Tribunal Judiciaire de Paris, 3e chambre 1re section, 8 février 2024, n° 20/10445

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 3e ch. 1re sect., 8 févr. 2024, n° 20/10445
Numéro(s) : 20/10445
Importance : Inédit
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Date de dernière mise à jour : 19 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS [1]

[1] Le :

Expédition exécutoire délivrée à : Me LARERE #T3

Copie certifiée conforme délivrée à : Me LAUTIER #R255

3ème chambre

1ère section

N° RG 20/10445

N° Portalis 352J-W-B7E-CTBRQ

N° MINUTE :

Assignation du :

21 octobre 2020

JUGEMENT

rendu le 08 février 2024

DEMANDERESSES

Société AKWEL [Localité 9] SPAIN SL

[Adresse 2]

[Localité 9] (ESPAGNE)

S.A. AKWEL

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentées par Me Thierry LAUTIER de l’AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R255

DÉFENDERESSES

Société U -SHIN MANUFACTURING ([Localité 10]) CO. LTD

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 11] (CHINE)

S.A.S. U-SHIN FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentées par Me Emmanuel LARERE de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0003

Décision du 08 février 2024

3ème chambre 1ère section

N° RG 20/10445

N° Portalis 352J-W-B7E-CTBRQ

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe

Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente

Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 05 septembre 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 11 janvier 2024.

Le délibéré a été prorogé au 08 février 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1.La société de droit espagnol Akwel [Localité 9] Spain SL (la société Akwel Spain) se présente comme la filiale espagnole du groupe Akwel, qui a une activité d’équipementier automobile. La société anonyme Akwel SA se présente comme la société française parente de la société Akwel Spain (les sociétés Akwel).

2.La société japonaise U-Shin Limited est fabricante de pièces détachées pour diverses industries telles l’automobile, l’équipement industriel et les systèmes de sécurité. La société de droit chinois U-Shin Manufacturing ([Localité 10]) Co., LTD. (la société U-Shin [Localité 10]) et la société U-Shin France SAS (la société U-Shin France), ci-après dénommées les sociétés U-Shin, se présentent respectivement comme la filiale chinoise de la société U-Shin Limited et la filiale française de la société néerlandaise U-Shin Holdings Europe BV, elle-même filiale de la société japonaise U-Shin Limited.

3.En 2014, le constructeur automobile PSA Peugeot Citroën (le groupe PSA) a lancé un appel d’offres pour l’étude de faisabilité technique et économique d’une solution de poignée innovante type « affleurante » – sans qu’un organe de positionnement amovible de la poignée ne soit envisagé à ce stade -, et la fourniture éventuelle de poignées pour certains de ses futurs véhicules, auquel la société Akwel Spain (dénommée MGI Coutier Espana SL jusqu’au 4 janvier 2019) et la société U-Shin France ont répondu.

4.La société U-Shin [Localité 10], qui avait également répondu de son côté, a remporté l’appel d’offres en 2016 et fournit, depuis, au groupe PSA, des poignées ou commandes d’ouverture extérieure (COE) pour équiper ses véhicules « DS3 Crossback ».

5.Le 3 septembre 2015, la société Akwel Spain a déposé un brevet français FR 3 040 681 (ci-après FR'681) ayant pour titre « Equipement automobile pour équiper un ensemble automobile et ensemble automobile comprenant un tel équipement automobile », la demande de brevet étant publiée le 10 mars 2017 et le brevet délivré le 2 novembre 2018 par l’INPI.

6.Ce brevet vise une commande d’ouverture extérieure destinée à être montée rapidement dans un panneau de porte de véhicule automobile et qui offre de réaliser un jeu constant entre la poignée et les bords de l’ouverture, tout en évitant que la poignée ne soit endommagée.

7.La société Akwel SA est titulaire d’une licence non exclusive d’exploitation de ce brevet.

8.Au cours du développement des produits fournis au groupe PSA par la société U-Shin [Localité 10], une pièce supplémentaire de positionnement amovible de la poignée ou « chaussette de centrage », a été ajoutée au dispositif.

9.Estimant que le produit contrefaisait son brevet, la société Akwel Spain a mis en demeure, le 30 octobre 2019, la société U-Shin France de cesser tous actes de contrefaçon du brevet FR'681, et notamment, de cesser immédiatement la fabrication, l’importation, l’offre et la mise dans le commerce des poignées de DS3 Cross Back.

10.Sur requête de la société Akwel Spain, le Président du tribunal judiciaire de Paris l’a, par ordonnance du 10 juillet 2020, autorisée à faire pratiquer une saisie-contrefaçon au siège social de la société U-Shin France. Les opérations se sont déroulées le 21 septembre 2020.

11.Par acte d’huissier du 21 octobre 2020, les sociétés Akwel ont assigné les sociétés U-Shin [Localité 10] et U-Shin France en contrefaçon du brevet FR'681 devant le tribunal judiciaire de Paris.

12. La société Akwel Spain a présenté le 10 mars 2022 une requête en limitation de son brevet FR'681 qui a été acceptée par l’INPI le 11 avril 2022.

13.Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2023, les sociétés Akwel demandent au tribunal, au visa des articles 13 et 14 de la Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, L. 613-3 et suivants, L. 615-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 699 et suivants du code de procédure civile, de :

— Dire qu’en important, offrant et en mettant dans le commerce en France des commandes d’ouverture extérieure portant les références 98250375DX, 98250376DX, 98250377DX et 98250380DX, les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 12, 13, 15 et 16 du brevet français n° FR 3 040 681, selon l’article L. 613-3 du Code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

— Dire qu’en livrant et en offrant de livrer des commandes d’ouverture extérieure portant les références 98250375DX, 98250376DX, 98250377DX et 98250380DX pour équiper les panneaux de porte de véhicules DS3 CROSSBACK, les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France ont commis des actes de contrefaçon de la revendication 18 du brevet français n° FR 3 040 681, selon l’article L. 613-4 du Code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

— Interdire aux sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France la poursuite de ces actes de contrefaçon, et notamment la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement et la détention aux fins précitées et la livraison et l’offre de livraison de toute commande d’ouverture extérieure reproduisant les revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 12, 13, 15, 16 et 18 du brevet français n° FR 3 040 681, notamment de toutes commandes d’ouverture extérieure portant les références 98250375DX, 98250376DX, 98250377DX et 98250380DX, et de tout autre dispositif présentant les mêmes caractéristiques, pour équiper des véhicules automobiles autres que le véhicule DS3 CROSSBACK, sous astreinte de 100 000 € par jour de retard dans un délai de cinq (5) jours à compter du prononcé du jugement à intervenir et de 1 000 € par commande d’ouverture extérieure vendue à compter du prononcé du jugement à intervenir;

— Ordonner, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard passé un délai d’un mois après la signification du jugement à intervenir, la production de tous documents ou informations détenus par les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U- Shin France utiles pour déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants, et notamment:

a) les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et ainsi que des autres détenteurs antérieurs de tous produits mettant en œuvre les revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 12, 13, 15, 16 et 18 du brevet français n° FR 3 040 681, et notamment des commandes d’ouverture extérieure portant les références 98250375DX, 98250376DX, 98250377DX et 98250380DX, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ;

b) les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, auprès d’une société du groupe PSA ou de toute autre société, en ce compris les pièces de rechange ;

c) le prix obtenu pour ces produits, ainsi que tous documents comptables relatifs à la vente de ces produits, et notamment toutes factures relatives à ces produits entre la société U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et le groupe PSA ;

d) la marge brute réalisée pour ces produits ;

sous la certification d’un expert-comptable ou d’un commissaire aux comptes, détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute ;

— Renvoyer l’affaire à telle audience qui plaira au Tribunal, afin de permettre aux sociétés Akwel Sa et Akwel [Localité 9] Spain SL de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

— Condamner les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France, prises in solidum, à payer à la société Akwel [Localité 9] Spain SL, à titre de provision sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet français n° FR 3 040 681, la somme forfaitaire de 2 800 000 €, dans l’attente de la production des documents et informations ordonnée ;

— Condamner les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France, prises in solidum, à payer à la société Akwel [Localité 9] Spain SL, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon du brevet français n° FR 3 040 681, la somme de 100 000 € ;

— Rappeler que ces condamnations financières sont exécutoires de plein droit, nonobstant appel ;

— Ordonner la publication complète du jugement à intervenir sur le site Internet habituel des sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France à l’adresse http://www.u-shin-ltd.com/, et ce avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d’une taille de 20 points au moins mentionnant : " Les sociétés U-Shin France et U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co. Ltd ont été condamnées par le Tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon des droits de propriété intellectuelle de la société Akwel [Localité 9] Spain SL " et ce pendant une durée minimale de six(6)mois, aux seuls frais des sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France, sous astreinte de dix mille euros (10 000€) par jour de retard à compter de la signification du jugement ;

— Autoriser les sociétés Akwel SA et Akwel [Localité 9] Spain SL à publier le jugement à intervenir sur leur site Internet à l’adresse https://akwel-automotive.com/ ;

— Ordonner la publication par extraits du dispositif du jugement à intervenir dans cinq (5) journaux choisis par les sociétés Akwel SA et Akwel [Localité 9] Spain SL, aux seuls frais avancés des sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France, prises in solidum, à hauteur de 7 500 € par publication, hors T.V.A. ;

— Dire que le Tribunal sera juge de l’exécution du jugement à intervenir, en application de l’article L. 131-3 du Code des procédures civiles d’exécution, pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes ;

— Débouter les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France de leur demande en nullité du brevet français n° FR 3 040 681 ;

— Débouter les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

— Condamner les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France, prises in solidum, à payer à la société Akwel [Localité 9] Spain SL la somme de 50 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à parfaire ;

— Condamner les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France, prises in solidum, à payer à la société Akwel SA la somme de 150 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à parfaire ;

— Condamner les sociétés U-Shin Manufacturing [Localité 10] Co Ltd et U-Shin France, prises in solidum, aux entiers dépens, lesquels incluront à tout le moins les frais engagés pour les opérations de saisie-contrefaçon, à hauteur de 31 803,12 €, et autoriser Me Lautier à recouvrer les dépens dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

14.Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2023, les sociétés U-SHIN demandent au tribunal au visa des articles R.612-7, L. 611-14, L. 613-2, L. 613-3, L. 613-25, L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle, 700 du code de procédure civile, 286 du code des douanes, 291 du code général des impôts, de :

A titre principal :

— Juger que U-Shin France et U-Shin Manufacturing [Localité 10] n’ont pas commis d’actes matériels de contrefaçon sur le territoire français ;

A titre subsidiaire :

— Annuler les revendications 1 et 2 du Brevet FR'681 ainsi que l’ensemble des revendications 3, 4, 7, 8, 9, 12, 13, 15, 16 et 18 qui en dépendent pour extension au-delà de la demande telle que déposée ;

— Annuler les revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 12, 13, 15, 16, et 18 du Brevet FR'681 pour défaut d’activité inventive ;

— Juger que les revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 12, 13, 15, 16 et 18 du Brevet FR'681 ne sont pas reproduites;

— Débouter les sociétés Akwel de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

A titre infiniment subsidiaire :

— Juger que l’appréciation de la contrefaçon et du préjudice se limitent à la « chaussette » censée reproduire un organe de positionnement conformément aux revendications du Brevet FR'681 et non pas aux dispositifs de commande extérieurs.

— Juger qu’une éventuelle mesure d’interdiction serait en tout état de cause limitée à la « chaussette » censée reproduire un organe de positionnement conformément aux revendication du Brevet FR'681 et non pas aux dispositifs de commande extérieurs.

— Juger que l’éventuelle conséquence économique négative de la contrefaçon de Akwel [Localité 9] Spain S.L.U. se limite à une redevance perdue sur la « chaussette ».

— Juger que l’appréciation du préjudice ne peut porter au regard des éléments de preuve présentés par Akwel [Localité 9] Spain S.L.U. et Akwel SA que sur une période courant à compter de 2021.

En tout état de cause,

— Condamner solidairement les sociétés Akwel [Localité 9] Spain S.L.U. et Akwel SA à verser aux sociétés U-Shin France et U-Shin Manufacturing [Localité 10] la somme de 150.000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— Condamner les sociétés Akwel [Localité 9] Spain S.L.U. et Akwel SA aux entiers dépens de l’instance.

15.L’instruction de l’affaire a été clôturée par une ordonnance du 6 avril 2023 et l’affaire plaidée à l’audience du 5 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Présentation du brevet FR 3 040 681

16.Cet équipement automobile (100) comprend : – un composant central (102) destiné à obturer une ouverture d’un composant périphérique avec un jeu périphérique, – un organe de positionnement (20) ayant des éléments de centrage (26). L’organe de positionnement (20) est lié de manière amovible au composant central (102). L’organe de positionnement (20) est agencé de sorte que les éléments de centrage (26) s’étendent au moins partiellement en saillie par rapport au composant central (102). Chaque élément de centrage (26) est déformable de sorte que les éléments de centrage (26) peuvent coopérer avec des bords de l’ouverture de façon à centrer le composant central (102) par rapport à l’ouverture.

a.La portée du brevet

État de la technique (selon le brevet) :

17.L’état de la technique, décrit en page 1 du brevet des lignes 9 à 15, vise un brevet américain US5340174A décrivant une commande d’ouverture extérieure comprenant un composant central, ici un levier d’actionnement et un organe de positionnement qui sont montés sur un composant périphérique définissant une ouverture. Dans l’équipement automobile du brevet US5336174A, le composant central et le composant périphérique ont des lumières oblongues dans lesquelles passent des vis de fixation.

Problème technique que propose de résoudre le brevet :

18.Un équipement automobile de l’état de la technique susvisé nécessite un long réglage des jeux. En outre, il est difficile d’obtenir un jeu constant, sur le pourtour de l’ouverture, entre l’équipement automobile et l’ouverture pratiquée dans le panneau de carrosserie. De plus, le composant central, qui est une partie visible, risque d’être endommagé pendant l’assemblage ou le transport.

Solution apportée par le brevet / Objet de l’invention :

19.L’invention a pour objet un équipement automobile qui permet, grâce à l’organe de positionnement, de centrer automatiquement le composant central par rapport à l’ouverture, c’est-à-dire sans réglage par l’opérateur. Ce centrage permet par exemple d’obtenir un jeu périphérique constant entre le composant central et le composant périphérique.

20.Après avoir enlevé l’organe de positionnement amovible, le centrage, en particulier le jeu périphérique constant, offre un aspect le plus continu possible entre le composant central et l’ouverture, ce qui confère à cette partie du véhicule automobile une grande qualité visuelle.

21.L’organe de positionnement tient par adhérence sur le composant central avant son montage sur l’ensemble automobile. Ainsi, le fabricant de l’équipement automobile peut livrer au constructeur automobile un équipement automobile assemblé.

b.Les revendications

22.Seules les revendications 1 à 4, 7 à 9, 12, 13, 15, 16 et 18 sont invoquées par le breveté.

23.Le brevet FR'681 a fait l’objet d’une limitation présentée sur requête le 10 mars 2022 et acceptée par l’INPI le 11 avril 2022.

24.En premier lieu, les revendications 1, 2 et 19 ont été fusionnées. La revendication 1 ainsi limitée reprend donc les caractéristiques additionnelles des revendications 2 et 19 d’origine.

Décision du 08 février 2024

3ème chambre 1ère section

N° RG 20/10445

N° Portalis 352J-W-B7E-CTBRQ

25.En second lieu, la revendication 1 d’origine a été limitée par la précision selon laquelle:

L’équipement automobile est une « commande d’ouverture extérieure ».

Le composant périphérique est un « panneau de porte ».

Le composant central est une « poignée ».

26.Les anciennes revendications 2-20, qui dépendent de la revendication 1, ont été renumérotées pour tenir compte de la fusion des revendications 1, 2 et 19. Elles ont aussi été modifiées pour tenir compte des précisions mentionnées ci-dessus.

Revendication 1 :

27.Commande d’ouverture extérieure (100), pour équiper un ensemble automobile (1) qui comporte un panneau de porte (103) définissant une ouverture (18), la commande d’ouverture extérieure (100) étant caractérisée en ce qu’elle comprend au moins :

— un corps (104) configuré pour la préhension de la commande d’ouverture extérieure (100) par un opérateur,

— une poignée (102) destinée à obturer au moins partiellement l’ouverture (18) avec un jeu périphérique entre la poignée (102) et le panneau de porte (103),

— un organe de positionnement (20) ayant un pourtour externe (24) et des éléments de centrage (26) agencés sur le pourtour externe (24), l’organe de positionnement (20) étant agencé de sorte que les éléments de centrage (26) s’étendent au moins partiellement en saillie par rapport à la poignée (102), chaque élément de centrage (26) étant déformable de sorte que les éléments de centrage (26) peuvent coopérer avec des bords de l’ouverture (18) de façon à centrer la poignée (102) par rapport à l’ouverture (18), lors de l’assemblage de la commande d’ouverture extérieure (100) sur le panneau de porte (103), l’organe de positionnement (20) étant configuré pour être lié de manière amovible à la poignée (102), de sorte à pouvoir être détachée et retiré de la commande d’ouverture extérieure (100), après fixation de ladite commande d’ouverture extérieure (100) sur le panneau de porte (103), et tandis que ladite commande d’ouverture extérieure (100) se trouve assemblée sur le panneau de porte (103) de telle sorte que la poignée (102) obture au moins partiellement l’ouverture (18), le panneau de porte (103) présente d’une part un côté interne et d’autre part un côté externe formant un côté visible de l’ensemble automobile (1) et l’organe de positionnement (20) est agencé de manière à pouvoir, une fois mis en place sur la commande d’ouverture extérieure (100), être introduit à travers l’ouverture (18) lorsque l’on monte ladite commande d’ouverture extérieure (100) depuis le côté interne sur le panneau de porte (103), puis être détaché de la commande d’ouverture extérieure (100) en étant extrait de l’ouverture (18) du côté externe visible, après fixation de la commande d’ouverture extérieure (100) sur le panneau de porte (103).

Revendication 2 :

28.Commande d’ouverture extérieure (100) selon la revendication 1, dans lequel chaque élément de centrage (26) est agencé de manière à pouvoir être comprimé par les bords de l’ouverture (18) contre la poignée (102) lorsque la commande d’ouverture extérieure (100) est mise en place sur le panneau de porte (103) et que la poignée (102) est ainsi introduite à travers l’ouverture (18), et dans lequel chaque élément de centrage (26) a une épaisseur (T26) strictement supérieure à 100% d’un jeu périphérique minimal prédéterminé entre la poignée (102) et l’ouverture (18).

Revendication 3 :

29.Commande d’ouverture extérieure (100) selon l’une quelconque des revendications précédentes, dans lequel les éléments de centrage (26) comprennent au moins un élément de centrage (26) élastiquement déformable.

Revendication 4 :

30.Commande d’ouverture extérieure (100) selon l’une quelconque des revendications précédentes, dans lequel les éléments de centrage (26) sont sélectionnés dans le groupe constitué de bourrelets, de lames, de pattes et d’ondulations.

Revendication 7 :

31.Commande d’ouverture extérieure (100) selon l’une quelconque des revendications précédentes, dans lequel l’organe de positionnement (20) comprend au moins un membre de traction (30) configuré pour permettre de tirer l’organe de positionnement (20).

Revendication 8 :

32.Commande d’ouverture extérieure (100) selon la revendication précédente, dans lequel le membre de traction (30) a au moins un orifice de traction (32) destiné à recevoir un outil de traction, par exemple un crochet.

Revendication 9 :

33.Commande d’ouverture extérieure (100) selon l’une quelconque des revendications précédentes, dans lequel l’organe de positionnement (20) comprend des membres de guidage (36), chaque membre de guidage (36) ayant une forme inclinée en direction du pourtour externe (24) de sorte que les membres de guidage (36) ont des formes sensiblement convergentes, chaque membre de guidage (36) s’étendant sensiblement jusqu’au pourtour externe (24).

Revendication 12 :

34.Commande d’ouverture extérieure (100) selon l’une quelconque des revendications précédentes, dans lequel l’organe de positionnement comprend une partie de couverture (22) configurée pour couvrir au moins une portion périphérique de la poignée (102).

Revendication 13 :

35.Commande d’ouverture extérieure (100) selon la revendication précédente, dans lequel la partie de couverture (22) comprend une portion plane de couverture (22.1), et dans lequel au moins une partie desdits éléments de centrage (26) s’étend en saillie transversalement, par exemple perpendiculairement, à la portion plane de couverture (22.1).

Revendication 15 :

36.Commande d’ouverture extérieure selon l’une quelconque des revendications 12 à 13, dans lequel la partie de couverture est agencée pour couvrir partiellement l’ouverture, l’organe de positionnement présentant une fenêtre configurée pour permettre à un observateur extérieur de voir une partie de la poignée à travers la fenêtre.

Revendication 16 :

37.Commande d’ouverture extérieure (100) selon l’une quelconque des revendications 12 à 15, dans lequel la partie de couverture (22) est translucide ou transparente.

Revendication 18 :

38.Ensemble automobile (1), pour composer un véhicule automobile, l’ensemble automobile (1) comportant un panneau de porte (103) définissant une ouverture (18), l’ensemble automobile (1) comportant en outre au moins une commande d’ouverture extérieure (100) selon l’une quelconque des revendications précédentes, la commande d’ouverture extérieure (100) étant montée sur le panneau de porte (103), la poignée (102) obturant au moins partiellement l’ouverture (18) avec un jeu périphérique entre la poignée (102) et le panneau de porte (103), les éléments de centrage (26) coopérant avec des bords de l’ouverture (18) de façon à centrer la poignée (102) par rapport à l’ouverture (18).

II. Sur les actes matériels allégués de contrefaçon

Moyens des parties

39.Les sociétés AKWEL font valoir, s’agissant de la société U-SHIN [Localité 10], que :

— concernant les revendications de commande d’ouverture extérieure (1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 12, 13, 15 et 16), la société U-SHIN [Localité 10] a commis des actes de contrefaçon :

a.par importation des produits litigieux dès lors qu’elle a vendu en France et importé les poignées litigieuses, participant activement à l’importation en ce qu’elle exerce ses activités en France par le biais d’une filiale et en ce qu’elle entretient des liens directs et particuliers avec les opérateurs français que sont la société U-SHIN FRANCE, le groupe PSA et le logisticien de ce dernier, GEFCO ;

b.par mise dans le commerce des produits litigieux dès lors qu’elle les a mis à disposition du groupe PSA et de GEFCO, en France ;

c.par offre des produits litigieux en les vendant et les livrant au groupe PSA et donc en contribuant ainsi à les mettre au contact de la clientèle.

— concernant la revendication d’ensemble automobile (18), la société U-SHIN [Localité 10] a commis des actes de contrefaçon par fourniture de moyens en livrant au groupe PSA les produits litigieux qui sont aptes et destinés à faire partie d’un ensemble automobile, tel qu’un panneau de porte de véhicule DS3 Crossback, et donc en lui fournissant, en France, les moyens de mise en œuvre d’un élément essentiel de l’invention, selon la revendication 18 du brevet FR 3 040 681.

40.S’agissant de la société U-SHIN France, elles exposent que :

— concernant les revendications de commande d’ouverture extérieure (1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 12, 13, 15 et 16), la société U-SHIN FRANCE a commis des actes de contrefaçon :

a.par importation des produits litigieux en raison de son rôle de « courroie de transmission » entre la société U-SHIN [Localité 10] et le groupe PSA ;

b.par offre des produits litigieux en raison de son rôle d’intermédiaire entre la société U-SHIN [Localité 10] et le groupe PSA et de facilitatrice de la mise dans le commerce des produits ;

c.par mise dans le commerce des produits litigieux en éditant et en traitant des documents pour la société U-SHIN [Localité 10], en particulier ses factures, relatifs aux produits litigieux, et en contribuant ainsi au transfert de propriété et de jouissance de ces produits, en France.

— concernant la revendication d’ensemble automobile (18), U-SHIN FRANCE a commis des actes de contrefaçon par fourniture de moyens du seul fait de son rôle d’intermédiaire.

41.Les sociétés U-SHIN font valoir que la société U-Shin [Localité 10] n’a commis aucun acte de contrefaçon et avancent à ce titre que :

— conformément aux dispositions contractuelles applicables (règlementation Incoterms), la vente des produits litigieux au profit du groupe PSA intervient en Chine ;

— l’importation des produits litigieux en France pour le compte de PSA est effectuée non pas par la société U-SHIN [Localité 10] mais par GEFCO, le logisticien de PSA ;

— les produits litigieux sont considérés comme n’étant pas encore entrés sur le territoire français jusqu’à la levée d’un régime douanier suspensif notamment par le paiement des droits à l’importation et la sortie des marchandises de l’entrepôt pour livraison par GEFCO au groupe PSA.

42.Les sociétés U-SHIN soutiennent, s’agissant de la société U-Shin France, que :

— Cette société n’ayant jamais proposé au groupe PSA de lui fournir le dispositif incriminé et tous les documents échangés lors de la procédure d’appel d’offres étant antérieurs à la publication de la demande du brevet FR 3 040 681, celle-ci ne peut avoir commis le moindre acte illicite ;

— Cette société ne détient aucun rôle d’intermédiaire juridique ou commercial entre la société U-SHIN [Localité 10] et le groupe PSA s’agissant spécifiquement des produits litigieux.

— Subsidiairement, la revendication 1 de la demande de brevet a été modifiée avant la délivrance, le 2 novembre 2018, du brevet FR'681, de sorte que ce dernier est inopposable à U-SHIN France avant la publication de sa délivrance.

Appréciation du tribunal

43.Aux termes de l’article L. 613-3, a) du code de la propriété intellectuelle, sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement" ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet.

Selon l’article L. 615-1 de ce code, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu’ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon, laquelle engage la responsabilité civile de son auteur.

Toutefois, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, la détention en vue de l’utilisation ou la mise dans le commerce d’un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n’engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause.

Il résulte de ces dispositions que cette connaissance n’est pas exigée pour l’importateur du produit contrefait qui peut donc voir sa responsabilité engagée sans qu’il soit nécessaire d’établir qu’il a agi en connaissance de cause.

L’article L. 613-4 du même code interdit également, « à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la livraison ou l’offre de livraison, sur le territoire français, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l’invention brevetée, des moyens de mise en œuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en œuvre ».

44.En vertu du principe de territorialité, la protection conférée par un brevet n’étant acquise qu’à l’intérieur des frontières du pays concerné par ladite protection, il s’agit de déterminer si, s’agissant d’un brevet français protégé par conséquent sur le seul territoire de la France, les actes dénoncés comme étant contrefaisants ont été commis en France.

45.Il est constant que l’acte d’importation consiste à faire entrer en France des marchandises provenant de l’étranger. L’importateur est l’opérateur économique exerçant en France tout ou partie de ses activités ayant pour but d’introduire sur le territoire français des produits fabriqués à l’étranger. Il achète les produits qu’il destine à la revente en France. Cet opérateur peut être le fabricant étranger lui-même s’il exerce une activité en France ou s’il existe des liens particuliers entre le fabricant étranger et l’opérateur français.

46.Il est admis que constitue une offre, au sens de l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, toute opération matérielle tendant à préparer la clientèle potentielle à la commercialisation prochaine d’un produit.

47.La mise dans le commerce ne se limite pas à l’offre de vente stricto sensu. Elle s’entend comme tout acte qui, emportant mise à disposition ou en circulation, a pour effet de transférer la jouissance du produit incorporant l’invention brevetée, par la vente le plus souvent.

Sur les actes de contrefaçon allégués commis par U-Shin [Localité 10]

48.Les sociétés Akwel soutiennent que la société U-Shin [Localité 10] a livré les produits contrefaisants en France à PSA et les a facturés à cette dernière, à tout le moins, a participé activement à l’importation des dits produits.

Décision du 08 février 2024

3ème chambre 1ère section

N° RG 20/10445

N° Portalis 352J-W-B7E-CTBRQ

49.Il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 21 septembre 2020, du bon de commande du 22 mai 2018 et de la facture du 10 mai 2019 versés aux débats, que les poignées DS3 ont été commandées par PSA directement à la société U-Shin [Localité 10], à l’issue d’un appel d’offres auquel il est constant que cette dernière a répondu ; que la société U-Shin [Localité 10] fabrique les produits litigieux en Chine, ce qui n’est pas contesté ; que la société U-Shin [Localité 10] facture directement PSA ; que le bon de commande qui mentionne pour lieu de livraison le site PSA de [Localité 8] comporte l’incoterm " EXW départ usine MAF GEFCO [Localité 7] " qu’il y a lieu de prendre en considération dans l’analyse des faits et éléments de preuve produits devant le tribunal pour caractériser un acte de contrefaçon ; que conformément à ces dispositions contractuelles standards qui définissent les conditions de livraison des marchandises dans un contrat de vente, EXW pour EX WORKS (à l’usine) signifiant, selon le portail de la direction générale des douanes et droits indirects sur internet produit par les défenderesses, que " l’unique responsabilité [du vendeur] est d’emballer les marchandises et de les mettre à disposition de l’acheteur dans ses propres locaux « et que » l’acheteur supporte tous les frais et risques inhérents au chargement et au transport des marchandises jusqu’à leur arrivée à destination ", ces produits ont été mis à disposition de PSA, par la société U-Shin [Localité 10], dans ses locaux, soit en Chine, à charge pour le logisticien de PSA, la société GEFCO, d’acheminer les marchandises jusqu’à son entrepôt sous douane de [Localité 7], en France. Force est de constater que les sociétés Akwel allèguent sans le démontrer que la société U-Shin [Localité 10] a affrété et fait entrer physiquement les produits litigieux depuis la Chine jusque dans les entrepôts douaniers de la société GEFCO.

50.Il résulte de ces éléments que tant la fabrication, que la vente et la mise en dépôt des marchandises ont eu lieu en Chine, cependant que c’est le groupe PSA qui, en assurant l’acheminement des marchandises, les a introduites sur le territoire français.

51.L’importateur pouvant être le fabricant étranger lui-même à la condition qu’il exerce une activité en France ou qu’il existe des liens particuliers entre le fabricant étranger et l’opérateur français, c’est au regard de ces seules conditions alternatives que sa participation active à l’importation doit être appréciée.

52.A cet égard, les sociétés Akwel ne démontrent pas davantage que la société U-Shin [Localité 10] ait participé directement ou activement à l’importation des produits allégués de contrefaçon.

53.D’une part, il n’est pas établi par les demanderesses, ni même allégué par la société U-Shin [Localité 10], que cette société exerce son activité en France. Il est constant et non contesté que l’acheteur des produits argués de contrefaçon est la société PSA et non la société U-Shin France. Il n’est nullement allégué, du reste, que la société U-Shin France, filiale française de la société néerlandaise U-Shin Holdings Europe BV, elle-même filiale de la société japonaise U-Shin Limited dont U-Shin [Localité 10] est la filiale chinoise, soit un distributeur choisi par sa « société sœur » chinoise pour la commercialisation en France des produits de cette dernière ou encore le membre d’un réseau de distribution qui aurait été mis en place par la société chinoise. La société Akwel ne démontrant pas que la société U-Shin [Localité 10] organise directement la diffusion de ses produits en France, elle ne satisfait pas la première des conditions alternatives requise pour être qualifiée d’importateur.

54.D’autre part, la société U-Shin [Localité 10] n’entretient pas non plus de lien particulier avec l’opérateur français qu’est la société PSA, qui n’est ni une filiale, ni un membre d’un réseau de distribution de la société chinoise. Les sociétés Akwel invoquent de même l’existence de liens directs et particuliers entre la société U-Shin [Localité 10] et sa société sœur U-Shin France, ainsi qu’avec la société GEFCO, alors qu’aucune de ces deux sociétés, qui ne figurent ni l’une ni l’autre sur le bon de commande et la facture précités, ne sont parties au contrat de vente et que GEFCO est, de surcroît, le mandataire de PSA. Ainsi que l’a indiqué, avec insistance, le directeur commercial de U-Shin France à l’huissier chargé des opérations de saisie-contrefaçon, " juridiquement, commercialement et d’un point de vue contractuel seule U-Shin Manufacturing [Localité 10] est responsable sur le plan formel envers PSA relativement aux poignées arguées de contrefaçon « . Et si, aux termes de ce même procès-verbal, ce salarié d’U-Shin France se présente » comme le référent PSA principal « , » l’interlocuteur principal de PSA sur tous sujets et, relativement aux poignées de portière des véhicules DS3 Crossback, (…) l’intermédiaire entre l’entité chinoise et PSA « , mais aussi définit son rôle comme » facilitateur « , » interlocuteur privilégié « , » courroie de transmission « , » boîte aux lettres « , tout en soulignant » intervenir fréquemment sur divers sujets dans le cadre de cette relation entre l’entité chinoise et PSA sur des questions relatives par exemple à la qualité, à la communication, à la comptabilité « , ce qui l’amène à » jouer le rôle parfois de recouvrement d’impayés pour l’entité chinoise ", cela ne démontre pour autant aucun acte d’importation auquel la société U-Shin [Localité 10] aurait pu participer activement. Dans ces conditions, la participation active de la société U-Shin [Localité 10] à l’importation des produits allégués de contrefaçon n’étant pas établie, cette société ne peut être qualifiée d’importateur, peu important par ailleurs la connaissance qu’elle ait pu avoir du caractère contrefaisant des produits introduits en France, dès lors que l’article L615-1 du code de la propriété intellectuelle ne vise pas les fabricants, mais les actes commis par « une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant ».

55.L’existence d’actes de contrefaçon par importation n’est pas établie.

56.Les sociétés Akwel soutiennent encore que la société U-Shin [Localité 10] a mis les produits contrefaisants dans le commerce en France.

57.Cependant, il ressort des conditions contractuelles précitées liant la société U-Shin [Localité 10] à la société PSA, son acheteur, que celles-ci ont convenu que la première mette les marchandises qu’elle a fabriquées à disposition de la seconde dans ses propres locaux, c’est-à-dire en Chine, l’acheteur assumant tous les frais et risques pour l’acheminement des marchandises jusqu’au lieu de livraison désigné, ce dont il résulte qu’il assume également les formalités douanières.

58.Il en résulte qu’aucun acte de mise dans le commerce n’est caractérisé en France.

59.De surcroît, il est établi par l’incoterm figurant sur le bon de commande et l’autorisation de recours à un régime particulier délivrée à la société GEFCO France le 18 mai 2018 pour le placement des marchandises sous le régime douanier de l’entrepôt, que les marchandises fabriquées en Chine par la société U-Shin [Localité 10] sont entrées sur le territoire français par l’entremise du logisticien de PSA, la société GEFCO, qui les a livrés à son entrepôt sous douane de [Localité 7], lequel bénéficie d’un régime suspensif, ce qui n’est pas contesté. C’est à juste titre que pour caractériser au regard des dispositions de l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle un acte de mise dans le commerce, les sociétés U-Shin ont examiné le régime douanier sous lequel PSA a choisi d’introduire les marchandises fabriquées par la société U-Shin [Localité 10]. Il résulte en effet des dispositions des articles 237 du code des douanes de l’Union et 291 du code général des impôts, respectivement, que le régime de stockage est celui qui permet de stocker des marchandises non Union dans le territoire douanier de l’Union sans que ces marchandises ne soient soumises aux droits à l’importation et que la mise à la consommation en France d’un bien placé, lors de son entrée sur le territoire, sous l’un des régimes de stockage, tels qu’un entrepôt d’importation, est considérée comme une importation. Il s’en déduit que l’entrée sur le territoire européen des marchandises intervient au moment de l’apurement du régime douanier suspensif, lequel permet la mise à la consommation. La mise en circulation des produits n’a donc lieu qu’à la sortie du régime suspensif, soit après la prise en charge des procédures de dédouanement par l’acheteur. Contrairement à ce que prétendent les sociétés Akwel, prouver que les marchandises ont fait l’objet d’une vente à un client établi dans l’Union européenne, en l’occurrence PSA en France, ne suffit pas pour imputer à la société U-Shin [Localité 10] la commission d’actes de mise en circulation desdites marchandises, à plus forte raison lorsqu’il est établi, comme au cas d’espèce, que le transfert de propriété a eu lieu non en France mais en Chine, que les produits ont été placés directement sous un régime douanier suspensif au moment de leur entrée sur le territoire français et que c’est l’acheteur qui s’est occupé des procédures de dédouanement mettant fin à ce régime. Il s’en déduit que les actes de mise à disposition au sens de l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle ont été commis par la société GEFCO pour le compte de PSA.

60.Aucun acte de mise dans le commerce en France n’est donc susceptible d’engager la responsabilité de la société U-Shin [Localité 10].

61.Les sociétés Akwel reprochent encore à la société U-Shin [Localité 10] de s’être à tout le moins rendue coupable de contrefaçon par offre des produits argués de contrefaçon. Or, les demanderesses échouent à démontrer l’existence d’une opération matérielle réalisée sur le territoire français tendant à préparer la clientèle potentielle à la commercialisation prochaine de ces produits. Le fait que le bon de commande et la facture soient rédigés en français et destinés à PSA établie en France ne constituent pas la preuve requise puisque le bon de commande a été émis par PSA et qu’il est constant que la facture a été émise par U-Shin [Localité 10], soit en Chine. Le fait que la vente ait eu lieu au bénéfice d’un opérateur français et que les produits aient été livrés par GEFCO en France ne permet pas d’en déduire comme le soutiennent les sociétés Akwel que l’offre de vente a été exécutée en France : ni ces circonstances, ni la réception du produit de la vente en France ne démontrent que la société U-Shin [Localité 10] s’est livrée, en France, à un acte matériel susceptible de préparer la mise dans le commerce.

62.Les sociétés Akwel soutiennent enfin que la société U-Shin [Localité 10] s’est rendue coupable de contrefaçon par fourniture de moyens.

63.Toutefois, les demanderesses n’établissant pas que la société U-Shin [Localité 10] n’ayant ni livré, ni offert de livrer sur le territoire français les produits argués de contrefaçon, ni les moyens permettant la mise en oeuvre d’un élément essentiel de l’invention, elles échouent par là-même à démontrer un quelconque acte de contrefaçon par fourniture de moyen.

64.Il n’est en définitive pas établi que la société U-Shin [Localité 10] ait commis en France des actes de contrefaçon du brevet FR'681.

Sur les actes de contrefaçon allégués commis par la société U-Shin France

65.Les sociétés Akwel soutiennent, d’abord, que la société U-Shin France a commis des actes de contrefaçon par importation des produits litigieux en raison de son rôle de « courroie de transmission » entre la société U-Shin [Localité 10] et le groupe PSA.

66.D’une part, la demande de brevet ayant été publiée le 10 mars 2017, les faits antérieurs à cette date, soit celle « à laquelle la demande de brevet a été rendue publique », « ne sont pas considérés », en application de l’article L. 615-4 du code de la propriété intellectuelle, « comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet ».

67.Or, non seulement les sociétés Akwel ne démontrent pas que la société U-Shin France a proposé à PSA de lui fournir le dispositif incriminé, mais il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon diligentée dans les locaux de la société U-Shin France le 21 septembre 2020, laquelle n’a permis de trouver ni la poignée litigieuse, ni de bons de commandes ou de factures au nom de la société U-Shin France, que « la société U-Shin France a répondu le 9 mars 2016 à l’appel d’offres de PSA relatif à la poignée de commande d’ouverture extérieure pour véhicules DS3, sans inclure l’élément de centrage, en proposant deux chiffrages selon que les pièces seraient produites en Chine ou en Slovaquie » et que « PSA a par la suite modifié le cahier des charges en y incluant l’élément de centrage ( » chaussette de centrage « ) tel que figurant dans la fiche évolutive précitée et annexée au présent procès-verbal, datée du 29/09/2017, sans pour autant refaire un appel d’offres ».

68.Il en résulte que la transmission à PSA d’une réponse à son appel d’offres, laquelle, ce qui n’est pas contesté par ailleurs, ne comportait aucun organe de positionnement amovible, constitue un fait antérieur à la publication de la demande du brevet FR'681, qui ne peut donc être considéré comme ayant porté atteinte au brevet.

69.Quant à la « Fiche évolution PSA » datée du 29 septembre 2017, mais non signée, et remise à l’huissier par le directeur commercial de la société U-Shin France, elle comporte le dessin de l’élément de centrage litigieux, mais ne permet pas en soi de l’attribuer à la société U-Shin France, seul le nom « U-Shin » étant mentionné pour rédacteur, M. [P] ayant de surcroît précisé auprès de l’huissier que la fiche était un document « pré-rempli par PSA », puis indiqué que « la conception de l’élément de centrage était le fruit d’un co-développement PSA et U-Shin Italia sur la base d’une idée de PSA », M. [R], responsable R & D pour l’ensemble des centres de compétence U-Shin en Europe ayant confirmé de son côté à l’huissier qu’ « aucun développement du produit poignée n’est réalisé dans un quelconque centre de développement en France » et que « cette spécialisation ressort de l’activité du site de Pianezza en Italie (U-Shin Italia) ».

70.D’autre part et en tout état de cause, les demanderesses, admettant que le nom de la société U-Shin France n’apparaît pas sur les documents saisis lors des opérations de saisie-contrefaçon, se bornent à alléguer d’actes de contrefaçon par importation au seul motif que cette société aurait participé activement à l’importation des produits litigieux sur le territoire français, alors qu’il est établi que les produits ont été introduits en France uniquement par PSA, par l’intermédiaire de son logisticien la société GEFCO, et non pas la société U-Shin [Localité 10], peu important dès lors le rôle de courroie de transmission de la société U-Shin France invoqué par les sociétés Akwel.

71.De même, aucun acte de contrefaçon par offre ne saurait être imputé à la société U-Shin France dès lors qu’il n’est ni établi, encore moins allégué par l’intéressée, que celle-ci a présenté le produit argué de contrefaçon par le biais de la Fiche évolution, comme le soutiennent pourtant les sociétés Akwel. Le fait que le document soit rédigé en français et indique pour rédacteur « U-Shin » sans autres précisions ne constitue pas une preuve suffisante d’une offre faite par la société U-Shin France tendant à préparer PSA à la commercialisation prochaine du produit, ce d’autant plus que celui-ci est encore au stade de prototype non homologué et que ce document a été présenté comme ayant été pré-rédigé par PSA, à l’huissier chargé des opérations de saisie-contrefaçon, ce qui n’est pas utilement contredit.

72.Par ailleurs, en l’absence de bons de commande et de factures au nom de la société U-Shin France, les documents établis au nom de la société U-Shin [Localité 10], appréhendés en 2020 lors des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société U-Shin France, n’établissent pas davantage que la Fiche évolution elle-même, l’existence d’actes commis sur le territoire français par la filiale française emportant mise à disposition des produits argués de contrefaçon postérieurement à la publication de la demande de brevet. Le fait que cette société ait eu, depuis le début de l’appel d’offres, un rôle d’intermédiaire entre PSA et U-Shin [Localité 10], de facilitateur ou encore de courroie de transmission entre ces deux sociétés, est ici inopérant, à plus forte raison en l’absence de démonstration d’actes de mise à disposition commis par la société U-Shin [Localité 10].

73.Il se déduit de l’ensemble de ces éléments, qu’il n’est pas établi par les sociétés Akwel que la société U-Shin France a commis des actes de contrefaçon par importation, offre ou mise dans le commerce, la question de savoir si elle a agi en connaissance de cause étant devenue sans objet.

74.La société U-Shin France ne peut pas non plus se voir reprocher des actes de contrefaçon de la revendication 18 par fourniture de moyens, dès lors que la livraison ou l’offre de livraison, sur le territoire français, des moyens de mise en œuvre, sur ce territoire, de l’invention arguée de contrefaçon ne sont pas davantage caractérisées par les sociétés demanderesses.

75.Les demandes des sociétés Akwel fondées sur la contrefaçon du brevet FR'681 et dirigées contre les sociétés U-Shin ne peuvent donc qu’être rejetées, de même que leurs demandes subséquentes et celle subsidiaire fondée sur la nullité du brevet formée par les sociétés défenderesses.

III. Sur les autres demandes

76.Parties perdantes au sens de l’article 696 du code de procédure civile, les sociétés Akwel supporteront les dépens et seront condamnées in solidum à payer aux sociétés U-Shin la somme globale de 90.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, cependant qu’elles seront déboutées sur ce même fondement de leur demande dirigée contre les sociétés U-Shin.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL

DIT que les sociétés Akwel [Localité 9] Spain et Akwel ne rapportent pas la preuve de la matérialité des actes de contrefaçon de brevet qu’elles reprochent aux sociétés U-Shin France et U-Shin Manufacturing [Localité 10] sur le territoire français ;

REJETTE par conséquent les demandes des sociétés Akwel [Localité 9] Spain et Akwel fondées sur la contrefaçon du brevet FR 3 040 681 dirigées contre les sociétés U-Shin France SAS et U-Shin Manufacturing [Localité 10] ;

CONDAMNE in solidum les Akwel [Localité 9] Spain et Akwel aux dépens ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Akwel [Localité 9] Spain et Akwel à payer aux sociétés U-Shin France et U-Shin Manufacturing [Localité 10] une somme globale de 90.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les sociétés Akwel [Localité 9] Spain et Akwel de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire.

Fait et jugé à Paris le 08 février 2024

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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Tribunal Judiciaire de Paris, 3e chambre 1re section, 8 février 2024, n° 20/10445