Proposition de loi ordinaire cadre pour la refondation de la politique dédiée à l’enfance en matière de santé mentale et de psychiatrie

En discussion
Dépôt, 16 janvier 2023

Sur le projet de loi

Dépôt du projet de loi : 16 janvier 2023
Nombre d'étape : 1 étape
Articles au dépôt : 12 articles

Document parlementaire1


Mesdames, Messieurs, Alors qu'entre deux et trois millions de jeunes Françaises et Français de moins de 19 ans souffrent de troubles mentaux, seulement 700 pédopsychiatres exercent en France. Ce manque de moyens pour garantir la santé mentale de la population se traduit par des délais d'attente pour une prise en charge allant jusqu'à 18 mois, voire 2 ans dans certains territoires particulièrement déficitaires en offre, et par le suivi de seulement 700 000 à 900 000 enfants et adolescents au total. La crise sanitaire a eu un effet d'aggravation de la santé mentale, en particulier chez les … 

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Texte du document

La présente loi, avec la volonté et l'ambition de répondre au constat préoccupant d'une santé mentale en dégradation de la population française, fixe les objectifs et définit le cadre d'action de la politique en santé mentale et psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, pour une dynamique de secteur élargie.
Les politiques publiques doivent promouvoir la santé mentale des enfants et adolescents comme une problématique de santé publique.
L'État se fixe comme objectifs :
1° Que tout nourrisson, enfant ou adolescent jusqu'à ses 18 ans puisse bénéficier sans attendre des conditions pour retrouver un état de bien-être psychique lui permettant de s'épanouir dans son développement, et de bénéficier des soins psychiques nécessaires, sur un mode ambulatoire en priorité, ou via une hospitalisation au besoin. Ces conditions recouvrent :
a) Le repérage et le dépistage, dans une logique de prévention primaire des troubles mentaux, avec une attention particulière à la prévention du suicide ;
b) Le bilan diagnostic de santé mentale dans ses dimensions clinique, psychopathologique, comportementale, situationnelle et systémique ;
c) Les soins les plus précoces possibles, personnalisés, ajustés à la singularité des troubles de chaque enfant et adolescent, appropriés en termes d'intensité, de diversité et de pluridisciplinarité ;
d) Le traitement en urgence dans certains contextes comme celui du risque suicidaire ;
2° La réduction des délais d'attente pour bénéficier des conditions mentionnées au 1°, en particulier pour bénéficier des soins nécessaires ;
3° Que ces dispositifs et soins puissent être facilement accessibles sur l'ensemble du territoire français, à proximité des lieux de vie, et lisibles ; qu'ils s'inscrivent dans la continuité des dispositifs ou soins précédents et dans la cohérence du parcours de vie ;
4° De garantir, tout au long du parcours de soin, l'intensité et la gradation du suivi en fonction de l'évolution des troubles de l'enfant et de l'adolescent ;
5° D'œuvrer à la déstigmatisation des troubles mentaux et à la promotion de la santé mentale dans la société et les médias afin de désenclaver cette problématique de santé publique.

Pour atteindre les objectifs mentionnés à l'article 1er de la présente loi, l'État adopte, avant le 31 juillet de l'année suivant la promulgation de la même loi, un plan décennal pour la santé mentale et la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, présentant une refondation organisationnelle et dynamique ainsi qu'une programmation budgétaire des investissements nécessaires.
La refondation organisationnelle et dynamique de la santé mentale et la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent s'appuie sur le modèle français du secteur défini par la circulaire n° 72-443 du 16 mars 1972. Le secteur est un socle théoriquement pertinent en raison de l'échelle populationnelle du bassin de vie qu'il dessert, en raison de la qualité du service qu'il rend à la population via la coopération, la concertation, la co-construction, la coordination humaine entre professionnels et institutions mais aussi entre familles et professionnels, et en raison des impératifs d'accessibilité, de proximité, de continuité des soins et de prévention qu'il promeut. La dynamique de secteur place la dimension relationnelle, personnelle et humaine au centre du soin.
1° Le plan décennal doit contenir des mesures d'amélioration sur les axes suivants :
a) Élargir la dynamique de secteur à tous les acteurs et structures de la santé mentale et de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, qu'ils soient du domaine sanitaire ou médico-social, qu'ils soient publics ou privés sans marchandisation du service rendu ; Ces secteurs agissent à l'échelle de bassins de vie d'environ 200 000 habitants.
b) Clarifier ce qui relève de l'échelle plus large des territoires de santé, dans une dynamique de projets et partenariats larges inscrits dans les projets territoriaux de santé mentale définis à l'article L. 3221-2 du code de la santé publique, et ce qui relève de l'échelle de secteur, dans une dynamique du quotidien centrée sur la personne et son parcours avec tous les acteurs de terrain ;
c) Réduire les inégalités territoriales d'accès à la santé mentale des enfants et adolescents ;
d) Réserver une partie de l'offre en santé mentale et en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent aux enfants protégés ou à protéger en collaboration privilégiée avec les services de protection de l'enfance ;
e) Réviser, là où c'est nécessaire en raison de l'évolution démographique des cinquante dernières années, le découpage géographique des secteurs de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ;
f) Étoffer l'articulation et la coordination nécessaire entre les différents champs de l'enfance pour un travail en réseau sur la santé mentale et la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, notamment entre le niveau secondaire des soins tel que rappelé dans la circulaire n° 72-443 du 16 mars 1972 et le niveau primaire des services de santé scolaire, de la protection maternelle et infantile, de l'aide sociale à l'enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse ;
g) Renforcer la coopération et la coordination avec la pédiatrie ambulatoire et hospitalière ;
h) Renforcer la place pivot des centres médico-psychologiques et centres médico-psycho-pédagogiques dans le modèle français de secteur élargi, vis-à-vis de toutes les structures existantes sanitaires et médico-sociales ;
i) Favoriser, en clarifiant l'architecture générale de la dynamique de secteur, une flexibilité suffisante dans les organisations locales permettant une adaptation du secteur au contexte socio-territorial, au besoin via des dispositifs innovants ;
j) Favoriser les dispositifs et partenariats trans-sectoriels au sein des territoires de santé et des départements ;
k) Favoriser les articulations entre le champ de la santé mentale et de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent avec celui du handicap ;
l) Soutenir la transition vers les services de psychiatrie adulte, quand elle est indiquée ;
m) Améliorer et fluidifier la transition vers les équipes de psychiatrie adulte quand c'est indiqué ;
n) Développer des dispositifs participatifs dans le travail avec les familles ;
o) Développer la pair-aidance ;
p) Favoriser la stabilité des référents et des liens de confiance dans le parcours du patient.
2° Le plan décennal doit contenir une programmation budgétaire visant à augmenter de deux milliards d'euros par an, dans les dix ans à compter de la promulgation de la présente loi, les investissements de l'État pour la politique de santé mentale et de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, en priorisant les territoires où le déficit d'offre et la file active sont les plus importants. Ces moyens supplémentaires doivent permettre, au-delà de la refondation organisationnelle de la santé mentale et de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, une densification massive de l'offre de soin sur le territoire via :
a) Le doublement en dix ans du nombre de pédopsychiatres et personnels travaillant au service de la santé mentale et de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ;
b) Le doublement en dix ans du nombre de centres médico-psychologiques et centres médico-psycho-pédagogiques ;
c) Le renforcement des moyens de chaque centre médico-psychologique et centre médico-psycho-pédagogique en termes de personnels, de formations, de conditions de travail, de locaux, d'approches plurielles au service de la personnalisation des soins ;
d) Le renforcement des capacités d'hospitalisation en les augmentant en dix ans de 50 % pour les moins de 10 ans en en les doublant pour les plus de dix ans ;
e) La création d'équipes mobiles adossées aux centres médico-psychologiques et centres médico-psycho-pédagogiques, pour le développement des visites à domicile et de l'aller-vers ;
f) La création de centres d'accueil thérapeutique à temps partiel, d'hôpitaux de jours et d'unités hyperspécialisées pour des troubles ou des âges spécifiques, adossés aux pivots que sont les centres médico-psychologiques ;
g) La poursuite de la densification de l'offre en psychiatrie périnatale ;
h) Le triplement du nombre de professeurs des universités et des universitaires en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ;
i) La création de places et de structures en aval de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, notamment dans les instituts médico-éducatifs ;
j) L'augmentation de moyens pour les besoins spécifiques en soins en santé mentale dans le champ de la protection de l'enfance ;
k) L'intensification de la recherche, notamment clinique et fondamentale, en santé mentale et psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ;
l) Le triplement des moyens de formation continue, notamment pour l'application des recommandations de bonne pratique.

Un observatoire de la santé mentale et de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, organisme indépendant placé auprès du Premier ministre, est créé pour pallier le manque de données sur l'état de santé mentale des enfants et adolescents français. Cet observatoire :
1° Est constitué de façon représentative des organisations officielles des professionnels et des familles ;
2° Est chargé de publier une évaluation annuelle de la politique en santé mentale et psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent en France au regard notamment du plan décennal mentionné à l'article 2 de la présente loi ;
3° Dresse des estimations des files actives et des offres de psychiatrie de l'enfant dans tous les départements ;
4° Émet des recommandations pour orienter et améliorer la politique de santé mentale de l'enfant et de l'adolescent et la dynamique de secteur élargie ;
5° Soutient la recherche en épidémiologie psychiatrique en acquérant une connaissance plus fine de la population des mineurs touchés par des troubles psychiatriques.
Ses modalités d'organisation sont définies par un décret en Conseil d'État.