Tribunal Judiciaire de Paris, Service des referes, 10 janvier 2024, n° 23/58007

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, service des réf., 10 janv. 2024, n° 23/58007
Numéro(s) : 23/58007
Importance : Inédit
Dispositif : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur
Date de dernière mise à jour : 15 janvier 2024
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

N° RG 23/58007 -

N° Portalis 352J-W-B7H-C3BP7

N° : 7

Assignation du :

20 Octobre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires

délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 10 janvier 2024

par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier

DEMANDEURS

Madame [Y] [T]

7 Rue José-Maria de Heredia

75007 PARIS

Monsieur [G] [T]

7 Rue José-Maria de Heredia

75007 PARIS

représentés par Me Augustin PFIRSCH, avocat au barreau de PARIS – #C2489

DEFENDERESSE

S.A. SOCIETE GENERALE

29, boulevard Haussmann

75009 PARIS

représentée par Maître Dominique FONTANA de la SELARL DREYFUS FONTANA, avocats au barreau de PARIS – #K0139

DÉBATS

A l’audience du 28 Novembre 2023, tenue publiquement, présidée par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président, assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Madame [Y] [T] et Monsieur [G] [T] sont titulaires d’un compte joint n°00050556118 ouvert dans les livres de la Société Générale.

Exposant avoir été victimes d’une fraude ayant entraîné des retraits et paiements non autorisés avec leurs cartes bancaires le 4 septembre 2023 pour un montant cumulé de 10.730,49€, les époux [T] ont obtenu de la Société Générale le remboursement de ces opérations au crédit de leur compte le 19 septembre 2023.

Les 2 et 3 octobre 2023, la Société Générale a procédé à des opérations de débit sur leur compte à hauteur de 9389 € et a adressé aux époux [T] deux courriers datés des mêmes jours les informant qu’après examen de leur dossier, elle annulait le remboursement du 19 septembre 2023 en raison du fait que les pertes occasionnées par les opérations de paiement non autorisées le 4 septembre 2023 résultaient d’une négligence grave de leur part, à leurs obligations de préserver la sécurité du code secret, de leur carte bancaire et de leurs données personnelles.

C’est dans ces conditions qu’après mise en demeure infructueuse de restituer les fonds, et par exploit délivré le 20 octobre 2023, Monsieur et Madame [T] ont fait citer la SA SOCIETE GENERALE devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et L.133-1 et suivants du code monétaire et financier, aux fins de :

l’enjoindre à procéder au remboursement de la somme de 9389 euros, augmentée des pénalités de retard, immédiatement et au plus tard dans un délai de 24 heures à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter de l’expiration dudit délai, la condamner à leur verser à titre provisionnel la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts, la condamner au paiement de la somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de Me Augustin Pfirsch.

A l’audience du 28 novembre 2023, les requérants maintiennent leurs prétentions.

Au soutien, les requérants exposent d’une part, que les opérations réalisées au débit de leur compte par leur organisme bancaire n’ont pas été autorisées par eux et d’autre part, qu’aucune stipulation contractuelle ne permet de contre-passer les remboursements effectués par la banque en raison d’opérations frauduleuses sauf s’il est établi que la ou les opérations étaient en réalité autorisées par le titulaire de la carte, ce qui ne correspond pas à leur situation ; qu’en vertu de l’article 1937 du code civil, relatif au dépôt, et de l’article L.133-18 du code monétaire et financier, la banque est tenue de leur rembourser les sommes qu’elle a prélevées sans autorisation de leur part et alors qu’elle ne pouvait contractuellement contre-passer les remboursements effectués par elle ; que son refus de les rembourser est à l’origine d’un trouble manifestement illicite.

En réponse, la Société Générale sollicite de dire n’y avoir lieu à référé et sollicite la condamnation solidaire des requérants à lui verser la somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

A l’appui de ses prétentions, la Société Générale estime que l’illicéité du trouble résultant de la contre-passation d’écritures n’apparaît pas évidente et ne relève pas, dès lors, du juge des référés, la contre-passation lui permettant, après examen des données relatives aux opérations litigieuses, de revenir sur le remboursement provisoire opéré, conformément aux dispositions de l’article L.133-19 IV du code monétaire et financier, ce qui a été précisément le cas compte tenu des graves négligences du couple [T].

Par note en délibéré sollicitée par le président d’audience, la Société Générale a transmis la copie du courrier informant les époux [T] de la contre-passation, et a précisé qu’elle n’était pas en mesure de communiquer le courrier les informant en amont de la possibilité d’une contre-passation. En réponse, les époux [T] ont pris acte que cette note en délibéré ne modifiait pas les termes des débats.

Il n’y a pas lieu de faire état des autres notes en délibéré adressées après les dates imparties par le juge.

Conformément aux dispositions des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance, aux écritures et aux notes d’audience pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.

SUR CE,

Sur la demande provisionnelle

Aux termes de l’article 835 du même code, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’existence d’une contestation sérieuse est indifférente à l’application de ces dispositions.

Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Il appartient au requérant de démontrer l’existence d’une illicéité du trouble et son caractère manifeste.

L’article L.133-3 du code monétaire et financier définit l’opération de paiement comme l’action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, initiée par le payeur, ou pour son compte, ou par le bénéficiaire.

Les articles L.133-6, L.133-7 et L.133-18 du code monétaire et financier prévoient qu’une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.

En l’absence d’un tel consentement, l’opération ou la série d’opérations de paiement est réputée non autorisée.

En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L.133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé.

En l’espèce, il n’est pas contestable que la Société Générale a prélevé en plusieurs fois la somme de 9389 euros sur le compte joint des époux [T] sans pouvoir se prévaloir du consentement de ces derniers. Il s’agit donc d’une opération non autorisée par le titulaire du compte, qui caractérise un trouble manifestement illicite résultant de la violation des règles du dépôt et de la convention de compte.

Pour sa défense, la Société Générale évoque qu’il s’agit d’une contre-passation du remboursement provisoire qu’elle était tenue d’effectuer immédiatement après avoir été alertée du caractère non autorisé des opérations litigieuses ayant affecté le compte des époux [T] le 4 septembre 2023.

Il convient toutefois d’observer qu’aux termes de l’article L.133-18 du code monétaire et financier, l’organisme bancaire dispose d’une marge d’appréciation pour procéder au remboursement d’une opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur, puisque ce remboursement est effectué immédiatement « sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ».

L’article L.133-18 du code précise d’ailleurs que le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu, « le cas échéant ».

En conséquence, la contre-passation n’apparaît pas prévue par le code monétaire et financier ni d’ailleurs, par la directive transposée, puisque selon les textes précités, le contrôle opéré par la banque sur l’existence d’une fraude ou d’une négligence grave doit avoir lieu avant le remboursement des opérations litigieuses.

La contre-passation est en revanche évoquée à deux reprises dans la convention de compte.

D’une part, dans le cas d’un prélèvement SEPA non autorisé, l’article c.1.4.2 stipule que « Si, après remboursement par Société Générale, il était établi que l’opération était en réalité autorisée par le Client (ou que les pertes sont à sa charge), Société Générale pourra contre-passer le montant des remboursements indûment effectués ».

D’autre part, l’article o.1 intitulé « Opération de paiement non autorisée » stipule que « Si, après remboursement par Société Générale de l’opération de paiement non autorisée, il était établi que l’opération était en réalité autorisée par le titulaire de la Carte, Société Générale se réserve le droit de contre-passer le montant du remboursement effectué à tort ».

C’est à juste titre que les époux [T] font observer que la Société Générale n’a pas allégué, aux termes de son courrier du 2 octobre 2023, que les différentes opérations avaient été autorisées par eux, mais a soutenu qu’elles avaient été rendues possibles en raison d’une négligence grave de leur part.

Or, la possibilité de contre-passer les remboursements n’est prévue par la convention qu’en cas d’opérations dont il est établi qu’elles ont été autorisées par le titulaire du compte.

Et en l’espèce, la Société Générale ne soutient ni a fortiori ne démontre que les opérations réalisées le 4 septembre 2023 ont été autorisées par les époux [T], de sorte qu’il n’est pas justifié que les opérations réalisées les 2 et 3 octobre 2023 remplissaient les conditions contractuelles de la contre-passation prévue par la convention de compte.

En conséquence, et à défaut de consentement des époux [T] aux opérations de débit de leur compte joint les 2 et 3 octobre 2023, il est établi, avec l’évidence requise en référé, qu’elles sont à l’origine d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser en procédant à la restitution des fonds, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points conformément aux dispositions de l’article L.133-18 du code monétaire et financier.

Aucune astreinte ne sera ordonnée, la demande n’étant pas étayée et celle-ci ne se justifiant pas en soi.

Sur la demande provisionnelle

Aux termes de l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal peut accorder, en référé, une provision au créancier.

En l’espèce, il résulte du relevé de compte des époux [T] que les opérations effectuées les 2 et 3 octobre 2023 ont fait passer leur compte en position débitrice, ce qui a nécessité un transfert de fonds par le couple, seul préjudice démontré.

Dès lors, et à défaut d’élément établissant l’existence d’un autre préjudice que celui lié à la nécessité de transférer des fonds et la provision sur ce préjudice apparaissant sérieusement contestable en son quantum, il n’y a pas lieu à référé sur l’octroi d’une provision.

Sur les demandes accessoires

En vertu des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la défenderesse, succombant à l’instance, supportera la charge des dépens.

Elle sera condamnée à verser aux époux [T] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, par ordonnance prononcée publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Condamnons la Société Générale à rembourser à Madame [Y] [T] et Monsieur [G] [T] la somme de 9389 euros avec intérêts au taux légal majoré de cinq points, à titre de remise en état ;

Rejetons la demande d’astreinte ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle ;

Condamnons la Société Générale à verser à Monsieur et Madame [T] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamnons la Société Générale au paiement des dépens, dont distraction au profit de Me Augustin Pfirsch ;

Rappelons que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

Fait à Paris le 10 janvier 2024

Le Greffier,Le Président,

Daouia BOUTLELISAnne-Charlotte MEIGNAN

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