux dépens ayant succombé partiellement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement par décision CONTRADICTOIRE, en Premier ressort ;

CONSTATE la discrimination au préjudice de la FGMM-CFDT en violation de l’article L 412-2 alinéa 3 du Code du Travail,

CONDAMNE la SA Y à payer à la FGMM-CFDT la somme de 100.000 Francs (CENT MILLE FRANCS) de dommages et intérêts,

DECLARE irrecevable les demandes de la FGMM-CFDT tendant à ce qu’il soit constaté que l’engagement unilatéral de Y SA de permettre l’ouverture d’une base de données par un syndicat n’ayant pas été régulièrement dénoncé, subsiste à ce jour, et, à ce qu’il soit ordonné à la société Y d’ouvrir, sous astreinte, des négociations avec l’ensemble des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise sur le thème de l’accès des syndicats à l’outil informatique pour communiquer avec les salariés,

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire,

CONDAMNE la SA Y à payer à la FGMM-CFDT la somme de 8.000 Francs (HUIT MILLE FRANCS) au titre de l’article 700 du Nouveau

Code de Procédure Civile,

DEBOUTE la SA Y de sa demande au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.



La CONDAMNE aux dépens.

Prononcé par Monsieur D, Vice Président, Mesdames VAISSETTE, et A, Juges en application de l’article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame MAILLET, Premier Greffier.

FAIT A VERSAILLES LE 20/11/1998

LE PREMIER GREFFIER LE PRESIDENT.

تبي عهFou u l l a

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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