Tribunal Judiciaire de Versailles, 4 juin 2020, n° 15/10221

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Chronologie de l’affaire

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www.ledall-avocat.fr · 3 août 2023

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Sur la décision

Référence :
TJ Versailles, 4 juin 2020, n° 15/10221
Numéro(s) : 15/10221

Sur les parties

Texte intégral

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

Deuxième Chambre

JUGEMENT

04 JUIN 2020

N° RG 15/10221 – N° Portalis DB22-W-B67-MLZW

DEMANDERESSE :

Association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE, association placée sous le régime de la loi du 01 juillet 1901, agréée en qualité d’organisation de consommateurs, prise en la personne de sa Présidente, Madame Q-R

D, domiciliée en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Maître Sammy JEANBART, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Maître F G, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE :

Société BMW FRANCE, SA immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n°722

[…]

[…]

[…]

représentée par Maître Sylvie GAZAGNE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Maître Joseph VOGEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

1



ACTE INITIAL du 27 Novembre 2015 reçu au greffe le 04 Décembre 2015.

DÉBATS : A l’audience publique tenue le 25 Février 2020, Madame SCIORE, Juge siégeant en qualité de juge rapporteur avec l’accord des parties en application de l’article 786 du Code de procédure civile, assistée de Madame SALEFRAN, Greffier,

a indiqué que l’affaire sera mise en U au 23 avril 2020, celle ci T été prorogée au 04 Juin 2020.

S T U :

Madame LERBRET, Vice-Présidente
Madame MESSAS, Juge
Madame SCIORE, Juge

EXPOSE DU LITIGE

Fondée en 1952, l’association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE

(l’association CLCV) est une association de consommateurs qui se définit statutairement comme l’organisation des usagers du cadre de vie, pour la défense de leurs intérêts et la promotion de leurs droits.

Elle est agréée pour exercer au plan national les droits reconnus aux associations de consommateurs par le code de la consommation.

Par acte du 27 novembre 2015, l’association CLCV a introduit la présente action de groupe, à l’encontre de la société BMW FRANCE tendant à obtenir, sur le fondement de la garantie légale des vices cachés, la réparation des préjudices économiques individuels subis par un groupe de consommateurs T chacun fait l’acquisition auprès de cette société d’une moto BMW modèle R 1200 RT équipée d’une suspension active « dynamic ESA », modèle T fait l’objet d’une campagne de rappel au mois de juin 2014 en raison de la suspicion d’un défaut de qualité de la suspension arrière.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 30 août 2018, l’association CLCV demande au tribunal de :

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale,

Vu l’article 313-1 du Code pénal

Vu l’article L.811-1 du Code de la Consommation

Vu les articles L. 623-1 et suivants du Code de la consommation

Vu les articles R.623-1 et suivants du Code la consommation

Vu l’agrément de l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE

-

VIE

- Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,

Vu l’article 1147 du Code civil

Vu les articles 117 et 771 du Code de procédure civile

2



Vu l’article L. 110-3 du Code de commerce

Vu les cas de consommateurs produits aux débats par l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE,

1. A titre très liminaire :

Dire et juger que la société BMW France est irrecevable à soulever un prétendu défaut de pouvoir de l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE

VIE;

En tout état de cause débouter la société BMW France de ses demandes

-

d’irrecevabilité fondées sur un prétendu défaut de pouvoir pour agir ou un prétendu défaut de qualité pour agir ou un prétendu défaut d’intérêt pour agir de l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE ;

2. A titre liminaire :

- Dire et juger qu’en produisant à plusieurs reprises et de mauvaise foi des documents mensongers en vue d’obtenir le débouté des demandes de l’association

CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE, la société BMW France

a commis le délit de tentative d’escroquerie au jugement,

En conséquence,

- Ecarter des débats l’ensemble des pièces communiquées par la société BMW visés par l’association France concernant les cas de consommateurs

CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE au soutien de son action,

3. En tout état de cause :

- Dire et Juger l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE

VIE, recevable et bien fondée en son action et y faire droit,

En conséquence,

- Dire et juger que les véhicules motorisés à deux roues de marque R.1200 RT commercialisés en France par la société BMW France ont été affectés d’un vice caché les rendant impropres à l’usage auquel ils étaient destinés,

- Dire et juger qu’en sa qualité de professionnel, la société BMW France est réputée connaître le vice affectant les véhicules motorisés à deux roues de marque

R.1200 RT qu’elle a commercialisés en France,

- Dire et juger que ce vice caché a été la cause de préjudices matériels subis par les acquéreurs des véhicules R. 1200 RT,

En conséquence :

- Condamner la société BMW France à verser directement aux acquéreurs des véhicules

R.1200 RT, les sommes suivantes :

- Octroi de la somme de 114 euros par jour d’immobilisation du véhicule, ladite somme correspondant à la location d’un véhicule de marque et catégorie équivalente au véhicule immobilisé ;

- Remboursement des mensualités de crédit acquittées en pure perte alors que le véhicule était immobilisé ;

3



- Octroi de la somme de 12,50 euros par jour d’immobilisation, correspondant à la décote de valeur du véhicule sur la période de l’immobilisation;

- Remboursement des frais d’assurance réglés en pure perte durant la période

d’immobilisation du véhicule à hauteur de 3 euros par jour d’immobilisation;

- Remboursement de tous frais complémentaires occasionnés par la nécessité de trouver une solution alternative à l’utilisation de la motocyclette immobilisée.

- Dire et juger que ces indemnisations se feront par la société BMW France par chèque libellé directement à l’ordre de chaque acquéreur ;

- Ordonner, aux frais de la société BMW France les mesures de publicités suivantes afin d’informer les acquéreurs des véhicules R. 1200 de leur droit à indemnisation : Envoi d’un courrier simple,

Envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception,

Diffusion d’un communiqué sur la page d’accueil du site internet de la société BMW France : http://www.bmw-motorrad.fr, pendant une durée de 3 mois.

- Dire et juger que les consommateurs souhaitant adhérer à la procédure initiée par l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE disposent

d’un délai de 3 mois, à compter de l’achèvement des mesures de publicité, pour solliciter auprès de la société BMW France la réparation des préjudices subis et ce, par tout moyen permettant à la société BMW France d’accuser réception de cette adhésion ;

- Dire et juger que la société BMW France est tenue d’indemniser tout consommateur qui en fait la demande, dans le délai maximal de 1 mois à compter de la réception de l’adhésion de chaque consommateur ;

- Condamner la société BMW France à verser à l’association CLCV la somme de

50.000 euros à titre de provision à valoir sur les frais exposés par elle en vue notamment de représenter les acquéreurs des motocyclettes litigieuses auprès de la société BMW France en cas de contestation de leur demande d’indemnisation,

Dire et juger qu’à l’expiration du délai accordé à la société BMW France pour indemniser les consommateurs qui en font la demande, l’association CLCV est autorisée à saisir le Juge de la mise en état dans un délai de 3 mois de toute demande d’indemnisation non satisfaite par la société BMW France,

- Débouter la société BMW France de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner la société BMW France à verser à l’Association CLCV la somme de

20.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la société BMW France aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître F G en application de l’article 699 du Code de Procédure

Civile.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 mars 2019, la société BMW FRANCE demande au tribunal de :

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et l’article 313-1 du Code pénal,

Vu les articles 122 et 123 du Code de procédure civile, Vu l’article 31 du Code de procédure civile,

4



Vu les articles L.623-1 (anciennement L. 423-1) et suivants du Code de la consommation,

Vu les articles R. 623-1 (anciennement R. 423-1) et suivants du Code de la consommation

Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,

Vu l’article L. 423-1 (anciennement L. 221-1-2) du Code de la consommation,

Vu les cas de consommateurs produits aux débats par l’association CONSOMMATION

LOGEMENT ET CADRE DE VIE,

I. A TITRE TRES LIMINAIRE,

- REJETER la demande de l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE

DE VIE relative à la prétendue commission d’un délit de tentative d’escroquerie au jugement par la société BMW FRANCE, celle-ci étant à la fois irrecevable et mal fondée,

- DEBOUTER l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE de sa demande de voir écarter des débats l’ensemble des pièces communiquées par la société BMW FRANCE concernant les cas de consommateurs visés par la CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE au soutien de son action.

II. A TITRE Liminaire, sur l’IRRECEVABILITÉ DE L’ACTION EN APPLICATION DE L’ARTICLE 122 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE,

1. DIRE ET JUGER que l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET

CADRE DE VIE n’a pas qualité pour agir dans le cadre de la présente instance ; 2. DIRE ET JUGER que les intérêts défendus par l’association CONSOMMATION

LOGEMENT ET CADRE DE VIE dans le cadre de la présente action n’entrent pas dans son objet statutaire ; 3. DIRE ET JUGER qu’en agissant en dehors des limites de son objet statutaire,

l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE est dépourvue

d’intérêt à agir;

4. DIRE ET JUGER que les consommateurs présentés par l'association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE au soutien de son action n’ont aucun intérêt à agir en réparation de préjudices allégués au titre de

l’immobilisation de leur véhicule alors même qu’ils ont d’ores et déjà bénéficié de multiples contreparties de nature à compenser tout préjudice éventuel ;

5. DIRE ET JUGER que l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET

CADRE DE VIE ne justifie d’aucun intérêt à introduire une action pour la défense de consommateurs dépourvus d’intérêt légitime à agir.

En conséquence,

- DECLARER l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE irrecevable en son action.

III. A TITRE PRINCIPAL, SUR L’IRRECEVAbilité de l’ACTION DE GROUPE AU REGARD DE L’ARTICLE L.623-1 DU CODE DE LA

CONSOMMATION

5


1. DIRE ET JUGER que l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET

CADRE DE VIE ne fonde son action de groupe sur aucun manquement de la société BMW FRANCE à ses obligations légales ou contractuelles, alors qu’en diligentant, à titre préventif, conformément au principe de précaution, une action de rappel de produits pouvant éventuellement être défectueux mais ne l’étant pas nécessairement, elle a au contraire exécuté de façon stricte son obligation légale de sécurité et que dès lors l’action de l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET

CADRE DE VIE est irrecevable,

2. DIRE ET JUGER que le fondement de la garantie légale des vices cachés invoqué ne constitue pas un « manquement » du professionnel à ses obligations légales ou contractuelles au sens de l’article L. 623-1 du Code de la consommation, et que dès lors l’action de l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE est irrecevable,

3. DIRE ET JUGER que les consommateurs visés par l’association

CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE ne sont pas placés dans une situation similaire ou identique au sens de l’article L. 623-1 du Code de la consommation, et que dès lors l’action de l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE est irrecevable,

4. DIRE ET JUGER que les consommateurs visés par l’association

CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE n’ont subi, au sens de l’article

L. 623-1 du Code de la consommation, aucun préjudice « T pour cause commune un manquement » de la société BMW FRANCE à ses obligations légales ou contractuelles, et que dès lors l’action de l’association CONSOMMATION

LOGEMENT ET CADRE DE VIE est irrecevable,

5. DIRE ET JUGER sur l’action introduite par l’association CONSOMMATION

LOGEMENT ET CADRE DE VIE à l’encontre de la société BMW FRANCE ne remplit pas les conditions posées par l’article L. 623-1 du Code de la consommation,

En conséquence,

- DECLARER l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE irrecevable en son action.

IV. A TITRE SUBSIDIAIRE, SUR L’ABSENCE DE FONDEMENT DE

L’ACTION DE L’ASSOCIATION CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE

DE VIE

1. DIRE ET JUGER que la preuve de l’existence d’un quelconque vice qui affecterait chacun des véhicules R 1200 RT commercialisés en FRANCE par la société BMW FRANCE n’est aucunement établie,

2. DIRE ET JUGER que les conditions de mise en œuvre de la garantie légale des vices cachés ne sont pas réunies en l’espèce,

3. DIRE ET JUGER qu’aucun lien de causalité n’est établi entre le prétendue vice et les préjudices invoqués,

4. DIRE ET JUGER que l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET

CADRE DE VIE n’est pas fondée à demander la condamnation de la société BMW

FRANCE, au vu des cas individuels présentés,

Qu’en effet, les cas présentés émanent de clients :

6



N’T ni intérêt ni qualité à agir, n’étant pas propriétaire du véhicule lors de la campagne de rappel (cas de Monsieur X) ;

T refusé toutes les solutions de mobilité qui leur ont été proposés et ne pouvant dès lors réclamer l’indemnisation d’une immobilisation de leur véhicule alors qu’ils ont refusé la solution de mobilité qui permettait d’y remédier, et ont en outre bénéficié de multiples avantages commerciaux et contreparties de nature à compenser tout préjudice éventuel (cas de Messieurs Y et Z) ; T continué à utiliser leur moto qui n’a pas été immobilisée et T en outre reçu de multiples contreparties de nature à compenser toute préjudice éventuel (cas de
Monsieur A) ;

- T bénéficié de multiples contreparties d’une valeur très supérieure au montant auquel ils ont eux-mêmes estimé leur préjudice (cas de Monsieur

K) ;

T bénéficié d’une solution de remplacement pendant la période d’immobilisation de leur véhicule (cas de Messieurs B et C) ou pendant la plus grande partie de la période d’immobilisation (cas de Monsieur

P) ainsi que de multiples contreparties de nature à compenser tout préjudice éventuel. Que dans ces conditions, l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET

CADRE DE VIE ne justifie d’aucun intérêt ni fondement légitime à introduire une action de groupe ;

5. DIRE ET JUGER que les sommes demandées à titre de dommages et intérêts ne sont fondées, ni dans leur principe, ni dans leurs montants,

En conséquence,

DEBOUTER l’association CLCV de l’ensemble de ses demandes.

V. EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE

à verser à la société BMW FRANCE la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du

Code de Procédure Civile,

- CONDAMNER l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 décembre 2019. L’affaire a été plaidée le 25 février 2020 et les parties ont été avisées qu’elle était mise en U au 26 avril 2020, date à laquelle le U a été prorogé au 4 juin 2020.

7



MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que :

- d’une part, en vertu de l’article 753 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion;

- d’autre part, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de constatations, même lorsqu’elles sont libellées sous la forme d’une demande tendant à voir “dire et juger" formées dans les écritures des parties, dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais recèlent en réalité les moyens des parties.

SUR LA RECEVABILITÉ DE L’ACTION

I- SUR LES FINS DE NON-RECEVOIR TIRÉES DU DÉFAUT DE QUALITÉ ET D’INTÉRÊT A AGIR AU REGARD DE L’ARTICLE 31 DU CPC OPPOSÉES PAR LA SOCIÉTÉ BMW FRANCE A L’ACTION DE L’association

CLCV

I-1 Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de l’association

CLCV

La société BMW FRANCE expose que lorsqu’une association agit en justice, il est nécessaire qu’une décision émanant d’un organe compétent lui accorde le pouvoir pour agir; qu’en l’espèce, l’article 28 des statuts de l’association CLCV stipule que la confédération est représentée en justice sur mandat du bureau confédéral, par le président ou toute autre personne déléguée ; que l’article 31 des statuts prévoit que le bureau confédéral se réunit ordinairement une fois par mois et chaque fois qu’il est convoqué par le président, le secrétaire général ou à la demande d’au moins trois de ses membres; qu’en l’espèce, l’association ne verse aux débats qu’un extrait de délibération du bureau confédéral donnant pouvoir à la présidente de l’association

CLCV pour exercer les droits reconnus à l’association en application des articles L. 411-1 et suivants du code de la consommation, signé de la main de la vice-présidente de l’association ; qu’un simple extrait de délibération signé d’une personne ne justifiant

d’aucun pouvoir de représentation ne peut suffire à s’assurer de la régularité du mandat prétendument accordé à la présidente de l’association ; que l’association ne verse aux débat ni la convocation à la séance, ni la feuille d’émargement des membres présents T adopté la délibération ; que l’association CLCV devra donc être déclarée irrecevable en son action, faute de justifier de façon certaine de sa qualité à agir.

L’association CLCV rétorque qu’en contestant la régularité du pouvoir donné à sa présidente, la société BMW FRANCE soulève une exception de procédure, de sorte qu’elle est irrecevable dans ses prétentions en application de l’article 771 du code de procédure civile ; que la qualité pour agir de l’association CLCV au sens de l’article 122

8


du code de procédure civile s’apprécie, en l’espèce, au regard des dispositions de

l’article L.623-1 du code de la consommation ; que ce texte accorde la qualité pour agir

à toute association de consommateurs représentative au niveau national et agréée, ce qui est bien évidement le cas en l’espèce ; qu’en tout état de cause, l’association

CLCV bénéficie d’un agrément pour exercer les droits reconnus aux associations de consommateurs agréées en application de l’article L. 811-1 du code de la consommation ; qu’en outre aucune violation des statuts ne peut être retenue ; que le bureau confédéral s’est réuni le 19 novembre 2015 et a donné pouvoir à Mme D, présidente de l’association CLCV, d’engager une action de groupe à l’encontre de la société BMW FRANCE ; que Mme E, vice-présidente de l’association, membre du bureau et présente lors de la tenue de la délibération, a signé le pouvoir donné à Mme D; que ce pouvoir ne souffre donc d’aucune irrégularité.

***

Aux termes de l’article R. 423-1 devenu R. 623-1 du code de la consommation, l’action de groupe engagée par une association de consommateurs représentative sur le plan

national et agi est formée, instruite et jugée selon les règles applicables à la procédure ordinaire en matière contentieuse.

Il s’en déduit notamment que les règles de procédure de droit commun relatives à

l’examen des fins de non-recevoir et exceptions de procédures doivent recevoir application.

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile,"l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé”.

En application de l’article 32 de ce même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

L’article 122 du code de procédure civile dispose à cet égard que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, les fins de non-recevoir pouvant être proposées en tout état de cause en vertu de l’article 123 de ce code.

Le défaut de qualité ou d’intérêt pour agir, qui constitue une fin de non-recevoir, ne se confond pas avec le défaut de pouvoir de représentation d’une partie au procès, qui constitue une exception de nullité de l’action.

A cet égard, l’article 117 du code de procédure civile range dans les irrégularités de fond, figurant comme telle au chapitre des exceptions de nullité, « le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant d’une personne morale ».

9



Fins de non-recevoir et exceptions de nullité obéissent à un régime juridique distinct, notamment quant à leur recevabilité devant la juridiction de jugement.

A cet égard, l’article 771 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, applicable à la présente procédure dont la clôture a été prononcée avant le 1er janvier

2020:

"Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1. Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de

l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;

2. Allouer une provision pour le procès ;

3. Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles

517 à 522;

4. Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;

5. Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction."

Les dispositions de ce texte accordent au juge de la mise en état une compétence exclusive pour connaître des exceptions de procédures, tandis que les fins de non recevoir, recevables en tout état de cause, peuvent être présentées devant la formation de jugement.

***

Il est de principe que l’association doit se faire représenter en justice par une ou plusieurs personnes physiques dûment habilitée(s), conformément à ses règles statutaires. Les dispositions de l’article L. 623-1 du code de la consommation qui confère aux associations de consommateurs agréées au niveau national la qualité à engager une action de groupe ne peuvent conduire à déroger à ces règles de représentation.

En l’espèce, sous couvert d’une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir au sens de l’article 122 du code de procédure civile, la société BMW FRANCE se prévaut en réalité exclusivement, aux termes des motifs de ses écritures, d’un défaut de pouvoir de Mme Q-R D, figurant sur les actes de la procédure en tant que représentante de l’association CLCV, pour engager au nom de cette dernière la présente action de groupe.

10



L’argumentation développée par la société BMW FRANCE consiste en effet exclusivement à contester la régularité du mandat produit aux débats par l’association

CLCV et la force probante devant être accordée à l’extrait des délibérations du bureau confédéral de l’association.

Il ne s’agit donc pas de s’interroger sur la qualité à agir de l’association CLCV mais uniquement sur la question de savoir si Mme Q-R D, qui figure dans la procédure en tant que représentante de l’association demanderesse, détient le pouvoir de la représenter valablement.

Cette exception tirée d’un défaut de pouvoir du représentant de la personne morale demanderesse ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile mais une exception de nullité de la procédure au sens de l’article 117 de ce même code.

Elle relève donc de la compétence exclusive du juge de la mise en état, n’étant pas démontré, ni même allégué, que ce défaut de pouvoir de représentation aurait été révélé postérieurement à son dessaisissement, seule circonstance de nature à justifier la compétence de la formation de jugement pour en connaître.

L’exception tirée du défaut de pouvoir de représentation de Mme D est par conséquent irrecevable devant la formation de jugement.

I-2. Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de l’association

CLCV

1-2.1. Sur le défaut d’intérêt à agir au regard de l’objet social de l’Association

La société BMW FRANCE expose que l’association CLCV n’a pas d’intérêt à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile dès lors qu’elle agit hors du cadre de son objet social ; qu’en effet, selon l’article 1er de ses statuts, l’association CLCV est une association de consommateurs de biens et de services agissant sur le cadre de vie

(consommation, habitat, environnement, santé, enseignement, services publics…) ; qu’elle se définit statutairement comme « l’organisation des usagers du cadre de vie pour la défense des intérêts et de leurs droits »; que l’association CLCV ne peut donc agir que dans le domaine du cadre de vie ; que le cadre de vie s’apprécie au regard des besoins élémentaires communs à tout individu qui lui assurent une bonne qualité de vie ; que la possession d’une moto n’agit d’aucune façon sur le cadre de vie de l’usager, au sens de l’objet statutaire de l’association ; qu’en outre, compte tenu du caractère général de son objet statutaire, l’association CLCV ne peut se prévaloir d’un intérêt à agir contre la société BMW FRANCE pour obtenir, dans le cadre d’une action de groupe, l’indemnisation des préjudices prétendument subis par des propriétaires de motos au titre de la garantie légale des vices cachés.

L’association CLCV rétorque que la procédure diligentée est parfaitement conforme à son objet statutaire ; que selon l’article 1¹ de ses statuts, elle est une association 66

11

1


d’usagers et de consommateurs de biens et de services agissant sur la cadre de vie

(consommation, habitat, environnement, santé, enseignement, services publics…)”; qu’aux termes de l’article 3 de ces mêmes statuts, elle intervient notamment en 66

exerçant tous droits en matière notamment de défense des intérêts individuels et collectifs de ses membres, des consommateurs et des usagers, des locataires, copropriétaires et propriétaires de leur logement"; qu’il ne peut donc être soutenu que son objet statutaire ne lui permettrait d’agir que dans le domaine du cadre de vie de

l’usager; que c’est bien en considération de sa capacité effective à renseigner les consommateurs et à les défendre dans tous les secteurs d’activité que l’association

CLCV bénéficie d’un agrément en qualité d’association de consommateurs représentative de la collectivité des consommateurs au sens de l’article L. 811-1 du code de la consommation ; qu’en l’espèce, il s’agit d’exercer une action de groupe en défense des intérêts des acquéreurs des véhicules R.1200 RT, lesdits acquéreurs étant des

< consommateurs de biens », victimes des manquements du professionnel BMW

FRANCE, ladite action T pour finalité la réparation des préjudices matériels individuels subis par chacun de ces acquéreurs.

***

La question posée au tribunal est celle de savoir si la recevabilité de l’action de groupe diligentée par une association de consommateurs agréée en application des dispositions de l’article L. 423-1 devenu L. 623-1 du code de la consommation est soumise à

l’exigence d’un lien suffisant entre les intérêts individuels en litige et l’objet social statutaire de l’association.

Les associations disposent du droit d’agir:

- pour la défense d’un intérêt personnel au groupement,

- pour la défense des intérêts collectifs ou « regroupés » de leurs membres, dans les cas où le législateur leur attribue le droit d’agir.

Seules des deux dernières catégories d’actions intéressent les présents débats.

La Cour de cassation admet de longue date qu’une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs – ou « regroupés » – dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social (2ème Civ., 27 mai 2004, pourvoi n°02-15.700, Bull.II, n° 239 ; 3 Civ., 1 er ème

juillet 2009, pourvoi n° 07-21.954, Bull. III, n°1661 civ., 1 civ. 2 octobre 2013, ère

pourvoi n° 12-21.152).

Il incombe alors aux juges saisis d’une telle action en défense des intérêts regroupés des membres d’une association de contrôler de manière approfondie l’existence d’un lien suffisant entre l’objet social et les intérêts en litige. Cela revient à vérifier que l’acte critiqué par la personne morale porte effectivement atteinte aux intérêts collectifs qu’elle représente.

Par ailleurs, le législateur est intervenu pour habiliter certaines associations à agir en justice.

12



Ainsi, la loi Hamon du 17 mars 2014 a habilité les associations de défense de consommateurs représentatives au niveau national et agréées, à engager l’action de groupe en matière de consommation, introduite par ce texte.

L’article L. 423-1 devenu L. 623-1 du code de la consommation dispose à cet égard qu'"une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 811-1 peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et T pour cause commune un manquement

d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles".

L’article L. 411-1 devenu l’article L. 811-1 du code de la consommation prévoit que les associations de défense des consommateurs peuvent être agréées après avis du ministère public. Les conditions dans lesquelles ces associations peuvent être agréées compte tenu de leur représentativité sur le plan national ou local ainsi que les conditions de retrait de cet agrément, sont fixées par décret.

Quinze associations de consommateurs ont reçu l’agrément prévu par ce texte, chacune oeuvrant dans l’un des trois mouvements suivants : un mouvement familial, un mouvement syndical un mouvement consumériste, généraliste ou cialisé. Ces agréments ont été accordés en considération, notamment, de l’objet social et de la représentativité de chaque association concernée. L’association CLCV bénéficie de cet agrément en tant qu’association de consommateurs issue du mouvement consumériste généraliste.

A cet égard, la circulaire du 26 septembre 2014 de présentation des dispositions de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et du décret n° 2014-1081 du 24 septembre 2014 relatif à l’action de groupe en matière de consommation comporte les dispositions suivantes :

"l’agrément des associations nationales est accordé pour cinq années, renouvelables, par arrêté conjoint du ministre chargé de la consommation et du garde des sceaux. Il est publié au Journal officiel de la République française. Elles doivent pour ce faire remplir un certain nombre de conditions déterminées à l’article R. 411-1 précité dont notamment l’existence depuis plus d’une année avec une activité effective et un nombre d’adhérents minimum.

A ce jour, il existe quinze associations nationales agréées.

Elles sont issues de trois grands mouvements différents : mouvement familial : le Cnafal, la CNAFC, la CSF, Familles de France, Familles

Rurales, regroupés au sein de l’Unaf ;

- mouvement syndical : l’Adeic, l’AFOC, l’Indecosa-CGT, l’ALLDC ;

- mouvement consumériste et spécialisé : l’UFC-Que Choisir et l’association CLCV pour les problèmes de consommation ; la CGL et la CNL pour le logement ; la Fnaut pour les transports".

Cette circulaire précise en outre : "le législateur n’a pas souhaité écarter une association au profit d’une autre en désignant, à l’instar de ce qui peut exister dans d’autres systèmes juridiques, et malgré des discussions en ce sens dans le cadre des débats parlementaires, une association dite « chef de file ».

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Ainsi, chaque association nationale agréée peut en principe engager une action de groupe au bénéfice de consommateurs. La loi ne ferme pas, par ses termes très généraux, l’éventualité d’actions concurrentes."

L’intention du législateur était donc de toute évidence de permettre à chacune des associations de consommateurs agréées d’introduire l’action de groupe en matière de consommation, sans limite tenant à son objet statutaire propre.

Il s’en déduit que l’habilitation législative suffit à conférer à l’association agréée qui en bénéficie la qualité et l’intérêt à agir au regard des articles 31 et suivants du code de procédure civile, sans que le juge n’ait à rechercher l’existence d’un lien entre les intérêts critiqués et l’objet statutaire, ce lien s’inférant de l’habilitation elle-même.

Par conséquent, co-existent dans l’arsenal juridique deux catégories d’actions détenues par les associations de consommateurs :

- l’action de droit commun en défense des intérêts collectifs, pouvant être engagée par toute association déclarée, sous réserve d’un lien entre l’acte critiqué et l’objet social;

- l’action de groupe exercée par une association nationale agréée, recevable à agir dans les seules limites et conditions de son agrément.

Cette distinction entre les actions exercées en vertu d’une habilitation législative particulière et les actions de droit commun, se déduit a contrario des arrêts dans lesquels la Cour de cassation se prononce en ces termes : "il résulte des articles 31 du nouveau Code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901 que, hors habilitation législative, une association ne peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs qu’autant que ceux-ci entrent dans son objet social” (notamment 2ème civ., 27 Mai 2004: Bull. II, n° 239).

Il est au surplus intéressant de relever les récentes évolutions législatives en la matière, en particulier la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle et le décret n° 2017-888 du 6 mai 2017, qui ont élargi le champ de

l’action de groupe notamment en disposant que « l’action est ouverte aux associations agréées, mais elle l’est également aux associations régulièrement déclarées depuis cinq ans et dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte », confirmant ainsi la coexistence de ces deux régimes juridiques distincts.

***

En l’espèce, il est constant que l’action engagée par l’association CLCV est une action de groupe en matière de consommation engagée sur le fondement de l’article L. 623-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause.

L’association CLCV compte parmi les 15 associations de consommateurs représentatives au niveau national et agrées, ainsi qu’en témoigne l’arrêté ministériel du 30 juin 2015 régulièrement joint à l’assignation, qui énonce dans son article 1:

« l’agrément de la Confédération nationale de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV) pour exercer sur le plan national les droits reconnus aux associations agrées de consommateurs par le code de la consommation est renouvelée pour une durée de cinq ans ».

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Les dispositions combinées de l’article L. 623-1 du code de la consommation et de

l’agrément ministériel suffisent à justifier de l’intérêt et de la qualité à agir de l’association CLCV au regard des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile, sans qu’il y ait lieu de rechercher un lien entre les actes litigieux et l’objet social.

Au surplus, l’action litigieuse, opposant des consommateurs, acquéreurs d’un même pro uit de consommation – en l’esp une moto au professionnel, distributeur de produit, constitue bien un litige de consommation s’inscrivant dans le périmètre

d’action de l’association CLCV, qui bénéficie de l’agrément en tant qu’association de consommateurs issue du mouvement consumériste généraliste.

Enfin, à titre infiniment surabondant, à supposer que la recevabilité de l’action de groupe engagée par une association spécialement habilitée suppose un lien entre l’objet social et les intérêts défendus, l’existence de ce lien ne peut être sérieusement contestée en l’espèce.

Selon l’article 1er de ses statuts, l’association CLCV est « une association d’usagers et consommateurs de biens et de services agissant sur le cadre de vie (consommation, habitat, environnement, santé, enseignement, services publics…) ».

L’article 3 des statuts de l’association CLCV précise son champ d’action dans les termes suivants :

< La Confédération, par la coordination des activités de ses associations poursuit l’étude, l’information, la formation, la défense et la représentation des droits et des intérêts matériels et moraux des consommateurs et des usagers, en organisant les solidarités nécessaires au plan national et international dans tous les domaines du cadre de vie (…).

Elle intervient notamment (…) :

(g) en exerçant tous droits en matière notamment :

- de défense des intérêts individuels et collectifs de ses membres, des consommateurs et des usagers, des locataires, copropriétaires et propriétaires de leur logement,

- de défense et d’amélioration de l’environnement, de l’habitat, de l’urbanisme et de protection de la nature,

- de prévention dans le domaine de la santé,

- d’éducation et de formation,

- de défense des investisseurs en valeur mobilières ou en produits financiers ; des contribuables, des téléspectateurs,

- de défense des intérêts individuels et collectifs dans tous les domaines décidés par le Conseil National, notamment en fonction de l’évolution des technologies ».

Il ressort de ces dispositions statutaires que l’association CLCV constitue une association de consommateurs à visée extrêmement généraliste, intervenant dans tous les domaines de la vie courante.

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La présente action, qui vise à obtenir réparation du préjudice subi par les acquéreurs des motocyclettes R 1200 RT commercialisées par la société BMW FRANCE, à raison du manquement de ce professionnel à ses obligations issues des contrats de vente de ces produits, présente donc un lien suffisant avec l’objet social de l’association demanderesse.

La société BMW FRANCE sera en conséquence déboutée de plus fort de la fin de non recevoir qu’elle invoque tirée du défaut d’intérêt à agir de l’association CLCV au regard de son objet statutaire.

I-2.2 Sur le défaut d’intérêt à agir en raison du défaut d’intérêt légitime des consommateurs concernés

La société BMW FRANCE expose que les consommateurs visés par l’association

CLCV au soutien de son action ont tous bénéficié de contreparties de nature à compenser leur préjudice éventuel, de sorte qu’ils ne bénéficient plus d’un intérêt à agir en réparation, ce qui prive d’intérêt l’action de groupe.

L’association CLCV rétorque que l’intérêt à agir des consommateurs à titre individuel ne constitue pas une condition de recevabilité de l’action de groupe ; qu’en tout état de cause, les contreparties alléguées ne sauraient constituer la réparation intégrale des préjudices subis.

***

Il est de principe que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action.

En l’espèce, la question de savoir si les consommateurs défendus par l’association ont été suffisamment indemnisés des éventuels préjudices est inopérante au stade de

l’examen de la recevabilité de l’action au regard de l’article 31 du code de procédure civile.

En outre et en toute hypothèse, l’intérêt d’une association de consommateurs à intenter une action de groupe ne se confond pas avec l'intérêt individuel de chacun des consommateurs concernés, lesquels, par définition, ne sont pas tous partis à la procédure.

Enfin, à titre surabondant, il convient de souligner quees gestes commerciaux effectués par un professionnel dans le cadre d’un rappel de produit ne peuvent s’analyser en une réparation intégrale et définitive de l’éventuel préjudice subi par les consommateurs à raison d’un vice affectant le produit. Les consommateurs T profité de ces gestes commerciaux conservent en toute hypothèse leur intérêt à agir en réparation de leurs éventuels préjudices, tant à titre individuel que par le biais d’une action de groupe.

La société BMW FRANCE sera donc déboutée de ses prétentions à cet égard.

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II-SUR LES EXCEPTIONS D’IRRECEVABILITÉ DE L’ACTION AUX REGARD

DES DISPOSITIONS DES ARTICLES L. 623-1 ET SUIVANTS DU CODE DE LA

CONSOMMATION

II-1 Sur l’exception d’irrecevabilité de l’action au regard de la condition tenant à

l’exigence du manquement du professionnel à une obligation légale ou contractuelle

La société BMW FRANCE expose que l’action de groupe n’est recevable que si elle est fondée sur un manquement d’un professionnel à des obligations légales ou contractuelles à l’occasion de la vente de biens ou de services ; qu’en l’espèce, la société BMW

FRANCE, en diligentant une campagne de rappel de produits, n’a pas manqué à ses obligations mais les a, au contraire, mises en oeuvre ; que ce rappel s’inscrit dans le principe de précaution, dans le cadre de la directive CE sur la sécurité des produits ; que

l’exercice de l’action de rappel ne peut justifier à lui seul une action de groupe.

Elle ajoute que la mise en oeuvre de la garantie légale des vices cachés ne constitue pas un manquement du professionnel à une obligation légale ou contractuelle au sens de

l’article L. 623-1 du code de la consommation ; que la circulaire du 26 septembre 2014 qui présente l’action de groupe exige la caractérisation de préjudices T pour cause, au sens de la responsabilité civile, un manquement d’une ou plusieurs personnes ; que

l’action en garantie des vices cachés ne rentre aucunement dans le domaine de l’action de groupe puisqu’elle n’est pas une action en responsabilité et ne suppose aucun manquement de la part du vendeur ; que les dommages et intérêts susceptibles d’être dûs ne sont pas la conséquence d’un manquement mais découlent du mécanisme de la garantie légale ; que faute de manquement du professionnel concerné, l’action en garantie des vices cachés ne peut servir de fondement à l’action de groupe.

L’association CLCV rétorque qu’elle ne critique pas en tant que telle la campagne de rappel, compte tenu du défaut de sécurité avéré ; que l’article L. 623-1 du code de la consommation ne limite d’aucune manière l’action de groupe à la seule hypothèse de responsabilité civile pour faute ; qu’il suffit que soit caractérisé un manquement du professionnel à une obligation légale ou contractuelle ; qu’en l’espèce, l’action en réparation des préjudices subis à raison des vices cachés affectant les véhicules litigieux trouve son fondement dans l’obligation légale du vendeur professionnel de réparer l’ensemble des préjudices subis par les acquéreurs de ces véhicules ; que cette action

n’est possible qu’à l’encontre d’un professionnel, dont la mauvaise foi est présumée et qui est donc fautif au sens de la responsabilité civile ; que la responsabilité qui peut être engagée par voie d’action de groupe est à la fois une responsabilité pour faute et une responsabilité sans faute, telle que la responsabilité du fait des produits qui entre dans le champ de l’action de groupe ; la garantie des vices cachés est d’ailleurs visée maintes fois dans le code de la consommation, ce qui doit conduire de plus fort le tribunal à admettre la recevabilité de la présente action.

***

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La question ici posée est celle de savoir si l’action de groupe est ouverte aux consommateurs qui s’estiment victimes d’un vice caché affectant un produit de consommation et entendent obtenir réparation de leurs préjudices en lien avec ce vice.

Il convient de rappeler les dispositions de l’article L. 623-1 du code de la consommation qui définit l’action de groupe en matière de consommation comme étant celle tendant

à "obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et T pour cause commune un manquement

d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles".

L’action de groupe se déroule schématiquement en trois phases :

- une phase de jugement sur la responsabilité du professionnel,

- une phase d’adhésion des consommateurs afin d’obtenir réparation,

- une phase de liquidation des préjudices individuels contestés.

Lors de la première phase, il appartient au juge de constater que les conditions de la recevabilité de l’action mentionnées à l’article L. 623-1 du code de la consommation sont réunies, de statuer sur la responsabilité du professionnel au vu des cas individuels présentés par l’association requérante, de définir le groupe de consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée et d’en fixer les critères de rattachement.

Les conditions de recevabilité de l’action posées par le texte susvisées tiennent à :

- l’existence d’une pluralité de consommateurs,

- placés dans une situation similaire ou identique,

- sollicitant réparation de préjudices individuels patrimoniaux résultant d’un dommage matériel, ces préjudices T pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à une obligation légale ou contractuelle à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ou résultant d’une pratique anti-concurrentielle.

La formule employée par le législateur relativement au manquement du professionnel susceptible d’être visé par une action de groupe est très large. Elle permet d’englober, outre les nombreux manquements résultant de la seule violation d’une disposition du code de la consommation, les manquements à toute disposition de droit commun ainsi qu’à toute stipulation contractuelle.

La circulaire du 26 septembre 2014 de présentation des dispositions législatives et réglementaires fournit à cet égard l’éclairage suivant :

"Ce fait générateur (…) est constitué par un manquement, par le professionnel, à ses obligations légales ou contractuelles. S’agissant des obligations légales, il peut s’agir d’obligations d’information prévues par le code de la consommation, de l’interdiction des pratiques commerciales trompeuses prévue par l’article L. 121-1 du code de la consommation ou de la tromperie visée par l’article L. 213-1 dudit code, ou encore de

l’obligation de sécurité des produits posée par l’article L.221-1 de ce même code. S’agissant des obligations contractuelles, sont concernés le délai fixé pour la livraison d’un produit, la fourniture de tel ou tel service, etc. Sont aussi bien visés la vente d’un produit, que la fourniture d’un service (…)”.

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Il apparaît de manière incontestable que dans l’intention du législateur, il s’agissait d’améliorer la situation des consommateurs victimes d’un même manquement de la part

d’un professionnel unique en facilitant l’indemnisation de leurs préjudices, quels que soient la nature et le fondement de ce manquement.

Comme en attestent les termes de la circulaire susvisée, les pratiques commerciales trompeuses et le défaut de sécurité des produits se trouvaient naturellement au premier plan des préoccupations du législateur.

Mais ce défaut de sécurité ne saurait s’entendre au sens strict. Les dommages causés par un produit de consommation peuvent traditionnellement ouvrir droit à réparation sur plusieurs fondements distincts : les obligations spéciales de conformité et de sécurité, mais aussi, sur le terrain du droit commun, l’obligation de délivrance conforme ou encore la garantie légale des vices cachés, dont le professionnel ne peut d’aucune façon

s’exonérer.

L’on ne peut sérieusement soutenir, comme le fait la société BMW FRANCE, que la garantie légale des vices cachés, propre à sanctionner l’obligation du vendeur de délivrer au consommateur un produit conforme à sa destination et offrant toutes garanties de qualité et de sécurité, ne compterait pas parmi les obligations légales pesant sur le vendeur professionnel.

La manquement à cette obligation légale, commis au préjudice d’un groupe de consommateurs, doit de toute évidence pouvoir être sanctionné par la voie d’une action de groupe et ce, indépendamment des actions de prévention ou de rappel qui auraient été mises en oeuvre.

En l’espèce, au regard des motifs susvisés et sans qu’il y ait lieu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, le moyen développé par la société BMW FRANCE selon lequel l’action en garantie des vices cachés constituerait un régime de responsabilité spéciale, étranger à la notion de faute, ne pouvant fonder une action de groupe, sera donc écarté comme étant mal fondé.

Il est en outre rappelé que la réalisation par la société BMW FRANCE d’une campagne de rappel des produits litigieux, de nature préventive, n’est pas de nature à faire obstacle à une action en responsabilité à raison des éventuels dommages causés par les produits rappelés.

II-2. Sur l’exception d’irrecevabilité de l’action au regard de la condition tenant à

l’existence d’un groupe de consommateurs placés dans une situation similaire ou identique

La société BMW FRANCE expose que la mise en œuvre de la garantie légale des vices cachés implique un traitement personnalisé de la situation de chaque consommateur, traitement que l’action de groupe ne permet pas ; que les clients dont les dossiers sont présentés par l’association CLCV sont d’autant moins placés dans une situation similaire ou identique qu’ils relèvent de cas totalement différents ; qu’en effet,

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certains n’ont pas qualité à agir, certains ont continué à utiliser leur moto, certains réclament une indemnité pour immobilisation alors qu’ils ont refusé toute solution de mobilité, certains ont utilisé une solution de mobilité pendant la période d’immobilisation, d’autres, enfin, ont obtenu davantage que le préjudice qu’ils ont eux-mêmes estimé.

L’association CLCV rétorque que tous les véhicules BMW R 1200 RT ont fait l’objet

d’une procédure de rappel en raison du grave défaut de sécurité dont ces derniers étaient affectés les rendant tous impropres à l’usage auquel ils étaient destinés ; que la lettre circulaire adressée par la société BMW FRANCE aux acquéreurs des véhicules R1200 RT atteste que l’ensemble des acquéreurs de ces véhicules se trouvent dans une situation identique ; que les acquéreurs des motos R.1200 RT sont placés dans une situation identique, T tous acquis un véhicule doté de l’amortisseur

ESA Dynamic dont l’équipementier a indiqué qu’il ne pouvait garantir la qualité et T tous subis des préjudices individuels résultant d’un dommage matériel non réparés par la société BMW FRANCE ; que de surcroît, tous les véhicules R1200 RT étaient affectés du même vice, raison pour laquelle, tous ces véhicules ont été immobilisés jusqu’à leur réparation par le remplacement de la même pièce défectueuse les T rendus inaptes à l’usage auquel ils étaient destinés.

***

L’article L. 623-1 du code de la consommation précise et circonscrit expressément les dommages susceptibles d’être indemnisés par la voie de l’action de groupe comme étant les « préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique ».

Il s’agit d’éviter que ne soient mutualisées des actions entre consommateurs aux situations différentes et ne présentant qu’une simple analogie.

Pour autant, rien n’empêche de distinguer plusieurs catégories de consommateurs dans le groupe, celui-ci pouvant être composé de membres se trouvant dans une situation simplement similaire mais non identique. Surtout, il n’est pas nécessaire que les préjudices subis soient rigoureusement identiques.

Cette souplesse d’appréciation s’impose d’autant plus qu’au stade initial de la procédure, le groupe n’est pas composé de tous ses membres potentiels.

A cet égard, la circulaire interprétative énonce :

"Cette condition implique une similitude dans la situation de droit liant les consommateurs au(x)professionnel(s) assigné(s). Cette condition devra s’apprécier au regard du manquement reproché au professionnel (…). En revanche, le texte n’exige pas que l’ensemble des consommateurs concernés aient nécessairement tous subi des préjudices identiques ou de même nature (ex : nécessité de remplacer le bien; préjudice de jouissance, etc.).

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La loi ne distingue pas, pour l’exercice de l’action, entre les consommateurs qui n’auraient subi que l’un de ces préjudices, et ceux qui ont subi des préjudices de différentes natures ; tous peuvent donc appartenir à un même groupe".

La similitude des préjudices subis par les consommateurs doit donc s’apprécier au regard du manquement reproché au professionnel et non au regard de la nature et de l’ampleur des préjudices individuels.

Est ainsi admise l’action de groupe visant à la réparation des préjudices subis par des consommateurs T été exposés à la même publicité trompeuse, ou encore au même défaut de sécurité d’un produit, nonobstant le fait que les dommages matériels individuellement subis diffèrent dans leur étendue et leur nature.

***

En l’espèce, les consommateurs visés par la présente action de groupe sont les acquéreurs auprès de la société BMW FRANCE d’une moto modèle R1200 RT dotée d’un amortisseur ESA DYNAMIC, laquelle a fait l’objet d’une campagne de rappel de produits.

Sont produites aux débats par la demanderesse les lettres circulaires envoyées à cet égard par la société BMW notamment à M. H Y, M. I A,
M. J K, M. J B, M. L C, M. M N,
M. O P, dont les cas sont exposés au soutien de la présente action.

Les préjudices dont il est demandé réparation par l’association CLCV, pour chacun de ces consommateurs, sont les préjudices matériels individuels liés à l’immobilisation de ces véhicules, laquelle n’est pas contestée, la demanderesse estimant que cette immobilisation est directement imputable au vice caché affectant le système

d’amortissement, objet de la campagne de rappel et de remplacement.

Se trouve ainsi suffisamment caractérisée, à ce stade de la procédure, l’existence d’un même fait générateur, soit le vice caché allégué, T placé une pluralité de consommateurs dans une situation similaire et ce, nonobstant l’éventuelle diversité des préjudices subis dans leur nature et leur ampleur, qui est sans effet sur la recevabilité de l’action.

II-3. Sur l’exception d’irrecevabilité de l’action au regard de l’absence de préjudice patrimonial T pour cause commune un manquement de la société BMW

FRANCE

La société BMW FRANCE expose que les préjudices invoqués n’ont pas pour cause commune un manquement de la société BMW FRANCE à ses obligations légales ou professionnelles ; que dans la mesure où l’application de la garantie légale des vices cachés ne suppose pas un manquement du professionnel mais est fondée sur un constat objectif, les préjudices dont les acquéreurs des véhicules R 1200 RT auraient été prétendument victimes ne peuvent résulter d’un manquement de la société BMW

FRANCE ; qu’en tout état de cause, à supposer même qu’un manquement soit établi, encore faut-il que l’association CLCV apporte la preuve d’un lien de causalité entre le

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manquement allégué et les préjudices prétendument subis par les consommateurs, preuve qui n’est pas rapportée en l’espèce.

L’association CLCV rétorque que c’est en raison de l’existence du vice caché affectant

l’ensemble des véhicules R.1200 RT que ces véhicules ont été immobilisés à la demande expresse de la société BMW FRANCE jusqu’à ce que la pièce défectueuse ait fait l’objet d’un remplacement ; que l’existence des préjudices en lien avec le manquement de la société BMW FRANCE est établie du seul fait de l’immobilisation des véhicules R1200

RT.

***

Le moyen artificiellement développé par la société BMW FRANCE au soutien de son exception d’irrecevabilité tirée de l’absence de cause commune aux préjudices allégués et d’un lien de causalité, rejoint en tous points l’argumentation précédemment développée par la défenderesse au soutien de l’exception tirée de l’absence de situation similaire ou identique des consommateurs visés par la présente action et à la condition tenant à l’exigence du manquement du professionnel à une obligation légale ou contractuelle.

Il y a été d’ores et déjà suffisamment répondu par les motifs susvisés.

En toute hypothèse, il n’y a pas lieu d’apprécier, au stade de l’examen de la recevabilité de l’action, la question de la preuve du lien de causalité entre le manquement allégué et les préjudices subis, cette recherche procédant de l’examen du bien-fondé de l’action.

L’action de l’association CLCV est donc recevable au regard de l’article L. 623-1 du code de la consommation.

SUR LE FOND

I- SUR LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ BMW

FRANCE

L’association CLCV expose que son action est fondée sur la garantie légale des vices cachés, qui rend bien fondée l’action indemnitaire des acquéreurs sur le fondement des article 1641 et suivants du code civil; que l’existence d’un vice caché est un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tous moyens et non exclusivement par une expertise technique ; qu’en l’espèce, la preuve d’un vice caché affectant toutes les motos R 2100 RT équipées de l’option ESA dynamique est suffisamment rapportée par la lettre circulaire adressée aux acquéreurs de ces motos aux termes de laquelle la société BMW FRANCE a reconnu et signalé un défaut de conception et informé les destinataires concernés de la nécessité d’arrêter immédiatement l’utilisation du véhicule, le fournisseur ne pouvant garantir la qualité de l’un de ses composants ; que l’existence du vice caché, antérieur à la vente et rédhibitoire, est d’autant moins contestable que, sur

l’ensemble des véhicules R.1200 RT, la pièce défectueuse a été purement et simplement remplacée gracieusement par le concessionnaire ; que ce n’est qu’en raison du risque de rupture de la tige arrière de l’amortisseur équipant tous les véhicules R.1200 RT que

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lesdits véhicules ont été immobilisés jusqu’à ce que la pièce ait été remplacée ; que la circonstance que le vice ait été réparé ne permet pas au vendeur professionnel d’éluder

l’obligation qui lui incombe d’indemniser l’acquéreur de l’ensemble des préjudices subis

à raison de l’existence de ce vice.

La société BMW FRANCE rétorque que l’application de la garantie légale des vices cachés suppose que soit démontrée, par celui qui l’invoque, l’existence d’un vice caché précis et déterminé imputable au véhicule, antérieur à la vente et rédhibitoire ; qu’en

l’espèce, il incombe donc à l’association CLCV d’établir, au nom de chacun des acquéreurs des motos R 1200 RT présentés au soutien de son action, l’existence d’un vice rendant le véhicule impropre à son usage, le caractère caché de ce vice et son antériorité à la vente ; que l’existence d’un vice ne peut être déduite de la mise en œuvre

d’une action de rappel qui, par principe, implique une défectuosité seulement potentielle; que la campagne de rappel diligentée par la société BMW FRANCE était une action préventive qui a entraîné le remplacement systématique d’une pièce du véhicule qui pouvait s’avérer ou non défectueuse ; qu’un millier de produits rappelés n’implique pas l’existence d’un millier de produits défectueux ; que le remplacement de la pièce potentiellement défectueuse effectué à titre préventif par la société BMW FRANCE ne saurait s’analyser en une reconnaissance par cette dernière de l’existence d’un vice caché affectant l’ensemble des véhicules R 1200 RT ; qu’une action de rappel ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité d’un défaut ; qu’au contraire, le remplacement de la tige d’amortisseur des motos visait à éviter, en application du principe de précaution, tout risque de défectuosité de la pièce ; qu’il s’agissait de pallier l’éventualité d’un défaut qui pouvait ou non affecter le véhicule ; que l’association CLCV ne produit aux débats aucun élément technique probant faisant état de l’existence d’un vice caché affectant chacun des huit cas de consommateurs qu’elle présente au soutien de son action ; qu’en particulier, aucune expertise technique contradictoire n’a été effectuée ; qu’en tout état de cause, à supposer que l’existence d’un vice sur chacun des véhicules R 1200 RT soit déduite de la seule action de rappel de produits, il conviendrait de considérer que la garantie légale des vices cachés a été exécutée par la société BMW FRANCE puisque la pièce objet de l’action de rappel a été remplacée sur chacun des véhicules concernés ; qu’aucun manquement ne peut donc être reproché à la société BMW FRANCE.

***

Selon l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Il découle de l’application combinée de ce texte avec les dispositions de l’article 1353 du même code qu’il incombe au demandeur à l’action en garantie des vices cachés de rapporter la preuve de l’existence du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d’un vice :

- inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,

- présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l’usage attendu de la chose,

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- existant antérieurement à la vente, au moins en l’état de germe,

- n’étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n’étant pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même conformément à l’article 1642 du Code civil.

Cette preuve peut s’administrer par tous moyens. Néanmoins, à défaut d’expertise technique, l’existence d’un vice caché ne peut se déduire que d’un faisceau d’indices précis, graves et concordants, propre à établir de manière précise et concrète le défaut litigieux.

Si le vice caché est susceptible de fonder une action rédhibitoire ou estimatoire, il est également de nature à fonder une action indemnitaire. Il incombe alors à la victime de démontrer l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre le vice caché et le préjudice dont il est demandé réparation.

En l’espèce, la présente action de groupe a été engagée par l’association CLCV sur le seul fondement de la garantie des vices cachés et vise à obtenir l’indemnisation, au profit des consommateurs T fait l’acquisition d’une moto BMW modèle R 1200 RT équipée

d’un système d’amortissement ESA dynamique, de leurs préjudices matériels lié à l’immobilisation de leur véhicule.

L’association CLCV estime que la campagne de rappel de ces motos, et le remplacement gracieux par le constructeur de l’élément d’équipement concerné, suffisent à faire la preuve de l’existence d’un vice caché à l’origine de la privation de jouissance dont il est demandé réparation.

L’examen de ces éléments de preuve révèle les faits suivants.

Le 12 juin 2014, la société BMW FRANCE adressait à ses clients, propriétaires des motos R 1200 RT avec option ESA dynamique, une lettre circulaire rédigée dans ces termes :

"Notre maison mère nous informe de la nécessité d’arrêter immédiatement

l’utilisation de votre R 1200 RT équipée de l’option ESA dynamique.

En effet, le fournisseur de cet équipement ne peut garantir la qualité de cet amortisseur arrière qui équipe votre BMW, une rupture de la tige de l’amortisseur pouvant survenir. Notre usine investigue actuellement le sujet mais le principe de précaution impose l’arrêt de votre moto en attendant les premiers retours techniques.

Nous sommes très sincèrement désolés de cette situation et mettons tout en oeuvre pour trouver le plus rapidement possible une solution pérenne. »

Aux termes de ce courrier, la société BMW FRANCE faisait état d’une suspicion d’un défaut de sécurité affectant l’un des éléments de ses motos R 1200 RT, en l’espèce

l’amortisseur arrière, et de la nécessité subséquente d’immobiliser les véhicules concernés par « précaution », soit à titre expressément préventif, dans l’attente de plus amples investigations techniques.

Une deuxième lettre circulaire était envoyée aux consommateurs le 19 juin 2014, indiquant que les ingénieurs de la société BMW FRANCE, en partenariat avec le

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fournisseur d’amortisseurs, poursuivaient leurs investigations quant à cette suspicion d’un défaut de sécurité et invitait chacun des consommateurs concernés à se rapprocher de son concessionnaire pour envisager des solutions de compensation : chaque 66

situation étant différente, dans l’attente d’une solution de résolution de ce problème technique, nous avons proposé à notre réseau de Concessionnaires un panel de solutions visant à assurer votre satisfaction que ce soit en assurant votre mobilité ou en vous proposant des solutions alternatives".

Enfin, le 12 juillet 2014, une troisième lettre circulaire était adressée aux consommateurs concernés dans ces termes :

"Comme évoqué par téléphone, notre maison mère nous a confirmé la nécessité de remplacer le module d’amortisseur ESA de votre moto. Les pièces nécessaires à cette intervention seront livrées à partir du 18 août 2014 auprès des membres de notre réseau BMW Motorrad.

Nous vous invitons à rester en contact avec votre concessionnaire afin d’organiser un rendez-vous dès que possible de la pièce.

Votre concessionnaire et notre service Relations Clientèle restent à votre disposition pour finaliser une solution de mobilité si vous n’en bénéficiez pas encore."

Aux termes de ce courrier, le remplacement de la pièce suspectée de défectuosité était préconisé par la société BMW FRANCE et mis en oeuvre par ses concessionnaires.

Il ressort de ces éléments de preuve que :

- la suspicion d’un défaut de qualité affectant un élément d’équipement des motos R

1200 RT avec système ESA dynamique commercialisée par la société BMW FRANCE a justifié la mise en oeuvre d’une action préventive de rappel de ces produits, par laquelle les consommateurs étaient invités à immobiliser leur véhicule,

- par la suite, la société BMW a fait procéder au remplacement de l’élément en cause sur

l’ensemble des motos R 1200 RT. La nécessité de ce remplacement, annoncé dans la dernière lettre circulaire, s’inscrit dans la continuité de l’action de prévention mise en oeuvre par la société BMW. Elle ne constitue d’aucune façon la reconnaissance d’un défaut caché d’une gravité telle qu’il rende le bien impropre à sa destination.

Les actions d’immobilisations et de remplacement mises en oeuvre par la société BMW

FRANCE témoignent donc de l’accomplissement par cette dernière des obligations édictées par le code de la consommation en matière de sécurité des produits, en particulier l’article L. 423-2 du code de la consommation qui impose au professionnel de rappeler ou retirer de la vente des produits susceptibles de ne pas offrir au consommateur la sécurité attendue.

En l’absence d’aucune expertise, ni document technique d’aucune sorte produit aux débats par la demanderesse, ces actions strictement préventives ne sont pas de nature à établir à elles seules l’existence du défaut suspecté, ni d’un vice caché au sens de l’article

1641 du code civil, affectant le véhicule de l’un des consommateurs visés à la présente action.

Il convient de relever que dans les précédents jurisprudentiels produits par l’association

CLCV à l’appui de son argumentation selon laquelle l’existence d’un vice caché pourrait

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se déduire exclusivement d’une campagne de rappel, d’une part, un accident en lien avec le vice allégué s’était produit, de sorte que le risque litigieux s’était réalisé, et, d’autre part, une expertise technique avait été produite aux débats, propre à fournir aux juges tous les éléments techniques nécessaires pour apprécier l’existence et la nature du vice.

Tel n’est pas le cas en l’espèce :

L’association CLCV ne fait état, à aucun endroit dans ses écritures, de la survenue d’un accident, voire d’un simple dysfonctionnement, en lien avec le vice qu’elle allègue.

Le tribunal ne dispose par ailleurs d’aucune explication technique propre à l’éclairer sur la nature de la défectuosité alléguée et le mettre en mesure d’apprécier la caréctarisation

d’un vice caché au regard des dispositions de l’article 1641 du code civil.

L’association CLCV succombe ainsi dans l’administration de la preuve qui lui incombe de l’existence d’un vice caché au sens de l’article 1641 du code civil.

Au surplus et en tout état de cause, la preuve d’un lien de causalité direct et certain entre le vice caché allégué et les préjudices dont il est demandé réparation, qu’il revient également à la demanderesse de rapporter, fait manifestement défaut.

Il ressort en effet des éléments du débat que l’action de l’association CLCV tend exclusivement à obtenir réparation des préjudices liés à l’immobilisation des motos. Or cette immobilisation résulte de manière directe et certaine de la seule campagne de rappel et de remplacement mise en oeuvre par société BMW FRANCE à titre préventif.

Sous couvert d’une action en réparation des dommages consécutifs à un vice caché, la présente action tend donc à obtenir la réparation du préjudice occasionné par la campagne de rappel et de remplacement mise en oeuvre par la société BMW FRANCE.

Une telle action ne peut prospérer, sauf pour le demandeur à rapporter la preuve d’une faute du professionnel dans la mise en oeuvre de ces actions. Cette faute n’est ni démontrée, ni même alléguée par l’association CLCV dans le cadre de la présente action exclusivement fondée sur l’article 1641 du code civil.

Dans ces conditions, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les préjudices individuels rapportés par l’association CLCV, ni de statuer sur la demande tendant à voir écarter des débats les pièces produites par la société BMW FRANCE, qui ne fondent pas la présente décision, l’association CLCV sera déboutée de ses demandes.

II- SUR LES AUTRES DEMANDES

L’association CLCV qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.

S’agissant des frais de procédure exposés et non compris dans les dépens, l’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

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En l’espèce, en équité, l’association CLCV sera condamnée à verser à la société BMW

FRANCE la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu du sens de la présente décision, l’exécution provisoire n’apparaît pas nécessaire.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et publiquement par mise à disposition au greffe,

REJETTE les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d’intérêt à agir de l’association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE,

REJETTE l’exception tirée du défaut de pouvoir de représentation de Mme Q-R

D,

REJETTE les exceptions d’irrecevabilité de l’action au regard des conditions de l’article L. 623-1 du code de la consommation,

En conséquence,

DÉCLARE recevable l’association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE en son action,

L'en DÉBOUTE purement et simplement,

CONDAMNEl’association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE aux

entiers dépens,

CONDAMNE l’association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE à payer à la société BMW FRANCE la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile;

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 JUIN 2020 par Madame LERBRET, Vice-Présidente, assistée de Madame SALEFRAN, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

La greffière, La présidente,

Julefan

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Tribunal Judiciaire de Versailles, 4 juin 2020, n° 15/10221