Tribunal Judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 6 février 2024, n° 18/01198

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Lyon, ctx protection soc., 6 févr. 2024, n° 18/01198
Numéro(s) : 18/01198
Importance : Inédit
Dispositif : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur
Date de dernière mise à jour : 19 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

MINUTE N° : TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE LYON

POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT : ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

06 Février 2024

Julien FERRAND, président

Didier NICVERT, assesseur collège employeur

Marie-José MARQUES, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie PONTVIENNE, greffière

tenus en audience publique le 05 Décembre 2023

jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, le 06 Février 2024 par le même magistrat

Madame [X] [A] EPOUSE [Z] C/ S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE MANDATAIRES JUDICIAIRES ès qualité de mandataire ad hoc de la société [10], société [9], société [8], CPAM DU RHONE

N° RG 18/01198 – N° Portalis DB2H-W-B7C-SLQX

DEMANDERESSE

Madame [X] [A] épouse [Z]

demeurant [Adresse 3] (RHÔNE)

représentée par Me Emilie CONTE-JANSEN, avocate au barreau de LYON, vestiaire 2309 substituée par Me Coralie SOTO, avocate au barreau de LYON, vestiaire : 1867

DÉFENDERESSE

S.E.L.A.R.L. [6], ès qualité de mandataire ad hoc de la société [10]

dont le siège social est sis [Adresse 1]

non comparante, ni représentée

PARTIES INTERVENANTES

CPAM DU RHONE

dont le siège social est sis Service contentieux général – [Localité 4]

représentée par Madame [Y] [M] munie d’un pouvoir

Société [9]

dont le siège social est sis [Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par la SELARL ELECTA JURIS, avocats au barreau de LYON, vestiaire 332

Société [8]

dont le siège social est sis [Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par la SELARL ELECTA JURIS, avocats au barreau de LYON,

vestiaire 332

Notification le :

Une copie certifiée conforme à :

[X] [A] EPOUSE [Z]

Société [9]

Société [8]

S.E.L.A.R.L. [6], ès qualité de mandataire ad hoc de la société [10]

CPAM DU RHONE

Me Emilie CONTE-JANSEN, vestiaire : 2309

la SELARL ELECTA JURIS, vestiaire : 332

Une copie revêtue de la formule executoire :

[X] [A] EPOUSE [Z]

Me Emilie CONTE-JANSEN, vestiaire : 2309

Une copie certifiée conforme au dossier

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 26 octobre 2021, auquel il sera renvoyé pour l’exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lyon :

— a dit que l’accident dont Madame [X] [A] a été victime le 9 mars 2016 est dû à la faute inexcusable de la société [10], représentée par la SELARL [6], mandataire ad hoc ;

— a dit que la rente dont Madame [A] est bénéficiaire sera fixée au taux maximal légal ;

— a alloué à Madame [A] une provision de 5 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice ;

— a dit que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Rhône doit faire l’avance de l’indemnité provisionnelle à charge pour elle de recouvrer la somme auprès de l’employeur ou de son assureur la [7] ;

— avant dire droit sur l’indemnisation, a ordonné l’expertise médicale de Madame [A] et désigné pour y procéder Monsieur le Docteur [B] ;

— a dit que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie doit faire l’avance des frais de l’expertise médicale, à charge pour elle de les recouvrer auprès de l’employeur ou de son assureur ;

— a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

— a condamné la société [10], représentée par la SELARL [6], à payer à Madame [A] une indemnité de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— a déclaré le présent jugement commun et opposable à la CPAM du Rhône, à la SELARL [6] et à la société [7] ;

— a condamné la société [10], représentée par la SELARL [6], aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.

Le Docteur [K] [B] a déposé son rapport d’expertise établi le 20 octobre 2022. Les conclusions de l’expert sont les suivantes :

— déficit fonctionnel temporaire total : les 9 et 10 mars 2016 ;

— déficit fonctionnel temporaire partiel :

— à 15 % du 11/03/2016 au 29/04/2016 ;

— à 10 % du 30/04/2016 au 18/09/2016 ;

— tierce personne :

—  1 heure par jour 7 jours sur 7 durant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 15 % (durée des pansements) ;

— pas de nécessité d’aménagement du logement et du véhicule ;

— souffrances endurées : 3/7 ;

— préjudice esthétique définitif : 0,5/7 ;

— préjudice d’agrément : “Madame [A] explique avoir arrêté la restauration de meubles et le bricolage.” ;

— préjudice sexuel consécutif à l’accident : sans objet ;

— perte de chance de promotion professionnelle : “Madame [A] explique avoir eu oralement une possibilité d’évolution vers un poste de chef d’atelier qui lui aurait été proposée oralement (absence d’écrit), évolution qui n’est plus possible du fait de son licenciement pour inaptitude.” ;

— pas de préjudices exceptionnels ;

— évolution de l’état de la victime : aucune modification en amélioration ou aggravation n’est à prévoir.

Aux termes de ses dernières conclusions reprises à l’audience du 6 juin 2023, Madame [X] [A] sollicite que les indemnités pour les préjudices évalués soient fixés aux sommes suivantes :

— frais d’assistance aux opérations d’expertise et frais médicaux restés à charge : 848 € ;

— déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 592 € ;

— souffrances endurées : 8 000 € ;

— préjudice esthétique : 1 000 € ;

— préjudice d’agrément : 2 000 € ;

outre la condamnation in solidum de la société [10] représentée par la SELARL [6] et de les sociétés [7] au paiement de la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait notamment valoir qu’elle avait une passion, à savoir la restauration de meubles et le bricolage qu’elle a dû arrêter du fait de l’impossibilité d’utiliser son pouce normalement.

La caisse primaire d’assurance maladie du Rhône s’en rapporte à l’appréciation du Tribunal sur les demandes d’indemnisation des préjudices suivants :

— les frais d’assistance à expertise ;

— le déficit fonctionnel temporaire ;

— les souffrances endurées ;

— le préjudice esthétique.

Elle conclut au rejet des demandes portant sur les frais de santé restés à charge, indiquant que Madame [A], bénéficiaire d’une complémentaire santé, ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle n’a pu bénéficier d’un remboursement à ce titre permettant à la Caisse d’endosser les frais restants, et sur le préjudice d’agrément, faisant valoir qu’il n’est pas justifié de la pratique de la restauration de meubles et du bricolage.

Les sociétés [9], appelée en cause, et [8], intervenante volontaire, concluent à la réduction des indemnités sollicitées dans les proportions suivantes :

— souffrances endurées : 1 000 €, estimant que leur évaluation doit être ramenée de 3/7 à 1/7 ;

— préjudice esthétique : 500 €.

Elles sollicitent également la réduction à de plus justes proportions de l’indemnisation du déficit fonctionnel.

Elles s’opposent aux autres demandes en faisant valoir :

— que les dépenses de santé actuelles et futures ne figurent pas dans la liste des postes indemnisables pour être d’ores et déjà pris en compte via la majoration de la rente et ce, conformément à l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale ;

— que le préjudice d’agrément allégué ne peut être retenu, l’arrêt des activités de loisirs n’étant pas démontré au vu de la lésion et des attestations manquant de crédibilité.

Elles demandent, en outre, qu’il soit jugé que la CPAM du Rhône exerce son action récursoire en se basant sur le taux d’IPP initial de 6 % opposable à l’employeur.

Par jugement du 3 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la réouverture des débats aux fins de convocation par lettre recommandée avec accusé de réception de la SELARL [6], désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société [10] qui a fait l’objet d’un jugement de clôture pour insuffisance d’actif en date du 5 septembre 2019.

Régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 10 octobre 2023, la SELARL [6] en qualité de mandataire ad hoc de la société [10] n’a pas comparu à l’audience du 5 décembre 2023.

Madame [A], la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône et les sociétés [9] et [8] n’ont pas formulé de nouvelles observations et ont déposé leurs dossiers.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur peut prétendre à l’indemnisation des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique, du préjudice d’agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Par décision n° 2010-08 QPC du 18 juin 2010, le conseil constitutionnel a reconnu au salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur le droit de réclamer devant les juridictions de sécurité sociale la réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Madame [X] [A], née le 1er juin 1964, était âgée de 52 ans au jour de l’accident survenu le 9 mars 2016.

Aux termes de son rapport, le Docteur [B] indique que Madame [A], dont la deuxième phalange du pouce gauche a été écrasée dans une machine à riveter, s’est présentée aux Urgences Mains de la Clinique du [11] où elle a été prise en charge et reconvoquée pour être opérée le lendemain. Elle a présenté une fracture ouverte de P2 non déplacée, une plaie articulaire de l’articulation IP du pouce ainsi qu’une plaie de la matrice unguéale. Les soins post-opératoires ont comporté des pansements pendant 50 jours et de la rééducation pendant six mois.

Son état de santé a été consolidé le 18 septembre 2016 avec séquelles justifiant l’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle initialement évalué à 6 %, et porté à 12 % dont 3 % pour le taux professionnel par jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon du 19 octobre 2017.

Une rechute a été constatée médicalement par le Docteur [L] le 21 septembre 2016.

Le statut de travailleur handicapé a été reconnu à Madame [X] [A] le 15 mars 2017.

L’expert ne retient pas d’état antérieur pour n’avoir constaté aucun antécédent traumatique, médical ou chirurgical au niveau de son membre supérieur gauche.

— Sur le déficit fonctionnel temporaire :

Ce poste de préjudice sera indemnisé au vu du trouble dans les conditions d’existence subi avant consolidation sur la base de 25 € par jour en tenant compte des périodes retenues par l’expert, soit :

— déficit fonctionnel temporaire total du 9 mars 2016 au 10 mars 2016 : 50,00 €

— déficit fonctionnel temporaire à 15 % du 11 mars 2016 au 29 avril 2016 : 187,50 €

— déficit fonctionnel temporaire à 10 % du 30 avril 2016 au 18 septembre 2016 : 352,50 €

soit un total de 590 €.

— Sur les souffrances endurées :

L’expert judiciaire les a chiffrées à 3/7, soit des souffrances modérées .

Au regard des soins détaillés par l’expert, les souffrances endurées par la victime seront indemnisées à hauteur de 7 000 €.

— Sur le préjudice esthétique :

L’expert a évalué à 0,5/7 le préjudice esthétique définitif pour une cicatrice adhérente de 18 mm au bord radial de P2.

Il sera alloué 1 000 € pour ce poste de préjudice.

— Sur le préjudice d’agrément :

Le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et par la limitation de la pratique antérieure.

Madame [X] [A] a expliqué à l’expert avoir arrêté la restauration de meubles et le bricolage.

L’arrêt de cette activité qui constituait une passion est corroboré par les attestations circonstanciées établies par sa soeur, sa belle-mère et ses filles.

Ce poste de préjudice sera indemnisé à hauteur de 2 000 €.

— Sur les frais d’assistance par un médecin conseil et les frais médicaux restés à charge :

Les frais d’assistance à expertise qui sont la conséquence directe de l’accident du travail ne figurent pas parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Dès lors, ils ouvrent droit à indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l’employeur.

Il sera fait droit à la demande à hauteur de 720 € justifiée par la facture d’honoraires du Docteur [S] qui a assisté Madame [A] dans le cadre de l’expertise judiciaire.

En revanche, les frais médicaux et accessoires nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime en suite de l’accident du travail sont pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et figurent donc parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander réparation à l’employeur en application de l’article L. 452-3 du même code.

— Sur les autres demandes  :

La caisse primaire d’assurance maladie du Rhône devra faire l’avance de l’intégralité des sommes revenant à la victime en réparation de ses préjudices et au titre des frais d’expertise et de la majoration de la rente ou du capital.

Il n’y a pas lieu de prononcer une condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile eu égard à la clôture de la liquidation judiciaire de la société [10] pour insuffisance d’actifs.

Le jugement sera déclaré opposable aux sociétés [9] et [8].

Les dépens seront laissés à la charge de la société [10].

PAR CES MOTIFS

Le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lyon, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

Vu le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lyon du 26 octobre 2021,

Vu le rapport d’expertise du 20 octobre 2022,

Fixe le montant des indemnités revenant à Madame [X] [A] aux sommes suivantes :

—  590,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

—  7 000,00 € au titre des souffrances endurées ;

—  1 000,00 € au titre du préjudice esthétique ;

—  2 000,00 € au titre du préjudice d’agrément ;

—  720,00 € au titre des frais d’assistance à expertise ;

soit une indemnisation totale s’élevant à 11 310,00 €, dont il convient de déduire la provision de 5 000 € allouée par le jugement du 26 octobre 2021, soit un solde de 6 310 € ;

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône doit faire l’avance de l’intégralité des sommes revenant à la victime en réparation de ses préjudices et au titre des frais d’expertise et de la majoration de rente ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Déclare le présent jugement opposable aux sociétés [9] et [8] ;

Laisse les dépens à la charge de la société [10] représentée par la SELARL [6], mandataire ad hoc.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du Tribunal, le 6 février 2024, et signé par le président et la greffière.

LA GREFFIERELE PRESIDENT

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Tribunal Judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 6 février 2024, n° 18/01198