Tribunal Judiciaire de Lille, 29 avril 2021, n° 19/05014

  • Médicaments·
  • Spécialité pharmaceutique·
  • Action de groupe·
  • Expertise·
  • Dire·
  • Système de santé·
  • Sciences·
  • Associations·
  • Mise en état·
  • État

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TJ Lille, 29 avr. 2021, n° 19/05014
Numéro(s) : 19/05014

Texte intégral

1

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04 N° RG 19/05014 – N° Portalis DBZS-W-B7D-TYS4

ORDONNANCE D’INCIDENT DU 29 AVRIL 2021 DEMANDERESSE :

L’AAAVAM, Association d’Aide Aux Victimes des Accidents du Médicament, prise en la personne de son président, Monsieur A B C, […] représentée par Me Léone BERNARD, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Didier JAUBERT, avocats plaidants au barreau de PARIS, Me Belgin PELIT-JUMEL, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDERESSES :

La S.A.S. BAYER HEALTHCARE, prise en la personne de son président 220, […] représentée par Me Claire CAMBERNON, avocat postulant au barreau de LILLE, ME Jacques- Antoine ROBERT avocat plaidant au barreau de PARIS

La S.A.S. DELPHARM LILLE, prise en la personne de son président […], 59452 LYS-LEZ-LANNOY représentée par Me Emmanuel MASSON, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Juliette VOGEL avocat plaidant au barreau de PARIS

L’ AGENCE NATIONALE DE SECURITE DU MEDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTE “ANSM”, prise en la personne de son directeur général 143, boulevard Anatole France 93200 SAINT-DENIS représentée par Me Stéphane DHONTE, avocat au barreau de LILLE

L’ ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales), prise en la personne de son représentant légal Tour Altaïs, […] représentée par Me Gaëlle MOQUET, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Jane BIROT avocat plaidant au barreau de BAYONNE

COMPOSITION

Juge de la mise en État : L M, Vice-Présidente,

GREFFIER

J K, Greffier

DÉBATS :

A l’audience de cabinet 11 février 2021 du , date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que l’ordonnance serait rendue le 08 avril 2021 puis prorogé au 29 Avril 2021.

Ordonnance : contradictoire, en premier ressort, mise à disposition au Greffe le 29 Avril 2021, et signée par L M, Juge de la Mise en État, assistée de J K, Greffier.


2

L’association d’aide aux victimes des accidents du médicament (ci-après l’association AAAVAM) est une association ayant reçu un agrément national pour cinq ans du ministre de la Santé, suivant arrêté du 9 décembre 2014.

La SAS Bayer Healthcare (ci-après la société Bayer) est la division pharmaceutique du groupe Bayer. Elle est l’exploitant d’une spécialité pharmaceutique dénommée Androcur dont le princial principe actif est l’acétate de cyprotérone. Elle détient une autorisation de mise sur le marché (ci-après une AMM) pour ce produit depuis 1980.

La SAS Delpharm Lille (ci-après la société Delpharm) est une entreprise pharmaceutique. Elle fabrique, pour la société Bayer et pour d’autres sociétés, l’Androcur -ou des génériques de ce médicament- ainsi que d’autres préparations.

L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ci-après l’ONIAM) est un établissement public à caractère administratif. Il est chargé diverses missions définies à l’article L.1142-22 du code de la santé publique.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est un établissement public en charge de la surveillance des produits de santé.

Par acte d’huissier des 17, 18 et 19 juin 2019, l’association AAAVAM a fait assigner les sociétés Bayer Healthcare et Delpharm Lille ainsi que les établissements publics ANSM et ONIAM devant le tribunal de grande instance de Lille. Elle entend exercer une action de groupe relativement aux dommages corporels causés par la prise d’Androcur.

L’association AAAVAM a saisi le juge de la mise en état d’un incident.

Par ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le C février 2021, l’association AAAVAM demande au juge de la mise en état de :

Vu les articles 73 et suivants du code de procédure civile,

Vu l’article 122 du code de procédure civile applicable,

Vu l’article 771 du code de procédure civile applicable,

Vu les articles L.1143-2 et suivants du code de la santé publique,

- Déclarer irrecevable l’ANSM en son exception d’incompétence ;

- “Juger que le juge de la mise en état pour statuer sur la fin de non recevoir soulevée par la société Bayer”

- Juger en conséquence tant l’ANSM que la société Bayer irrecevables en leurs demandes ;

- En tout état de cause les en débouter et les juger mal fondées ;

- Juger recevable et bien fondée l’association agréée des usagers du système de santé AAAVAM en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Avant dire droit, tous droits et moyens réservés au fond, ordonner une mesure d’expertise confiée à un ou plusieurs experts qu’il plaira avec pour mission dans chaque cas de :

- Convoquer les parties dans les formes légales ;

- Se faire communiquer par les parties et même par des tiers, tous documents et toutes pièces utiles à la réalisation de leur mission, notamment les dossiers médicaux et tous documents relatifs au médicament Androcur, sa nature, ses conditions de fabrication et de commercialisation et ses notices d’utilisation ;

- Procéder en tant que de besoin à l’audition de tous les tiers concernés par le présent litige ;

- Se faire assister en cas de nécessité par tout praticien de leur choix dans une spécialité médicale distincte des leurs ; qu’ils pourront entendre tout sachant dans le cadre communautaire ;


3

- Procéder à l’analyse des pièces constituant le dossier des demandeurs ayant pris de l’Androcur, noter les doléances et les observations éventuelles des défendeurs, consigner les constatations effectuées ;

- Décrire l’état de santé des demandeurs antérieurement à la prise du médicament Androcur ;

- Dire si l’indication thérapeutique a été respectée ; dans la négative, dire si l’utilisation qui a été faite était ou non conforme aux données acquises de la science médicale, notamment au regard de l’âge du patient et de son état de santé antérieur et antécédents ;

- Dire si toutes les précautions ont été prises avant et pendant l’administration du médicament en ce qui concerne les examens ;

- Dire si les demandeurs ont reçu une information complète de leur médecin sur le traitement et s’ils ont donné un consentement éclairé ;

- Donner un avis sur les posologies utilisées et sur la durée du traitement ; préciser si elles étaient conformes aux données acquises de la science médicale et de la notice ;

- Dire si l’état de santé et l’âge des demandeurs permettaient la prescription de l’Androcur (déterminer notamment ils présentait ou non des contre-indications à la prescription de l’Androcur) ;

- Préciser dans quelles conditions le médicament Androcur a été arrêté et si les modalités de cet arrêt étaient conformes aux données acquises de la science médicale ;

- Dire quelles ont été les conséquences de l’arrêt du médicament Androcur ;

- Dire si l’utilisation qui a été faite du médicament Androcur pouvait être raisonnablement attendue ;

- Préciser si en l’état des données de la science et de la connaissance du produit, l’information délivrée par la société Bayer à travers la notice et le RCP depuis l’AMM était complète, adéquate, pertinente et de nature à permettre raisonnablement sa prescription et le consentement de son usage dans des conditions éclairées ;

- Rechercher si les informations sur les effets indésirables et les précautions d’emploi de l’Androcur contenues dans la notice d’utilisation édictée par la société Bayer et dans le RCP depuis l’AMM étaient suffisamment précises, complètes et circonstanciées en ce qui concerne les risques d’apparition de cette pathologie ;

- Dire si des signalements de pharmacovigilance ont été effectués ; préciser si depuis la mise en circulation de l’Androcur, l’attention des médecins prescripteurs a été appelée par le fabriquant sur la durée du traitement, la posologie, les effets indésirables, le syndrome de sevrage, les conditions dans lesquelles il devait être mis fin à la prise du médicament ; donner toute précision utile ;

- Fournir au tribunal tout élément de nature à déterminer si l’Androcur présente un caractère défectueux ou si les sociétés Bayer et Delpharm ont commis des manquements à leurs obligations légales ou contractuelles pour leur produit Androcur ;

- Décrire les pathologies, troubles et séquelles imputées à la prise de l’Androcur ; préciser s’ils sont en relation certaine et directe avec la prise de l’Androcur et/ou le traitement prescrit par le médecin ;

- Fournir tout élément de nature à permettre au tribunal d’établir les responsabilités des sociétés Bayer et Delpharm ;

- Dire si les demandeurs ont été placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement des sociétés Bayer ou Delpharm pour leur produit Androcur ;

- Faire un état du rapport bénéfice/risque de la prise de ce médicament ;

- Fixer la date de consolidation pour chaque demandeur et partant :

- Déterminer, compte tenu des lésions initiales et de leur évolution, la, ou les, période(s) pendant laquelle/lesquelles le patient n’a pu du fait d’un déficit fonctionnel temporaire, poursuivre les activités personnelles habituelles ; en cas d’incapacité partielle préciser le taux et la durée ; Dire s’il résulte du défaut de l’Androcur et/ou du traitement prescrit par le médecin une incapacité permanente et/ou la perte d’une chance et dans l’affirmative, après en avoir précisé les éléments, la chiffrer en pourcentage en tenant compte de l’état antérieur ;

- Dégager en les spécifiant les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur (physique et/ou morale) et du préjudice esthétique en qualifiant l’importance de ces préjudices sur une échelle croissante de 1 à 7, et du préjudice d’agrément ;


4

- Déterminer les postes de préjudices temporaires ;

- Préciser :

- Quelle a été la nécessité de l’intervention d’un personnel spécialisé : médecins, kinésithérapeutes, infirmiers, tierces personnes ;

- Quels ont été la nature et le coût des soins susceptibles de rester à la charge des demandeurs en moyenne annuelle ;

- Chiffrer les préjudices permanents et temporaires subis par les demandeurs patrimoniaux et extra patrimoniaux conformément à la nomenclature Dintilhac.

- Juger que la décision à intervenir sera commune et opposable à l’ANSM et à l’ONIAM ;

- Condamner in solidum les sociétés Bayer et Delpharm à la consignation des frais d’expertise ;

- A défaut, lui allouer une provision ad litem d’un montant de C 000 euros ;

- Condamner les sociétés Bayer et Delpharm à lui payer à l’AAAVAM in solidum la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’incident.

L’association AAAVAM expose que des femmes ayant pris de l’Androcur ont été affectées de méningiomes qui sont des tumeurs cérébrales faisant pression sur les zones avoisinnantes du cerveau qu’il est délicat de retirer chirurgicalement en raison d’un risque de séquelles. Elle indique que ces femmes se sont rapprochées d’elle, ne pouvant financer une action judiciaire et souhaitant faire sauvegarder leurs droits.

Elle demande l’organisation d’une expertise judiciaire.

Répliquant aux exceptions, elle objecte que l’exception d’incompétence n’a été soulevée par l’ANSM que le 30 novembre 2020 postérieurement aux conclusions au fond notifiées le 9 septembre 2020. Elle en déduit que l’exception est irrecevable. Elle considère que, dans le cadre d’une action de groupe, le juge de la mise en état est compétent pour ordonner l’expertise.

Répliquant à la fin de non recevoir que lui oppose la société Bayer, elle objecte que la disposition invoquée n’est pas applicable à l’instance en ce qu’elle a été introduite antérieurement au 1 janvier 2020. Elle en déduit que seul le tribunal pourra statuer sur laer fin invoquée. Subsidiairement, elle explique que l’Androcur a été détourné de l’usage prévu à l’AMM de sorte qu’il a été massivement prescrit alors qu’il s’avère que l’acétate de cyprotérone cause des méningiomes et que cela est connu depuis une étude lancée en 2007 mais que l’Androcur a néanmoins été commercialisé postérieurement à cette date. Elle expose le cas de 11 femmes ayant pris de l’Androcur sur des périodes prolongées, dont elle estime qu’elles sont dans une situation identique.

Enfin l’AAAVAM demande que les sociétés Bayer et Delpharm avancent les frais de l’expertise qu’elle ne peut pas assumer ou à défaut qu’il lui soit attribué une provision ad litem afin qu’elle puisse consigner.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 30 novembre 2020, la société Bayer demande au juge de la mise en état de :

Vu les articles 9, 31, 122, 124, 146, 232, 238, 517, 699, 700 et 789 du code de procédure civile,

Vu les articles L.1143-2 et suivants, L.5121-9 et L.5311-1 du code de la santé publique,

Vu les articles 1240, 1245-1 et suivants, 2319 du code civil,

Vu l’article 63 de la loi du 18 mars 2011,


5

À titre principal :

- Déclarer l’action de groupe introduite par l’association AAAVAM irrecevable par application des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile,

- Déclarer l’action de groupe introduite par l’association AAAVAM irrecevable par application des dispositions des articles L. 1143-2 et suivants du code de la santé publique ;

A titre subsidiaire :

- Désigner un collège d’experts composé d’un expert pharmacologue et d’un expert neurologue indépendants avec la mission suivante :

- Fait injonction aux parties de communiquer à l’expert toutes les pièces médicales et de toute autre nature qu’elles estiment propres à établir le bien fondé de leurs prétentions, ainsi que toutes celles que leur réclameront l’expert dans le cadre de sa mission ;

- Dit qu’en cas de besoin ou à la demande d’une des parties, et sans que le bénéfice du secret professionnel puisse leur être opposé, l’expert pourra se faire directement communiquer par tous les tiers concernés (médecins, établissements hospitaliers, établissements de soins, praticiens ayant prodigué des soins à la patiente) toutes les pièces médicales qui ne lui auront pas été produites par les parties, à charge pour lui de communiquer aux parties les pièces ainsi directement obtenues, afin qu’elles en aient contradictoirement connaissance ;

- Donne à l’expert la mission suivante, en l’invitant à répondre à chacun des points visés, en prenant en compte le projet de questionnaire rédigé par la CNAMed le 18 juin 2019, s’agissant des expertises médico-légales concernant les spécialités contenant de l’acétate de cyprotérone :

1 – prendre connaissance de la présente ordonnance dans son intégralité ;

2 – convoquer toutes les parties figurant dans la procédure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et leurs conseils respectifs par lettre simple ;

3 – procéder à l’audition contradictoire des parties et consigner leurs déclarations respectives ;

4 – procéder à l’examen clinique contradictoire de la patiente, préciser son état clinique actuel et les soins qu’elle requiert dans les suites de la survenue des troubles allégués, noter ses doléances et les constatations effectuées, consigner les déclarations éventuelles des défendeurs ;

5 – déterminer les antécédents médicaux de la patiente ; en particulier, rechercher s’il existait chez la patiente des antécédents médicaux et/ou familiaux relatifs à la pathologie dont elle se plaint ;

6 – préciser la nature de l’affection ayant conduit à la prescription de la spécialité pharmaceutique Androcur®, les conditions d’administration de la spécialité pharmaceutique Androcur® et les traitements associés ; décrire la durée et la posologie de ces traitements ; dire si la patiente prenait concomitamment d’autres spécialités pharmaceutiques et déterminer leurs influences sur les troubles allégués ;

7- déterminer la chronologie des spécialités pharmaceutiques à base d’acétate de cyprotérone qui ont été effectivement délivrées à la patiente (spécialité pharmaceutique Androcur® ou un générique de la spécialité pharmaceutique Androcur®, au regard des relevés de délivrance de pharmacie) et déterminer si dans le cadre de la délivrance de la spécialité pharmaceutique Androcur® ou de toute autre spécialité pharmaceutique générique contenant de l’acétate de cyprotérone le pharmacien a respecté son devoir d’information ;

8 – recueillir toutes informations utiles et donner son opinion sur le schéma thérapeutique adopté, notamment sur les points suivants, à propos de la spécialité pharmaceutique Androcur® et des autres spécialités pharmaceutiques administrées :

* indication (au regard de la pathologie à traiter, des antécédents médicaux et d’éventuels autres traitements médicamenteux),

* prescription,

* achat du produit,

* dates de début et d’arrêt du traitement,

* observance ;


6

9 – déterminer la pathologie dont est atteinte la patiente au jour de l’examen,

C – déterminer, de manière précise et circonstanciée, l’état de la patiente antérieurement au traitement par la spécialité pharmaceutique Androcur®, en précisant notamment si elle était ou non déjà atteinte de la pathologie dont elle se plaint à l’heure actuelle ; donner l’ensemble des facteurs ayant pu être à l’origine de cette pathologie ;

11 – décrire l’étiologie de la maladie dont souffre la patiente et préciser en l’état actuel de la science s’il est possible de circonscrire les facteurs pouvant être à l’origine de cette pathologie. Donner si possible une liste exhaustive de ces facteurs ;

12 – déterminer, de manière précise et circonstanciée, l’état de la patiente antérieurement au traitement par la spécialité pharmaceutique Androcur®, en précisant notamment si elle était ou non déjà atteinte de la pathologie dont elle se plaint à l’heure actuelle ; donner l’ensemble des facteurs ayant pu être à l’origine de cette pathologie ;

13 – déterminer s’il existe un lien de causalité direct, certain et exclusif entre la prise de la spécialité pharmaceutique Androcur® et les symptômes et troubles allégués la patiente ;

14 – en cas de réponse positive à la question susvisée, rechercher l’état des connaissances scientifiques et de la pratique médicale à l’époque des faits ;

15 – décrire l’ensemble des lésions et séquelles constatées au jour de l’examen, directement et exclusivement imputables aux conséquences de la prise de la spécialité pharmaceutique Androcur® ;

16 – en ne s’attachant qu’aux seules lésions et séquelles décrites au point n°15 et dont demeure atteinte la patiente à ce jour :

* déterminer la durée de la (ou des) période(s) de déficit fonctionnel temporaire total

* déterminer la durée de la (ou des) période(s) de déficit fonctionnel temporaire partiel, en chiffrant en pourcentage l’importance quantitative de chacune de ces périodes ;

* fixer la date de consolidation des lésions ; et si celle-ci n’est pas encore acquise, indiquer le délai à l’issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, et n’évaluer que les seuls chefs de préjudice qui peuvent l’être en l’état ;

* dire s’il résulte des lésions et séquelles constatées au jour de l’examen, une incapacité permanente partielle et, dans l’affirmative, après en avoir indiqué les éléments constitutifs, la chiffrer en pourcentage ;

* décrire, en cas de déficit fonctionnel permanent, les retentissements que les séquelles et lésions constatées ont actuellement, et dans un avenir prévisible, sur les activités de la patiente, tant personnelles que professionnelles ;

* dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur, et du préjudice esthétique, en en qualifiant l’importance sur une échelle croissante de 1 à 7 ;

* dire, si l’état de la patiente est susceptible de modification, aggravation ou amélioration ; dans l’affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, ainsi que sur la nature des soins, traitements et interventions nécessaires, dont le coût prévisionnel sera alors chiffré, de manière précise et circonstanciée, et les délais dans lesquels il devra y être procédé, précisés ;

- Dit qu’en cas d’empêchement, ou de refus de l’expert d’accomplir sa mission, il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;

- Dit que pour une bonne administration de la justice et pour assurer le respect du contradictoire, il sera établi un pré-rapport d’expertise qui devra être communiqué à l’ensemble des parties sur lequel elles pourront faire valoir leurs observations ;

- Dit qu’en cas de difficultés, il devra en être fait rapport au juge chargé du contrôle des expertises.

- Mettre les frais d’expertise exclusivement à la charge de l’association AAAVAM, demanderesse à la demande d’expertise ;

- Ordonner le sursis à statuer dans l’attente du dépôt de l’ensemble des rapports d’expertise ordonnés ;

A titre infiniment subsidiaire :

- Subordonner le versement de toutes sommes mises à sa charge à la constitution d’une garantie suffisante de l’AAAVAM par le biais d’une caution bancaire de restitution d’un montant équivalent à toutes sommes mises à la charge de Bayer HealthCare ;


7

En tout etat de cause :

- Rejeter la demande d’article 700 du code de procédure civile formulée par l’association AAAVAM ;

- Condamner l’association AAAVAM à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l’association AAAVAM aux entiers dépens.

La société Bayer fait état en premier lieu des indications de l’AMM pour les deux posologies de l’Androcur, de la publication d’un abstract en 2008 sur la possibilité d’une association entre le développement de méningiomes et la prise d’Androcur, de la saisine d’un groupe de pharamacovigilance européen ayant abouti à la formulation de recommandations le 31 août 2009 sans remettre en cause le rapport positif bénéfice / risque de l’Androcur, de l’intégration du risque de méningiomes à la liste des effets indésirables lorsque l’ANSM a validé sa demande de modification des documents réglementaires (résumé des caractéristiques produit ou RCP pour les professionnels de santé et notice pour les patients) et du maintien du rapport positif bénéfice / risque de sorte que l’Androcur n’a jamais été retiré du marché et que son autorisation a été régulièrement renouvelée. Elle explique ensuite qu’elle est titulaire de l’AMM pour le princeps qu’est l’Androcur mais qu’il existe plusieurs génériques.

Elle soutient que l’action de groupe n’est pas recevable :

- à raison d’un défaut de qualité de l’AAAVAM pour agir puisqu’elle n’agit qu’au bénéfice de ses membres et non des usagers du système de santé ou -s’il devait être retenu qu’elle agit au bénéfice de ces derniers- parce que l’action excèderait alors son objet statutaire (qui consiste à fournir une assistance à ses membres) ;

- faute de réunir les conditions légales c’est à dire des situations similaires ou identiques des patients composant le groupe susceptible de recevoir une indemnisation et de la représentativité du groupe constitué.

Subsidiairement, si une expertise devait être ordonnée, elle insiste sur la rédaction de la mission, les points sur lesquels les lumières de l’expert devraient être appelées et, à l’inverse, les appréciations juridiques qui ne peuvent lui être demandées. En particulier, elle fait valoir que le tribunal devant définir le groupe des usagers et fixer les critères de rattachement au groupe, cette mission ne peut pas échoir à l’expert. Selon elle, il ne revient qu’au demandeur et il s’agit d’une question de recevabilité de son action de groupe d’établir la similarité de la situation des usagers pour laquelle l’action est initiée. Elle ajoute que le juge ne peut pas ordonner une expertise pour pallier une éventuelle carence probatoire. Elle souligne également que le juge ne peut pas ordonner une expertise en vue d’apprécier une question de police sanitaire : le rapport bénéfice / risque qui commande la délivrance de l’AMM par les autorités sanitaires et qui n’est pas une question de fait susceptible de nécessiter l’avis de l’expert.

Concernant le financement de l’expertise, si elle était ordonnée, elle indique qu’elle ne le serait que dans l’intérêt exclusif de l’AAAVAM qui la réclame de sorte que celle-ci doit en supporter le coût, d’autant que les responsabilités ne sont pas, en l’état établies. Et subsidiairement, si elle devait payer une provision, elle réclame la constitution d’une garantie suffisante.

Si une expertise est ordonnée, elle estime qu’il est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de de son issue.

Enfin, elle s’oppose à toute condamnation au titre des frais et dépens au bénéfice de l’AAAVAM mais réclame une condamnation à son profit.


8

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 30 novembre 2020, la société Delpharm demande au juge de la mise en état de :

Vu les articles L.1143-1 et suivants du code de la santé publique, Vu l’article 789 du code de procédure civile,

- Donner acte à la société Delpharmde ses protestations et réserves ;

- Désigner tel expert spécialiste de pharmacologie, avec la faculté de s’adjoindre tout sapiteur dans une autre spécialité que la sienne ;

- Dire et juger que, préalablement à la convocation des parties l’expert ainsi désigné devra se faire remettre contradictoirement par l’AAAVAM, avec l’accord des patientes concernées, l’ensemble des dossiers et documents médicaux en possession des médecins étant intervenus dans leur parcours de soins, ainsi que tous documents relatifs au médicament Androcur, sa nature, ses conditions de fabrication et de commercialisation et ses notices d’utilisation ;

- Dire et juger que ces pièces devront être numérotées et communiquées aux parties dans le cadre des opérations d’expertise, selon bordereau, préalablement à toute convocation, de manière qu’elles puissent faire l’objet d’un examen et d’un débat contradictoire ;

- Dire que l’expert devra, après avoir recueilli et communiqué lesdites pièces :

- Convoquer les parties aux fins de les entendre contradictoirement ;

- Procéder en tant que de besoin à l’audition de tous les tiers concernés par le présent litige ;

- Procéder à l’analyse des pièces constituant le dossier des patientes représentées par l’AAAVAM ayant pris de l’Androcur, noter les doléances et les observations éventuelles des défendeurs, consigner les constatations effectuées ;

- Décrire les pathologies, séquelles et troubles dont se plaignent les patientes représentées par l’AAAVAM dans le présent litige en décrivant leur évolution et les traitements appliqués avec évaluation des effets pouvant en être attendus ;

- Décrire l’état de santé des patientes représentées par l’AAAVAM antérieurement et postérieurement à la prise du médicament Androcur ;

- Dire si les patientes représentées par l’AAAVAM étaient déjà atteintes de la pathologie dont elles souffrent avant la prise de l’Androcur ou si elles y étaient prédisposées par d’autres facteurs ;

- Dire si les pathologies alléguées par les patientes représentées par l’AAAVAM sont identiques ou considérées comme similaires ;

- Dire si ces pathologies sont en lien causal éventuel avec la prise de l’Androcur et dans l’affirmative préciser le degré d’une telle causalité :

o Préciser si cette causalité a été exclusive ou adjointe à d’autres facteurs concomitants y compris à un état antérieur ou la prise d’autres médicaments ;

o Préciser si la prise d’Androcur a été déterminante ou génératrice d’une aggravation d’un risque ;

o Préciser le nom du médecin prescripteur du médicament Androcur et tout autre médicament ayant pu concourir aux dommages allégués ;

- Dire si l’indication thérapeutique a été respectée ; dans la négative, dire si l’utilisation qui a été faite était ou non conforme aux données acquises de la science médicale, notamment au regard de l’âge du patient et de son état de santé antérieur et antécédents ;

- Dire si toutes les précautions ont été prises avant et pendant l’administration du médicament en ce qui concerne les examens ;

- Dire si les patientes représentées par l’AAAVAM ont reçu une information complète de leur médecin sur le traitement et s’ils ont donné un consentement éclairé ;

- Donner un avis sur les posologies utilisées et sur la durée du traitement ; préciser si elles étaient conformes aux données acquises de la science médicale et de la notice ;

- Dire si l’état de santé et l’âge des patientes représentées par l’AAAVAM permettaient la prescription de l’Androcur ; déterminer notamment s’ils présentaient ou non des contre- indications à la prescription de l’Androcur ;

- Préciser dans quelles conditions le médicament ANDROCUR a été arrêté et si les modalités de cet arrêt étaient conformes aux données acquises de la science médicale ;


9

- Dire quelles ont été les conséquences de l’arrêt du médicament Androcur ;

- Dire si l’utilisation qui a été faite du médicament Androcur pouvait être raisonnablement attendue ;

- Préciser aux dates de la prise de l’Androcur par les patientes représentées par l’AAAVAM si en l’état des données de la science et de la connaissance du produit, l’information délivrée par la société Bayer à travers la notice et le RCP depuis l’AMM était complète, adéquate, pertinente et de nature à permettre raisonnablement sa prescription et le consentement de son usage dans des conditions éclairées ;

- Rechercher si, aux dates de la prise de l’Androcur par les patientes représentées par l’AAAVAM, les informations sur les effets indésirables et les précautions d’emploi de l’ANDROCUR contenues dans la notice d’utilisation édictée par la société Bayer et dans le RCP depuis l’AMM étaient suffisamment précises, complètes et circonstanciées en ce qui concerne les risques d’apparition de cette pathologie ;

- Dire si des signalements de pharmacovigilance ont été effectués auprès de l’ANSM ; préciser si depuis la mise en circulation de l’Androcur, l’attention des médecins prescripteurs a été appelée par le fabriquant sur la durée du traitement, la posologie, les effets indésirables, le syndrome de sevrage, les conditions dans lesquelles il devait être mis fin à la prise du médicament ; donner toute précision utile ;

- Fournir au tribunal tout élément de nature à déterminer si l’Androcur présente un caractère défectueux ou si les sociétés Bayer et/ou Delpharm ont commis des manquements à leurs obligations légales ou contractuelles pour leur produit Androcur ;

- Préciser les rôles et obligations respectives des sociétés Bayer et Delpharm dans la fabrication de l’Androcur, et notamment en matière de pharmacovigilance et d’information relative au produit fabriqué, que ce soit en application des dispositions légales, réglementaires ou encore contractuelles qui pourraient les lier ;

- Dire si les patientes représentées par l’AAAVAM ont été placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement de la société Bayer ou Delpharm pour leur produit Androcur ;

- Faire un état du rapport bénéfice/risque de la prise de ce médicament et des diligences effectuées par les autorités de santé au cours de la vie de l’Androcur ;

- Dire que l’expert devra établir un pré rapport à l’issue des opérations diligentées et le soumettre aux parties en leur impartissant un délai suffisant pour formuler toutes observations ou demandes d’investigations complémentaires ;

- Dire que toute provision à valoir sur les honoraires et frais de l’expert sera mise à la charge de l’AAAVAM, à laquelle incombe la charge de la preuve.

La société Delpharm expose que l’Androcur a été fabriqué sous deux dosages, l’un d’eux seulement de 1980 à 2018, date de son arrêt et que le litige ne porte que sur l’Androcur 50 mg s’agissant de prescriptions faites à des femmes, principalement en dehors des indications de l’AMM. Elle explique également dans quelles circonstances elle s’est vu confier une partie de la fabrication en sous-traitance de l’Androcur.

Elle considère que la demande d’expertise relève de la compétence du juge de la mise en état mais souligne que l’action de groupe est conçue en deux temps et qu’il convient en premier lieu de statuer sur la responsabilité du défendeur et le groupe d’usagers envers lesquels il est responsable. Elle en déduit que la mission ne doit pas mêler ces questions à la réparation des éventuels préjudices individuels. Elle propose donc de centrer la mission sur la détermination du caractère défectueux de l’Androcur ou les manquements aux obligations contractuelles ou légales et l’établissement de la situation identique ou similaire des patientes représentées par l’AAAVAM.

Elle considère que le demandeur doit avancer les frais de l’expertise qu’il réclame.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 30 novembre 2020, l’ANSM demande au juge de la mise en état de :



C

In limine litis :

- Se déclarer incompétent au profit du tribunal administratif de Montreuil pour connaître de la demande de condamnation pécuniaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ou de toute autre, formée à l’encontre de l’ANSM ;

- Déclarer en conséquence ces demandes irrecevables,

En tout état de cause :

- Déclarer la demande d’expertise judiciaire formée par l’AAAVAM à l’encontre de l’ANSM irrecevable et mal fondée ;

- Condamner l’AAAVAM ou tout succombant eux entiers dépens qui seront directement recouvrés par la SELARL Dhonte & Associés, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

L’ANSM expose que le juge judiciaire est incompétent pour prononcer une condamnation pécuniaire sur quelque fondement que ce soit à son encontre. Elle ajoute que l’action de groupe relative à un médicament ne peut être formée qu’à l’égard des producteurs et fournisseurs du médicament, ce qu’elle n’est pas. Elle en déduit que le régime de l’action de groupe ne lui est pas applicable, en ce compris l’expertise.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 26 novembre 202, l’ONIAM demande au juge de la mise en état de :

Vu les articles L.1143-1 à L.1143-13 du code de la santé publique

Vu l’article L.1142-22 du code de la santé publique

Vu l’article L.1142-1 II du code de la santé publique

Vu l’article 789 du code de procédure civile,

- Lui donner acte de ce qu’il s’en rapporte à justice sur la demande d’expertise formulée par l’AAAVAM ;

En toute hypothèse :

- Débouter l’AAAVAM de sa demande de condamnation de l’ONIAM au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l’AAAVAM aux dépens de l’instance.

L’ONIAM rappelle ses missions et les conditions dans lesquelles il peut procéder à des indemnisations. Il fait valoir qu’il n’est ni producteur ni fournisseur de produits de santé et qu’il n’indemnise que certains préjudices qu’en l’absence de responsabilité d’un professionnel de santé ou d’un établissement de santé. Il en déduit que l’action de groupe qui vise à établir un manquement d’un producteur ou fournisseur de produit de santé ne le concerne pas et qu’il doit être mis hors de cause. Il ajoute qu’il n’est pas démontré que sa présence serait utile à l’expertise demandée. Il s’en rapporte à la sagesse du juge sur sa compétence pour ordonner l’expertise.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exception d’incompétence invoquée par l’ANSM :

Les articles 73 et 74 du code de procédure civile prévoient que :

Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.”


11

Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public. La demande de communication de pièces ne constitue pas une cause d’irrecevabilité des exceptions. Les dispositions de l’alinéa premier ne font pas non plus obstacle à l’application des articles 103 [exception de connexité], 111 [délai pour faire inventaire], 112 [nullité des actes de procédure au fur et à mesure de leur accomplissement] et 118 [exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure].”

L’exception d’incompétence répond à la définition donnée à l’article 73.

L’ANSM a pris des conclusions au fond notifiées par voie électronique le 14 janvier 2020 lequelles tendaient à demander au tribunal de :

- Constater qu’aucune demande n’est formulée à l’encontre de l’ANSM ;

- Mettre hors de cause l’ANSM ; En tout état de cause,

- Déclarer l’action de l’AAAVAM irrecevable et mal fondée à l’encontre de l’ANSM ;

- Condamner l’AAAVAM à verser à l’ANSM la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner l’AAAVAM ou tout succombant eux entiers dépens qui seront directement recouvrés par la SELARL Dhonte & Associés, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.”

L’ANSM, à l’encontre de laquelle il était déjà demandé aux termes de l’assignation une condamnation à payer, avec les autres défendeurs, une indemnité procédurale de 30 000 euros et les dépens, n’a alors pas fait valoir l’incompétence du juge judiciaire pour prononcer une condamnation pécuniaire à son égard mais conclu à l’irrecevabilité ou au rejet des demandes au fond.

L’exception est soulevée tardivement et doit être déclarée irrecevable.

Sur les fins de non recevoir opposées par la société Bayer et l’ANSM :

Selon l’actuel article 789 du code de procédure civile,

Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : […] 6° Statuer sur les fins de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non- recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire. Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.”


12

Toutefois, cette disposition est issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019. Conformément à l’article 55 de ce décret, l’article 789 ainsi rédigé est entré en vigueur le 1er janvier 2020 et a été rendu applicable aux instances en cours à cette date. Par dérogation, les dispositions des 3° et 6° de cet article 789 ne sont applicables qu’aux instances introduites à compter du 1 janvier 2020.er

La présente instance a été introduite les 17, 18 et 19 juin 2019, alors que le 6° n’était pas entré en vigueur et ce 6° ne lui est pas applicable. Le juge de la mise en état ne peut donc pas statuer sur une quelconque fin de non recevoir, laquelle ne relève que du tribunal lui-même.

Sur l’expertise :

Toujours selon l’article 789 du code de procédure civile,

Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :[…] 5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ; […]

Au final, sur le principe de l’expertise,

- la société Delpharm émet protestations et réserves au dispositif de ses conclusions, signifiant son opposition à cette demande mais dans ses motifs elle indique expressément (page C) ne pas s’opposer au principe de la mesure,

- l’ANSM conclut que la depande est irrecevable et mal fondée au dispositif de ses conclusions mais n’invoque dans ces motifs que des causes d’irrecevabilité, traitées ci- dessus.

Le tribunal ne pourra apprécier la responsabilité des défendeurs ni statuer sur la définition de groupe des usagers du système de santé à l’égard desquels leur responsabilité pourraît être engagée ni sur les dommages corporels susceptibles d’être réparés sans l’éclairage d’un expert.

Les débats entre les parties ne portent en réalité que sur la définition de la mission.

A cet égard, il doit être rappelé que l’action de groupe est ouverte dans les conditions des articles L.1143-2 et L.1143-3 du code de la santé publique, lesquels énoncent que :

Une association d’usagers du système de santé agréée en application de l’article L. 1114-1 peut agir en justice afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un producteur ou d’un fournisseur de l’un des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1 ou d’un prestataire utilisant l’un de ces produits à leurs obligations légales ou contractuelles.

[…] L’action ne peut porter que sur la réparation des préjudices résultant de dommages corporels subis par des usagers du système de santé. […]”

Dans la même décision, le juge constate que les conditions mentionnées à l’article L. 1143- 2 sont réunies et statue sur la responsabilité du défendeur au vu des cas individuels présentés par l’association requérante. Il définit le groupe des usagers du système de santé à l’égard desquels la responsabilité du défendeur est engagée et fixe les critères de rattachement au groupe. Le juge détermine les dommages corporels susceptibles d’être réparés pour les usagers constituant le groupe qu’il définit. Le juge saisi de la demande peut ordonner toute mesure d’instruction, y compris une expertise médicale.” Le mission des experts sera fixée au dispositif de la présente décision.


13

L’AAAVAM étant demandeur à l’instance, elle devra en faire l’avance des frais.

Sur le sursis à statuer :

Dans l’attente du dépôt du rapport, il est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’ordonner un sursis à statuer sur toutes les demandes.

Sur la provision ad litem :

Toujours selon l’article 789 du code de procédure civile,

Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :[…]

2° Allouer une provision pour le procès ;

3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;[…]”

La provision ad litem, demandée à l’occasion d’une instance au fond, a une nature spéciale, laquelle est perceptible au seul fait qu’il lui est consacré une ligne particulière qui la distingue des autres provisions susceptibles d’être allouées sous la condition que l’obligation ne soit pas serieusement contestable. Cette singularité tient également à ce qu’elle a vocation à couvrir des sommes qui auront, à l’issu du procès, une nature de dépens ou de frais. Ces sommes peuvent donc être qualifiées d’accessoires au principal mais sans que leur sort ne suive nécessairement celui du principal, compte tenu du pouvoir discrétionnaire reconnu au juge lorsqu’il statue sur les dépens et les frais.

Si la loi permet à une association, c’est à dire à une personne morale dépourvue de but lucratif, sous réserve d’être agréée, d’exercer seule une action en justice pour permettre à des usagers du système de santé d’obtenir la réparation d’un dommage corporel, il doit être considéré qu’elle entend lui conférer la possibilité d’un débat contradictoire effectif et utile.

L’expertise est utile au débat à venir sur la responsabilité des défendeurs, ce qui rend nécessaire son financement. Or les comptes de l’association AAAVAM démontrent qu’elle ne peut financer cette mesure.

Dès lors, il convient de condamner la société Bayer à payer à l’association AAAVAM une provision pour frais d’instance d’un montant de C 000 euros.

Cette condamnation ne sera assortie d’aucune exigence de constitution de garantie au sens de l’article 517 du code de procédure civile, lequel n’est au demeurant afférent qu’à l’exécution provisoire facultative.

Sur la demande d’ordonnance commune et opposable :

Cette demande est sans objet dès lors que l’ANSM et l’ONIAM sont parties à l’instance.

Sur les dépens et les frais de l’incident :

Selon les articles 790, 696 et 700 du code de procédure civile :


14

Le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700.”

La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.”

Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. […]”

Les frais irrépétibles et dépens de l’incident seront réservés.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire, susceptible d’appel et rendue par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable l’exception d’incompétence au profit du juge administratif invoquée par l’ANSM ;

Se déclare incompétent au profit du tribunal lui-même pour statuer sur les fins de non recevoir opposées par la SAS Bayer Healthcare et l’ANSM ;

Ordonne une expertise ;

Désigne, pour y procéder :

M. N-O X P Q R 104 boulevard Q R 92380 Garches Tél : 01.47.C.79.20 – Fax : 01.47.C.79.23 – Mail : N-O.X@rpc.aphp.fr

M. D E F d'[…] : […]. : […]

Mme G-H I née Y Z d’Hématologie Clinique F Pitié-Salpétrière 75651 Paris Cedex 13 Tél : 01.42.16.14.91 – Port. : 06.23.97.27.79 Mail : marielle.I@aphp.fr

Dit que les experts déposeront un rapport commun ;

Dit que les experts pourront s’adjoindre, si nécessaire, tout sapiteur dans une spécialité distincte de la leur ;


15

Attribue au docteur X la charge de coordonner les opérations d’expertise, d’entretenir les relations avec les parties et le juge chargé de suivre et contrôler l’exécution de la mesure ;

Donne mission au collège d’experts :

- Préalablement à la convocation, se faire remettre par les parties tous documents utiles, ces pièces devant être numérotées et communiquées selon bordereau, de manière qu’elles puissent faire l’objet d’un examen et d’un débat contradictoire, et notamment

o par l’AAAVAM, avec l’accord des personnes concernées, l’ensemble des dossiers et documents médicaux,

o par les sociétés Bayer et Delpharm Lille, tous documents relatifs au médicament Androcur, sa nature, ses conditions de fabrication et de commercialisation et ses notices d’utilisation,

o par l’ANSM et la société Bayer, tous documents relatifs au rapport bénéfice / risque de l’Androcur et / ou de l’acétate de cyprotérone ainsi que tous documents relatifs à l’évolution de ce rapport bénéfice / risque depuis la mise sur le marché de l’Androcur ;

- Convoquer les parties aux fins de les entendre contradictoirement ;

- Procéder en tant que de besoin à l’audition de tous les tiers concernés par le présent litige et tous sachants ;

- Procéder à l’analyse des pièces ;

1 – Décrire les pathologies, séquelles, effets indésirables et troubles dont se plaignent les personnes représentées par l’AAAVAM en décrivant leur évolution et les traitements appliqués avec évaluation des effets pouvant en être attendus ;

2 – Décrire l’état de santé des personnes représentées par l’AAAVAM antérieurement et postérieurement à la prise du médicament Androcur ; Préciser la nature des affections ayant conduit à la prescription d’Androcur ;

3 – Dire si les personnes représentées par l’AAAVAM étaient déjà atteintes de la pathologie dont elles souffrent avant la prise de l’Androcur ; dire si elles y étaient prédisposées par d’autres facteurs tels qu’un état antérieur, des facteurs de risque ou des prescriptions antérieures ;

4 – Fournir un avis sur le caractère éventuellement identique ou similaire des pathologies séquelles, effets indésirables et troubles présentées par les personnes représentées par l’AAAVAM ; Si une différence doit être relevée entre les personnes ayant pris de l’Androcur et celle ayant pris un générique, l’expliquer ;

5 – Dire si ces pathologies, séquelles, effets indésirables et troubles sont en lien de causalité directe et certaine avec la prise de l’Androcur et dans l’affirmative préciser le degré d’une telle causalité ;

6 – Dire si l’indication thérapeutique a été respectée ;

7 – Dire si l’utilisation qui en a été faite était ou non conforme aux données acquises de la science médicale ;

8 – Dire si toutes les précautions ont été prises avant et pendant l’administration du médicament ;

9 – Donner un avis sur la / les posologies utilisées et sur la durée des traitements, leur compatibilité avec les éventuels traitements associés ; préciser si elles étaient conformes aux données acquises de la science médicale ;

9 – Reproduire chaque résumé des caractéristiques produit et chaque notice de l’Androcur depuis sa mise sur le marché ;

C – Préciser si, en l’état des données de la science et de la connaissance du produit, l’information délivrée par la société Bayer dans le résumé des caractéristiques produit et la notice était complète, adéquate et de nature à permettre raisonnablement la prescription et le consentement à son usage dans des conditions éclairées ;

11 – Dire si des signalements de pharmacovigilance ont été effectués ; préciser notamment si, depuis la mise en circulation de l’Androcur, l’attention des prescripteurs a été appelée par le fabricant sur la durée du traitement, les posologies, les effets indésirables, particulièrement les différentes pathologies, séquelles, effets indésirables et troubles relevés, les complications susceptibles de se produire, un éventuel syndrome de sevrage, les conditions dans lesquelles il devait être mis fin à la prise du médicament ; donner toutes précisions utiles ;


16

12 – Préciser dans quelles conditions le médicament Androcur a été arrêté par les personnes représentées par l’AAAVAM et si les modalités de cet arrêt étaient conformes aux données acquises de la science médicale ;

13 – Dire quelles ont été les conséquences de l’arrêt du médicament Androcur ;

14 – Dire si l’utilisation qui a été faite du médicament Androcur pouvait être raisonnablement attendue ;

15 – Fournir au tribunal tout élément de nature à lui permettre de déterminer si les sociétés Bayer et Delpharm Lille ont commis des manquements à leurs obligations légales, réglementaires ou contractuelles pour le produit Androcur ;

16 – Fournir au tribunal tout élément de nature à lui permettre de déterminer si un tel manquement est la cause commune des pathologies, séquelles, effets indésirables et troubles identiques ou similaires présentées par les personnes représentées par l’AAAVAM ;

17 – Fournir au tribunal tout élément de nature à lui permettre de définir le groupe des usagers du système de santé et de fixer les critères de rattachement au groupe ;

18 – Fournir au tribunal tout élément de nature à lui permettre de déterminer les dommages corporels susceptibles d’être réparés de pour les usagers constituant le groupe de rattachement ;

Dit que les experts s’assureront, à chaque réunion d’expertise, de la communication contradictoire aux parties des pièces qui lui sont remises ;

Dit que l’expert coordonnateur devra :

- en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise ; l’actualiser le cas échéant ;

- faire connaître le montant prévisible de la rémunération du collège ; l’actualiser le cas échéant ; procéder parallèlement aux demandes de provisions complémentaires ;

- adresser aux parties un document de synthèse et arrêter le calendrier de la phase conclusive des opérations, en fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d’un délai qui leur sera indiqué à compter de la transmission du rapport ;

Dit que le collège d’experts répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :

- la liste exhaustive des pièces consultées ;

- le nom des personnes convoquées aux opérations d’expertise en précisant pour chacune d’elle la date d’envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation ;

- le nom des personnes présentes à chacune des réunions d’expertise ;

- la date de chacune des réunions tenues ;

- les déclarations des tiers entendus, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties ;

- le cas échéant, l’identité du sapiteur dont le concours aurait été sollicité, ainsi que le document qu’il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport) ;

Fixe à la somme de 5 000 euros le montant de la somme à consigner par l’association AAAVAM auprès du régisseur d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Lille dans le délai de quatre mois à compter de la présente décision ;

Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre pour contrôler les opérations d’expertise ;

Dit qu’à défaut de consignation dans le délai imparti, et sauf prorogation de délai sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque de plein droit ;


17

Dit que l’expert devra notifier aux parties, une fois sa mission accomplie, par lettre recommandée avec accusé de réception, le montant de ses honoraires si ceux-ci dépassent la somme initialement arrêtée correspondant à la provision versée, afin de recueillir leurs observations qui devront être remises avec la demande de taxe et dit qu’à défaut de réponse des parties dans un délai de quinze jours, l’expert devra joindre l’accusé de réception signé des parties à sa demande d’honoraires ;

Dit qu’en cas d’empêchement ou de récusation, l’expert sera remplacé par ordonnance sur requête du juge chargé du contrôle des expertises ;

Surseoit à statuer dans l’attente du rapport des experts ;

Dit que l’affaire sera réinscrite au rang des affaires en cours à l’initiative de la partie la plus diligente, sur la justification de la notification par voie électronique de ses conclusions en ouverture du rapport ;

Condamne la SAS Bayer Healthcare à payer à l’association d’aide aux victimes des accidents du médicament une provision pour frais d’instance d’un montant de C 000 euros ;

Rejette la demande tendant à subordonner le versement de cette somme à la constitution d’une garantie ;

Réserve les frais irrépétibles et les dépens ;

LE GREFFIER LE JUGE DE LA M ISE EN ÉTAT

J K L M

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal Judiciaire de Lille, 29 avril 2021, n° 19/05014