Tribunal Judiciaire de Nanterre, 15 mars 2023, n° 23/00151

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Nanterre, 15 mars 2023, n° 23/00151
Numéro(s) : 23/00151

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 15 MARS 2023

N° RG 23/00151 – N° Portalis DB3R-W-B7H-X7H4

N° minute :

DEMANDEURS Y Z, E Madame Y Z et Monsieur E F F […]

représentés par Maître Kathleen BANNET, avocat au barreau de A B, C D PARIS, vestiaire : P221 épouse X, S.C.I. DAMLOL

DEFENDEURS

Monsieur A B […]

représenté par Maître Véronique DAGONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 3

Madame C D épouse X […]

non comparante

S.C.I. DAMLOL 4 avenue des Acacias 92140 CLAMART

représenté par Maître Véronique DAGONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 3

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : David MAYEL, Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal, Greffier : Esrah FERNANDO, Greffière

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance réputée contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 08 février 2023, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour : E F et Y Z sont propriétaires d’un bien immobilier sis […], dont les façades nord et est sont adjacentes à la parcelle appartenant à la SCI DAMLOL. Cette dernière a donné à bail le bien immobilier à A X et C D épouse X.

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Par acte du 21 décembre 2022 et du 13 janvier 2023, E F et Y Z ont assigné A X, C X et la SCI DAMLOL en référé aux fins de voir :

- accorder à E F et Y Z un droit de passage sur la parcelle de A X, C X et la SCI DAMLOL pour une durée de 4 jours de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 16 heures pour le montage des échafaudages et pour la même durée et aux mêmes horaires pour leur démontage,

- juger que cette autorisation permette l’accès des employés de toute entreprise chargée des travaux, en particulier la société BT BUILDING,

- condamner les défendeurs à leur verser une provision de 5.000 euros pour procédure abusive,

- les condamner à verser aux demandeurs la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI DAMLOL, A X, C X aux dépens.

Ils exposent que, pour faire procéder à des travaux strictement nécessaires à l’entretien et à la structure de leur maison, il est nécessaire de procéder à l’installation d’un échafaudage sur l’ensemble de leur bien. Ils précisent que ledit échafaudage prendra appui uniquement sur leur maison, mais qu’il est nécessaire, pour son installation, de passer sur le fonds de leurs voisins, et que ces derniers ont refusé de régulariser leur autorisation par écrit. Ils font valoir qu’un tel refus constitue un abus de droit, et sollicite que leur soit accordé un droit de passage pour le montage et le démontage des échafaudages. Ils soutiennent que le refus des voisins de leur répondre quant au passage d’un échafaudage sur leur fonds les a contraints à se reloger, louer un échafaudage qui n’est pas installé et réaliser les travaux en hiver, entraînant un surcoût.

A l’audience du 8 février 2023, les demandeurs ont maintenu leurs demandes telles que formulées dans l’assignation.

A X et la SCI DAMLOL, soutenant oralement leurs conclusions en défense déposées à l’audience, demandent au juge des référés de :

- A titre principal, juger n’y avoir lieu à référé et débouterles demandeurs de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- Subsidiairement, fixer les modalités de droit de passage comme suit :

- Y Z et E F devront proposer des dates de démarrage des travaux et de pose d’échafaudage par lettre recommandée avec accusé réception quinze jours à l’avance,

- Y Z et E F devront produire l’attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle et décennale de l’entreprise chargée d’effectuer les travaux en cours de validité au moment des travaux,

- Y Z et E F ne pourront faire intervenir que les ouvriers salariés de l’entreprise chargée d’effectuer les travaux,

- Un état des lieux contradictoire devra être dressé par huissier avant le montage de l’échafaudage et à la fin des travaux, et ce aux frais des demandeurs,

- La pose d’un filet de protection occultant pour empêcher la vue sur le fonds de la SCI DAMLOL sera installé sur les façades NORD et EST.

- Accorder une indemnisation provisionnelle de 5.000 euros.

- En tout état de cause, condamner in solidum Y Z et E F à verser à la SCI DAMLOL et Monsieur X la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Ils exposent que le juge des référés ne saurait être compétent en l’espèce, car les demandeurs sont défaillants à rapporter la preuve de l’urgence de leur demande, alors qu’ils ont obtenu le permis de construire le 22 juillet 2020 et que les travaux n’ont pas pour objet l’entretien de leur maison, mais sa surélévation, ce qui constitue une construction de confort. A X et la SCI DAMLOL déduisent des arguments précités qu’il existe une contestation sérieuse quant aux conditions requises pour la servitude du droit d’échelle, ajoutant que Y Z et E F ne démontrent ni l’état de péril de leur bien, ni que les travaux prévus ne pourraient être effectués sans avoir à emprunter la propriété de la SCI DAMLOL. A X et la SCI DAMLOL arguent également que les demandeurs ne prouvent ni l’existence d’un dommage imminent, ni celle d’un trouble manifestement illicite. Ils ajoutent que la demande est mal fondée, et que le tour d’échelle provoquerait une sujétion intolérable et excessive pour eux, dès lors que, pour accéder à la façade nord, il est nécessaire de passer par une pièce de leur maison. Enfin, ils contestent tout abus de droit.

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C X, régulièrement assignée à personne, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions de la demanderesse, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

MOTIFS

Sur la demande de droit de passage

Conformément à l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Le tour d’échelle apparaît comme le droit, pour le propriétaire d’un mur ou d’un bâtiment contigu au fonds voisin, de poser, au long de ce mur ou de ce bâtiment, les échelles nécessaires à la réparation, et généralement de faire au long et en dehors de ces ouvrages, tous les travaux indispensables en introduisant sur le fonds voisin les ouvriers, leurs outils, leurs échelles.

Compte tenu de l’atteinte au droit de propriété résultant de l’autorisation de tour d’échelle, celle- ci ne peut être accordée, à titre temporaire, qu’au regard du caractère indispensable des travaux envisagés, de l’absence de solution alternative permettant de réaliser les travaux sans passer par le fonds voisin, de l’absence de disproportion manifeste entre la gêne endurée par le voisin et l’intérêt de l’auteur des travaux pour leur exécution.

Au soutien de leur demande, E F et Y Z versent notamment aux débats :

- le dossier de demande de permis de construire faisant état d’un projet de rénovation d’une maison existante et surélévation avec dépose de la toiture existante, et l’arrêté de permis de construire obtenu pour ce faire le 22 juillet 2020,

- une attestation de leur architecte décrivant le chantier comme un redressement des combles et une rénovation complète du bien appartenant aux demandeurs, et précisant que la démolition intérieure a été réalisée, que l’échafaudage a été partiellement posé et que les travaux ont été stoppés au bout de 7 jours dans l’attente de l’autorisation d’accès des voisins,

- des photographies de leur maison mettant en évidence l’existence de fissures sur les plafonds, de traces d’humidité et la défaillance d’une gouttière,

- un courrier du conseil des demandeurs, détaillant la configuration des lieux et reprenant les hypothèses d’implantation d’échafaudages possibles telles que présentées par l’architecte,

- de multiples échanges écrits entre les parties et l’architecte en charge du projet, relativement à la demande de tour d’échelle, particulièrement deux courriels émis par A X en date des 14 et 17 juin 2022 mentionnant « les dessins sont très bien faits et nous comprenons beaucoup mieux le projet de notre voisin » et acceptant « l’hypothèse 3 » en y adjoignant des conditions.

En défense, A X et la SCI DAMLOL opposent l’absence d’urgence et de réunion des conditions requises pour la servitude de droit d’échelle. Ils produisent notamment :

- un courrier en date du 31 mai 2022 de l’architecte mandatée par E F et Y Z, indiquant qu’il est nécessaire de mettre en place un échafaudage, et en détaillant les modalités,

- un second courrier de ladite architecte en date du 7 juin 2022, présentant trois hypothèses d’implantation d’échafaudage pour les travaux de redressements de combles et de rénovation,

- des photographies de leur bien immobilier.

Ainsi, en l’état des pièces produites, et contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, E F et Y Z établissent le caractère indispensable de leurs travaux de rénovation, ainsi que la nécessité, eu égard à la configuration des lieux, de passer par le fonds voisin pour leur réalisation. En outre, l’autorisation judiciaire de mettre en place « l’hypothèse 3 », que A X avait par

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ailleurs indiqué accepter sous conditions, n’apparaît pas engendrer une gêne disproportionnée pour les défendeurs, dès lors que le montage comme le démontage de l’échafaudage « en console » ne dure que 4 jours, et qu’une telle installation, limitée dans le temps, ne prend pas appui sur le bien appartenant à la SCI DAMLOL.

Le moyen opposé par A X et la SCI DAMLOL tenant à l’absence de bien fondé de la demande au titre de la servitude de tour d’échelle, qui reprend les critiques préalablement écartées concernant le caractère de confort des travaux projetés, l’absence de nécessité de passer sur leur réalisation et la sujétion excessive pour les défendeurs, sera également rejeté.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande d’autoriser E F et Y Z à accéder à la parcelle des défendeurs pour le montage et le démontage des échafaudages, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Sur la demande de provision pour procédure abusive

Conformément à l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant, la provision n’ayant pas pour objet de liquider le préjudice de façon définitive mais d’indemniser ce qui dans ce préjudice est absolument incontestable.

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L’abus du droit d’ester en justice peut notamment résulter d’un acte de malice, d’un acte accompli de mauvaise foi, d’agissements téméraires ou dilatoires ou encore de la multiplication des procédures engagées.

En l’espèce, E F et Y Z demandent, sur le fondement de l’article 32-1 précité, la condamnation des défendeurs à leur payer une provision de 5.000 euros pour procédure abusive.

Toutefois, il apparaît, qu’E F et Y Z sont les demandeurs à la présente instance, de sorte qu’il ne peut être reproché aux épous X et à la SCI DAMLOL d’avoir été à l’origine d’une action abusive. Au surplus, aucun abus du droit en justice n’est caractérisé en l’espèce, la mauvaise foi des défendeurs n’étant pas démontrée en l’état.

Ainsi, la demande de provision pour procédure abusive formulée par E F et Y Z sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. Il y a en conséquence lieu de condamner les défendeurs, qui succombent, aux dépens, avec distraction.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.

Il serait inéquitable de laisser aux demandeurs la charge des frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer pour la défense de leurs intérêts et il y aura lieu en conséquence de condamner la défenderesse à lui payer la somme de 1.500 euros.

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PAR CES MOTIFS

RENVOYONS les parties à se pourvoir sur le fond du litige,

PAR PROVISION, tous moyens des parties étant réservés.

G E F et Y Z à accéder à la parcelle appartenant à la SCI DAMLOL, située […]) à effet exclusif de procéder pendant 4 jours au montage et pendant 4 jours au démontage des échafaudages pour la réalisation des travaux de rénovation et surélévation de leur bien immobilier,

DISONS que cette autorisation dite de tour d’échelle :

- devra être précédée d’un constat d’huissier avant le montage de l’échafaudage, en présence des parties et aux frais des demandeurs,

- permet l’accès des employés de toute entreprise chargée des travaux, mandatée par les demandeurs,

- s’exercera de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 16 heures,

- se trouve soumise à un délai de prévenance de quinzaine, par écrit, accompagnée de l’identité des intervenants et d’une attestation de leur assureur responsabilité civile professionnelle en cours de validité au moment des travaux,

- donne lieu à une indemnisation provisionnelle de 50 euros par jour de montage et de démontage,

- devra être clôturée par l’établissement d’un procès-verbal de constat du même huissier ayant procédé au préalable.

DISONS n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre de procédure abusive,

REJETONS les demandes plus amples ou contraires des parties,

H A X, C X et la SCI DAMLOL aux dépens,

REJETONS la demande formulée par A X, C X et la SCI DAMLOL au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

H A X, C X et la SCI DAMLOL à payer à E F et Y Z la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

FAIT A NANTERRE, le 15 mars 2023

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

Esrah FERNANDO, Greffière David MAYEL, Vice-président

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  1. Code de procédure civile
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Tribunal Judiciaire de Nanterre, 15 mars 2023, n° 23/00151