Cour d'appel de Paris, 12 juin 2014, n° 11/08179

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 12 juin 2014, n° 11/08179
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/08179
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 28 avril 2011, N° 09/16697

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRÊT DU 12 Juin 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/08179

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Avril 2011 par le Conseil de Prud’hommes de PARIS – RG n° 09/16697

APPELANT

Monsieur F Z

XXX

non comparant, représenté par Me Philippe TROUCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0084 substitué par Me D CHAUVE METAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1964

INTIMEE

SA OPTIMUM VIE

XXX

représentée par Me Hubert D’ALVERNY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532 substitué par Me Célia DUFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame D E, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame B C, Conseillère

Madame D E, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’appel régulièrement interjeté par M. F Z à l’encontre d’un jugement prononcé le 29 avril 2011 par le conseil de prud’hommes de Paris ayant statué sur le litige qui l’oppose à la société OPTIMUM VIE sur ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui

— a débouté M. F Z de toutes ses demandes,

— a débouté la société OPTIMUM VIE de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

— a condamné M. Z aux dépens.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l’audience aux termes desquelles :

M. F Z, appelant, poursuivant l’infirmation du jugement déféré, demande à la cour de condamner la société OPTIMUM VIE à lui payer les sommes suivantes :

—  88 600 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  22 150 € à titre de dommages-intérêts pour absence de contrepartie financière à la clause de non concurrence,

—  3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société OPTIMUM VIE, intimée, conclut à la confirmation du jugement, au débouté de M. Z de l’ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Suivant lettre d’engagement en date du 7 juillet 2005, M. Z a été engagé par la société OPTIMUM VIE pour une durée indéterminée à compter du 1er septembre 2005 en qualité de délégué régional.

La société OPTIMUM VIE, filiale française du groupe financier OPTIMUM, est une société d’assurance vie dont l’activité principale consiste à proposer des contrats liés à des fonds d’investissement, de capitalisation, d’épargne et de retraite, ainsi que des produits traditionnels de prévoyance.

La convention collective nationale de l’inspection d’assurance du 27 juillet 1992 est applicable.

En dernier lieu, la rémunération brute mensuelle de M. Z s’élevait à 3 400 €.

Le 4 mai 2009, la société OPTIMUM VIE convoquait M. Z pour le 18 mai 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Cette mesure était prononcée par lettre du 11 juin 2009 pour motif économique.

Le 5 juin 2009, M. Z acceptait la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été proposée.

Le 22 décembre 2009, il saisissait le conseil de prud’hommes.

SUR CE

Sur le licenciement

Sur la régularité du licenciement

M. Z argue qu’en présence d’un licenciement collectif pour motif économique, la société OPTIMUM VIE a méconnu son obligation de consulter les représentants du personnel ; qu’il convient de vérifier la régularité du procès-verbal de carence qui est produit et de celle de son dépôt.

Il est constant que la société OPTIMUM VIE , qui employait moins de 50 salariés, a procédé au licenciement pour motif économique de trois salariés dans la même période de 30 jours et qu’elle se trouvait par conséquent soumise à l’obligation, prévue à l’article L. 1233-8 du code du travail, de consulter les délégués du personnel.

La société OPTIMUM VIE produit aux débats un procès-verbal de carence en date du 12 octobre 2007, établi à l’issue d’élections organisées les 28 septembre et 12 octobre 2007. Elle justifie avoir adressé ce procès-verbal de carence à l’inspection du travail par courrier RAR en date du 16 octobre 2007.

Dans ces conditions, l’irrégularité alléguée n’est pas caractérisée.

Sur la qualification du licenciement

Pour soutenir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, M. Z fait valoir que la société OPTIMUM VIE ne justifie pas que la réorganisation invoquée dans la lettre de licenciement était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise et du groupe ; que le seul motif du licenciement était la volonté de l’employeur d’améliorer ses marges ; que les résultats de l’entreprise comme celles du groupe d’envergure internationale auquel elle appartient étaient bénéficiaires ; que la lettre de licenciement indique que l’activité est maintenue mais qu’elle sera désormais assurée en recourant au mailing, au suivi téléphonique et aux nouvelles technologies ; que l’employeur a failli dans son obligation d’assurer l’adaptation du salarié aux évolutions de son emploi et des nouvelles technologies ; qu’en outre, la société OPTIMUM VIE a manqué à son obligation de reclassement ; qu’à l’époque du licenciement collectif (entre avril et septembre 2009), l’entreprise a procédé à sept embauches, dont celle d’un assistant commercial ; que ce poste ne lui a pas été proposé.

La société OPTIMUM VIE répond qu’à compter de 2007, le secteur des assurances a subi un profond bouleversement lié au recul de la collecte de l’assurance vie ; que la crise de 2008 a été fortement ressentie ; que pour les année 2008 et 2009, son chiffre d’affaires a connu une baisse très importante ; qu’elle a par ailleurs enregistré une forte baisse des affaires nouvelles ; qu’elle a ainsi été contrainte de prendre des mesures de réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité ; que dans ce cadre, elle a décidé de mettre un terme aux contrats de travail de ses délégués régionaux afin de concentrer ses actions commerciales depuis son siège social et de s’adapter aux nouvelles technologies ; que sur ses quatre délégués commerciaux régionaux, trois ont été licenciés, dont M. Z ; que la période d’essai du quatrième n’a pas été jugée concluante ; qu’elle a tenté en vain de reclasser M. Z en interne comme au sein du groupe et même au sein d’entités externes ; que deux de ses partenaires ont ainsi souhaité rencontrer M. Z qui n’a pas donné suite.

En vertu de l’article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé, sur des emplois relevant de la même catégorie que celui occupé ou sur des emplois équivalents, et à défaut sur des emplois de catégorie inférieure, ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient.

La recherche de reclassement doit s’apprécier au sein de la société ou à l’intérieur du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

En l’occurrence, les pièces versées par l’employeur montrent qu’il a, le 15 mai 2009, interrogé sa holding OPTIMUM RE INC., en la personne de M. A, sur l’existence de possibilités de reclassement pour M. Z et que M. A a contacté, le 18 mai, la filiale OPTIMUM RE INSURANCE COMPANY (M. X) située à Dallas qui a répond le jour même qu’il n’y avait pas actuellement de disponibilité pour des postes de délégués commerciaux, puis, le 19 mai, une autre société holding, la société OPTIMUM GENERAL INC. (Mme Y), intervenant dans le secteur de l’assurance de dommages.

Ces démarches ne peuvent être jugées satisfaisantes dès lors que la réponse de la société OPTIMUM GENERAL INC. n’est pas fournie et que l’organigramme du groupe produit par l’employeur (sa pièce 22) révèle l’existence d’autres filiales opérant dans les secteurs de la réassurance vie ou des services financiers – notamment, la société OPTIMUM GESTION FINANCIERE installée en France – qui n’ont pas été interrogées.

Dans ces conditions, il ne peut être retenu que l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement qui lui imposait de rechercher sérieusement et loyalement des solutions de reclassement, y compris pour des emplois équivalents ou de catégorie inférieure, ni qu’il s’est trouvé effectivement dans l’impossibilité de reclasser M. Z ainsi qu’il est indiqué dans la lettre de licenciement.

Les contacts pris par l’employeur auprès de trois partenaires extérieurs, dont aucun n’a adressé une proposition écrite et précise au salarié, l’Union des Courtiers VIE ET SANTE ayant fait connaître à la société OPTIMUM VIE qu’il n’était en mesure de proposer qu’un poste de mandataire indépendant, ne peuvent suppléer au manquement dans l’obligation essentielle de rechercher un reclassement en interne.

Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner le surplus de l’argumentation, relatif à la nécessité de procéder à une réorganisation de l’entreprise entraînant la suppression du poste de M. Z, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré doit être infirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, de l’ancienneté de M. Z au moment de la rupture (près de quatre ans), de son âge à ce même moment (50 ans), de sa rémunération, des circonstances de la rupture et de ses conséquences, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies révélant notamment que M. Z a sollicité le bénéfice d’allocations de chômage avant de retrouver un emploi en contrat à durée indéterminé à temps partiel en janvier 2010 qu’il n’a conservé que quinze jours avant de créer une société de courtage en juillet 2011, il y a lieu d’allouer au salarié la somme de 27 200 € sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Sur la clause de non concurrence

M. Z soutient que le contrat de travail contenait une clause de non concurrence d’une durée de 12 mois, sans contrepartie financière ; que l’employeur ne pouvait renoncer unilatéralement à l’application de cette clause au moment de la rupture ; que lui-même a respecté cette clause ; que son préjudice résultant de la clause illicite doit être réparé par l’allocation d’une indemnité égale à 50 % du salaire brut mensuel.

La société OPTIMUM VIE objecte que la demande de M. Z est sans objet dans la mesure où, pour la période s’ouvrant à la rupture du contrat de travail, la clause renvoie à la convention collective qui, dans son article 69, ne vise que la concurrence déloyale dont l’interdiction n’a pas à donner lieu à indemnisation du salarié ; qu’en tout état de cause, M. Z a recherché un nouvel emploi sans se considérer lié par une interdiction de concurrence.

La lettre d’engagement contient une « clause de confidentialité et de non concurrence » par laquelle M. Z s’engageait notamment à ne pas s’intéresser, directement ou indirectement, pendant la durée du contrat et pendant une durée de 12 mois à compter de sa cessation, conformément à l’article 69 de la convention collective, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, pour son compte ou pour le compte de tiers, à des activités concurrentes à celle de son employeur.

Cette clause qui avait pour objet d’interdire au salarié d’exercer une activité professionnelle concurrente après la rupture du contrat de travail constitue une clause de non concurrence. Elle est illicite dans la mesure où elle ne comporte pas de contrepartie financière.

Cependant, contrairement à ce que soutient M. Z, en l’absence de disposition contraire de la convention collective, l’employeur avait la faculté au moment de la rupture de le délier unilatéralement de son obligation, ce qu’il a fait puisque la lettre de licenciement indique expressément : « Nous vous indiquons (…) que la société OPTIMUM VIE renonce à appliquer à votre encontre toute obligation de non concurrence ».

Dans ces conditions, M. Z ne peut invoquer un quelconque préjudice résultant de la clause illicite et doit être débouté de sa demande.

Sur les intérêts

Les dommages et intérêts alloués par le présent arrêt produiront des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance.

Sur le remboursement des indemnités de chômage à P LE EMPLOI

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par la société OPTIMUM VIE à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié à compter du licenciement et ce, dans la limite de six mois d’indemnité de chômage.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Débitrice du salarié, la société OPTIMUM VIE sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société OPTIMUM VIE au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. Z peut être équitablement fixée à 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré si ce n’est en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. Z, prononcé pour motif économique, ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société OPTIMUM VIE à payer à M. Z la somme de 27 200 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance,

Déboute M. Z de sa demande au titre de la clause de non concurrence illicite,

Ordonne d’office le remboursement par la société OPTIMUM VIE à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié à compter du licenciement et ce, dans la limite de six mois d’indemnité de chômage,

Condamne la société OPTIMUM VIE aux dépens de première instance et d’appel et au paiement à M. Z de la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Paris, 12 juin 2014, n° 11/08179