Tribunal Judiciaire de La Rochelle, 23 mars 2021, n° 20/02428

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Commentaires18

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Village Justice · 9 août 2022

Ardemment attendue, la position de la Cour de cassation sur le sort des « loyers Covid » est tombée le 30 juin 2022, par trois arrêts (n° 21-20.190, n° 21-20.127 et n° 21-19.889). Et avec elle, les espoirs des preneurs privés d'accueil du public, dont les principaux moyens ont été rejetés. « Clap de fin », « fin de la partie », « fin de l'histoire », « la messe est dite »… : on ne compte plus les expressions « choc » qui, tels des titres de journaux à sensation, ont fleuri sous la plume des premiers commentateurs, pour annoncer les arrêts rendus le 30 juin 2022 par la troisième chambre …

 

Gide Real Estate · 27 juillet 2022

Les mesures adoptées par les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19 ont entraîné la fermeture de nombreux commerciaux ou professionnels et motivé la suspension unilatérale du paiement des loyers par certains preneurs pendant les périodes concernées. Les juridictions ont été saisies – le plus souvent à l'initiative des bailleurs – pour obtenir le paiement des loyers de locaux. Pour contester l'obligation de paiement des loyers pendant les périodes de fermetures administratives, les preneurs ont largement puisé dans les fondements juridiques suivants : la …

 
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Sur la décision

Référence :
TJ La Rochelle, 23 mars 2021, n° 20/02428
Numéro(s) : 20/02428

Sur les parties

Texte intégral

-3 Mars 2021

RG 20/02428 – de l’affaire : Autres demandes relatives à un bail d’habitation ou à un bail professionnel AIRE S.A.S. C. C/ S.C.I. G

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LA ROCHELLE

CONTENTIEUX GENERAL CIVIL

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRÉSIDENT: Anne-Marie LAPRAZ, Vice-Présidente

Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, GREFFIER: Lise ISETTA,

DEMANDERESSE

S.A.S. C dont le siège social est sis

représentée par Maître Marie-Eve CHAUVET de la SELARL REYNAUDI-CHAUVET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT,

DÉFENDERESSE

S.C.I. G dont le siège social est sis. représentée par Maître Catherine Y-Z, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT,

Clôture prononcée le 14 janvier 2021

Débats tenus à l’audience du: 16 Février 2021

Date de délibéré indiquée par le Président : 23 Mars 2021

Jugement prononcé le : 23 Mars 2021 par mise à disposition au greffe.

EXPOSE DU LITIGE

□ Vu l’assignation délivrée le 6 octobre 2020 par la SAS C tendant à voir :

Vu les articles 1719 et 1722 du Code Civil,

Vu l’adage Res Perit Debitori

Vu l’article 1343-5 du Code Civil,

A titre principal

Dire qu’elle est fondée à opposer l’exception d’un inexécution au paiement des loyers réclamés, compte tenu du manquement du bailleur à ses obligations de délivrance et jouissance paisible et qu’en conséquence, les sommes visées dans la sommation du 10 septembre 2020 ne sont pas exigibles;

1



A titre subsidiaire

Dire que les locaux doivent être considérés comme partiellement détruits au sens de l’article 1722 du Code Civil pour la période du 16 mars au 11 mai 2020 € en conséquence, réduire le montant du loyer à 0 pour cette période;

A titre infiniment subsidiaire

Lui accorder un délai de deux ans pour s’acquitter des sommes dues;

En tout état de cause de l’ensemble de ses demandes; Débouter la SCI C

au paiement de la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du Code Condamner la SCI G de Procédure Civile.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 14 janvier 2021,

Les débats se sont déroulés à l’audience publique du 16 février 2021 à laquelle le conseil de la SAS C. s’est oralement référé à ses écritures, en l’absence de constitution de la SCI

C . régulièrement citée à sa personne.

MOTIFS DU JUGEMENT

SUR L’ACTION FONDEE SUR L’INEXECUTION CONTRACTUELLE

Par acte sous seing privé établi le 2 février 1998, la SA St a donné à bail à M.

B un local commercial destiné à une activité de prêt à porter, situé dans la galerie commerciale de Beaulieu, à Puilboreau (Charente Maritime) moyennant un loyer annuel de 375 000 francs soit 57 168 €.

byvenant aux droits de la SA S a renouvelé ce bail Par acte du 22 juillet 2019, la SCI G rétroactivement à compterau profit de la SCI ( venant aux droits de M. B. I du 1er juillet 2017, moyennant un loyer fixe de 117 000 € et d’une partie variable déterminé par la différence entre le montant correspondant à 6% du chiffre d’affaire HT et le montant du loyer

HT.

Par courrier du 23 mars 2020, la SAS C , soutenant la fermeture de son magasin en raison de la crise sanitaire, a informé la SAS TERRANAE, mandataire du bailleur, qu’elle suspendait le règlement des loyers en raison du manquement à l’obligation de délivrance.

19 mai 2020Le mandataire a informé la SAS C. que la SCI G avait décidé

d’annuler la facturation des loyers du 15 avril 2020 au 14 juillet 2020 à l’exclusion des charges et taxes locatives, sous réserve de réunir 6 conditions, outre le fait d’appartenir à l’un des secteurs dont l’activité a été interrompue en application du I de l’article 1" de l’arrêté du 15 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation de l’épidémie de Covid 19: avoir débuté son activité avant le 1er février 2020

-

- ne pas s’être trouvé en liquidation judiciaire au 1er mars 2020

- avoir un effectif inférieur ou égal à 10 salariés

- avoir un chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos inférieur à 1 000 000€

- ne pas être contrôlé par une société commerciale au sens de l’article L 233-33 du Code de

Commerce

2



- s’être acquitté des loyers du premier trimestre 2020

une sommation deLe 10 septembre 2020, la SCI G \ a délivré à la SAS C. payer portant sur la somme de 40 581,37 € TTC représentant les loyers impayés, sans précision des mois impayés.

La SAS contestant devoir les loyers sollicités, a assigné la SCI G devant la présente juridiction par acte d’huissier du 6 octobre 2020.

La SAS C soulève le manquement à l’obligation de délivrance, soutenant qu’elle

n’a pu jouir des locaux à compter du 16 mars 2020 jusqu’au 11 mai 2020.

L’arrêté n° 0064 du 14 mars 2020 publié au journal officiel le 15 mars 2020 interdit, jusqu’au 11 mai 2020, l’accueil du public dans un grand nombre d’établissements, ce qui concerne, notamment, la majorité des magasins de vente, restaurants, centres commerciaux et salles de spectacles.

Un deuxième arrêté du 15 mars 2020, publié au Journal officiel du 16 mars 2020, complète cet arrêté.

La loi n° 2020-290 adoptée le 23 mars 2020, modifiée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, pour faire face à l’épidémie de coronavirus déclare, dans son article 4, un état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur le 24 mars 2020, durée ensuite prorogée jusqu’au 10 juillet 2020.

La liste des établissements recevant du public (ERP) concernées par la fermeture est la suivante :

- au titre de la catégorie L: Salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple;

- au titre de la catégorie M: Magasins de vente et Centres commerciaux, sauf pour leurs activités de livraison et de retraits de commandes ;

- au titre de la catégorie N: Restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le « room service » des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat;

- au titre de la catégorie P : Salles de danse et salles de jeux ;

- au titre de la catégorie S : Bibliothèques, centres de documentation ;

- au titre de la catégorie T: Salles d’expositions ;

- au titre de la catégorie X: Etablissements sportifs couverts;

- au titre de la catégorie Y: Musées ;

- au titre de la catégorie CTS : Chapiteaux, tentes et structures ;

- au titre de la catégorie PA: Etablissements de plein air ;

- au titre de la catégorie R: Etablissements d’éveil, d’enseignement, de formation, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement, sauf ceux relevant des articles 4 et 5.

société de prêt-à-porter, a été concernée par la fermeture de sonLa SAS C magasin.

Selon l’article 1719 du Code Civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de

l’occupant;

3


2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;

3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations.

Par ailleurs, l’article 1219 du Code civil dispose qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne.

L’inexécution doit être suffisamment grave.

Le manquement à l’obligation de délivrance est caractérisé lorsque le locataire ne peut plus, du fait du bailleur, jouir du local commercial.

Tel n’est pas le cas lorsque le preneur ne peut accéder au local pour un autre fait, non imputable au bailleur. Les dispositions précitées n’ont pas d’effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité.

En l’espèce, la SCI G n’a pas mis obstacle à la jouissance des lieux, la situation était imputable au fait du prince qui se définit comme une décision de l’autorité publique ayant pour conséquence de porter atteinte à l’équilibre financier de situations contractuelles et qui, en matière civile, peut constituer un cas de force majeure. Le bailleur peut se prévaloir du fait du prince, constitutif de force majeure, dès lors que les mesures de fermeture autoritaire des commerces ont constitué pour ce dernier un obstacle insurmontable à l’exécution de son obligation essentielle de délivrance

La SAS C pouvait parfaitement accéder à son local, dont elle disposait des clés.

Par conséquent, l’action fondée sur un défaut de délivrance ne peut prospérer.

SUR L’ACTION FONDEE SUR LA PERTE DE LA CHOSE LOUEE

Selon l’article 1722 du Code Civil, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en

totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

Il est constant que la perte de la chose peut être assimilée à l’impossibilité d’user des locaux en raison d’un cas fortuit au sens de cet article (Civ. 3e, 30 avr. 1997). De même, la perte de la chose louée est établie lorsque le locataire est dans l’impossibilité de l’utiliser, par suite de l’application

d’une disposition légale intervenue en cours de bail (Civ 3ème 12 mai 1975).

Il est tout aussi constant que la perte peut être matérielle ou juridique. L’article 1722 précité peut

s’appliquer, sans qu’il y ait eu détérioration matérielle, dès lors que le preneur se trouve dans

l’impossibilité de jouir de l’immeuble, d’en faire usage conformément à sa destination

Il est de droit qu’une décision administrative ordonnant la suspension de l’exploitation d’un commerce équivaut à la perte de la chose louée.

Cette perte peut être partielle, dès lors que la fermeture présente un caractère provisoire.

Par conséquent, la SAS C est fondée en son action, de sorte qu’il convient de dire que pour la période du 16 mars au 11 mai 2020, le preneur ne doit aucun loyer.



SUR L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Selon l’article 700 du Code de Procédure Civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, à payer la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il s’agit des frais exposés pour la représentation en justice, mais également des dépenses non quantifiées exposés par la partie gagnante du litige pour la réalisation du procès (déplacements, temps passé à préparer le dossier…).

Aucune considération tirée de l’équité ne commande qu’il soit fait application des dispositions de cet article.

SUR LES DEPENS

Les dépens sont à la charge de la partie perdante du procès, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de Procédure Civile.

SUR L’EXECUTION PROVISOIRE

Selon l’article 514 du Code de Procédure Civile applicable aux instances engagées depuis le 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins quela loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

L’exécution provisoire est de droit et aucun motif particulier ne justifie qu’il soit autrement disposé.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et susceptible d’appel, par mise à la disposition des parties au greffe de la juridiction:

Dit que la SAS C. a supporté une perte partielle de la chose donnée à bail ;

'est redevable d’aucun loyer pour laDéclare en conséquence que la SAS C période du 16 mars 2020 au 11 mai 2020;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile;

Condamne la SCI G aux dépens;

Ainsi jugé et prononcé par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE, les jour, mois et an susdits.

Le présent jugement a été signé par Anne-Marie LAPRAZ Président et par Lise ISETTA Greffier présent lors du prononcé.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

Me Y-Z – 28: 1 ccc + 1 grosse

Me CHAUVET – 60: 1 ccc

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Tribunal Judiciaire de La Rochelle, 23 mars 2021, n° 20/02428