Tribunal Judiciaire de Paris, 28 avril 2022, n° 22/51412

  • Pouvoir adjudicateur·
  • Jeux olympiques·
  • International·
  • Recours·
  • Comités·
  • Référé précontractuel·
  • Contrats·
  • Candidat·
  • Publicité·
  • Mise en concurrence

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 28 avr. 2022, n° 22/51412
Numéro(s) : 22/51412

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

JUGEMENT RENDU SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND

le 28 avril 2022 N° RG 22/51412 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWBG M par Z A, Juge, au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, N° : 1/MM

Assisté de X Y, Faisant fonction de greffier. Assignation du : 01 Février 2022

1

DEMANDERESSE

Société GREGORI INTERNATIONAL […]

représentée par Maître Charley HANNOUN de la SELARL HANNOUN & BENIKING, avocats au barreau de PARIS -

#D1858

DEFENDERESSE

Association COMITÉ D’ORGANISATION DES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES. (COJO) Parc Icade-Les portes de Paris 46 rue Proudhon 93210 SAINT-DENIS

représentée par Maître Céline SABATTIER de la SELARL PEYRICAL & SABATTIER ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #D1441

DÉBATS

A l’audience du 30 Mars 2022, tenue publiquement, présidée par Z A, Juge, assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,

2Copies exécutoires délivrées le:

Page 1



Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

Par acte du 1 février 2022, la société SA Gregori InternationalER a assigné l’association Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques devant le juge du référé contractuel du tribunal judiciaire de Paris.

A l’audience du 16 mars 2022, les parties ont comparu représentées par leurs conseils respectifs et soutenu leurs prétentions. Le juge a autorisé la communication d’une pièce par note en délibéré qui a été communiquée. Trois notes en délibéré ont été communiquées par les parties en méconnaissance du principe de la contradiction et les débats réouverts à l’audience du 30 mars 2022 pour que les parties régularisent leurs conclusions.

A l’audience du 30 mars 2022, la société SA Gregori International comparait représentée par son conseil. Elle demande au juge délégué par le président du tribunal de :

-déclarer la demande recevable,

-prononcer la nullité du contrat passé entre l’association Comité d’Organisation des Jeaux Olympiques et Paralympiques, la société GL Events Equestrian Sport et la société Normandie Drainage SAS,

-enjoindre à l’association Comité d’Organisation des Jeaux Olympiques et Paralympiques de procéder à la nomination d’une nouvelle commission indépendante chargée de procédure à l’évaluation des offres reçues dans le cadre du marché n°N 2140,

-condamner l’association Comité d’Organisation des Jeaux Olympiques et Paralympiques à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

A cette même audience, l’association Comité d’Organisation des Jeaux Olympiques et Paralympiques comparait représentée par son conseil. Elle demande au juge délégué par le président du tribunal de :

-déclarer la demande irrecevable,

-rejeter l’ensemble des demandes de la société SAS Gregori International,

-condamner la société SA Gregori International à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l’audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.

La décision a été mise en délibéré au 28 avril 2022.

SUR CE

Sur la recevabilité du recours

Il sera constaté à titre liminaire que l’association Comité d’Organisation des Jeaux Olympiques et Paralympiques soulève l’irrecevabilité de la demande à l’audience du 16 mars 2022 et

Page 2


dans le corps de ses écrites quoique ce moyen ne soit pas remis au dispositif de celles-ci.

1. Sur le référé contractuel

Aux termes de l’article 11 de l’ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009, « les personnes qui ont un intérêt à conclure l’un des contrats de droit privé mentionnés aux articles 2 et 5 de la présente ordonnance et qui sont susceptibles d’être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles ils sont soumis peuvent saisir le juge d’un recours en contestation de la validité du contrat. / La demande est portée devant la juridiction judiciaire ».

Selon l’article 12 de la même ordonnance « le recours régi par la présente section n’est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l’article 2 ou à l’article 5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l’article 4 ou à l’article 8 et s’est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ».

Selon l’article 13 de la même ordonnance « le recours régi par le présent article ne peut être exercé ni à l’égard des contrats dont la passation n’est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l’égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s’applique pas l’obligation de communiquer la décision d’attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a accompli la même formalité. / La même exclusion s’applique aux contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a envoyé aux titulaires la décision d’attribution du contrat et observé un délai de seize jours entre cet envoi et la conclusion du contrat, délai réduit à onze jours si la décision a été communiquée à tous les titulaires par voie électronique ».

Vu les articles 1441-1, 1441-2 et 1441-3 du code de procédure civile.

L’article 122 du code de procédure civile énonce que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

L’article 125 du code de procédure civile dispose que « les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

/ Le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée ».

Page 3



Moyens des parties

La société SA Gregori International estime que son recours en référé contractuel est recevable. Elle expose que la lettre des articles qui précèdent ferme le référé contractuel aux candidats ayant exercé un référé précontractuel mais pas dans d’autres situations. Elle considère que la jurisprudence administrative citée en défense ne lie pas le juge judiciaire.

Le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques se prévaut d’une jurisprudence constante du Conseil d’Etat estimant que sont irrecevables les recours formés par les candidats pouvant utilement exercer un référé précontractuel dans les délais contraints prévus par l’ordonnance mais n’ayant pas exercé ce recours.

Analyse de la juridiction

Il résulte des articles 11 à 13 de l’ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 précités que sont seuls recevables à saisir le juge d’un référé contractuel les candidats qui n’ont pas engagé un référé précontractuel, lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’a pas communiqué la décision d’attribution aux candidats non retenus ou n’a pas observé, avant de signer le contrat, un délai de onze jours après cette communication et, s’agissant des contrats non soumis à publicité préalable et des contrats non soumis à l’obligation de communiquer la décision d’attribution aux candidats non retenus, lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’a pas rendu publique son intention de conclure le contrat ou n’a pas observé, avant de le signer, ce même délai, ainsi que ceux qui ont engagé un référé précontractuel, lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’a pas respecté l’obligation de suspendre la signature du contrat prévue aux articles 4 et 8 de l’ordonnance 2009-515 du 7 mai 2009 ou ne s’est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce référé.

En l’espèce, par avis d’appel public à la concurrence, le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques a ouvert une procédure formalisée avec négociation portant sur un accord cadre relatif à la conception, la réalisation et la maintenance d’un parcours de cross-country ainsi qu’à la remise en état du site du domaine du château de Versailles.

La société SA Gregori International candidate a ce marché et est informée par courrier dématérialisé du 20 décembre 2021 du rejet de son offre et de l’identité de l’attributaire du marché. Par courrier du 6 janvier 2022, la candidate conteste ses notes et la composition de la commission d’appel d’offre en la personne d’un ancien salarié de l’attributaire.

Le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques répond par courrier du 6 janvier 2022 aux doléances de la société SA Gregori International indiquant que la situation de l’ancien salarié de l’attributaire a été identifiée et que celui-ci a joué un rôle consistant à « clarifier les aspects techniques » des offres sans participer à leur analyse et n’ayant siégé qu’à l’occasion de la première soutenance organisée avec les candidats.

Page 4



Il résulte de ces circonstances, que le pouvoir adjudicateur a communiqué la décision d’attribution à la société SA Gregori International et a observé le délai de 11 jours prévu à l’article 4 de l’ordonnance 2009-515 du 7 mai 2009 avant la signature du contrat. Le référé contractuel n’était donc pas ouvert.

Le recours est donc irrégulier.

Il convient toutefois, avant de tirer les conséquences de cet état de droit, de statuer sur le second moyen tiré de manquement au droit au recours effectif que la Constitution garantit.

2. Sur le droit au recours effectif

Aux termes de l’article 16 de l’ordonnance 2009-515 du 7 mai 2009 « est nul tout contrat conclu lorsque aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / Est également nul tout contrat conclu en méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique. / Le juge prononce de même la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article 4 ou à l’article 8 ci-dessus si, en outre, deux conditions sont réunies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur du droit d’exercer le recours prévu par les articles 2 et 5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat ».

Le Conseil constitutionnel, dont les décisions s’impose aux autorités juridictionnelles selon l’article 62 de la Constitution, a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’ordonnance 2009-515 du 7 mai 2009. Il a décidé que ces dispositions n’étaient pas contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit. Il a, en particulier statué en ce sens s’agissant du droit au recours effectif invoqué : « 20. Ainsi, sauf dans le cas où l’autorité adjudicatrice a fait irrégulièrement obstacle à une saisine du juge du référé précontractuel, les dispositions contestées ne permettent pas aux requérants d’invoquer en référé contractuel les autres manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptibles de les avoir lésés, afin d’obtenir l’annulation du contrat. / 21. Toutefois, en premier lieu, en limitant les cas d’annulation des contrats de droit privé de la commande publique aux violations les plus graves des obligations de publicité et de mise en concurrence, le législateur a entendu éviter une remise en cause trop fréquente de ces contrats après leur signature et assurer la sécurité juridique des relations contractuelles. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général. / 23. (…) les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce qu’un candidat irrégulièrement évincé exerce, parmi les voies de recours de droit commun, une action en responsabilité contre la personne responsable du manquement dénoncé » (Conseil constitutionnel, décision n°2020-857 QPC du 2 octobre 2020).

Page 5



Moyen des parties

La société SA Gregori International estime que les articles 11 et 16 de l’ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 permettent au juge du référé contractuel d’annuler le contrat qui lui est soumis lorsque sont constatés des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Elle soutient que l’article 16 de l’ordonnance prévoit des motifs non limitatifs de nullité, ce que, selon son analyse, la Cour de cassation, statuant sur ces dispositions, a admis par l’emploi de l’adverbe notamment dans un arrêt du 14 février 2012 (Cass. Com. 14 février 2012, 11-12.070).

La société SA Gregori International dit que la décision du Conseil constitutionnel, citée en défense, n’a pas pour objet d’interpréter l’état du droit mais d’établir sa conformité à la Constitution. A ce titre, elle considère que la décision du Conseil constitutionnel impose de ne pas enfermer le référé contractuel prévu à l’article 11 de l’ordonnance précitée dans les pouvoirs visés à son article 16, la situation contraire étant selon son analyse une atteinte au principe constitutionnel du recours effectif.

Le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques explique en défense que l’article 16 précité de l’ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 limite le référé contractuel à trois situations précises ; qu’aucune d’elles n’est constituée en l’espèce. Elle rappelle que l’autorité de la décision du Conseil constitutionnel et estime que cette limitation ne porte pas atteinte au droit à un recours effectif.

Analyse de la juridiction

La juridiction estime, ainsi que le soulève à bon droit la défenderesse, que les motifs permettant au juge du référé contractuel d’annuler un contrat visé par l’article 16 de l’ordonnance 2009-515 du 7 mai 2009 sont limitativement énumérés et correspondent à trois situations.

Aucune de ces trois situations n’est démontrée ni même alléguée par la société demanderesse.

Comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel aux points 21 de la décision précitée, le législateur a entendu limiter les cas d’annulation prévus par l’ordonnance 2009-515 du 7 mai 2009 pour un impératif de sécurité juridique, objectif d’intérêt général.

De la même manière, il est rappelé que le demandeur n’est pas privé d’exercer les recours de droit commun ouverts au tiers au contrat, s’il justifie d’un intérêt à agir pour en demander la nullité pour un motif d’ordre public, ou en responsabilité civile.

La circonstance qu’un tel recours puisse être exercé dans les conditions de droit commun des articles 1178 à 1185 du Code civil et L. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, et non selon les formes prévues par l’ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009, est sans incidence sur le droit au recours effectif.

Le moyen est donc inopérant.

La demande est irrecevable.

Page 6


3. Sur les demandes accessoires

La société SA Gregori International, partie perdante, est condamnée aux dépens et à payer à l’association Comité d’Organisation des Jeaux Olympiques et Paralympiques la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge du référé contractuel du tribunal judiciaire de Paris, par jugement rendu publiquement selon la procédure accélérée au fond, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare la demande irrecevable,

Condamne la société SA Gregori International à payer à l’association Comité d’Organisation des Jeaux Olympiques et Paralympiques la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SA Gregori International aux dépens,

Fait à Paris le 28 avril 2022

Le Greffier, Le Président,

X Y Z A

Page 7

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal Judiciaire de Paris, 28 avril 2022, n° 22/51412