Tribunal Judiciaire de Toulon, 27 janvier 2022, n° 19/00181

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Toulon, 27 janv. 2022, n° 19/00181
Numéro(s) : 19/00181

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULON AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N° :

N° RG 19/00181 – N° Portalis DB3E-W-B7D-J3GR

2ème Chambre

En date du 27 janvier 2022

Jugement de la 2ème Chambre en date du vingt sept janvier deux mil vingt deux

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 novembre 2021 devant :

Président : Laurent SEBAG, juge rapporteur Assesseurs : Sandrine LADEGAILLERIE tenant seuls l’audience, ont entendu les plaidoiries et les avocats ne s’y étant pas opposés et ce, conformément à l’article 805 du Code de Procédure civile.

assistés de Aurore HIEBEL, greffier

A l’issue des débats le président a indiqué que le jugement, après qu’ils en aient délibéré conformément à la loi, serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2022.

Composition lors du Tribunal lors du délibéré : Président : Laurent SEBAG Assesseurs : Sandrine LADEGAILLERIE

Fabrice KARCENTY Greffier : Aurore HIEBEL

Magistrat rédacteur : Laurent SEBAG

Signé par Laurent SEBAG, président et Aurore HIEBEL, greffier présent lors du prononcé.

DEMANDEUR :

Monsieur B C, D A né le […] à […], […], demeurant […] assisté de Me François COUTELIER, avocat postulant au barreau de TOULON, Me Paul-C GAURY, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDERESSE :

Madame E Y épouse X, de nationalité Italienne, domiciliée […] représentée par Me Joseph FALBO, avocat au barreau de MARSEILLE, non comparant

Grosses délivrées le : à : Me François COUTELIER – 1022 Me Joseph FALBO

1


EXPOSE DU LITIGE :

Par ordonnance du 18 janvier 2018, le président du tribunal de grande instance de Toulon a prononcé l’exequatur d’un acte de défaut de biens rendu le 14 novembre 2002 par l’Office des poursuites du district de Lausanne entre M. B A et Mme E Y épouse X au titre de deux reconnaissances de dette du 1 mars 1993 pourer les sommes de 100.000 US$ ainsi que la somme de 1 400 000 francs français, soit la somme de 619 958,50 francs suisse, obtenu par Mme E Y épouse X, un acte de défaut de biens étant d’après l’article 149 de la Loi Fédérale suisse sur la Poursuite pour dettes et faillites qui dispose que « le créancier qui a participé à la saisie et n’a pas été désintéressé intégralement reçoit un acte de défaut de biens pour le montant impayé. Le débiteur reçoit une copie de l’acte de défaut de biens ».

Mme Y a fait inscrire une hypothèque judiciaire le […] sur le bien immobilier constituant le domicile de M. B A, situé au BEAUSSET, […].

L’ordonnance d’exequatur a été signifiée à M. Z le 8 juin 2018.

Par acte du 25 juin 2018, M. A a saisi le juge de l’exécution de Toulon d’une demande de radiation et de mainlevée sous astreinte de l’hypothèque prise à son encontre sans droit ni titre, sur la base d’une ordonnance d’exequatur non signifiée et contestée devant la Cour d’appel à la suite d’information obtenue directement auprès du greffe de Toulon. Selon lui, l’hypothèque de Madame Y ne pouvait être que provisoire en application de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988.

Par jugement du 13 novembre 2018, le juge de l’exécution s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance (2 chambre) et a dit que l’affaire serait transmise au greffeème de la juridiction compétente.

Par arrêt du 29 janvier 2019, la cour d’appel d’Aix en Provence, infirmant l’ordonnance rendue le 18 janvier 2018 par le président du tribunal de grande instance de Toulon, a rejeté la requête de Mme Y tendant à voir déclarer exécutoire en France l’acte de défaut de biens du 14 novembre 2002.

Par conclusions du 6 mai 2019, Mme Y a saisi le juge de la mise en état d’une demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt qui serait rendu par la Cour de cassation, et de condamnation de M. A à lui payer 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, motif pris que l’acte de défaut de biens rendu 14 novembre 2002 par l’Office des poursuites du district de Lausanne constituait un titre exécutoire en droit suisse, que la créance constatée par un tel titre se prescrivait par 20 ans à compter de la délivrance de l’acte de défaut de biens et qu’il était nécessaire d’empêcher M. A d’organiser son insolvabilité.

Par conclusions d’incident du 31 mai 2019, M. A s’est opposé à la demande de sursis à statuer, soutenant pour sa part que:

- seule une inscription d’hypothèque conservatoire aurait pu être prise avant la signification de l’ordonnance d’exequatur et en l’état de l’appel interjeté;

-l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence du 29 janvier 2019 avait force de chose jugée et était exécutoire, de sorte que la recevabilité du pourvoi en cassation était conditionnée par la radiation préalable de l’hypothèque irrégulière;

-le pourvoi en cassation encourait la radiation par application des dispositions de l’article 1009-1 du Code de procédure civile;

-il n’existait pas de risque d’organisation d’insolvabilité;

-le sursis à statuer serait incompatible avec l’obligation de statuer dans un délai raisonnable.

2



Cette demande de sursis a été rejetée par le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Toulon le 16 septembre 2019. Il a par aileurs débouté M. A de sa demande de provision et, ordonné la radiation de l’inscription d’hypothèque judiciaire V01088 prise le […] sous le numéro D04585 par Mme E Y épouse X sur le bien immobilier appartenant à M. B A, situé au BEAUSSET, […], condamné Mme X à payer une somme de 800 € à M. A au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et, renvoyé l’affaire à la mise en état du 10 décembre 2019 pour conclusions au fond de Mme X.

Le juge de la mise en état a justifié sa décision de la sorte : « L’ordonnance d’exequatur du 18 janvier 2018 n’a été signifiée à M. A que le 8 juin 2018, alors qu’elle ne prévoyait pas expressément une exécution sur minute, ce dont il résulte que l’inscription hypothécaire a été prise avant signification du titre. ».

Le 2 octobre 2019, Madame Y a interjeté appel de cette ordonnance. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé partiellement l’ordonnance du juge de la mise en état.

Par arrêt en date du 18 novembre 2020, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la Cour d’appel d’Aix en Provence et a remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyé devant la Cour d’appel d’Aix en Provence. En outre, ayant commis des erreurs matérielles tant dans l’état civil de Madame Y qu’au lieu de son domicile, la Cour de cassation, sur requête de Monsieur A, a rectifié son arrêt du 18 novembre 2020 par un arrêt en date du 17 mars 2021.

Par arrêt du 15 avril 2021, la Cour d’appel d’Aix en Provence a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état ayant ordonné la radiation de l’hypothèque judiciaire motif pris qu’elle échappe à la compétence du juge de la mise en état, préservant ainsi tout l’objet du présent litige.

Monsieur A a saisi la Cour d’appel de renvoi. Par arrêt en date du 15 juin 2021, la Cour d’appel d’Aix en Provence a rejeté les demandes de Monsieur A et confirmé la décision du Tribunal de grande instance de Toulon qui avait prononcé l’exequatur.

Un pourvoi en cassation, encore pendant, a été formé contre cet arrêt le 13 août 2021.

Au terme de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 3 novembre 2021, M. A réclame du tribunal au visa des articles L. 111-4, L. 511-1, R. 532-5 du CPCE et 1240 du Code civil :

-ORDONNER la radiation définitive de l’inscription d’hypothèque judicaire prise le […] sous le […], volume 2018V, n°1088 (N°D04585) par Madame E Y, ex-épouse X, sur le bien appartenant à Monsieur B A sur le territoire de la commune de […] cadastré sous le numéro […] ;

- DIRE ET JUGER que Madame E Y, ex-épouse X, devra prendre à sa charge les frais de radiation de l’hypothèque judiciaire définitive, et la condamner en tant que besoin, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;

- ORDONNER la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judicaire prise le […] sous le Sages 8304P04, volume 2018V, n°1088 (N°D04585) par Madame E Y, ex- épouse X, sur le bien appartenant à Monsieur B A sur le territoire de la commune de […] cadastré sous le numéro […], laquelle mainlevée devra être enregistrée à ses frais et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;

- DIRE ET JUGER que Madame E Y, ex-épouse X ne saurait invoquer le bénéfice d’une quelconque hypothèque sur la base de son prétendu acte de défauts de biens du 14 novembre 2002 alors que le droit suisse ignore l’hypothèque légale ou judiciaire et que l’exécution est prescrite ;

- CONDAMNER Madame E Y, ex-épouse X, à payer à Monsieur B A la somme de 15 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral ;

3



- CONDAMNER Madame E Y, ex-épouse X, à payer à Monsieur B A la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile;

- CONDAMNER Madame X aux entiers dépens de l’instance devant le juge de l’exécution et de la présente instance, en ce compris les frais de radiation et de mainlevée d’hypothèque ;

- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Il fait valoir à l’appui de ses prétentions que :

-en violation de l’article 39 de la Convention de Lugano, Mme Y a pris une hypothèque judiciaire non conservatoire ou définitive irrégulière sur son bien immobilier alors qu’elle a été prise pendant l’instruction de l’appel interjeté contre l’ordonnance d’exequatur,

-en violation de l’article 503 du CPC, l’hypothèque judiciaire est aussi irrégulière en ce qu’elle a été inscrite près de 6 mois avant la signification à M. A de l’ordonnance d’exequatur,

-la validité de l’ordonnance d’exequatur n’est toujours pas tranchée en l’état du pourvoi pendant devant la cour de cassation à la suite de l’arrêt rendu par la cour d’appel de renvoi le 15 juin 2021,

-c’est bien sur la base de l’ordonnance d’exequatur que l’hypothèque judiciaire a été inscrite et non sur un autre titre, en particulier l’acte de défaut de biens, et si le prétendu acte de défaut de biens de 2002 avait dû fonder l’hypothèque judiciaire prise par Madame Y alors son exécution aurait été prescrite conformément à l’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution,

-en l’absence de titre exécutoire au sens de la Convention de Lugano, Mme Y aurait dû préalablement bénéficier d’une autorisation judiciaire préalable pour inscrire l’hypothèque par application des articles L. 511-1 et L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution, nonobstant les dispositions de l’article 2412 du Code civil qui n’avait pas vocation à s’appliquer au cas d’espèce et ne pouvait déroger à l’application de la Convention de Lugano, dont seul l’article 39 devait être appliqué,

-Mme Y ne peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 511-2 du CPCE pour se dispenser d’avoir besoin d’une autorisation préalable du juge,

-le prétendu « duplicata » d’acte de défaut de biens en date 14 novembre 2002 de Madame Y, dont un simple duplicata a été présenté, n’a jamais été remis, signifié ou notifié à Monsieur A là encore en violation de l’article 503 du CPC, l’ayant ainsi privé de la possibilité d’un recours à son encontre par voie d’opposition au commandement ainsi que le prévoit la combinaison de l’article 149, alinéa 3 et de l’article 74 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP),

- la prétendue reconnaissance de dette n’est pas soumise à l’application du droit suisse, mais relève du droit français, comme l’ont relevé les juges suisses,

-aucun titre exécutoire ne peut être invoqué par Madame Y au soutien d’une demande d’hypothèque puisqu’aucun jugement ne confère hypothèque judiciaire d’après la loi suisse où il a été rendu,

-la prétendue ordonnance d’exequatur de Madame Y n’a jamais été signifiée, ni communiquée à Monsieur A avant le 8 juin 2018 violant les dispositions de l’article 503 du CPC, et ce d’autant que cette signification ne comporte aucune mention d’une adresse en France de Mme Y,

-il ressort du relevé hypothécaire qu’un dépôt demandé dès le 18 janvier 2018, a été réalisé le […] sans que Monsieur A en ait été informé et dans les délais requis, Madame Y n’ayant donc pas respecté l’information du prétendu débiteur dans les huit jours du dépôt du bordereau d’inscription en violation de l’article R. 532-5 du CPCE, l’empêchant ainsi de former un recours avant l’inscription définitive,

-l’arrêt de la cour de cassation du 18 novembre 2020 et l’arrêt de la cour d’appel d’aix en provence du 15 avril 2021 n’ont aucune consequence sur la radiation de l’hypothèque,

-il fonde le caractère abusif de la procédure sur le fait que Madame Y a parfaitement conscience d’avoir engagé cette procédure d’exécution en France alors même que son prétendu acte de défaut de biens n’est pas exécutoire en Suisse du fait du la non-réquisition de continuation de poursuite dans le délai requis de 6 mois et de l’absence de nouveau commandement ouvrant d’office une voie de recours en Suisse,

4



-il se prévaut de préjudices en lien avec le fait d’avoir été empêché d’emprunter auprès de sa banque en donnant sa maison en garantie pour couvrir certaines dépenses auxquelles il devait impérativement faire face, alors qu’il ne dispose que d’une retraite particulièrement modique et n’est pas imposable.

Selon écritures notifiées par RPVA le 8 octobre 2021, Mme Y demande au tribunal de :

- CONSTATER que l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 29 janvier 2019 a été cassé et annulé par arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 2020,

- DIRE ET JUGER que Mme X dispose d’un titre exécutoire,

- DIRE ET JUGER régulière l’hypothèque judiciaire de Mme E Y-X sur le bien immobilier appartenant à Monsieur B A cadastré […], […]

- Par conséquent, DEBOUTER Monsieur B A de ses demandes,

- CONDAMNER Monsieur B A aux entiers dépens,

- CONDAMNER Monsieur B A à payer à Mme E Y-X la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que par effet de l’arrêt rendu par la Cour de cassation, l’ordonnance d’exequatur rendue par le Tribunal de Grande Instance de TOULON reprend tous ses effets. Il en résulte que l’acte de défaut de biens rendu par l’Offices des Poursuites de Lausanne le 14 novembre 2002, qui a mis à la charge de Monsieur B A la somme de 619.958,50 francs suisse, est définitivement exécutoire sur tout le territoire français consécutivement à l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence le 15 juin 2021. Dans ces conditions, elle soutient que le Tribunal devra nécessairement débouter M. A de sa demande de main levée de l’inscription d’hypothèque judiciaire prise sur son bien immobilier.

Elle oppose à M. A pour faire obstacle à ses prétentions que :

-elle ne devait pas solliciter une autorisation préalable du juge de l’exécution afin d’inscrire son hypothèque sur son bien immobilier au sens de l’article L. 511-2 du CPCE car, selon le droit suisse les actes de défaut de biens constituent un titre exécutoire et du fait de l’application de l’article 2412 du Code civil, l’hypothèque judiciaire résulte des décisions judiciaires rendues en pays étrangers et déclarées exécutoires par un tribunal français sans autre formalité,

-la signification de l’acte de défaut de biens n’était pas utile car ce n’est pas un acte introductif d’instance, mais plutôt « conclusif » d’instance, et il n’a pas été rendu par défaut mais bien en présence de Monsieur B A, qui en a donc parfaitement eu connaissance pour avoir été rendu suite à un recours qu’il a lui-même formé,

-l’ordonnance d’exequatur n’avait pas à être signifiée avant le 8 juin 2018 car, du fait de la combinaison de l’article 1526 du Code civil et L. 111-3 du CPCE, par l’effet de l’ordonnance d’exequatur rendue le 18 janvier 2018, l’acte de défaut de biens rendu par l’Office des Poursuites de Lausanne est pleinement exécutoire sur le territoire français sans aucune autre formalité, l’inscription d’une hypothèque judiciaire n’étant de surcroît pas subordonnée à la production d’un jugement signifié.

Suivant ordonnance en date du 12 janvier 2021, le juge de la mise en état a fixé la clôture au 18 novembre 2021 et renvoyé la cause à l’audience du 25 novembre 2021 à 14h à en formation collégiale.

A l’audience s’est présenté M. A pour plaider son dossier alors que l’avocat plaidant de Mme Y ne s’est pas présenté et n’a remis aucun dossier de plaidoiries sans expliquer sa carence, alors qu’aucun avocat postulant n’était constitué à ses intérêts, le conseil de M. A ayant demandé la mise en délibéré de l’affaire pour obtenir un titre exécutoire, le tribunal ayant fait droit à sa demande.

Les débats clos, la décision a été mise en délibéré au 27 janvier 2022.

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SUR CE :

1/ Sur la mainlevée et la radiation de l’hypothèque judiciaire inscrite le […] sous le […] VOL 2018 V n°1088 (N°D04585) :

Il résulte des dispositions des articles 2440 à 2443 du Code civil que les inscriptions d’hypothèques sont rayées du consentement des parties intéressées ou en vertu d’un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée, que la radiation non consentie est demandée au tribunal dans le ressort duquel l’inscription a été faite et que la radiation doit être ordonnée par les tribunaux, lorsque l’inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu’elle l’a été en vertu d’un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé, ou lorsque les droits de privilège ou d’hypothèque sont effacés par les voies légales. Selon les dispositions de l’article 1315 du code civil, il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Les actes et les jugements étrangers déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables constituent des titres exécutoires selon l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution. En particulier quand ces jugements sont rendus par des autorités ne détenant pas une parcelle de la souveraineté publique, ils ne peuvent devenir exécutoires sans avoir été préalablement entérinés par une procédure d’exequatur portée, comme en l’espèce, devant une juridiction française tel que le prévoit l’article R. 212-8 du Code de l’organisation judiciaire.

En l’espèce, les radiation et mainlevée demandées touchent l’inscription d’une hypothèque judiciaire définitive auprès du service de publicité foncière de TOULON 2, le […], sur le bien immobilier de M. A alors que l’acte originel visé y est très clairement l’ordonnance d’exequatur du 18 janvier 2018, sans aucune référence à l’acte de défaut de biens rendu le 14 novembre 2002 par l’Office des poursuites du district de Lausanne entre M. B A et Mme E Y épouse X.

Il n’est pas contestable que cette ordonnance d’exequatur pouvait en soi fonder l’inscription d’une hypothèque judiciaire en application de l’article 2412 du Code civil, un jugement étranger revêtu de cette formule exécutoire échappant à l’exigence d’une autorisation préalable du juge telle que prévue à l’article L. 511-2 du Code des procédures civiles d’exécution, qui n’avait donc pas vocation à s’appliquer au cas d’espèce.

Cependant, il est manifeste que cette hypothèque judiciaire définitive est irrégulière et doit être en conséquence radiée pour plusieurs raisons :

-l’hypothèque prise ne pouvait être que conservatoire alors que le sort de l’ordonnance d’exequatur encore pendant devant la Cour de cassation n’est pas définitivement scellé et ce, en application de l’article 39 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 qui dispose que “Pendant le délai du recours prévu à l’article 36 et jusqu’à ce qu’il ait été statué sur celui-ci, il ne peut être procédé qu’à des mesures conservatoires sur les biens de la partie contre laquelle l’exécution est demandée”, tant et si bien que l’inscription définitive de l’hypothèque était a minima prématurée ;

-l’ordonnance d’exequatur du 18 mars 2018 n’a été signifiée à M. A que le 8 juin 2018, en contrariété de l’article 503 du Code de procédure civile qui exige que les jugements soient préalablement notifiés à la partie débitrice avant d’être portés à exécution, sauf exécution volontaire qui ne concerne pas la présente espèce.

Il y aura en conséquence lieu de prononcer la mainlevée et d’ordonner la radiation de l’hypothèque judiciaire inscrite sur le bien sis à […], […], consolidée le […] sous le […], volume 2018V, n°1088 (N°D04585) et ce, dans les termes du dispositif du présent jugement.

6


Cette opération se fera aux seuls frais de Mme Y et sans astreinte, rien à ce stade ne permettant de présumer que cette dernière n’exécutera pas la présente décision sans commination préalable.

2/ Sur la demande indemnitaire reconventionnelle au titre de la procédure abusive de Mme Y :

Au terme de l’article 1240 du Code civil que vise le demandeur à la procédure pour fonder son action, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Pour rappel, M. A fonde le caractère abusif de la procédure sur le fait que Madame Y a parfaitement conscience d’avoir engagé cette procédure d’exécution en France alors même que son prétendu acte de défaut de biens n’est pas exécutoire en Suisse du fait du la non-réquisition de continuation de poursuite dans le délai requis de 6 mois et de l’absence de nouveau commandement ouvrant d’office une voie de recours en Suisse. Il se dit en outre préjudicié par le fait d’avoir été empêché d’emprunter auprès de sa banque en donnant sa maison en garantie pour couvrir certaines dépenses auxquelles il devait impérativement faire face, alors qu’il ne dispose que d’une retraite particulièrement modique et n’est pas imposable.

Une telle demande sera néanmoins rejetée car :

-même si M. A triomphe à la présente instance, il ne démontre pas pour autant l’intention de nuire de la partie défenderesse qui s’est vue titrée d’une créance très importante à son encontre depuis 20 ans, résultant d’une reconnaissance de sa part vieille de presque trente ans,

-même s’il établit disposer d’une retraite modique et ne pas être imposable, il n’établit ni la précarité de sa situation ni avoir été empêché d’emprunter, tant et si bien que son préjudice n’est pas suffisamment consistant.

3/ Sur les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sur les dépens et l’exécution provisoire :

L’équité doit conduire à condamner Mme Y à payer une somme de 2 000 euros à M. A au titre des frais irrépétibles et à rejeter sa demande de ce chef.

Les dépens seront mis à la charge de E Y épouse X, comprenant les dépens exposés devant le juge de l’exécution s’étant déclaré incompétent, ceux de la présente instance et les frais de radiation et de mainlevée d’hypothèque.

L’exécution provisoire doit être ordonnée en application de l’ancien article 515 du Code de procédure civile applicable à la présente instance et ce, compte tenu de l’ancienneté du litige.

PAR CES MOTIFS:

Le Tribunal statuant en audience publique, contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

ORDONNE la mainlevée de l’hypothèque suivante prise sur le bien immobilier appartenant à B A, né le […] à BOULOGNE-BILLANCOURT, […], sis à […], […] : hypothèque judiciaire inscrite le […] VOL […], aux frais exclusifs de E Y épouse X ;

7


ORDONNE la radiation de cette inscription d’hypothèque par Monsieur le Conservateur des Hypothèques de TOULON 2 ;

DEBOUTE B A de sa demande d’astreinte accessoire au paiement des frais de mainlevée et radiation d’hypothèque ;

DEBOUTE B A de sa demande au titre de l’article 1240 du code civil ;

DEBOUTE E Y épouse X de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE E Y épouse X à payer à B A la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE E Y épouse X à régler les dépens de l’instance, comprenant les dépens exposés devant le juge de l’exécution s’étant déclaré incompétent, ceux de la présente instance et les frais de radiation et de mainlevée d’hypothèque ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.

AINSI JUGÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE LES JOURS, MOIS ET AN, SUSDITS.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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